LES DESSOUS D’UN COUPLE RÉUSSI
RELATIONS AMOUREUSES

L’initiative ravit les âmes déçues. Dans un pays où les divorces flambent, les réussites sentimentales deviennent exceptionnelles. Et les cerbères de la société essaient de monter la garde pour inverser la tendance. La foire aux secrets d’un mariage réussi a rassemblé les spécialistes en «amour» pour offrir toutes les bonnes recettes afin de raffermir les liens du couple.
Quel est le secret d’un mariage réussi ? La question est épineuse. Mais le réseau de solidarité Bana tokk a voulu apporter une réponse à sa façon. A l’occasion de la célébration du sulfureux 14 février qui fête des amoureux, l’association a organisé une foire au titre prometteur. «La foire aux secrets d’un mariage réussi».
Des dizaines de stands, diverses spécialités, une offre variée, le tout pour sonder les abysses du mariage et vaincre le signe noir du divorce qui plane de plus en plus sur les couples.
Les statistiques font froid dans le dos : Il y aurait au moins 400 divorces par mois au Sénégal. Cela fait peur à la société puritaine sénégalaise. Les réussites sentimentales sont évidemment épiées comme de véritables contes de fées. Le taux de divorce atteint des sommets et Cheikh Amara Sy, président de Bana Tokk, s’en est ému. La radioscopie qu’il fait de l’institution matrimoniale n’est guère reluisante.
«Au Sénégal, un mariage sur deux aboutit à un divorce sur les trois premières années», révèle M. Sy. Les mêmes préoccupations attristent le pasteur Sawadogo qui occupe un des stands de la foire. Tout en se proposant de prendre en charge la spiritualité des couples, le pasteur se tient prêt pour apporter sa science et ses conseils. La crise du mariage est selon lui liée à beaucoup de problèmes.
La mauvaise préparation des conjoints, le concubinage et l’immixtion des parents n’y sont pas étrangers. «Il faut revenir à l’aspect spirituel du mariage, gommer le matérialisme et prendre le temps de se connaître avant le mariage», conseille l’homme de Dieu qui plaide pour des fiançailles d’une année au minimum. Une fois ces écueils franchis, la foire met à la disposition des futures épousées, des robes de mariée.
C’est le syrien Nazeen qui tient ce stand où la blancheur des voiles le dispute aux éclats des strass ornant ces belles créations. «Les prix varient entre 150 et 200 mille francs Cfa. Ce n’est pas cher», assure le Syrien.
Mais un des stands qui attirent l’attention, c’est celui de coach Jules. Un de ses assistants, Saer, étudiant à l’Institut supérieur d’éducation physique et sportive (Inseps), assure que la pratique d’une activité physique est très bénéfique dans le couple. «On propose des programmes pré et post nuptiaux», indique le jeune homme. A l’approche des noces de mariage, dit-il, il est important de faire des exercices d’endurance pour «avoir le cœur bien accroché et favoriser une meilleure irrigation des organes génitaux».
Mais l’exercice doit se poursuivre aussi dans la durée afin de s’assurer de garder sa belle forme d’éternel jeune homme. Au grand bonheur de Madame. Saer conseille également des exercices à ces dames. Surtout après l’accouchement quand il faut faire disparaître au plus vite le petit bidon et annihiler toute prise de poids excessive. «Après l’accouchement, il y a un relâchement des muscles pelviens. Et il faut absolument remuscler le périnée», développe Saer.
Chouchouter son périnée
«Oui mais...», tempère Dr Mama Sy Diallo, gynécologue de son état qui suggère plutôt une rééducation par kinésithérapie. «Le périnée est un muscle très sollicité à l’accouchement», informe-t-elle. Et plus les accouchements se multiplient, plus ce muscle est sollicité et plus les problèmes peuvent survenir. Il est donc préférable de chouchouter son périnée.
Selon Dr Diallo, ce problème bouleverse beaucoup de couples dans le pays. «Le périnée est ouvert à la fois sur les systèmes sexuel, urinaire et digestif. Quand il commence à s’affaisser, la conséquence, c’est la descente des organes.» Des conséquences qui peuvent se traduire par des difficultés de continence, le relâchement de la vessie ou l’élargissement du vagin.
«Si les produits de rétrécissement du vagin sont aussi populaires dans le pays, ce n’est pas un hasard», indique la gynécologue qui souligne qu’il s’agit là de problèmes que les femmes peinent à aborder, mais qui ne sont pas si rares qu’on ne le pense.
«Certaines femmes en viennent même à redouter l’acte sexuel parce qu’elles sont gênées par les gaz qui sont stockés dans les organes sexuels et quand ça sort, ca fait du bruit», raconte le médecin. Preuve que ses propos sont justifiés, une femme qui tient un stand à quelques mètres proposent divers produits «tous naturels», selon elle, et qui constituent des alliés de choix.
Sur l’étal, on peut même lire «augmente fesse». Très accorte, elle n’hésite pas à aborder les curieux pour vanter sa science. Dans le stand aménagé pour le Dr Diallo, un rideau cache une petite surprise que le gynécologue a voulu réserver à ses visiteurs, une échographie portative qui vient heureusement compléter les séances de counseling offertes.
Des conseils bienvenus pour les couples qui peinent à avoir des enfants. «Après un an de rapports sexuels réguliers sans grossesse, on peut commencer à s’inquiéter», recommande le gynécologue. Sur ce point, Dr Diallo explique que la science permet de venir au secours de ces couples en souffrance avec des techniques sophistiquées, mais qui ne sont pas non plus hors de prix. 150 mille francs pour une insémination avec le sperme du conjoint. Les dons de sperme n’étant pas encore à l’ordre du jour.
Et pour faire bonne mesure, non loin de là, le stand du planning familial, tenu par Mame Fama Ndiaye, sage-femme d’Etat à la clinique Oasis, est installé juste à côté. Elle propose toute une panoplie de méthodes contraceptives.
Mame Fama proclame sa profonde conviction que la planification des naissances est une nécessité absolue pour les couples. Mme Ndiaye évoque la cherté de la vie, la santé de la mère et de l’enfant, l’épanouissement de la famille pour appuyer son argumentaire. Elle souffle que malgré les réticences du mari, une femme peut parfaitement adopter une méthode discrète.
Des obligations juridiques
L’Association des juristes sénégalaises (Ajs) ne pouvait manquer un tel rendez-vous. Plusieurs d’entre ses membres sont présents pour informer les conjoints sur leurs droits, mais aussi sur leurs devoirs. Et c’est bien là que le bât blesse. A en croire Mme Amy Sakho, chargée de la communication de l’Ajs, le Code de la famille pose des obligations aux conjoints. Elles concernent les deux époux, mais elle indique qu’il revient au mari de nourrir et loger sa famille.
Pour la femme, l’obligation est toute domestique et inclut la fidélité des deux conjoints. Si le taux de divorce inquiète dans le pays, la juriste indique que le défaut d’entretien est un des motifs les plus fréquents qui sont évoqués dans les motifs de divorce chez les femmes.
Pour les hommes, cela devient un peu plus englobant pour ne pas dire fourre-tout puisque le principal motif est l’incompatibilité d’humeur. «Les hommes n’ont pas de motifs pour divorcer la plupart du temps. Donc, ils invoquent l’incompatibilité d’humeur ou l’abandon du domicile conjugal. Mais si tu regardes au fond, tu te rends compte que c’est parce que la femme est victime de violences conjugales qu’elle a abandonné sa maison», dénonce Mme Sakho.
Foire à problèmes
Au détour des stands, diverses spécialités offrent aux couples le moyen de préserver leur bonheur.
«Il faut savoir que chaque couple a son secret, c’est à lui de se le créer. Il y a donc des stands avec des médecins. Il y a un coach sportif, il y a le coach en séduction Kira, il y a des robes de mariée, il y a l’employabilité, le Salagne salagne, le djongué masculin et féminin. Il y a tout, pour tout le monde, pour que tout le monde puisse s’y retrouver et créer le secret de son mariage réussi», énonce Cheikh Amara Sy, le maître d’œuvre de cette Saint Valentin d’un nouveau genre.
«Notre objectif, c’est d’en faire un évènement annuel qui aura lieu vers la Saint Valentin. Cette année, c’est un week-end. L’année prochaine, ce sera peut-être toute une semaine», promet-il.