UNE FEMME DU SERAIL
MAIMOUNA NDOYE SECK, MINISTRE DE L’ÉNERGIE

La nouvelle ministre de l’Energie est une femme du sérail. Titulaire d’un master en gestion et économie de l’énergie, elle est ingénieure de conception en génie mécanique. Jusque-là présidente de la Commission de régulation du secteur de l’électricité (Crse), Maïmouna Ndoye Seck a été directrice de cabinet à l’énergie et conseillère technique à la Primature. Avec son expertise et son expérience, le problème de l’énergie devrait trouver solution.
Elle fait partie de la race des surdouées dont les noms sont inscrits au Panthéon du savoir sénégalais. Première fille à être admise à l’Ecole polytechnique de Thiès(Ept), Maïmouna Ndoye Seck n’en est pas moins une épouse modèle, une maman poule. Déjà, entrer à Polytechnique était un défi et pour une femme, c’était presque un vœu pieux. D’autres auraient bombé le torse, mais celle qu’on a fini de rebaptiser «Madame rigueur» préfère se la jouer modeste. Issue d’une famille léboue traditionnaliste et très portée sur les valeurs ancestrales, elle alliera études et travaux ménagers. «Je n’ai jamais été assimilée.
En tant que femme léboue, on travaillait beaucoup. On nous apprend comment tenir une maison. Pendant les vacances, c’est nous qui faisions les travaux ménagers», confie-t-elle.
Contrairement à «Maïmouna», le personnage central du chef-d’œuvre d’Abdoulaye Sadji, qui a été sublimée par la capitale, Maïmouna Ndoye est une vraie dakaroise, une «town girl» puisqu’elle est née en 1962 au Plateau (Crédit foncier) et n’en est sortie que 20 ans après, pour poursuivre ses études à l’Ecole Polytechnique de Thiès.
De l’école Colobane 1 à Delafosse, le parcours du génie
Entre 1969 et 1975, la petite Maïmouna à la noirceur d’ébène fera un cursus normal à l’école Colobane 1, actuelle école Ibrahima Bèye. «Je ne suis pas issue d’une famille bourgeoise. J’ai donc fréquenté l’école publique. J’étais une élève normale, pas turbulente, calme et réservée», se souvient-elle. Puis, la longiligne demoiselle fait cap sur le collège CMT, devenu Martin Luther King, pour poursuivre ses études moyennes. C’est là véritablement que le génie va se réveiller en elle. Malgré son amour pour les lettres, son penchant pour les sciences se précise.
C’est en classe de 4ème qu’elle prendra le large et se distinguera comme une grande matheuse. «Je ne suis pas d’accord quand on dit que les maths ne sont pas faites pour les femmes. Nous faisons des maths tous les jours, sans peut-être le savoir. Quand on cuisine pour 6 personnes, on vous dit que 5 autres viendront déjeuner, vous faites des maths pour mesurer.
En portant un calebasse d’eau, vous faites des maths en posant le centre de gravité sur la tête», dit-elle. C’est que pour cette fille d’un fonctionnaire et d’une ménagère, la gent féminine a des dispositions naturelles pour briller dans les matières scientifiques. «Après le Cmt, on est destiné à faire la série G 2 au lycée Maurice Delafosse où les plus brillants devenaient comptables et les autres des secrétaires», renseigne celle qui rêvait de devenir architecte. Le choix était tout fait, mais il faut compter avec Lamine Bâ, son professeur de Maths et de Sciences de la 6ème à la 3ème, qui la surveillait comme du lait sur le feu : «Nous avions déjà fait nos choix. Il est venu déchirer les fiches devant nous et nous demander d’opter pour la série E (sciences et techniques). Monsieur Lamine Bâ a joué un rôle fondamental dans ma carrière, car c’est lui qui a fait le choix pour moi». Première de sa classe, elle obtient la mention Assez bien au baccalauréat et réussit au concours d’entrée à l’Ecole Polytechnique en 1982.
Première femme incorporée dans l’Armée
Terminées les matinées bien arrosées entre camarades, les soirées dansantes où elle faisait montre d’un talent de danseuse invétérée. Voilà Maïmouna Ndoye sur le chemin de Thiès pour 5 ans d’études, dans un environnement mâle où elle est la seule à défendre son genre. «L’école était militaire, mais elle n’était pas prête à recevoir des filles. On a eu du mal à me trouver une chambre, parce que les chambres étaient mixtes», se souvient-elle. Là, elle connaîtra la vie de caserne et se liera d’amitié avec des garçons, devenus «plus que des frères», sous le regard vigilant du colonel Sidi Bouya Ndiaye, alors directeur de l’école.
Ancienne directrice de cabinet du ministre de l’Energie Samuel Sarr, ancienne conseillère à la Primature, elle a eu plusieurs cordes à son arc. Qu’à cela ne tienne, elle prend très au sérieux son statut d’épouse très ancrée dans les valeurs africaines. En atteste son accoutrement : pagne bien noué dans une tenue africaine de couleur blanche, elle garde toute sa splendeur et toute sa classe dans sa démarche digne d’une basketteuse. Sport qu’elle ne pratique pas malgré sa grande taille, mais qu’elle aime comme du reste elle adore le football. Certains de ses condisciples se souviennent de la jeune demoiselle studieuse: «Maïmouna Ndoye était très brillante, calme et travailleuse. C’est une dame extraordinaire. Elle a été major de notre promotion», témoigne Barham Thiongane, son camarade de promotion à l’Ept.
«Je ne suis pas sûre que j’étais major de la promotion»
Humilité en bandoulière, elle se veut circonspecte sur son titre de major, même si le directeur de l’école l’a dit devant le Président Abdou Diouf. «Je ne crois pas avoir été major devant Demba Sow. Il était jeune, mais tellement brillant. Il est le fils de Aliou Sow de Cse», dit-elle avec humilité. Parmi ses condisciples qui l’ont marquée, Maïmouna Ndoye aime citer Aliou Mara, directeur général de l’Agence du patrimoine bâti de l’Etat, Mamadou Ngom (Jean Lefebvre Sénégal), feu Mama Amar, Issa Ndiaye entre autres. Avec ceux-là, celle qui deviendra Mme Seck en cours de formation avait fondé une véritable famille, fruit de 5 ans de compagnonnage.
Maïmouna Ndoye Seck et ses maîtres
Entre elle et ses maîtres, c’est une histoire d’estime réciproque, cet amour indéfectible qui lie toujours les brillants élèves à leurs enseignants. Si Lamine Bâ, son professeur au Cmt, a été l’élément déterminant dans son choix et dans sa carrière, elle s’est bien abreuvée à la source de Mary Teuw Niane (maths), Christian Sina Diatta (sciences physiques) et Sakhir Thiam qui offraient leurs services à l’Ecole polytechnique, une inspiration du système nord américain, qui forme les hauts cadres pluridisciplinaires du Sénégal. L’Ecole polytechnique offrait, en plus de la formation militaire obligatoire, un enseignement théorique au cours des deux premières années où le redoublement est interdit.