LES SENEGALAIS DU PORTUGAL DEPLORENT LE DEPART DU GENERAL ABDOULAYE FALL
A LA RENCONTRE DES SÉNÉGLAIS DE LISBONE

Le Portugal devient de plus en plus une destination pour les émigrés sénégalais. Une colonie qui ne cesse de grossir avec l’arrivée d’autres compatriotes venus d’Espagne et d’Italie. En effet, dans ce pays les immigrés en situation irrégulière peuvent rester dix ans à exercer leurs activités économiques sans être inquiétés par la police. Toutefois, la communauté sénégalaise de Lisbonne qui a plaidé pour l’ouverture d’un bureau des passeports au Portugal, regrette l’éviction du général Abdoulaye Fall qui, selon eux, en six mois, a réussi ce qu’aucun ambassadeur n’a réussi.
Si la communauté sénégalaise ne rencontre pas de difficultés majeures au Portugal, c’est en partie grâce au travail effectué par les différents ambassadeurs qui se sont succédé dans ce pays. «Nous avons entretenu d’excellentes relations avec tous les représentants du Sénégal au Portugal », souligne Serigne Mbaye Ndiaye qui estime cependant dans la foulée que le séjour le plus marquant pour la colonie sénégalaise reste celui du général Abdoulaye Fall, emporté par le brûlot « Pour l’honneur de la gendarmerie Sénégalaise» du Colonel Abdoulaye Aziz Ndao.
Un départ que tout le monde regrette, compte tenu du travail remarquable abattu par le diplomate. « Le général Abdoulaye Fall a réussi en six mois ce qu’aucun ambassadeur n’a réussi pendant dix ans», témoigne le président de l’association. « Dès son arrivée au Portugal, il a demandé à rencontrer la colonie sénégalaise.
C’est un ambassadeur très accessible et très disponible pour ses concitoyens. Durant le mois de ramadan, il a répertorié tout ce dont on a besoin avant de nous appuyer financièrement pour alléger nos charges. Même lorsqu’il a été relevé, il a tenu à nous rencontrer. Il nous a invités à l’ambassade pour nous remettre sa participation en vue des préparatifs de l’arrivée à Lisbonne de Serigne Mame Mor Mbacké le lundi 15 septembre», rappelle le vieil homme. «Bien qu’il ait été relevé de ses fonctions, il s’est senti concerné par cet évènement. Ce problème pouvait être réglé autrement en permettant au général de continuer son oeuvre», plaide-t-il.
Toutefois, tout n’est pas rose dans le quotidien des Sénégalais d’un Portugal. Ces derniers rencontrent d’énormes difficultés pour disposer du passeport. C’est pourquoi ils ont invité les autorités politiques à ouvrir un bureau des passeports à Lisbonne, comme c’est le cas en Espagne.
LE PORTUGAL : UN PAYS TOLERANT
Contrairement aux autres pays européens où les émigrés sénégalais en situation irrégulière font souvent l’objet de vives représailles, traqués et parfois persécutés par la police du pays d’accueil, le Portugal est plus flexible sur ce point, plus tolérant. Dès lors, il devient une terre « d’asile » pour nombre de nos compatriotes qui traversent l’océan atlantique à la recherche d’une vie meilleure. Ces derniers, au nombre de 6000 en situation régulière, s’activent dans différents domaines d’activités dont le commerce, le transport, la coiffure etc.
Un nombre qui est loin de refléter la réalité de cette présence sénégalaise de plus en plus massive, avec l’arrivée d’autres compatriotes sans-papiers qui débarquent au Portugal en provenance d’Espagne ou d’Italie. A Lisbonne, l’intégration entre les ressortissants sénégalais est facilitée par la croyance aux mêmes valeurs culturelles et religieuses. C’est dans cette logique que le «dahira» dénommé Keur Serigne Touba ou résidence Khadimoul Rassoul a été mis sur pied. L’association présidée par Serigne Mbaye Ndiaye qui est installé depuis plus de 25 ans à Lisbonne tient son siège dans la ville de St Jorge De Arroios, 20 rue Passos Manuel et abrite en même temps une Mosquée qui favorise les retrouvailles entre compatriotes.
En effet, dans ce lieu de culte, les ressortissants sénégalais, toutes confréries religieuses confondues, organisent outre la prière, des récitals de Coran, des chants religieux et des zikr. «Une conformité aux préceptes de l’Islam qui préserve nos compatriotes de certains vices et les amène à ne s’occuper que de leur travail», fait remarquer le président du dahira, Serigne Mbaye Ndiaye.
DAHIRA, MAISON D’ACCUEIL POUR NOUVEAUX VENUS
Le siège du dahira constitue également une « maison d’accueil » pour les Sénégalais qui débarquent au Portugal sans repères. « Nos compatriotes qui viennent d’arriver sont logés ici, sans bourse délier, le temps de trouver un logement », ajoute Serigne Ndiaye. Très organisée, la colonie sénégalaise fait dans le social en assistant des compatriotes en difficultés. Le dahira participe également au rapatriement des dépouilles, même si les défunts sont inconnus de leur association, précise le président.
Interpellé sur les difficultés rencontrées par ses compatriotes à Lisbonne, Serigne Mbaye Ndiaye n’a noté aucun comportement répréhensible de la part des autorités portugaises. «Le gouvernement portugais est très flexible sur la question de l’immigration. On peut travailler ici pendant dix ans sans disposer de titre de séjour et sans être inquiété par la police locale. La seule différence entre les Sénégalais en situation régulière et les sans-papiers, c’est le fait de pouvoir voyager au Sénégal. Nos compatriotes en situation irrégulière ne sont nullement gênés dans leurs activités quotidiennes», souligne notre interlocuteur.
C’est le cas de Moustapha Diouf, à Lisbonne depuis cinq ans sans titre de séjour. Pourtant, dans cette situation irrégulière il parvient à tirer son épingle du jeu, car il n’est jamais inquiété dans ses activités. Poursuivant, Serigne Ndiaye de révéler que les Portugais sont calmes, réservés et ne se mêlent pas de ce qui ne les regarde pas. Un exemple dit-il que la colonie sénégalaise s’efforce de suivre.
A cet effet, le président de l’association s’est réjoui du comportement de ses compatriotes qui, à en croire les Arabes et les Indiens qui dirigent la grande Mosquée de Lisbonne, sont parmi les plus disciplinés, les plus unis et les plus solidaires de toutes les neuf communautés musulmanes qui résident dans cette région. « C’est pourquoi ils nous raillent pour dire que notre peau est noire, mais avec une âme pure », rapporte le vieux Ndiaye.
ZERO CAS D’AGRESSION
Les Sénégalais de Portugal ne vivent pas le spectre des agressions et autres cas de meurtre dont sont victimes leurs compatriotes dans les autres pays d’Europe et d’Afrique. « Nous ne connaissons pas ce phénomène au Portugal. Ici, les gens peuvent vaquer à leurs occupations jusque tard dans la nuit, sans être inquiétés. Le pays est calme et chacun s’occupe de ses affaires. Nous n’avons jamais enregistré de cas d’agression, encore moins de meurtre », précise Serigne Mbaye Ndiaye. Son compatriote Moustapha Diouf invite ses compatriotes à cogiter sur l’ascension des Européens pour accéder à ce stade de éveloppement, au lieu de ne consommer que les déchets qui proviennent d’outre-mer. A l’en croire, les Européens nous divertissent pendant qu’ils travaillent. « On entend toujours des Africains ravir la vedette aux Européens dans le domaine du sport ou de la musique, mais jamais dans le domaine des grandes réalisations, comme la fabrication d’avions », dénonce le commerçant qui invite nos gouvernants à arrêter de parler et à se mettre au travail. En guise d’exemple, il cite le Portugal où les personnes âgées de 80 ans sont les premiers au travail et les derniers à rentrer, contrairement au Sénégal où les quinquagénaires ne veulent plus travailler.
RETOUR AU BERCAIL
Informé du programme mondial pour inciter les émigrés à retourner au bercail moyennant une enveloppe de deux millions, les Sénégalais du Portugal jugent ce programme salutaire. En effet, beaucoup de leurs compatriotes ont jeté l’éponge pour rentrer au bercail, tenaillés par les difficultés de l’émigration. Et ce montant, à en croire Serigne Mbaye Ndiaye, pourrait leur permettre de redémarrer une nouvelle vie au Sénégal. Toutefois, pour d’autres ce montant est dérisoire. En effet, le président du dahira révèle que certains de ses compatriotes séjournent au Sénégal avec plus de quatre millions et avant la fin du séjour, tout l’argent est dépensé. Ce qui lui fait dire que ce montant ne représente rien pour ces derniers. Cependant, si l’enveloppe est plus conséquente afin qu’ils puissent s’installer définitivement au bercail, ils sont preneurs.