RISQUES DE BLOCAGE DES ACTIVITÉS DU PORT DE DAKAR
Nomination d’un administrateur provisoire à Dp World Senegal

Les cadres de la branche sénégalaise de Dp World craignent que la décision de la justice sénégalaise de nommer un administrateur provisoire pour gérer le terminal à conteneur, dans le cadre de la traque des biens mal acquis, ne conduise à un blocage des activités du Port de Dakar, si les dirigeants du groupe de Dubaï décidaient de ne pas coopérer et se soumettre à cette décision.
La décision de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) de nommer un administrateur délégué de la société Dubaï Ports World Sénégal (Dp World Sénégal) a créé de l’émoi au sein de cette structure, aussi bien à Dakar qu’à Dubaï, au siège social du Groupe. Certains employés, parmi les cadres, ne cachent pas leur désarroi face à l’évolution de la situation, telle que décrite par l’édition d’avant-hier, du journal EnQuête, et craignent que le port de Dakar ne soit en train de naviguer vers le pire, et par ricochet, d’y mener l’économie du pays dans son ensemble.
Ces personnes font remarquer que le système de gestion des conteneurs et de la clientèle, utilisé par le terminal à conteneurs de Dakar, est le même que celui utilisé par les autres ports de Dp World à Dubaï et dans le monde. «Est-il concevable de penser que Dubaï va continuer à assister un site dont la justice du pays dit qu’il ne lui appartient pas, et dont le contrôle vient de lui échapper ?», demandent certains d’entre eux, en déplorant la brutalité de la mesure.
Personnel recruté par Dp
Aux bureaux du Boulevard de la République, les gens disent n’avoir été informés que par le nouvel administrateur délégué, lorsqu’il est venu se présenter aux employés. «Aucune notification officielle ne nous a été préalablement faite par une quelconque autorité», déplorent les cadres. Pour montrer à quel point la mesure a été brusque, ils soulignent qu’elle a trouvé le directeur général du terminal de Dakar, M. Guido Herremans, en mission à l’étranger. Ce dernier a d’ailleurs dû écourter son voyage, et a rejoint Dakar hier dans la soirée.
Les cadres de la boîte s’interrogent par ailleurs sur la fonctionnalité de l’architecture que va induire la décision de la Crei. Ils se demandent si Guido Herremans et les cadres embauchés par le Groupe Dp World pourront continuer à travailler sous l’autorité de quelqu’un qui est différent de leur employeur officiel. Car bien entendu, en dépit de cette décision de justice et des investigations sur la traque des biens mal acquis, le personnel de Dp World Sénégal persiste à clamer la paternité du groupe émirati sur leur entité. Les cadres qui ont parlé au journal Le Quotidien expliquent d’ailleurs : «Le Dg du Sénégal a été nommé par Dubaï, en détachement de son dernier poste à Alger, la majorité des cadres recrutés ici, même s’ils sont Sénégalais, ont été embauchés à partir de la maison-mère de Dubaï». Pour eux, attribuer la propriété de leur entreprise à quelqu’un d’autre qu’au groupe Dp, revient à dire que la même personne est propriétaire de l’ensemble des ports gérés par Dp dans le monde, «car ce sont les mêmes règles qui régissent le personnel et le fonctionnement de ces entités. La mobilité du personnel est assurée à l’intérieur du groupe. C’est pour cela que l’on a un Sénégalais qui est directeur des opérations du Port d’Alger, qui appartient aussi à Dp World».
Garantie Miga
Si la partie sénégalaise ne fait pas machine arrière, estiment les employés sénégalais, le Port autonome pourrait connaître des jours difficiles, pensent les cadres. Selon eux, si le groupe de Dubaï estimait que la nomination d’un administrateur délégué à la tête de sa branche sénégalaise équivalait à une rupture de contrat, non seulement il pourrait bloquer le fonctionnement du terminal à conteneurs, mais en plus, il pourrait invoquer une rupture de contrat. L’une ou l’autre situation pourrait être difficile à gérer pour le pays. Ces gens font remarquer que le personnel technique étant embauché par Dp World, chaque individu pourrait être déployé dans un autre pays, sur un autre port. «Si le siège demande aux gens de ne pas travailler, quelle réaction pourraient-ils avoir dans ce cas ? Et surtout, la Banque mondiale, à travers sa branche Miga (Multilatéral Investment guarantee agency, ou Agence pour la garantie des investissements multilatéraux. Ndlr), serait obligée d’intervenir aussi».
Le Miga avait en effet garanti un emprunt de 71 millions d’euros octroyés à Dp world par la Standard Chartered Bank pour l’acquisition et la modernisation du terminal à conteneurs de Dakar, qui rentre dans le cadre de l’aménagement de ce qui est couramment appelé, «le Port du futur». Les Emiratis avaient toujours dit que ces investissements devaient suivre le niveau de développement des échanges et des flux du Port de Dakar. Et les cadres disaient hier que les travaux allaient incessamment commencer. Le site de la Banque mondiale au Sénégal indique que la garantie Miga couvre Dp entre autres, sur les risques de «guerre civile, troubles sociaux, expropriation, violation du contrat».