LE VIRUS DU 3E MANDAT
FRANCOPHONIE ET DÉMOCRATIE

La Francophonie accueillera des dirigeants du monde mais particulièrement africains. Il y en aura des légitimes, des auteurs de coup d’État même constitutionnels des démocrates, etc. Des Présidents qui ont épuisé leurs deux "cartouches" cherchent sans limite, d’autres mandats.
C’est l’occasion pour l’organisation encore dirigée par Abdou Diouf de marquer cette rencontre par une Déclaration de Dakar 2, après Dakar-89, en direction de ceux qui tentent encore de tripatouiller les Constitutions, allergiques qu’ils sont aux mandats limités à deux ou passionnés des mandats illimités. Il faudra se souvenir des déclarations de Bamako (en 2000) et de Saint Boniface (en 2006) qui ont consacré une dimension politique à la Francophonie, notamment "l’enracinement de la démocratie et la consolidation de la paix, à travers l’alerte précoce, la prévention des conflits, l’appui aux processus de sortie de crise et de transition".
C’est un secret de polichinelle que l’Afrique est en proie à des conflits pour la plupart découlant de violations des règles démocratiques, particulièrement d’élections contestées, cause de conquête ou de conservation de pouvoir par la force. Si l’Organisation internationale de la francophonie (Oif) peut condamner un État observateur, la Thaïlande en l’occurrence, en jugeant "inacceptable" le coup d’État du 22 mai dans ce pays, elle ne peut laisser planer des tensions sur les États membres tentés par le coup de force constitutionnel. Ce "virus", puisque l’on est dans l’actualité de Ébola, gagne nombre de pays. Nombre de chefs d’État africains et francophones.
La fièvre du 3ème mandat
Abdou Diouf appelait Bangkok, le lendemain du coup d’État, à "se conformer aux valeurs de la communauté francophone attachée aux principes de la démocratie et de l’État de droit". Le prédécesseur de Macky Sall à la tête du Sénégal rappelait d’ailleurs que la Déclaration de Bamako "condamne toute prise (ou conservation !) de pouvoir par la violence, les armes ou tout autre moyen illégal". Y compris les modifications constitutionnelles ! Et pourtant des candidats aux mandats de trop auront une bonne place à Dakar, les 29 et 30 novembre. Alors que la nouvelle donne démocratique, presque "codifiée" reste la réduction de la durée et la limitation du mandat présidentiel, l’Afrique, elle, ferme les frontières du renouvellement de sa classe politique.
Burkina Faso : "God Blaise Compaoré !"
Le Burkina Faso, qui était en phase de "surveillance" est depuis mardi un "cas-contact". En effet, depuis mardi, le camp de Compaoré a annoncé la tenue d’un référendum pour déverrouiller la limitation du nombre de mandat et permettre au Président sortant de briguer un troisième. L’Oif ne peut pas dire "God Blaise Compaoré !". Alors que la région occidentale tente d’étouffer les velléités du mandat de trop le cas du Sénégal en 2012 par exemple, le Burkina Faso pourrait alors bien inspirer ses voisins. Fermez les frontières !
Bénin : Yayi, Boni-oui-oui
Au Bénin, semble-t-il, Yayi n’était pas un Boni-oui-oui pour succomber à la charmante idée de troisième mandat. Mais son entourage l’a convaincu que le pouvoir politique vaut mieux que les coffres de banque ! En fin septembre 2013, son projet de loi a été étouffé par la Commission des lois de l’Assemblée nationale. Reviendra-t-il par une autre porte ?
Togo : Faure will not go
Le Togo, voisin et ami du Bénin va-t-il choper le virus du mandat de trop ? Gnassingbé-fils a eu la ruse de proposer une réforme "consolidante", pour reprendre Ismaïla Madior Fall, en envoyant un texte à l’Assemblée nationale pour examen. Il s’agissait de limiter le mandat présidentiel à deux non renouvelables et d’instaurer un mode de scrutin à deux tours. Les députés du parti au pouvoir, donc de Faure, ont rejeté le projet. Alors, Faure peut dire : "Voyez, je ne peux rien. Ils sont indépendants ; il y a la séparation des pouvoirs !" Au pays de Eyadéma, la démocratie n’est pas pour aujourd’hui. Au Togo, Faure will not go !
Jamais deux sans trois !
En Afrique centrale, la question est aussi centrale. Joseph Kabila en République démocratique du Congo (Rdc) ne badine pas avec son fauteuil. Et la Communauté internationale ne doute pas un seul instant que le fils de Laurent a toujours Désiré rester le plus longtemps possible, malgré la dernière révision constitutionnelle et consensuelle. Le secrétaire général de la Francophonie, lors de l’ouverture de la 37ème session de l’Assemblée parlementaire francophone à Kinshasa en 2011, avait déclaré : "(... ) Il ne saurait y avoir de démocratie sans démocrates, il ne saurait y avoir d’élections libres, claires et transparentes sans volonté de respecter les règles de jeu, volonté est bien le maître-mot en la matière, volonté d’admettre que la démocratie confère un caractère provisoire à l’exercice du pouvoir, volonté d’admettre que les électeurs doivent pouvoir choisir entre liberté d’exprimer une forme de protestation et une volonté de changement."
Rdc : Kabila face au "Tout puissant" Katumbi ?
C’est que Kabila est un cas même pour Washington. Rfi.fr écrivait qu’à l’issue de sa rencontre avec le Président congolais, en mai dernier, le secrétaire d’État américain, John Kerry avait déclaré : "Je crois que (le Président Kabila) a clairement en tête le fait que les États-Unis d’Amérique sont intimement convaincus que le processus constitutionnel doit être respecté." Kabila aurait misé à un moment donné sur le richissime gouverneur du Katanga, région d’origine de Kabila, et propriétaire du club sportif le Tout puissant Mazembé. Mais Moïse Katumbi est présenté aussi, selon Jeune Afrique, "comme l’un des meilleurs successeurs possibles au chef de l’État", même s’il n’a toutefois jamais exprimé publiquement d’ambitions politiques nationales.
Rwanda : Si c’est pas Kagamé, c’est Paul
Il est crédité d’un "bon bilan" pour avoir "relevé" son pays aussi bien du point de vue de la démocratie que de l’économie et la réconciliation entre Tutsis et Hutus. Mais Paul Kagamé risque de provoquer un "génocide" constitutionnel. Ces proches ont, en effet, lancé, il y a une semaine, le débat sur le nombre des mandats présidentiels. Ces partis alliés veulent un référendum pour le maintenir au pouvoir. Sa phrase à Jeune Afrique nourrit des commentaires les plus fous sur son intention de rester encore, après 20 ans au pouvoir. "Je ne connais pas un seul pays où la Constitution soit immuable", avait dit Paul Kagamé.
Burundi : la mauvaise Pierre de Nkurunziza
Pierre Nkurunziza veut à son tour faire un coup de force. Après avoir vu son projet de révision constitutionnelle rejeté en mars dernier, comme Yayi Boni au Bénin, par l’Assemblée nationale, le Président sortant veut recourir à la Cour constitutionnelle. Attention au syndrome Tandja Mamadou du Niger, au contre-exemple du juge ivoirien Yao N’dré. En fait, il s’arc-boute sur son élection par l’Assemblée et non par le peuple en 2005 pour compter un seul mandat. Ça rappelle bien le débat sénégalais sur la rétroactivité ou non en 2012. Nkurunziza lance là une mauvaise Pierre.