MENACES SUR DRAAK (2)
En surface, en pleine banlieue, La jeune femme serre l’enfant sur sa poitrine découverte, court tous les sens, fonce sans discernement su les véhicules, telle une folle. Monsieur … s’il vous plait … c’est pour l’Hôpital monsieur

Alioune Badara Seck est un écrivain Saint-Louisien auteur d’une dizaine de romans. Le magazine du week-end vous propose sa subtile nouvelle « Menaces sur Draak » un récit de science –fiction aux accents prémonitoires.
En surface, en pleine banlieue, La jeune femme serre l’enfant sur sa poitrine découverte, court tous les sens, fonce sans discernement su les véhicules, telle une folle.
Monsieur … s’il vous plait … c’est pour l’Hôpital monsieur …
Au volant, les têtes se détournent, les vitres remontent à grande vitesse, si ce ne sont posent sur elle Monsieur … s’il vous plaît. C’est une voix, sortie de toutes ces ombres passantes qui lui crie : Prenez un taxi madame … avec eux il n’ya aucune chance. Un taxi … !
Ses bras sont soudain baignés de vomissures teintées de rouge. Dieu tout puissant !... Taxi… Taxi… Des freins qui hurlent, des pneus qui crissent. A L’Hôpital ?... C’est trois mille… Trois mille ?... Vous avez dit trois... Mais je n’ai que… Le taxi redémarre, sur les chapeaux de roue. La jeune femme ne peut que se résoudre à prendre à témoin la foule anonyme qui passe…
Par pitié !... il va mourir… elle fonce de nouveau sur le véhicule suivant, qui l’esquive pour continuer à toute vitesse… Dans ses bras, l’enfant est devenu un pantin désarticulé. elle se prend soudain à hurler, les yeux hors de la tête. Depuis plusieurs jours la presse s’en donne à cœur joie.
A la une, les titres défilent avec la même régularité. «Le mal inconnu se répand » ; « les enfants premières victimes » ; « fièvre vomitive : les ordures indexées » ; « Draak en quarantaine ? la situation envisagée » ; … et d’autres titres de la même veine … et toujours, la nourriture journalière des quotidiens : « Viol collectif d’une domestique ; une bande de loubards… » ; « Le car se renverse sur l’autoroute : treize morts ; « Draak, un souk gigantesque ».
Et encore : Vol à main armée en plein jour, rue des… » ; « Trafic de stupéfiants à la prison centrale » ; « un agresseur lynché par des femmes » ; « Corruption de mineure : deux touristes à la barre » ; « Des triplés à la maternité de… »
Dans les souterrains, c’est un véritable conseil de guerre qui se termine. Le Patriarche, tout excité, semble avoir retrouvé sa vigueur. Il est temps d’agir… Sinon, c’en est fait de Draak. et vous le savez bien, sans Draak, nous les muridés, nous ne sommes rien… C’est à vous Chef vigile… est-ce que tout est bien compris ? Allez ! Rappelez-vous. Vous n’avez pas le droit d’échouer… et que nos dieux nous viennent en aide !
La jeune femme se tient debout devant le portail de l’Hôpital. Elle a l’air hagard. L’enfant est mort en ce lieu devenu mouroir. Elle y a laissé des centaines d’autres, des hommes et des femmes agonisant aux bras de leurs proches impuissants. Elle n’y a pas trouvé le moindre médicament.
Les médecins débordés lui ont fait une ordonnance, à la va-vite. elle est restée là pendant des heures, son bout de papier en main, désespérée et aigrie d’avoir quémandé en vain. elle avait fini par sentir qu’elle agaçait autour d’elle. D’ailleurs elle n’a pas trop cru à ce diagnostic. elle avait senti en elle-même que ce mal-là, c’était autre chose de bien plus grave. un mal du diable…
Sa pensée va à l’homme à la motocyclette qui avait eu la générosité de s’arrêter pour les prendre sur son porte-bagages, elle et son enfant mourant. Draak est en émoi. Ce sont partout les mêmes mots. Vous avez vu ?... C’est une véritable hécatombe depuis quelques jours, chez ces sales bêtes. Notre rue en est débordée… j’en ai compté une quinzaine… Ma parole !... et ces queues vertes et boursouflées… vous avez remarqué ?
Je n’ai jamais vu ça de ma vie… Il paraît que le Service d’Hygiène est dessus…
On les ramasse à la pelle… C’est pour les analyses… Qu’est-ce que ça nous réserve tout cela ?... Hein… Avec ce mal inconnu en plus ! Qu’est-ce que Draak a encore fait au bon Dieu ?... Dans une rue du bidonville, en plein jour : Papa, là, regarde… Ce sont des rats ! Des rats ? en plein jour ?... Tu as bien vu ?
Là… entre les briques… Oui… Mais qu’est-ce que tu racontes ?... Le papa se baisse pour regarder entre les briques dispersées. Il a le temps d’apercevoir deux boules grises, qui en l’espace d’une seconde, disparaissent comme par enchantement… Nom de Dieu, je n’ai pas rêvé… C’est une de ces bêtes immondes à queue verte qu’ils ont trainée jusqu’ici… et toute ensanglantée, elle aussi ! recule petit ! Va me chercher la pelle… Vite… Vite…
Le patriarche est tout seul sur son siège. Il médite comme d’habitude, après le conseil de l’aube, les traits un peu plus sereins. « Nos vigiles ont fait du bon travail… Ils ont réussi en a exterminer tant, de nos cousines porteuses de ces germes maléfiques, que leur présence dans Draak ne peut plus passer inaperçue chez les humains…
Ces Draakiens inconscients ont enfin décidé d’ouvrir les yeux… leurs guérisseurs sont tous sur le qui-vive… ils trouveront, c’est sûr. C’est dans leur mémoire collective… ils vont éradiquer ce mal dont ils avaient oublié jusqu’à l’existence… « Nous ne pouvions laisser continuer.
Sinon, c’est toute la race des Drakiens qui allait disparaître… et nous avec… Oui… Car, sans les Drakiens, que serions-nous, nous les muridés… ? »