''MON HISTOIRE AVEC LES CASSETTES…''
MODOU GADIAGA

L’homme a la cinquantaine révolue mais ne fait pas son âge. Il a une passion : le vintage. Modou Gadiaga qui a vécu dans l’univers des cassettes les chérit au point d’en collectionner à la pelle. Aujourd’hui, ce tablier qui a pignon sur rue au marché Petersen, revend ces objets d’un autre âge aux mélomanes nostalgiques.
Il y a des hommes qui ont du mal à se départir du passé. Des hommes qui incarnent des valeurs aux antipodes de celles en vogue dans la société moderne. Et ces hommes, Modou Gadiaga en fait incontestablement partie. Né aux confins du Baol, il y a plus de cinquante ans maintenant, Modou est un homme qui se plait dans la vente de cassettes. A Petersen où il a son commerce, il fait partie des rares personnes qui s’adonnent maintenant à cette activité liée au vintage. A une autre époque.
Le commerce de casettes fut jadis lucratif. Il y a une quinzaine d’années, cette évolution technologique était le « must » en termes de musique. Tous les grands artistes célébraient, avec faste et fierté, la sortie de leurs casettes.
Les hommes d’affaires de l’époque ont vite saisi la balle au rebond en investissant dans les studios de production. Les cassettes, dernière trouvaille technologique de l’époque, avaient fini de chasser des habitudes les électrophones, les phonographes et autres tourne-disques.
A présent, les cassettes, qu’elles soient destinées aux radios ou aux postes téléviseurs, sont, à leurs tours, chassées par les Compact disques (Cd), les clefs USB et les autres gadgets technologiques. Ce sont ces objets d’un autre âge que proposent Modou Gadiaga. Sa place, où plutôt ce qui en fait office, se trouve sur la rue qui relie Petersen au siège de l’ancien service d’hygiène. Sous un parasol de fabrication artisanale, il range des milliers de cassettes, de toutes sortes, à même le sol. Les cassettes sont tellement nombreuses que leur rangement forme une sorte de table derrière laquelle, il place un banc sur lequel, il s’assoit pour superviser sa marchandise.
« J’ai de fidèles clients qui ne compte que sur moi pour des cassettes », fait remarquer Modou Gadiaga. Ce frêle bout d’homme au teint basané a longtemps baigné dans l’univers des cassettes. Un de ses frères, Oumar Gadiaga en l’occurrence, avait mis sur pied la structure Gadiaga Production.
A l’époque, le frérot avait produit beaucoup d’artistes sénégalais. Il fut, en outre, familier aux studios Xippi et Origines propriétés respectives de Youssou Ndour et El Hadj Ndiaye. Deux hommes qui n’ont pas raté la marche du train. La baraka aidant, ils ont su suivre l’évolution des technologies. Modou lui a foi à son commerce, foi aux hommes, foi à l’avancée des technologies de l’information et de la communication.
Il rappelle que les mutations sont incontournables dans la vie. « C’est l’évolution des technologies », souligne-t-il. « Maintenant, on parle de Cd, de clefs Usb, de Mp3, je suis sûr que dans une dizaine d’années, ces objets seront obsolètes », se console-t-il.
Il rappelle qu’il y a des années, étaient dans le vent, les personnes qui possédaient ces objets qui à l’époque étaient à la pointe de la technologie. Qui vient chez Modou ?
Généralement ce sont les personnes du troisième âge, les mélomanes bucoliques et les nostalgiques surannés. Ils demandent surtout des classiques de la musique sénégalaise en particulier et ceux africaines en général. D’autres ont leurs artistes fétiches et sont prêts à acheter leurs produits quels que soient les supports musicaux.
D’ailleurs, selon Modou, il est beaucoup plus prudent de conserver des sons en cassette qu’en Cd ou autres moyens modernes. « La poussière ou les virus peuvent facilement endommager ces nouveaux outils », fait-il remarquer.
Modou Gadiaga reconnait l’utilité de la modernité. Il souhaite plus tard proposer à ses clients ces objets miniaturisés. « Si j’ai les moyens, je vais diversifier mon commerce. A côté des cassettes que je vends, je veux aussi vendre des Cd, des Mp3, et autres objets numériques », fait-il noter.
Au bord de cette route passante, Modou a les yeux rivé sur sa marchandise. Tantôt, il répond à une interrogation d’un passant sur tel ou tel produit, tantôt il dépoussière les cassettes. Il philosophe : « Comme vous le savez, ce n’est pas trop facile de tout abandonner du jour au lendemain. Il y a beaucoup de gens qui comptent sur moi pour s’approvisionner en cassettes ».
On est dans une société où les cassettes sont passées de mode. Pourtant, Modou n’éprouve aucune difficulté à s’en approvisionner. « Il y a environ sept à huit ans, j’avais une bonne quantité de cassettes inutilisées alors, j’ai décidé de les vendre. C’est ainsi que de fil en aiguille, je me suis mis dans le commerce de cassettes », se souvient-il.
A présent qu’il a pignon sur rue, ce sont les collectionneurs et autres mélomanes d’antan qui viennent lui proposer des cassettes. Des produits qu’il revend à des prix modiques. Parfois, lorsque la chance lui sourit, il peut réaliser un bon chiffre d’affaires. Mais cela arrive exceptionnellement. Aussi, il est obligé de vendre quelques objets courants dans la vie de tous les jours, histoire de joindre les deux bouts.