SONKO AGGRAVE SON CAS MALGRÉ LA BAFFE REÇUE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
EXCLUSIF SENEPLUS - Tout commence par un viol - celui du couvre-feu en mars 2021-, et se poursuit par un viol - celui de la Constitution en avril 2025. Le multirécidiviste ne sait toujours pas que ladite opposition est surprotégée par le peuple du Sénégal

Le 2 mars 2020, le Sénégal enregistre son premier cas de Coronavirus. Le pays rentre alors dans le tourbillon de la pandémie de Covid-19. L'état d'urgence assorti d'un couvre-feu de 21h00 à 05h00 est instauré le 5 janvier 2021 pour les régions de Dakar et Thiès où se concentre la grande majorité des contaminations. La mesure est reconduite pour un mois le 20 janvier. Le samedi, 20 février 2021, le gouvernement du Sénégal annonce une prolongation pour un mois du couvre-feu. En clair, cela veut simplement dire qu’à compter du 20 février 2021, et ce jusqu’au 20 mars 2021, interdiction est faite aux populations des régions de Dakar et Thiès de circuler de 21h00 à 05h00. En droit facile, le but de la mesure avait été de permettre aux Forces de défense et de sécurité (FDS) de protéger les populations de la grave crise sanitaire à laquelle faisait face le monde entier. C’est le moment choisi par l’actuel Premier ministre Ousmane Sonko pour sortir nuitamment de chez lui, violant le couvre-feu et attestant par là même d’un acte transgressif majeur d’où découlèrent les déferlements de violences sans précédent de mars 2021 et de juin 2023.
Le 14 juin 2023, des journalistes, avocats et défenseurs des droits de l’homme, Togolais pour la plupart, adressent une lettre ouverte à maître Sidiki Kaba, ministre des Forces armées du Sénégal, dans laquelle on peut lire le commentaire que leur inspirent les événements malheureux survenus chez nous 13, 12 et 11 jours plus tôt. En voici, pour l’essentiel, la teneur : « Nous sommes profondément indignés, préoccupés et très inquiets de la reculade à l’allure vertigineuse du niveau de la démocratie et des droits de l'homme en République du Sénégal, qui était considérée en la matière comme l'un des modèles en Afrique subsaharienne. »
À cela nous réagissons, dans une tribune datée du 20 juin 2023, en ces termes (extrait) : « La lettre ouverte des journalistes, des avocats et défenseurs des droits l’homme transcende la personne du ministre des Forces armées de la République du Sénégal, interpellant par la même occasion le gouvernement du Sénégal pour lui demander de tirer au clair les entorses gravissimes au maintien de l’ordre et au respect des droits de l’homme auquel le Sénégal ne saurait déroger sans perdre sa place enviable de locomotive politique dans une sous-région ouest africaine en proie à d’anciens et nouveaux phénomènes de déstabilisation. »
Pour celles et ceux dont l’intérêt pour notre modeste personne et nos modestes contributions au débat ne nous ont jamais fait défaut, notre désapprobation de la loi d’amnistie n° 2024-09, avant et après son vote le 6 mars 2024 par l’Assemblée nationale, n’était pas dictée par la fin de notre compagnonnage avec l’ancien président Macky Sall dont nous nous sommes séparé en démissionnant de son parti et de son cabinet le 19 juillet 2023.
Immobilisme bavard
Le changement de régime intervenu le 24 mars 2024 correspond à une séquence nouvelle dont les points saillants au terme d’une année d’immobilisme et de recul bavard sont la dissolution, le 12 septembre 2024, de l’Assemblée nationale par le président élu Bassirou D. D. Faye, la convocation du corps électoral et la tenue des élections législatives du 17 novembre 2024 couronnées par le succès électoral sans équivoque de la coalition Pastef dirigée par sa tête de liste Ousmane Sonko.
Le moment est enfin venu pour ce dernier de faire sa déclaration de politique générale. Le 27 décembre 2024, devant les députés de la majorité et de l’opposition réunis au grand complet, le Premier ministre Ousmane Sonko déclare : « Il sera proposé à votre auguste assemblée, dans les semaines à venir, un projet de loi rapportant la loi d’amnistie votée le 6 mars 2024 par la précédente législature ; pour que toute la lumière soit enfin faite et les responsabilités situées, de quelque bord qu’elles se situent. » En termes de législature, rapporter une loi signifie « retirer, révoquer, annuler une loi ». Au lieu de cela, la majorité se contente d’une proposition de loi interprétative de la loi d’amnistie faite par le député Pastef et 6ème vice-président de l’Assemblée nationale Amadou BA N° 2. En son article premier ladite dispose : « Au sens de l’article premier de la loi n° 2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie, sont exclus du champ de l’amnistie les faits survenus entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, sans lien avec l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique, et qualifiés notamment d’assassinats, de meurtres, de crimes de torture, d’actes de barbarie, de traitements inhumains, cruels ou dégradants, même si ces faits se rapportent à des manifestations, quelle qu’en soit la motivation, et indifféremment de leurs auteurs. » Cet énoncé porte amendement du même article dont la teneur initiale est : « Au sens de l'article 1 de la loi n° 2024-09 du 13 mars 2024, sont amnistiés, de plein droit, tous les faits susceptibles de qualification criminelle ou correctionnelle, ayant exclusivement une motivation politique y compris ceux commis par tous supports de communication, entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 tant au Sénégal qu'à l'étranger. Ainsi, les faits se rapportant à des manifestations ne sont compris dans le champ de la loi que s'ils ont une motivation exclusivement politique. »
« Les faits sans lien avec l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique » se substituent alors aux « faits ayant exclusivement une motivation politique » pour éteindre le brasier de la polémique qui enfle partout dans le pays et sa Diaspora pour cause de discrimination des citoyens scindés en deux groupes dont le premier libre de tout mouvement épingle un second destiné aux bancs des accusés.
Adoptée par l’Assemblée nationale le 2 avril 2025, ladite loi interprétative est aussitôt attaquée par l’opposition parlementaire dont l’unique groupe Takku Wallu Sénégal (« Mobilisons-nous pour sauver le Sénégal ») est présidé par l’avocate et ancienne ministre de la Justice Aïssata Tall Sall. Il s’agit, pour elle et 22 autres députés de l’opposition, d’un « recours en inconstitutionnalité contre la loi n° 08/25 de l’Assemblée nationale du 02/04 avril/2025 portant interprétation de la loi n° 2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie ».
Dans sa décision n° 1/C/2025, datée du 23 avril 2025, le Conseil constitutionnel, dont 5 des membres sur 7 ont délibéré, estime que « le législateur ne saurait, par une loi dite interprétative, ni faire obstacle à la répression de crimes imprescriptibles, ni priver de leur portée les principes relatifs à la sauvegarde de la dignité humaine, motif pris de ce que ces crimes seraient liés à l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique ». « Considérant qu’au sens de l’alinéa 2 de la loi attaquée, les faits tenus pour criminels d’après les règles du droit international, notamment l’assassinat, le meurtre, le crime de torture, les actes de barbarie, les traitements inhumains, cruels ou dégradants, sont inclus dans le champ de l’amnistie lorsqu’ils ont un lien avec l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique ; qu’en incluant ainsi dans le champ d’application de la loi portant amnistie des faits imprescriptibles au regard des engagements internationaux à valeur constitutionnelle du Sénégal, l’alinéa 2 de l’article premier de la loi n° 08/2025 du 02 avril 2025, viole la Constitution. »
« L’article premier de la loi nº 08/2025 adoptée par l’Assemblée nationale en sa séance du 2 avril 2025 est contraire à la Constitution », décide irrévocablement le Conseil constitutionnel.
Conclusion
Tout commence par un viol - celui du couvre-feu en mars 2021-, et se poursuit par un viol - celui de la Constitution en avril 2025. Dans les deux cas de viol, le même transgresseur - le chef politique de la majorité et Premier ministre du Sénégal Ousmane Sonko -, désigne un coupable dont l’identité échappe à toutes les grandes et moins grandes juridictions du pays. Et comme si cela ne suffisait pas, M. Sonko aggrave son cas en injuriant publiquement, par écrit, l’opposition démocratique et républicaine dont les membres sont qualifiés de « résidus d’opposition ». C’est que le multirécidiviste ne sait toujours pas que ladite opposition est surprotégée par le peuple du Sénégal souverain qui proclame, dans le préambule de la Constitution, « la volonté du Sénégal d'être un Etat moderne qui fonctionne selon le jeu loyal et équitable entre une majorité qui gouverne et une opposition démocratique, et un Etat qui reconnaît cette opposition comme un pilier fondamental de la démocratie et un rouage indispensable au bon fonctionnement du mécanisme démocratique ».
Inutile, pour notre part, d’en rajouter dès lors qu’une série de viols à laquelle un individu prend goût se termine toujours par le viol de trop qui vient.