POUR LES FEMMES EN AFRIQUE, LE POUVOIR DE DIRE NON RESTE À CONQUÉRIR
La part des femmes qui peuvent dire « non » a tendance à diminuer depuis dix ans sur le continent. Une soumission grandissante aux demandes des conjoints qui s’observe au Ghana, au Mali et au Sénégal, entre autres

Choisir leur propre contraception, accoucher dans de bonnes conditions, avoir accès à l’éducation sexuelle, échapper au viol ou aux mutilations génitales… Le chemin des femmes vers l’autonomie est encore long. Le rapport annuel du Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap) souligne qu’une sur deux n’est toujours pas en mesure de faire respecter son intégrité corporelle dans une soixantaine de pays en développement. Et à en croire le copieux document intitulé « Mon corps m’appartient » et publié mercredi 14 avril par l’agence onusienne, la situation est particulièrement mauvaise dans certaines régions du continent africain.
L’usage de moyens de contraception modernes a plus que doublé dans le monde depuis 1994, mais, pour mesurer la capacité des femmes en couple de 15 à 49 ans à choisir pour elles-mêmes, le Fnuap ne s’est pas contenté d’analyser l’évolution du contrôle des naissances. L’agence a notamment exploité des données qui découlent d’un des « objectifs de développement durable » adoptés en 2015, celui qui porte sur l’égalité entre les sexes. Trois questions ont été posées aux participantes : Qui prend généralement les décisions relatives à votre propre santé ? A votre contraception ? Pouvez-vous dire « non » à votre mari si vous ne souhaitez pas avoir de rapport sexuel ?
Au Mali, au Niger et au Sénégal, les réponses apportées reflètent une situation jugée « alarmante » par les auteurs. Dans ces trois pays, moins de 10 % des femmes prennent des décisions de façon autonome. La situation est plus nuancée en Ethiopie : 94 % des sondées disent avoir recours à la contraception, mais elles ne sont que 53 % à pouvoir opposer un refus à leur partenaire. Au Bénin, le pourcentage de celles qui décident elles-mêmes de contrôler le nombre de leurs enfants progresse ; par contre, la part des femmes qui peuvent dire « non » a tendance à diminuer depuis dix ans. Une soumission grandissante aux demandes des conjoints qui s’observe aussi au Ghana, au Mali et au Sénégal.
Le « prix de la fiancée »
D’après le Fnuap, l’Afrique se distingue surtout par son nombre élevé de naissances au regard de l’évolution de la démographie mondiale. Le taux de fécondité total (qui donne pour chaque pays un nombre moyen d’enfants par femme calculé par tranche d’âge) est de 4,9 dans l’ouest et le centre du continent, 4,2 dans l’est et le sud, alors que la moyenne mondiale se situe à 2,4. Le Niger est le seul pays du monde où l’indicateur de fécondité dépasse 6 (il s’y établit à 6,6). Viennent ensuite le Mali, la République démocratique du Congo (RDC), l’Angola, le Tchad, le Nigeria, le Burundi, le Burkina Faso et la Gambie, qui enregistrent tous au moins 5 enfants par femme.