QUESTIONNEMENTS AUTOUR ET SUR LES APPARTENANCES
De la fidélité tribale de El Hadji Samba Khary Cissé
De la fidélité tribale. C’est le titre du dernier ouvrage du Lougatois vivant en France, El Hadji Samba Khary Cissé. A la suite d’Un islam fidèle et moderne puis de Confessions d’un «sale nègre», parus respectivement en 2010 et 2012, l’inspiration de El Hadji Khary Cissé reste toujours fluide. L’ancre coule à flot et l’essayiste s’y met encore. Cette fois-ci, il pond un grand ouvrage pour témoigner de la fidélité à ses racines africaines, versus de l’infidélité tribale.
C’est sur environ 200 pages structurées en 4 chapitres que le Sénégalais, bon teint comme il se réclame, nous immerge dans ses réflexions existentialistes. Qui suis-je ? Que suis-je ? Ces questions, qu’il se pose dès l’entame de son livre, témoignent du «doute» permanent qui habite l’expatrié et qui à la limite devient «une amie fidèle».
Dans son essai paru, en mars dernier, aux éditions Les impliqués, El Hadji Samba Khary Cissé s’interroge et interroge, tel qu’on le lit à la quatrième page de couverture, «ses appartenances :
L’Afrique d’où il est parti, le Noir en lui, le musulman de son temps..., l’air du temps consumériste dans lequel il baigne...». Considérant la mort comme l’unique certitude, le philosophe, plutôt le physicien, plonge son lecteur dans un bourbier de questions d’où il ressort fortifié de sa nouvelle foi, fier et fidèle à ses racines profondément sénégalaises.
Dans son ouvrage en effet, il entretient de prime abord ses lecteurs de son Louga natal et du Sénégal de manière générale. «Le pays du baobab» d’où il est parti il y a 28 ans pour l’hexagone. Il revient aujourd’hui, portant sa mélancolie pour parler de ses origines et emprunte les termes descriptifs qui lui permettent grâce à une fine poésie, de rendre compte de son existence.
«Depuis Louga ma ville génitrice, jusqu’à Nancy qui m’a adopté, j’ai vu le monde... Ma géographie interne s’est dilatée, mon solfège intérieur enrichi...». Cette phrase tirée de l’avant propos de son livre, renvoi à la réalité à laquelle l’auteur est confronté et à travers une plume philosophe.
La différence un atout
Il découvre un autre monde et comprend que tous les semblants de vérités auxquelles il croyait, n’étaient que des illusions. «Ces majuscules acquises et jalousement consacrées ne sont que des vérités parcellaires, sinon partielles».
La notion de différence qui sous-tend sa pensée prend alors forme. Car ce qui lui permet de se révéler et de prendre conscience de son existence propre, c’est l’existence de l’autre différent. Il cache mal son «je» et comme il cite à juste titre Souleymane Bachir Diagne : «philosopher c’est prendre le risque de s’engager dans la lutte qu’est la pensée libre...».
L’auteur s’engage alors dans ses pensées librement et n’hésite pas «à faire cocues ses tribus voire même à les déshonorer» parfois, pour se libérer du joug tribal quitte à paraître infidèle. Mais l’avouera-t-il en fin de compte, toute tentative d’infidélité tribale est vouée à l’échec puisque «ma soi-disant subjectivité n’est en réalité que ma subjectivité bien cachée dans mes instincts primordiaux».
El Hadji Samba Khary Cissé trouve toutefois que cette errance qui l’amène à la rencontre de l’autre, est plutôt un atout plus qu’un handicap. Il invite alors celui qui le lit à le suivre dans sa démarche qui consiste à se démettre, à sortir de ce carcan dans lequel la tribu l’enferme.
Mais il s’enferme à nouveau dans d’autres frontières qui selon lui, sont poreuses et sans l’existence desquelles le monde n’aurait pas de sens. C’est dans l’altérité que l’individu peut s’affirmer