YÉMEN, UN MENSONGE !
SENEPLUS POSE TROIS QUESTIONS ET PLUS À MALICK NOËL SECK

(SenePlus.Com, Dakar) - Malick Noël Seck est secrétaire général du Front national de salut public/«Momsarew». Membre du mouvement «Bou Jambar Dem», qui lutte contre l’envoi des militaires sénégalais en Arabie Saoudite, il se prononce sur la dernière sortie du chef de l’Etat qui, invoquant son statut de chef des armées, «clôt le débat» sur sa décision controversée. Le trublion du champ politique sénégalais dénie à Macky Sall cette prérogative parce que, souligne-t-il, il n’y a jamais de débat sur la question.
76% des votants du Baromètres SenePlus ne soutiennent pas la décision du chef de l’État d’envoyer des soldats sénégalais en Arabie Saoudite pour le conflit au Yémen. Réagissant aux critiques suscitées par sa décision, le président de la République, invoquant son statut de chef des armées, a déclaré que le débat sur la question est clos. Comment réagissez-vous à cette sortie de Macky Sall ?
Je tiens à préciser qu’il n’y a jamais eu de débat autour de l’envoi de soldats sénégalais au Yémen. Macky Sall a pris une décision unilatérale avant même d’informer une Assemblée nationale qui lui est totalement acquise. Et lorsqu’il dit que les questions militaires ne sont un sujet de discussion dans aucun pays du monde, on peut sérieusement douter des connaissances du chef de l’Etat en matière d’histoire ! Au Yémen, des rebelles chiites, les Houthis, soutenu par l’Iran ont renversé le gouvernement d’Abdullah Saleh, le dictateur sunnite soutenu par l’Amérique et l’Arabie Saoudite depuis plus de vingt ans. Partout ailleurs, au Moyen-Orient on aurait salué cette victoire comme une autre manifestation du Printemps arabe, sauf au Yémen! L’impérialisme occidental au XXIe siècle se pare d’une couverture morale et humanitaire et qualifie d’intégrisme et de terrorisme religieux tous ceux qui s’opposent à l’expansion du capitalisme sauvage. Au Yémen des rebelles nationalistes comme les Français en 1789, les Américains en 1776, le Vietminh en 1973, ont renversé un régime despotique. C’est une victoire nationale qui ne convient pas aux Américains et à leurs alliés. Nous venons d’envoyer des soldats musulmans participer à la guerre fratricide que se livrent les Sunnites et les Chiites depuis plus de mille ans et il n’appartient pas au chef de l’Etat de clore un débat qu’il n’a jamais initié.
Avec de telles prérogatives constitutionnelles, ne pensez-vous pas qu’il est nécessaire de réduire les pouvoirs du Président qui paraissent exorbitants au point qu’il en use et abuse ?
Le président de la République a de fait un pouvoir dictatorial. C’est l’UPS qui, cherchant à joindre l’Internationale socialiste, a inventé l’opposition. De plus, nos indépendances octroyées à des partis uniques, en pleine guerre froide, dont les leaders n’existaient que pour veiller au respect des termes des accords de coopération, ne trompaient plus grand monde. Mamadou Dia, qui s’était rendu compte de la supercherie, le payera en passant douze ans de sa vie en prison. Donc Senghor est allé chercher Majmouth Diop qui était alors pharmacien en Tunisie, et Abdoulaye Wade qui avait fondé le PDS en 1974, pour les encourager à représenter l’opposition aux PS. Malgré la révision constitutionnelle de 1976, la dictature de l’exécutif qui octroi au chef de l’Etat le pouvoir de dissoudre le parlement d’influer sur le ministère de la Justice et donc indirectement sur le Procureur, et ainsi d’altérer les procédures judiciaires est toujours une réalité de fait au Sénégal. Le chef de l’Etat peut même, aux termes de l’Article 52, évoquer des pouvoirs exceptionnels.
Vous qui êtes initiateurs de «Bou Jambar Dem», que comptez-vous faire puisque vous n’êtes pas épargnés par les propos présidentiels ?
Il faut tout mettre en œuvre pour exposer les dessous du Yémen pour faire porter au chef de l’Etat la totalité des responsabilités des risques encourus par les hommes que nous y avons envoyé et les répercussions possibles sur la sécurité intérieure du Sénégal. Au Yémen, des musulmans encouragés par l’Amérique vont tuer d’autres musulmans. Il nous faut organiser une campagne d’informations sans précédent sur le Yémen pour aider les populations à mesurer l’ampleur de ce crime. On nous a menti à propos de l’Iraq et de la Libye que l’Otan a réduits à l’état de décombres au nom d’une résistance qui n’existait pas. On nous a menti à propos de l’Afghanistan et de la Syrie où l’extrémisme religieux, que les médias occidentaux dénoncent, a été armé par l’Amérique pour renverser le régime d’Assad qui ne leur convenait pas. Par conséquent, pourquoi devrions-nous croire les mensonges colportés sur le Yémen ?