MAIS POURQUOI VEULENT-ILS DÉBARQUER TIDJANE THIAM, LE PATRON DE CRÉDIT SUISSE ?
Depuis sa nomination, le cours de l'action de la banque a fait un bond de 20 % en un an. Alors que reproche-t-on à cet Africain dont la mère était une nièce de Houphouët-Boigny, et dont l'oncle a occupé les fonctions de Premier ministre au Sénégal ?

PRESSION. Malgré le fort soutien des principaux actionnaires de sa banque, le Franco-Ivoirien n'est pas en odeur de sainteté sur la place financière de Zurich.
– Au niveau de l'aura, la Neue Zürcher Zeitung (NZZ), c'est un peu l'équivalent du Monde en Suisse alémanique. Ce quotidien conservateur a la réputation de défendre bec et ongles la place financière, et notamment les deux principaux établissements bancaires, l'UBS et Credit Suisse. Mais depuis quelques mois, la NZZ réclame avec constance le départ de Tidjane Thiam, directeur général de Credit Suisse, en fonction depuis juillet 2015. Ce Franco-Ivoirien, aujourd'hui âgé de 57 ans, dirigeait à Londres le groupe d'assurances Prudential quand il a été appelé à la rescousse de la deuxième banque de la Confédération en mauvaise posture. Depuis, Credit Suisse se porte mieux, sa masse sous gestion grimpe et le cours de son action a fait un bond de 20 % en un an. Alors que reproche-t-on à cet Africain, dont la mère était une nièce de Félix Houphouët-Boigny, l'ancien président de la Côte d'Ivoire, et dont l'un des oncles a occupé les fonctions de Premier ministre au Sénégal ?
Le banquier se déplace en hélicoptère
Le quotidien Le Temps de Lausanne titre sobrement : « Tidjane Thiam, le banquier qui n'était pas assez suisse. » « Il est brillant, mais il ne fait pas partie des élites habituelles », déclare un observateur de la place financière, qui rappelle « que les Suisses n'aiment pas toujours les têtes qui dépassent ». De plus, ce Franco-Ivoirien s'exprime en anglais et en français, mais pas en allemand. À Zurich, on n'aime guère son côté flamboyant : Tidjane Thiam n'hésiterait pas à se déplacer en hélicoptère… Le patron de Credit Suisse ne manque pas non plus d'ennemis à l'intérieur de la banque. À commencer par le Suisse Urs Rohner, le président du conseil d'administration de Credit Suisse ! Ce dernier est soupçonné d'avoir fait fuiter dans la presse la semaine dernière les noms des successeurs potentiels du Franco-Ivoirien.
Credit Suisse n'est plus suisse
L'Agefi, le quotidien de la finance, met encore davantage les pieds dans le plat : « Le plus désolant, c'est que cette discussion ne se fonde pas sur des critères objectifs, mais qu'elle se mène sur des bases émotionnelles pour ne pas dire sur des questions d'appartenance nationale », écrit-il. Tidjane Thiam se serait mis à dos tous ceux qui veulent que la Paradeplatz (la place dans la vieille ville de Zurich qui accueille l'UBS, Credit Suisse et la Banque nationale suisse) reste suisse. Or, la grande banque n'est vraiment plus suisse. Et ses principaux actionnaires, tous étrangers, soutiennent Tidjane Thiam.
Les principaux actionnaires à la rescousse
À commencer par la firme américaine Harris Associates (8,42 % des actions de Credit Suisse) qui menace de ne pas réélire… Urs Rohner, le président de la banque, si ce dernier n'apporte pas un soutien officiel à son directeur général ! La société d'investissement londonienne Silchester International Investors (3,3 % des actions) vient à son tour de plébisciter Tidjane Thiam. Même s'ils ne s'expriment pas officiellement, Qatar Investment Authority, son homologue norvégien, et le groupe saoudien Olayan Group ne semblent pas non plus mécontents des prestations de l'ancien patron de Prudential.
La banque accusée d'espionnage
Malgré tout, la grande banque suisse subit depuis septembre dernier une violente tempête. Elle a été contrainte de reconnaître qu'elle avait mandaté des détectives privés pour suivre son responsable de la gestion de fortune. Ce dernier venait d'être débauché par l'UBS, le principal concurrent. Pour éteindre l'incendie, deux hauts cadres de la banque, le Français Pierre-Olivier Bouée, directeur des opérations (et numéro deux), et Remo Boccali, le chef de la sécurité, ont démissionné. Officiellement, ils auraient pris la décision d'espionner Iqbal Khan, le responsable de la gestion de fortune, sans en informer Tidjane Thiam, le directeur général. Malgré tout, la presse helvétique ne s'est pas gênée pour raconter dans les détails l'animosité qui régnait entre Thiam et Khan, voisins sur les bords du lac de Zurich… De plus, en décembre 2019, la SonntagZeitung révélait que Credit Suisse surveillait depuis plusieurs années les activités de l'organisation Greenpeace en Suisse. Décidément.