RAPPEURS, GRAFFEURS, DJ, BREAKEURS DANS LE TEMPO DE L’INDUSTRIE CULTURELLE
POTENTIEL ECONOMIQUE DES CULTURES URBAINES ET APPUI DE L’ETAT

Le bon tempo, c’est la créativité, base de la valeur ajoutée. Mais les moyens manquent le plus pour prendre en charge deux autres piliers du développement des cultures urbaines : les infrastructures et les financements. Sur ce point, le génie des rappeurs, graffeurs, Dj, breakeurs requiert l’appui institutionnel de l’Etat. Un très fort plaidoyer a été lancé dans ce sens.
Ils débitent des paroles, dans un phrasé saccadé, sous le mode « Rap ». Ils dessinent, en mots et images, des messages de rue ou graffiti. Ils dansent ou font danser, en étant breakeurs ou disc-jockeys. Ils sont tout simplement les voix de la rue ou les promoteurs des cultures urbaines.
Sous la férule de Gacirah Diagne, présidente de l’Association Kaay Fecc et conseillère technique du ministre de la Culture et de la Communication, une rencontre entre ces artistes du mouvement hip hop s’est tenue à la Maison de la culture Douta Seck, avant-hier.
L’objectif était de discuter sur l’apport des cul- tures urbaines dans le développement du pays. Au finish, une préoccupation est partagée : l’Etat doit davantage soutenir ces acteurs économiques venus des régions de l’intérieur, mais également des différentes composantes de la culture urbaine. Rappeurs, graffeurs, Dj, breakeurs ont échangé, pendant plus de trois heures, sur leur activité. Dans les débats, la question de la barrière linguistique a été abordée.
Elle est identifiée comme un facteur de blocage pour l’exportation de ce hip hop typiquement sénégalais. Toutefois, objecte l’artiste Keyti (un ancien de Pee Froiss et de Rap’Adio), il serait assez réducteur de centrer le débat sur la musique et la langue.
A son avis, la culture urbaine est assez vaste ; on y retrouve plusieurs expressions. Il invite à prendre en compte la dimension économique de ces modes d’expression culturelle. « Certains ne comprennent pas que nous parvenions à vivre de notre art », dit-il.
Le défi de la compétitivité
Les opportunités sont réelles, assure-t-il, en parlant de l’économie des cultures urbaines. Le problème se trouve dans l’exploitation bénéfique de ce potentiel : « Des structures sont là, mais le seul hic est qu’elles ne sont pas encore compétitives ».
Sur cette lancée, le modérateur Ibrahima Wade, enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad), a soutenu que l’Etat ne s’est pas encore occupé de l’entreprise culturelle comme une structure économique. À son avis, « l’autorité la voit toujours comme une entité qui ne doit évoluer que dans le volet culturel, avec aucun apport au développement ».
Dans les échanges, l’appel à un appui plus important de l’Etat a fait l’unanimité chez les acteurs des cultures urbaines venus de Dakar, Saint- Louis, Ziguinchor, Kaolack, Fatick et Tamba. Cette contribution des pouvoirs publics est, à la fois, une marque d’attention pour leur mouvement et une incitation à contribuer au développement économique du pays.
Enfin, cet appui institutionnel permettra de surmonter des problèmes qui ont pour noms financements et infrastructures, pense Amadou Fall Bâ, d’Africulturban. C’est le nœud du problème. « On ne va pas demander à des footballeurs de construire des stades. Loin de là ! C’est valable pour les acteurs de la culture. L’Etat doit travailler à mettre en place des structures capables de les accueillir », analyse-t-il.
Marketing culturel et management
En plus, évoque Amadou Fall Bâ, il faut un souffle nouveau, car, après « 25 ans (le début du développement du hip-hop au Sénégal, ndlr), il est temps que les artistes évoluent au rythme de la société en proposant un travail fouillé ». Les structures existent de manière embryonnaire, pense M. Bâ.
Pour monter en puissance et créer de la valeur ajoutée, il estime que les acteurs doivent davantage travailler, disposer de ressources humaines de qualité et gérer convenablement les structures mises en place. La recherche de la qualité nécessite donc une mise à niveau : « les différents artistes doivent se former dans le marketing culturel et même dans l’administration de ces types de société ».
L’initiatrice de cette rencontre, Mme Gacirah Diagne, a, quant à elle, salué ce rendez-vous qui permet aux acteurs de se rencontrer et d’échanger. Pour elle, la responsabilité du développement des cultures urbaines est partagée.
L’Etat, pense-t-elle, doit faire son travail en mettant en place des infrastructures. Les acteurs ont le devoir de bien travailler afin de rendre rentables leurs activités.
Et Mme Gacirah Diagne de soutenir que « la culture urbaine, comme activité économique, apporte, sans conteste, quelque chose au développement du pays, mais il est difficilement quantifiable et pour y arriver, il y a un travail de documentation à faire ».