DES QUARTIERS CHAUDS PRENNENT LEUR DESTIN EN MAIN
Les uns assis sur des chaises en plastique, les autres, debout, sirotant des jus locaux, une trentaine de jeunes font les derniers réglages pour accueillir Dr Dansa Kourouma, président du Conseil National des Organisations de la Société Civile Guinéenne

Considérés comme l’épicentre des violences politiques et des replis communautaires, Wanindara et Kissosso, quartiers situés dans la banlieue de Conakry, ont décidé de se défaire de cette réputation sulfureuse de zone de non-droit. Au cours des violentes manifestations postélectorales qui ont secoué la capitale guinéenne au lendemain du scrutin présidentiel du 18 octobre dernier, les jeunes de ces deux quartiers de la commune de Ratoma ont décidé de prendre leur destin en main et de mener un vaste travail de plaidoyer contre tout acte de violence interethnique et autres affrontements inter-quartiers qui se sont soldés par des pertes en vie humaine et d’importants dégâts matériels. Pour eux, il est désormais hors de question de se laisser manipuler par les hommes politiques
Les uns assis sur des chaises en plastique, les autres, debout, sirotant des jus locaux, une trentaine de jeunes font les derniers réglages pour accueillir Dr Dansa Kourouma, président du Conseil National des Organisations de la Société Civile Guinéenne (Cnoscg). A la tête d’une délégation restreinte, Dr Dansa Kourouma est venu soutenir et magnifier l’initiative des jeunes de Wanindara 1 qui ont entrepris de combattre les actes de vandalismes et autres agressions fréquemment notés dans ce quartier en période électorale. Vaste chantier. En réalité, depuis plusieurs années, la plupart des heurts politiques enregistrés dans la capitale guinéenne sont partis de ce quartier de la banlieue de Conakry malfamé et défavorisé.
Majoritairement peuplé de Peulhs, ce quartier est l’un des bastions de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (Ufdg) de Cellou Dalein Diallo. Mais cette année, les jeunes, les sages et autres notables de ce bidonville réputé chaud ont pris les devants pour prévenir les émeutes. Et les résultats se sont révélés probants, puisqu’aucune casse n’a été notée dans la zone. Petit à petit, ils ont réussi à colmater les fêlures qui lézardent la cohésion au sein de cette communauté.
Particulièrement séduit par cette dynamique, le président du Cnoscg appelle ses hôtes à l’étendre dans les zones sensibles de la capitale pour étouffer définitivement le déferlement de haine et de violence. Lors de la tension qui a éclaté au lendemain du scrutin du 18 octobre, renseigne Amadou Woury Baldé, porte-parole de l’Association des jeunes de Wanindara 1, aucune boutique, aucune concession et aucun édifice public n’ont été saccagés dans ce quartier.
Pour y arriver, il a fallu mener un plaidoyer intense pour la non violence. «Nous les jeunes, toutes ethnies et confessions confondues, avons compris que nous avions un important rôle à jouer pour faire disparaître le fait communautaire. Pour cela, il fallait cultiver le bon voisinage. C’est ainsi qu’à dix jours du scrutin, nous nous sommes réunis pour expliquer aux uns et aux autres que les familles ne doivent pas s’agresser entre elles», raconte le sieur Baldé qui informe dans la même veine que les actions sur le terrain ont démarré le 10 octobre, à 8 jours de l’élection présidentielle.
Pour renforcer cette dynamique citoyenne, les membres de l’Association des jeunes de Wanindara 1 appellent l’Etat à accorder une attention particulière à ce quartier défavorisé. En effet, se désole Amadou Woury Barry, l’Etat est totalement absent dans ce quartier qui n’a ni école publique, ni poste de santé, ni structure de jeunes. Pour notre interlocuteur, il y a nécessité de mettre en place un projet communautaire de développement en vue d’occuper les jeunes.
Après Wanindara, la délégation de Dr Danso Kourouma a fait cap surKissosso, un autre quartier de la banlieue de Conakry célèbre pour son habitat spontané, ses baraques et ruelles sinueuses. Ici aussi, les populations majoritairement constituées de Malinkés ne veulent plus vivre dans un climat de haine contre les Peulhs. Aussi, se sont-elles engagées dans les assises citoyennes de la paix initiée par le Cnoscg. Réunies en cette matinée du 1er novembre à l’ombre de vieilles baraques décrépies et menaçant ruine, les populations locales, plus particulièrement les jeunes, ont décidé d’aller en guerre contre les discours haineux à l’origine des violences inter-communautés.
Après avoir basculé dans les émeutes, aux premières heures de la proclamation des résultats provisoires de l’élection présidentielle, ils ont opéré une prise de conscience en se retirant du terrain des affrontements. Leur quartier constituant une zone d’interposition entre les communautés (Peulhs et Malinkés) situées de part et d’autre, les jeunes de Kissosso ont mis en place des comités de veille chargés de stopper la progression des membres des deux camps. «Ce qui a permis d’annihiler toute velléité de confrontation dans notre quartier», jubile Souleymane Soumah, un des initiateurs de cette opération qui ajoute que les populations en avaient assez de vivre dans une terreur permanente. Pour lui, quelle que soient les tensions, les familles ne doivent pas s’agresser. «Les hommes politiques passent, mais l’union, l’entente, le respect, la dignité qui lient les populations doivent rester», indique-t-il. Et de préciser à propos de ce quartier : «On ne parle pas d’ethnie et de politique ici lorsqu’il s’agit de préserver la paix.»
Outre les comités de veille qui sillonnent et sécurisent leur quartier, renseigne Djiguiba Koulako Traoré, les jeunes de Kissosso et de Wanindara ont décidé de mettre en place une convention pour éviter désormais de s’attaquer mutuellement. Autrement dit, il s’agit d’un pacte de non agression destiné à consolider la paix civile. «Grâce à ce cadre de concertation et de dialogue permanent, nous parvenons à prévenir toute sorte de tensions», souligne Souleymane Soumah qui invite les jeunes de la Guinée à ne plus se laisser manipuler par les hommes politiques.
Dans l’espoir d’enterrer définitivement les démons de la division interethnique en Guinée et plus précisément à Conakry où le repli identitaire est fortement ancré, le Conseil National des Organisations de la Société Civile de Guinée (Cnoscg) a démultiplié les assises citoyennes pour la paix dans toutes les zones réputées sensibles de la capitale.