«COMMENT LA REPARTITION DU FONDS COVID-19 A ETE FAITE »
Palabres avec… Pape Faye, artiste - comédien et président de l’Arcots

Le comédien et maître de cérémonie Pape Faye, président de l’Association des artistes comédiens du théâtre sénégalais (ARCOTS), a tenu à livrer sa vérité des faits suite à l’octroi de soixante millions destinés aux comédiens dans le cadre du Fonds Covid - 19. En effet, aussitôt après la remise du chèque à Pape Faye, des voix se sont élevées pour réclamer une équité dans le cadre de la distribution de cette manne. Dans cet entretien, il revient sur cet épisode et livre sa vérité des faits.
Pape Faye vous avez reçu dans le cadre du fonds Covid -19, une enveloppe de soixante millions et cela a suscité des réactions de certains artistes qui exigent que tout se fasse dans la transparence ?
En ma qualité de président de l’Association des artistes comédiens du théâtre sénégalais (l’ARCOTs) nationale, j’ai eu à recevoir la somme de soixante millions. Cela s’est fait au vu et au su de toute la nation sénégalaise, car il y avait la presse qui a relayé l’information. C’était dans un souci de transparence et je m’en réjouis. Je voulais juste profiter de l’occasion pour remercier le Président de la République et le ministère de la Culture qui ont bien voulu nous octroyer cette enveloppe. Le Président de la République n’était pas obligé d’appuyer les acteurs du secteur de la culture. Il a surtout fait preuve de générosité et d’égards à l’endroit des hommes de Culture et il faut l’en féliciter. C’est justement parce qu’il a bien compris qu’il est le Protecteur des Arts, des Lettres et des Artistes qu’il a débloqué une enveloppe de trois milliards pour soutenir les acteurs de la Culture. Le sous-secteur du théâtre a reçu cent quatre-vingt millions et ARCOTs a bénéficié de soixante millions. Nous avons été les premiers à recevoir notre part, car nous étions les premiers à être prêts au niveau de tous les sous-secteurs. Cela prouve, si besoin en était, que nous n’avons pas de problèmes à ce niveau, car nous sommes un secteur très bien organisé. Pour rappel, l’ARCOTs existe depuis quinze ans déjà. Feu Thierno Ndiaye Doss a été le premier président. A sa disparition, Lamine Ndiaye a pris le relais. Et finalement, mes pairs m’ont choisi pour succéder à Lamine. Personnellement, je n’ai rien sollicité, mais ce sont les comédiens qui m’ont demandé avec insistance de présider notre association. Tout cela pour dire que le sérieux et la rigueur ont toujours prévalu au sein de l’ARCOTs.
Pouvez-vous revenir sur le processus qui a mené à l’octroi de ces soixante millions ?
J’allais en venir ! Mais je voulais juste poser le débat. Nous avons été reçus par le ministre de la Culture. Je tiens à dire que moi-même, j’avais sollicité cette audience. Ainsi, le ministre nous a reçus ainsi que les gens du comité de relance, nos collègues du groupe « Caada » et d’autres associations. Il nous a fait part de la situation et nous a demandé ce que nous avons prévu pour les accompagner. J’ai tenu alors à lui faire savoir que nous n’étions pas venus pour lui demander de l’argent. A titre personnel, j’avais déjà investi cinq cent mille francs sur fonds propre pour sortir une œuvre de sensibilisation dès l’apparition du virus. Il s’agit de mon propre argent, mais pas celui d’ARCOTs et je n’ai attendu personne pour le faire, car nous sommes des patriotes conscients de notre rôle et de notre place dans la société. Toutes les antennes d’ARCOTs ont aussi fait des gestes pour soutenir leurs membres. Aussi bien à Pikine, Thiès, Louga, Kaolack et ailleurs, ils ont décaissé des millions pour distribuer des vivres et appuyer des membres.
Qu’est ce qui justifie donc ces accusations de détournement ?
. Il n’y a pas l’ombre d’un détournement ! C’est impossible, car il s’agit de l’argent de l’Etat. C’est juste un problème de manque d’informations qui se pose. Les gens n’ont pas pris la peine de se renseigner à la bonne source. C’est au cours de cette audience que le ministre nous a demandés de réfléchir sur un projet pour que les acteurs du théâtre puissent apporter leur contribution. Après trois jours de réflexion et de travail acharné avec nos consultants, nous avons déposé nos conclusions sur la table du ministre. Il a été tellement séduit qu’il s’est proposé d’être notre agent marketing pour nous trouver des fonds. Quelque temps après, le Directeur des Arts nous convoque pour nous demander de discuter sur notre projet car le ministre l’avait validé. Il était question de nous octroyer une enveloppe de quarante-cinq millions pour mener à bien ce projet initial. Par la suite, c’est le ministre qui a estimé, qu’au vu de la dimension et de la représentativité de l’ARCOTs, il fallait revoir ce chiffre à la hausse. C’est pour cela qu’il a décidé de nous remettre soixante millions. Voilà comment les choses se sont passées au départ. Il fallait donc jouer notre partition pour accompagner l’Etat dans cette lutte contre la pandémie. A la sortie du chèque, je l’ai photographié pour l’envoyer à tous les présidents qui se trouvent dans toutes les régions. Ces derniers l’ont tous mis dans leurs statuts et profils. Ce qui signifie que tout s’est fait dans la transparence. Par la suite, l’autre pôle a reçu la somme de quatre-vingt-quatorze millions sur la base de trente mille francs par artiste. Voilà vraiment la situation.
Comment cela est-il possible ?
Il faut savoir qu’au niveau de l’ARCOTs, nous avons remis une liste de deux mille membres au directeur des Arts. Effectivement, nous avons bien déclaré ce chiffre et il faut savoir que nous n’avons pas comptabilisé tout le monde. sinon, on serait allé jusqu’à quatre mille personnes au moins. Nous avons surtout considéré les acteurs actifs et ceux qui disposent de cartes de membre. Nous n’avons pas voulu prendre en compte les disparus. Voilà pourquoi nous avons reçu soixante millions à raison de trente mille par artiste. Les autres ont tous reçu des enveloppes sur la base de ce calcul. C’est après réception du chèque que nous avons décidé de réfléchir sur ce qu’il y a lieu de faire. On a alors convenu d’essayer de surseoir à l’exécution du projet. J’en ai discuté avec soumaré de Thiès, Lébou et Leyti Fall. Il fallait réfléchir sur la posture à adopter. Il était question de surseoir à l’exécution du projet et à partager cette manne entre tous les membres. Nous avons décidé de nous en ouvrir au ministre et il a aussitôt adhéré. Voilà pourquoi nous avons décidé de partager cette somme entre nos deux mille membres. Pour l’exécution du projet initial, nous allons le faire avec l’aide de Dieu et avec nos moyens. Au moment de distribuer cette somme, toute la presse sera invitée ainsi que les autorités du ministère de la Culture. En ce qui me concerne, je fais don de ma part à l’ARCOTs. Honnêtement, je ne peux pas toucher à cette somme. Je préfère vraiment investir mon argent pour que personne ne soit lésé.
Revenons à votre profession. On constate une perte de vitesse du théâtre dramatique en plus de la léthargie de Sorano ?
Ce théâtre est toujours là. Il ne s’agit pas d’une perte de vitesse, mais plutôt d’un problème de moyens. Pour créer une pièce comme « Nder en flammes » ou le « sacre du Ceedoo », il faut un personnel assez fort et convaincant. Il faut aussi un personnel artistique d’une dimension extraordinaire….Il y a juste une sorte de léthargie, mais les acteurs sont bien là. Il y a une politique culturelle qui fait qu’aujourd’hui, les moyens ne sont pas destinés aux acteurs et aux comédiens de théâtre pour leur permettre de faire de belles choses. Je ne voudrais pas parler de léthargie en ce qui concerne sorano. Je ne sais pas s’il y a léthargie ou pas et je ne saurais le dire. Avec la crise sanitaire, sorano a fermé ses portes. Les gens ne travaillent plus et ils ne répètent plus. Ce qui était en instance de création a arrêté et il va falloir revoir et revisiter d’autres dates. J’avais un programme à sorano avec la création « Homicide ». C’est une pièce que j’ai moi-même écrite et on n’a pu la jouer à cause de la pandémie. Il y a également la reprise de « Nder en flammes « qui était prévue le 8 mars au Musée des civilisations noires et qui n’a pu se faire. Il y a beaucoup de choses qui ont été stoppées par la volonté du corona virus.
Comment appréciez-vous la floraison des séries télévisées qui tendent à faire disparaître un peu le théâtre classique ?
C’est vrai qu’il y a une floraison des séries télévisées et c’est un fait. J’encourage toujours la création car je suis un enseignant. Il y en a beaucoup et cela veut dire qu’ils ont tous une bonne approche du théâtre et de la création scénique et cinématographique. Personne ne peut dire le contraire de ce qui se passe aujourd’hui au niveau des séries télévisées. C’est parce que tout le monde aime ce que nous faisons qu’ils viennent vers nous. Je ne peux pas dire grand-chose la –dessus, si ce n’est de les encourager et leur demander de se rapprocher des experts de l’ARCOTs qui pourront les assister.
On constate également qu’il y a de moins en moins de jeunes metteurs en scène …
Aujourd’hui, tout le monde s’autoproclame metteur en scène (Rires). On se réveille un beau jour, sans aucune formation et on se dit metteur en scène. C’est un mal qui est en train de gangréner la création. Je voudrais rendre hommage à Jean Pierre Leurs et seyba Lamine Traoré, ils ont transformé le visage du théâtre sénégalais. Ceci grâce à leur maitrise de l’art de la scène. La mise en scène est une question d’intelligence. Il y a trois choses qui font un metteur en scène. Il faut avoir un bon niveau intellectuel, le sens du spectacle et le sens de la créativité. Il ne suffit pas de se lever un beau jour pour s’autoproclamer metteur en scène. Malheureusement, c’est ce que nous voyons aujourd’hui. Il faut que ces jeunes acceptent de se former davantage pour mieux consolider les acquis dont ils disposent dans ce métier.