Sos pour un secteur en agonie
LE FEST’ART A LA LUEUR DU THEATRE SENEGALAIS

La 7e édition du Festival théâtre pour la paix (Fest’art) a tiré ses rideaux depuis mardi dernier 11 juin. Un festival initié par le jeune comédien Macodou Mbengue et qui en est à sa septième édition. Si toutes les précédentes ont été de grands succès, celle de cette année a été particulièrement réussie. Ce qui est un exploit dans un pays où les initiatives privées ne sont ni encouragées, ni soutenues. Surtout dans le domaine culturel… Animé par sa seule conviction culturelle, le membre fondateur de la troupe privée les Gueules Tapées, Macodou Mbengue, a réussi à donner à notre pays le seul festival de théâtre d’envergure internationale et porté par des nationaux.
Et au regard du programme de cette 7e édition du Fest’art, cela saute aux yeux que le quatrième art sénégalais est en crise, malgré ce qui pourrait être considéré comme « l’embellie » des troupes du théâtre populaire. En effet, pour cette édition, une seule compagnie privée sénégalaise a été retenue dans la programmation en présence de celle du théâtre Daniel Sorano. Et si on en est arrivé à ce niveau déplorable, c’est justement faute de créativité. En d’autres termes, les compagnies n’ont rien de nouveau à présenter à cause de l’absence d’une écriture scénique majeure. Un épineux problème auquel le théâtre sénégalais se trouve confronté depuis quelques années avec un déficit criard d’écrivains doués pour l’écriture dramatique.
Outre ces difficultés, le Fest’art souffre d’un manque de soutien des autorités et des sponsors. Et pour cause, ces derniers sont beaucoup plus présents dans des futilités que dans le soutien à la créativité intellectuelle. En dépit de ces obstacles, force est cependant de reconnaître qu’à l’heure actuelle, notre pays aurait dû jouer, depuis la première alternance, les rôles majeurs au niveau continental en matière de quatrième art. En effet, aux premières années de l’alternance, revenue du Togo où elle avait décroché les trophées de la meilleure compagnie et du meilleur comédien, la compagnie les Gueules Tapées avait obtenu un accueil euphorique des autorités.
Elle avait même — honneur suprême — été reçue en audience par le chef de l’Etat d’alors, Me Abdoulaye Wade, qui s’était engagé à faire revivre le quatrième art sénégalais. Un secteur qu’il a certes doté d’une infrastructure d’envergure mondiale avec le Grand Théâtre, mais hélas, sans aucun moyen pour les compagnies privées appelées à faire vivre cette grande structure avec des créations majeures. Malheureusement, beaucoup de ces compagnies ont presque disparu des planches pendant que les rares comédiens qui tenaient à survivre ont dû quitter le pays pour d’autres cieux où certains exercent des activités éloignées de leurs premières amours.
Parmi les rares qui résistent, il y a justement les Gueules Tapées avec d’autres jeunes qui ont pour passion le théâtre. Et c’est aberrant de voir le seul festival où ces jeunes peuvent montrer leur talent demeurer sans aucun soutien conséquent des autorités. Un festival qui est aussi boudé par les sponsors. Lesquels préfèrent courir derrière la lutte… A preuve, l’initiateur du Fest’art peinait à boucler son budget à 24h de l’ouverture de cette manifestation. A l’arrivée, il s’est retrouvé avec des dettes à payer. Par amour du théâtre…
Le ministre de la Culture a là une belle carte à jouer en soutenant ce festival pour en faire une manifestation d’envergure au même titre que la biennale de l’art contemporain de Dakar. M. Abdou Aziz Mbaye gagnerait également à doter les troupes privées, qui excellent dans la création, de subventions conséquentes. Il s’agira aussi d’encourager des vocations dans l’écriture scénique en mettant en jeu, par exemple, un prix fortement doté, à l’instar des Grands prix du président de la République pour les Arts et Lettres. Le Sénégal recèle d’excellents comédiens formés à bonne école, lesquels pourraient jouer les premiers rôles au niveau international. Il est seulement dommage qu’avec des ressources humaines d’une telle qualité, notre théâtre végète autant dans la misère…