LE LONG CHEMIN VERS L'ÉLECTRICITÉ ABORDABLE
La récente déclaration du ministre de l'Énergie sur une baisse du prix de l'électricité à 60 FCFA/kWh a été mal interprétée comme immédiate, alors qu'elle s'inscrit dans une stratégie à long terme conditionnée par d'importantes réformes. Explications !

(SenePlus) - La récente déclaration du ministre de l'Énergie concernant une possible baisse du prix de l'électricité a déclenché une vague d'enthousiasme, rapidement transformée en confusion. Qu'a réellement promis le gouvernement, et dans quels délais cette réduction tant attendue pourrait-elle se concrétiser ? Une analyse approfondie des faits s'impose.
Les propos de Birame Souleye Diop, ministre de l'Énergie, du Pétrole et des Mines, ont été au centre d'une confusion médiatique majeure en avril 2025. Plusieurs médias et internautes ont cru comprendre que le coût du kilowattheure (kWh) allait immédiatement passer "de 117 francs CFA à 60 francs CFA après des réformes structurelles", selon Africa Check.
Lors d'une intervention à la radio nationale le 6 avril 2025, le ministre a effectivement évoqué cette baisse, mais dans un contexte bien précis : "L'objectif du gouvernement est de faire en sorte que ce coût, qui se situe actuellement à environ 117 FCFA le Kwh, puisse baisser à 60 FCFA le Kwh", a-t-il déclaré. Toutefois, cette diminution ne surviendra qu'après "plusieurs mesures à introduire et des changements à réaliser dans le secteur énergétique", précise Africa Check.
Cette promesse s'inscrit en réalité dans le cadre de l'"Agenda National de Transformation - Sénégal 2050", document référentiel lancé en octobre 2024. Ce plan stratégique prévoit une baisse progressive du coût de l'électricité : "Notre électricité de demain sera entièrement générée par la transformation de nos ressources nationales (gaz, vent, soleil, cours d'eau). Cette énergie sera propre et compétitive, avec un prix modéré (moins de 60 FCFA le kWh) pour les besoins des ménages et de nos entreprises et industries", mentionne le document à sa page 8.
La feuille de route fixe des étapes intermédiaires claires : le prix moyen, actuellement "à 110 FCFA/KWh", devrait descendre à "moins de 80 FCFA/KWh d'ici 2034", avant d'atteindre l'objectif final de "moins de 60 FCFA/KWh en 2050". Néanmoins, le Premier ministre Ousmane Sonko semble avoir accéléré le calendrier en déclarant devant l'Assemblée nationale, le 14 avril 2025, que le gouvernement compte atteindre ce prix "dans les cinq ans".
Alioune Badara Camara, consultant en énergie cité par Africa Check, replace ces annonces dans leur contexte : "Les réformes structurelles en matière d'énergie ont effectivement été initiées par le régime précédent, notamment à partir de 2014, dans le cadre du Plan Sénégal Émergent (PSE)". Ces réformes "visent à moderniser le secteur, réduire les coûts de production, attirer des investissements privés et accroître l'accès à une énergie plus propre et moins chère".
Un document stratégique élaboré avec le Millennium Challenge Corporation en 2018 prévoyait déjà une baisse du prix à 80 FCFA/kWh, rappelle le site de fact-checking. Malick Ndaw, journaliste et consultant en énergie, ajoute qu'en 2020, "les coûts de production étaient censés baisser à 80 FCFA/kWh en 2023, mais la crise de la Covid, les effets du conflit ukrainien, entre autres, avaient contribué à retarder l'exploitation des ressources pétrolières et gazières".
Le ministre Birame Souleye Diop a détaillé les leviers qui permettront d'atteindre ces objectifs. La SENELEC (Société nationale d'électricité du Sénégal) prévoit d'adopter "un mix énergétique", notamment en "convertissant certaines centrales fonctionnant au fioul vers le gaz". Africa Check précise que ce terme désigne "la répartition des différentes sources utilisées pour les besoins énergétiques dans une zone géographique donnée".
L'État sénégalais envisage également "d'ouvrir des négociations avec les fournisseurs d'énergie" et de "développer davantage de centrales solaires", selon le ministre, qui affirme que ces projets reposent sur "des études déjà finalisées".
Malick Ndaw souligne que "la baisse effective des tarifs doit être attendue désormais à moyen terme, mais pas maintenant". Selon lui, "la baisse du prix de l'électricité nécessite des machines performantes et efficaces et le dernier maillon pour concrétiser la baisse des tarifs est tributaire de l'arrivée du gaz domestique".
Malgré le démarrage de la production du site gazier de Grand Tortue Ahmeyim en février 2025, "à court terme, une baisse des prix de l'électricité semble improbable", car il faut considérer "les investissements requis pour développer des infrastructures de production performantes", explique l'expert.
Le Sénégal, devenu producteur d'hydrocarbures depuis juin 2024, pourrait voir sa situation économique transformée par cette nouvelle ressource. Toutefois, la promesse d'une électricité à 60 FCFA le kWh reste, pour l'instant, un objectif à moyen ou long terme, contrairement à ce que certaines interprétations hâtives ont pu laisser croire.