LES BEDIKS DE BANDAFASSI
LE PAYS DES MASQUES, LE REFUGE DES MONTAGNES ET LES RITES INITIATIQUES

Au pied des montagnes de l’ancien Sénégal oriental, il y a une ethnie dite minoritaire qui attache beaucoup d’importance à la solidarité. Les Bédiks de Bandafassy, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, ont cette autre particularité : ils ont deux demeures, croient aux masques et pratiquent les rites initiatiques.
Au pays Bédik, les masques, appelés Djalan, ont une importance capitale. Chez les Bédiks, toutes les fêtes ont des masques spécifiques. Il existe une très grande diversité de masques, chacun ayant sa signification et son rôle. Chaque masque sort à des occasions très précises (initiation, période de semis, circoncision, changement de classe d’âge), et anime un esprit spécifique.
Tous ces masques, auditifs ou végétaux, sont des « esprits » habités par certains morts. Selon la légende, « les masques n’existent, dit‐on, que depuis que les morts ont cessé de re- venir au village. Lors de leurs visites, les femmes, reconnaissant leurs morts, pleuraient, et les hommes ont décidé d’utiliser les masques pour qu’elles ne les voient plus ».
D’après le guide Mark Keïta, l’origine de ces masques remonte au temps où les Bédiks vivaient en réclusion dans les montagnes, fuyant les envahisseurs. Le masque, à la fois mystique et mythique, devait assurer la protection des populations. Las des poursuites dont ils faisaient objet, les Bédiks imploraient aussi les Djalans pour que le Dieu créateur leur envoie des gens qui pouvaient les sauver de ces envahisseurs.
Pour remercier les Djalans d’avoir exaucé leurs vœux, ils sacrifiaient des bœufs, des coqs ou des chèvres. A en croire Mark, les Bédik sont originaires du Mali. L’islamisation a poussé ce peuple cousin des Dogon du Mali à fuir ce pays pour d’autres contrées moins hostiles.
C’est ainsi que ces « animistes minoritaires », qui ne voulaient pas se convertir à la religion musulmane, sont allés vers le relief accidenté du Sénégal oriental, à la recherche de nouvelles terres. Dans un premier temps, ils se sont installés au pied des collines. Et ils ont rencontré, à nouveau, les mêmes problèmes d’islamisation.
ET, ILS SE REFUGIERENT DANS LA MONTAGNE !
Le chef guerrier musulman de la Guinée Conakry, en l’occurrence Alpha Yaya, a vainement tenté d’islamiser les Bédiks qui ont finalement trouvé refuge dans les montages. Ils se sont cachés dans les grottes des montagnes. Ils restaient là le jour et, une fois la nuit tombée, ils sortaient pour cher- cher à manger. A l’époque, ils pratiquaient surtout la cueillette et la chasse. L’agriculture venait en seconde position.
Les Bédiks ont connu d’autres envahisseurs, mais ceux-là, explique Mark, étaient pacifiques. Il s’agit des missionnaires catholiques. Lorsqu’ils sont venus dans la zone, ils ont constaté la présence d’humains, mais ils ne pouvaient pas les localiser.
Le soir, ces missionnaires projetaient des films sur la vie et l’œuvre du Christ et, en se retirant, ils laissaient sur les lieux des bonbons et des gadgets. « Ils n’étaient pas venus avec des armes, mais ils voulaient aussi convertir les Bédiks », souligne Mark.
Leur stratégie fut payante. Ce peuple pacifique et réservé que constituent les Bédiks a fini par croire que ces « gens de couleur », qui projetaient des films tous les soirs sur des histoires pacifiques autour d’un apôtre de la paix et qui, en partant laissaient derrière eux des bonbons et des gadgets, n’étaient ni plus ni moins que les sauveurs qu’ils demandaient à leurs génies. C’est ainsi que le contact a eu lieu et la christianisation s’est ensuivie, puis l’implantation des écoles catholiques.
D’après Mark, le premier contact des missionnaires avec les Bédiks était positif. C’était d’abord un homme qui avait des plaies. Les missionnaires ont soigné les plaies et ont couvert l’homme de vêtements et de cadeaux. Ce qui a facilité les choses puisque les Bédiks n’avaient plus peur des Blancs.
Ainsi donc, au lieu de se cacher dans les grottes comme ils le faisaient avec les envahisseurs musulmans, ils sortirent et allèrent à la rencontre des missionnaires catholiques qui ont mis du temps à dissiper la méfiance de ce peuple si réservé.