''UNE FEMME QUI VEUT FAIRE UNE CARRIÈRE UNIVERSITAIRE A DES SACRIFICES À FAIRE''
NDIORO NDIAYE, COORDONNATRICE DU RESEAU FRANCOPHONE POUR L’EGALITE FEMME/HOMME

Représentant du Secrétaire général de la Francophonie au colloque « Femmes universitaires, femmes de pouvoir ? », Ndioro Ndiaye analyse toutes les difficultés pour une femme d’embrasser une carrière universitaire dans un contexte social lourd de pesanteurs.
Que vous inspire le thème « Femmes universitaires, femmes de pouvoir ? » ?
C’est une problématique importante. Notre système éducatif va mal. Il y a énormément à faire pour redresser et recentrer nos objectifs d’enseignement, nos objectifs pédagogiques sur ce que la modernité exige actuellement. On a des failles, des lacunes, malgré les efforts du gouvernement.
L’intérêt de ce colloque, avec un tel thème, se justifie par le fait que la Francophonie va connaître un tournant décisif dans la manière dont elle va appréhender non seulement les problèmes culturels, mais aussi ceux de la politique et du développement.
Maintenant, les femmes à l’université, on n’en parle pas souvent parce qu’on pense, à tort que cette cible n’a pas de problèmes. Mais en réalité, les femmes universitaires vivent des problèmes majeurs, ayant trait à des questions sociologiques. Quelle est leur place dans la société ?
Comment leur environnement immédiat les perçoit parce qu’elles ont une carrière a faire, à défendre, à justifier auprès des leurs ? Ce sont des questions qui se posent.
Faire une carrière universitaire demande, à la femme, un engagement qui ne ressemble à aucun autre. Si une femme veut faire un cursus universitaire, elle ne peut se lever seulement le matin, aller faire son cours, revenir chez elle et ranger ses papiers et s’occuper de la maison. C’est un choix à faire.
Est-ce à dire que carrière universitaire et vie familiale ne sont pas conciliables ?
Les deux sont conciliables. Je l’ai fait avec succès et d’autres femmes aussi. Tout le monde peut le faire, seulement, il faut faire un choix et être conscient de son choix. Il faut avoir l’ambition d’être autrement que l’ordinaire. Une femme universitaire n’est pas une femme ordinaire.
Les femmes universitaires doivent être les premières à l’accepter. Une femme qui veut faire une carrière universitaire doit accepter de venir plus tôt que les autres. Et si elle veut devenir une universitaire leader avec un pouvoir déterminé, il faut qu’elle soit meilleure, qu’elle soit capable de diriger, de gérer, d’ouvrir des opportunités pour améliorer le secteur qu’on lui a confié ou qu’elle a choisi.
Une femme universitaire doit connaître davantage. Le cognitif est important, mais le savoir- faire et le savoir-être sont aussi des éléments nécessaires. D’où l’importance de ce colloque.
Est-ce que cela veut dire qu’une femme qui a opté pour une carrière universitaire est obligée de sacrifier sa vie de famille ?
Non du tout. Comme quelqu’un l’a dit lors de ce colloque, il faut de la négociation et de la concertation. Il faut que le mari et la femme se parlent. Il faut que les femmes universitaires prennent l’initiative de poser le débat et de le circonscrire dans le lieu familial. Je ne pense pas du tout qu’une femme universitaire puisse choisir de faire une carrière et de ne pas la faire avec qualité et avec excellence.
Si l’on regarde les chiffres, on a une grande mutation. Le nombre de femmes augmente dans des secteurs qui n’étaient pas occupés par des femmes notamment dans les disciplines scientifiques et techniques. Mais il ne faut pas qu’elles se disent ne pas avoir une vie familiale épanouie. C’est en ce sens que le dialogue entre l’époux et la femme est nécessaire.
C’est un point clé. Il faut que les deux se parlent, se mettent d’accord sur les trajectoires et les orientations à prendre et que tout cela soit imprimé au sein de la famille. Des sociologues ont dit, avec beaucoup de force et de vigueur, que l’université est dans une société, et que les pesanteurs sociales ne peuvent pas être exclues quand on analyse la situation de l’université. Je suis tout à fait d’accord.
Mais, en tant qu’être humain, en tant que ressource humaine, nous aussi on a une emprise sur la société et l’on doit peser de tout notre poids pour opérer les changements attendus au sein de la société sénégalaise et à l’université.
Egalité femme/homme, n’est- ce pas une vision chimérique?
Non. L’égalité entre femme et homme, c’est faire en sorte que tous les programmes qui existent pour la qualité de la ressource humaine, qu’elle soit homme ou femme, soient initiés, conçus, exécutés, évalués de telle manière que l’impact qu’ils auront sur les femmes et sur les hommes soient les mêmes, qu’ils aient le maximum de chance d’être les mêmes.
C’est difficile, mais il faut essayer. Le chemin peut être difficile mais rien ne nous empêche de l’emprunter. Il faut nous battre. Je suis convaincue qu’on peut y arriver si l’on regarde autrement l’égalité femme/homme. Je ne parle pas de parité, je parle de l’égalité femme/homme. Dans la parité, il y a beaucoup de contingences qui interviennent.
Mais rien n’empêche que dans les sphères de décision (gouvernement, structures de recherche, d’enseignement...) un directeur convaincu qu’il a besoin de la qualité, de l’expertise des femmes et des hommes, essaie de mette en équilibre les hommes et les femmes.
L’essentiel c’est que la prestation de service effectuée par les hommes et les femmes puissent apporter une plus value au processus de développement. Le concept d’égalité femme/homme, c’est l’égalité en droit, en devoir, dans les attitudes et les comportements.