Derbies en série: le "Fla-Flu" au Brésil, "un match pour l'éternité"

"Le Fla-Flu, c'est un match pour l'éternité, ce n'est pas un match pour un siècle: un siècle, c'est peu pour la soif et la faim d'un Fla-Flu". Voilà comment Nelson Rodrigues, célèbre chroniqueur du "futebol" brésilien, exaltait le derby de Rio entre Flamengo et Fluminense.
Depuis 1912 et la naissance du derby, les deux équipes se sont affrontées près de 400 fois. Le nouvel épisode de cette saga passionnelle aura lieu jeudi.
"Le Fla-Flu n'a pas de début. Le Fla-Flu n'a pas de fin" écrivait encore au milieu du XXe siècle ce dramaturge fan de Fluminense. Cette histoire de famille brouillée devenue rivalité fraternelle, a pourtant un point de départ. En 1911, le club de Fluminense va remporter le championnat de l'Etat de Rio quand neuf des titulaires se rebellent contre la direction, mécontents des compositions d'équipe. Ces dissidents se réfugient alors au Flamengo, un club d'aviron créé en 1895 et qui n'avait jusqu'alors aucun rapport avec le foot.
Le 7 juillet 1912, à Rio de Janeiro, capitale d'un jeune Brésil sans radio ni télévision et où le foot est alors un sport d'élite, quelques 800 personnes assistent au premier Fla-Flu de l'histoire dans le stade de Laranjeiras, encore aujourd'hui siège de Fluminense.
La nouvelle équipe "Fla", formée par presque tous les champions de la saison précédente sous les couleurs du "Flu", perd 3-2 face à leurs ex-doublures. "Cela a créé une rivalité encore plus forte", confie à l'AFP le journaliste Roberto Assaf, co-auteur du livre "Fla-Flu, le match du siècle".
Ainsi naît ce derby, que les Cariocas taxent de plus "enchanteur" du Brésil, devant celui de Sao Paulo entre Corinthians et Palmeiras.
"Le Fla-Flu est devenu synonyme de rivalité mais d'une rivalité différente, ce n'est pas quelque chose de belliqueux. Flamengo est né de Fluminense, et ça ressemble donc à une rivalité entre frères qui se connaissent très bien", affirme Renato Terra, réalisateur du documentaire "Fla-Flu, 40 minutes avant le néant".
- Les frères Karamazov du 'futebol' -
Cette histoire s'est couplée avec celle de deux autres frères, Mario Filho et Nelson Rodrigues, connus comme les frères Karamazov du "futebol".
Journaliste et supporter du "Mengao" (Flamengo), Mario Rodrigues Filho, dit Mario Filho, fut le grand promoteur de ce classique au Jornal dos Sports dans les années 1940 et par ailleurs l'artisan de la construction du Maracana - qui porte d'ailleurs officiellement son nom.
Son frère Nelson Rodrigues, fan de "Flu", donc, a transposé sa ferveur dans des textes qui font désormais partie de la littérature et de la culture populaire du Brésil.
Les deux frères vont participer à la popularisation du match, qui culmine le 15 décembre 1963: 177.000 personnes selon les chiffres officiels, ou 193.000 selon les estimations, se massent au Maracana pour la finale du tournoi carioca.
Et dans cette foule, un petit garçon de dix ans, Arthur Antunes Coimbra, qui allait devenir l'idole absolue de Flamengo et la principale figure de l'histoire du derby dans les années 1970-80 sous le surnom de Zico.
- De Rivellino à Ronaldinho -
Celui qui a emmené le "Mengao" à ses uniques titres en Copa Libertadores et Coupe intercontinentale (1981) reste encore aujourd'hui le meilleur buteur du Fla-Flu avec 19 pions (en 44 matches).
D'autres grands noms du foot brésilien s'y sont illustrés, comme Rivellino, Zagallo, Bebeto, Romario et Ronaldinho (ces deux derniers ayant joué pour les deux équipes).
Le match de jeudi se jouera dans le stade de Volta Redonda, loin du Maracana, traditionnel théâtre de duels épiques dont les installations olympiques sont actuellement en phase de démontage.
Flamengo lutte pour le titre dans le Championnat brésilien, et Fluminense pour une place en Copa Libertadores (équivalent sud-américain de la Ligue des champions). Mais peu importent les circonstances: ce derby respire la mystique footballistique.
Flamengo le club populaire contre Fluminense celui des élites; les supporters les plus nombreux contre les fans les plus spectaculaires, les Rouge et Noir contre les Tricolores.
Pour Nelson Rodrigues, "le Fla-Flu a commencé 40 minutes avant le néant. Alors se sont réveillées les foules". Jeudi elles vont encore se faire entendre à Rio.