LE QUOTIDIEN INFERNAL D’UNE MERE D’EMIGRE
KAOLACK / RESTEE SANS NOUVELLE DE SON FILS UNIQUE DEPUIS DIX ANS

Triste histoire ! A la fois passionnante et émouvante. Le sort qui s’est abattu sur la famille Diop du quartier Léona à Kaolack continue de défrayer la chronique dans tout le voisinage. Bientôt une vingtaine d’années, le mystère qui plane sur la disparition du jeune B.D suscite encore beaucoup d’interrogations au sein de sa famille qui l’a vu naître, grandir, ainsi que dans tous les milieux où il était connu.
Le jeune homme qui était parti à l’aube de l’an 2000 à l’aventure vers de nouvelles prairies plus fournies, n’a jamais su qu’il allait laisser derrière lui une famille meurtrie, bouleversée et une mère prête à tout pour garder ses sens, son moral, mais surtout retrouver son fils unique, perdu quelque part dans le monde. Celui-ci depuis sa disparition, pardon son départ, n’a jamais fait signe de vie. Il n’a ni écrit, ni appelé sa femme, ou sa maman, une veuve qui n’a que lui comme enfant.
Marié et père de deux garçons, le jeune émigré sénégalais, «perdu» quelque part dans le monde, ne sait même pas que son mariage a été finalement rompu par sa propre famille après plusieurs années passées sans aucune nouvelle de lui. Ces parents voulaient, à travers cet acte, se plier à certaines exigences et recommandations de la religion musulmane pour par rapport à cette union. Le mariage cassé, sa femme F.D est déjà retournée chez ses parents. Mieux, elle savoure son second mariage: elle a eu un autre enfant.
Surprise dans cette concession familiale en train de remettre de l’ordre dans la petite pièce qu’occupait le jeune couple - le fils expatrié et son désormais ex épouse - derrière la cour, sa maman, après les brèves salutations, s’est aussitôt fondu en larmes à l’évocation de cette histoire. Comme si notre présence dans cette demeure traduisait le retour d’un fils longtemps disparu, ou encore à cause des souvenir d’un fils unique dont le retour gît encore dans l’incertitude.
Un seul désir, avoir des nouvelles de son fils
Un comportement qui d’ailleurs revient toujours à chaque fois que de vieux souvenirs de ce dernier se réveillent en elle ou quand elle croise l’un des amis de son fils en ville ou quelque part dans le quartier. Visiblement dépravée, et prenant peu soin pour son accoutrement, la vie n’a plus de sens, ni d’importance pour cette vieille dame. La seule chose qu’elle désire aujourd’hui, c’est d’avoir des nouvelles de son fils, de savoir si B.D est encore en vie ou s’il est mort dans les tragédies répétées dans l’Océan atlantique ou la mer méditerranéenne. Drame qu’elle suit amèrement sur les petits écrans de télévision.
Une douleur qu’elle pouvait pourtant éviter, et faire renaître l’espoir de retrouver son unique en acceptant d’accueillir chez-elle les amis de ce dernier. Mais cela relève de l’impossible. Car pour S.D, voir les amis de son fils constitue une dure épreuve. En atteste, à chaque fois que l’un d’entre eux se présente devant elle, la dame S.D fond en larmes et plonge tous les passants dans la tristesse.
Et comme si ce malheur ne suffisait pas, les personnes censées lui apporter soutien et réconfort moral n’ont plus le courage de lui faire face, de peur de réveiller ce vieux chagrin qui ne cesse de la ronger. En attendant, toujours laissée à elle-même, la veille S.D poursuit ses méditations dans un environnant sombre que seule la silhouette de son fils pourra éclairer.