Paris SG: Marco Verratti, diable de Manoppello et fierté des Abruzzes

A Manoppello, au centre de la Place de Marcinelle, on trouve une statue de pierre autour de laquelle on peut travailler sa conduite de balle, les bancs figurent des adversaires à dribbler et les arcades donnant sur le Corso Santarelli font dans l'imaginaire des gamins des buts très acceptables. Mais ceux-ci n'intéressaient pas beaucoup Marco Verratti qui, enfant déjà, ne marquait jamais.
De Manoppello au Parc des Princes, où il retrouvera mardi (20h45, face au Arsenal) la Ligue des Champions avec le Paris SG, le petit Italien n'a jamais couru après les buts.
D'ailleurs, aussi loin qu'il s'en souvienne, Gilberto Marasca n'a vu qu'une fois "Marcolino" faire réellement trembler les filets. "C'était un tournoi avec une prime au capocanoniere, le meilleur buteur. Mais Marco n'était pas au courant", se rappelle pour l'AFP celui qui préside depuis plus de 30 ans l'Arabona Manoppello, petit club des Abruzzes (région à l'est de Rome) où Verratti a appris le football.
"On a fini par lui expliquer. Alors il a arrêté les passes décisives et il nous a ramené la prime", raconte-t-il à l'intérieur du club-house, où quelques araignées se baladent sur les trophées.
Dans sa longue carrière de dirigeant amateur, Marasca a vu passer toutes sortes de joueurs sur le stabilisé gris et poussiéreux de l'Arabona. "Mais pour Marco, j'ai su immédiatement. Et j'ai gardé précieusement sa première licence, sous l'oreiller". Parce que la prime à la formation, ça compte pour les petits clubs.
- L'égal du Volto Santo -
Manoppello est un petit village de montagne, à trente kilomètres de Pescara et de la mer. Giovanni Del Bianco, costume sombre et chapeau noir, y est né en 1923 et il se rappelle de tout.
"Marco était un gamin délicieux et intelligent. Disons simplement qu'il se consacrait plus au sport qu'à l'école." Sa maîtresse de l'époque, Nelda Tarquinio, acquiesce. "Tout ce qu'il trouvait, il en faisait une boule et jouait avec. C'était un petit diable."
Fabrizio Verratti, le père, habite toujours Manoppello. Le joueur du PSG y revient régulièrement, avec sa femme Laura, rencontrée au village à 16 ans, et leur fils Tommaso.
Dans la maison familiale, Fabrizio a installé un petit musée. On y trouve des gufetti (des petits hiboux, le surnom de Marco), des photos du milieu de terrain parisien et de son frère Stefano, des maillots d'Ibrahimovic, d'Iniesta ou d'anciens partenaires de Pescara. Il y a même l'Hexagoal, le trophée du Championnat de France, sur la cheminée.
Mais Fabrizio préfère recevoir au restaurant "Lu Gattone". Lu Gattone, le gros chat, c'est Mario Lulli. Il a de belles moustaches et prépare de formidables raviolis aux champignons et à la truffe. Une fois, Fabrizio en avait ramené "120 ou 130" à Paris. Il y a aussi les arrosticini, des brochettes d'agneau, mais il paraît que maintenant, Marco "fait attention" à la diététique.
Aux murs du restaurant, comme partout au village, les photos dédicacées rappellent que "Marcolino" est "la fierté de Manoppello", autant que le Volto Santo, cette relique en tissu sur laquelle serait imprimé le visage du Christ, qui a valu au bourg une visite du pape Benoît XVI en 2006.
"Marco n'a pas oublié Manoppello. Il l'a dans le cœur, les gens d'ici, ses amis", affirme son père.
- 'Il cachait le ballon' -
De son village, Verratti a aussi gardé l'insouciance du jeu des enfants.
"Il joue un match de Ligue des Champions comme s'il était sur la place de Manoppello. C'est sa grande force", estime ainsi Claudio D'Arcangelo, chef-kiné du Delfino Pescara, où Verratti a débuté à 16 ans, en troisième division italienne.
Andrea Gessa, aujourd'hui manager du club, y a été son équipier pendant trois saisons. "On m'avait décrit un garçon talentueux auquel il était difficile de prendre la balle. Et au premier entraînement, je vois ce gamin de 17 ans au milieu de joueurs de 30 ans. Il cachait le ballon. Il le traitait avec tellement de facilité..."
A Pescara ou Manoppello, tous ceux qui ont croisé Verratti racontent le même garçon "humble, simple et prédestiné", comme le décrit Gianluca Caprari, attaquant du Delfino depuis 2011.
"Il avait beaucoup plus de qualités que les autres. Quand on naît avec ce talent, c'est grâce au papa et à la maman. Mais lui a aussi beaucoup travaillé sur le terrain", dit-il.
En 2012, guidés par l'entraîneur Zdenek Zeman, Caprari et une bande de talentueux gamins nommés Ciro Immobile, Lorenzo Insigne ou Marco Verratti ont offert à Pescara le titre de champion de Serie B.
La fête à l'Adriatico, vieux stade à l'italienne avec sa large piste d'athlétisme et ses tribunes en plein cagnard, a été mémorable. Quelques semaines après, Verratti l'a quitté les larmes aux yeux après avoir signé au PSG. Il n'a jamais vu la Serie A.