LA CENA, UN RÉGULATEUR ÉLECTORAL TRÈS PEU CONNU DES SÉNÉGALAIS

Après avoir servi plusieurs années dans cette institution dénommée Commission électorale nationale autonome (Cena), il m’a semblé nécessaire de prendre ma plume d’écrivain, afin de rappeler à mes compatriotes le rôle de la Cena dans le système démocratique sénégalais.
Cette initiative me semble nécessaire dans la mesure où, la majorité des Sénégalais n’entendent parler de la Cena qu’en période préélectorale et lors des élections. Ainsi, une bonne partie de mes compatriotes confondent la «Cena» et le«Sénat».
Je voudrais rappeler que dans un passé récent, il appartenait au pouvoir exécutif, parfois partisan, d’organiser et de gérer seul, les élections dans la plupart des pays d’Afrique. Ainsi, le scrutin n’était libre que dans la mesure où le permettaient le pluralisme relatif des partis politiques et le degré d’indépendance et de liberté des médias.
Ce n’est qu’avec l’instauration des Organismes de gestion des élections (Oge) et des Organisations de la société civile pour les élections qui ont été chargés de la supervision et du contrôle des scrutins, que les ministères chargés des élections et les autorités locales ont appris à organiser des scrutins libres, fiables, démocratiques et apaisés.
Au Sénégal, l’Organisme de gestion des élections (Oge) que constitue la Cena, est une structure permanente, dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. Elle contrôle et supervise l’ensemble des opérations électorales et référendaires au Sénégal.
La Cena a été créée par la Loi 200507 de mai 2005. Elle est chargée de veiller, en particulier, à la bonne organisation matérielle des opérations électorales et d’apporter les correctifs nécessaires à tout dysfonctionnement constaté.
Elle fait respecter la loi électorale de manière à assurer la régularité, la transparence, la sincérité des scrutins en garantissant aux électeurs et aux candidats en présence, le libre exercice de leurs droits.
La Cena comprend douze membres nommés par décret. Ils sont choisis parmi les personnalités indépendantes exclusivement de nationalité sénégalaise connues pour leur intégrité morale, leur honnêteté intellectuelle, leur neutralité et leur impartialité.
Les membres de la Cena prêtent le serment suivant devant le Conseil constitutionnel : « Je jure d’accomplir ma mission avec impartialité, de ne me laisser influencer ni par l’intérêt personnel présent ou futur, ni par une pression d’aucune sorte. Dans mon appréciation, je n’aurai pour guide que la loi, la justice et l’équité. Je m’engage à l’obligation de réserve et au secret des délibérations, même après la cessation de mes activités ».
Au niveau de chaque Département et pour toutes les opérations électorales et référendaires, la Cena est représentée par une Commission électorale départementale autonome (Ceda).
Celle-ci comprend cinq (05) membres nommés par le Président de la Cena, parmi les personnalités indépendantes du département, de nationalité sénégalaise, connues pour leur intégrité morale, leur honnêteté intellectuelle, leur neutralité et leur impartialité après approbation de l’Assemblée générale.
En nous fondant sur l’expérience acquise dans les pays de démocratie, il est établi qu’il est toujours risqué de s’aventurer à négliger le rôle éminemment important des Organismes de gestion des élections (Oge) comme la Cena, durant les périodes séparant les différents scrutins.
En effet, en dépit du relâchement de l’attention et de la pression populaires, les Oge ont l’obligation de continuer à collaborer avec les structures chargées de l’administration électorale et les acteurs politiques, dans le sens de renforcer durablement les règles et principes de bonne pratique électorale.
Ce principe a été fortement rappelé par Torquato JARDIM membre du Tribunal électoral du Brésil dans son ouvrage intitulé : Direito Eleitoral Positivo : «Dans un pays de démocratie où règne un système de libertés civiles qui dicte les activités de l’État, il existe rarement une fonction qui, si elle est accomplie incorrectement ou insuffisamment, peut blesser autant de personnes de façon aussi profonde, que celle d’administrer le processus électoral. »
L’expert électoral T. JARDIM a vu juste. En effet, la surveillance non partisane du processus électoral et qui correspond à celle pratiquée par la Cena en collaboration avec la Direction générale des Élections et les organisations de la Société civile a produit des impacts positifs notables sur les scrutins des années électorales passées:
Les exemples suivants pourraient être cités :
Droit d’exercer le devoir civique de vote à égalité avec les autres citoyens avec le bénéfice du même poids électoral pour tous ; Garantie du droit de vote à bulletin secret ;
Égale opportunité de faire acte de candidature ; Droit de vote sans discrimination ; Droit de création d’alliances de partis politiques ;
Libre opinion politique sans interférence ou intimidation ; Droit de recevoir des informations électorales impartiales ;
Libre circulation des candidats à travers le pays pour les besoins de la campagne ; La tenue d’élections libres, transparentes, démocratiques, fiables et apaisées.
En plus de ces résultats, la Cena mène tout le long de l’année, les activités suivantes qui constituent le cycle électoral:
La Cena est soumise aux exigences du « Cycle électoral » et non à celle d’une journée d’élection ponctuelle;
Les fonctions d’un OGE comme la CENA ne sont ni parcellaires, ni intermittentes. Elles s’inscrivent dans la continuité du cycle électoral ;
La Cena assure le suivi et l’analyse de l’actualité politique dans le cadre de ses réunions statutaires;
La Cena est tenue d’élaborer des rapports périodiques qu’elle transmet au Chef de l’État avant de les porter à la connaissance du public.
La Cena collabore avec les autres Cena et Ceni dans le cadre de l’Union africaine et de la Cedeao;
La Cena participe régulièrement à l’observation des élections dans les pays de l’Union africaine (UA) et de la Cedeao ;
La Cena a participé à l’observation des élections aux États-Unis, en Algérie, en Jordanie et à New Delhi ;
La Cena est membre du Réseau des commissions électorales de l’Afrique de l’Ouest (Resao) ;
La sensibilisation des Sénégalais de l’extérieur pour les inciter à participer massivement aux scrutins organisés à l’étranger est une autre mission de la Cena;
La Cena participe à la campagne de sensibilisation pendant les périodes préélectorales, électorales et postélectorales ;
Organisation de sessions de formation destinées aux membres de la Cena et aux superviseurs et contrôleurs des 45 Ceda du pays;
Participation aux opérations de révisions exceptionnelles des listes électorales et suivi de l’évolution du fichier électoral;
Participation à l’amélioration normative du Code électorale ;
Installation des Délégations Extérieurs de la Cena (Decena dans la diaspora sénégalaise.
Lors de la remise du Rapport annuel en juillet 2012, ce rôle éminemment important de la Cena a été souligné par le président Macky SALL, en ses termes :
« Il me faut relever, pour m’en féliciter, la vigilance de la Cena pour avoir scrupuleusement veillé au respect des nouvelles dispositions constitutionnelles introduites dans l’élection représentative. Je ne peux m’empêcher d’ailleurs de saluer cette abnégation et cet engagement des membres de la Cena et ses démembrements.
Je puis vous assurer que les difficultés financières que vous avez rencontrées seront étudiées, avec la plus grande attention, par le gouvernement.
Mieux encore, je veillerai à ce que le gouvernement dote la Cena, en tant qu’organe central dans le processus électoral, des moyens adéquats, en temps utile, pour qu’elle soit moins confrontée à des contraintes de tout genre ».
Cette importante déclaration du Chef de l’État dans le sens du renforcement des moyens de la Cena vient d’être réaffirmée par la Cedeao dans le cadre du Resao. En effet, la Cedeao a recommandé aux états membres de faire de leurs Oge des structures pérennes.
C’est ainsi que le Bénin a immédiatement appliqué cette recommandation. Je voudrais terminer en saluant le noble rôle de régulateur électoral de la Cena et de ses démembrements. Cette haute mission comporte une lourde responsabilité individuelle et collective.
Elle comporte de hauts risques professionnels. En conséquence, il est devenu nécessaire d’élargir les compétences de cette institution de démocratie et de paix, tout en renforçant significativement ses moyens matériels et juridiques.