HARVARD DIT NON À TRUMP
L'institution refuse, dans deux lettres consultées par SenePlus, de se plier aux exigences jugées inconstitutionnelles concernant sa gestion de l'antisémitisme sur le campus, au risque de perdre des milliards de dollars de financements fédéraux

(SenePlus) - Dans un bras de fer d'une ampleur sans précédent, l'université Harvard a formellement rejeté à travers deux correspondaces adressées à l'administration et consultées par SenePlus, les exigences du gouvernement fédéral américain concernant la lutte contre l'antisémitisme sur son campus, dénonçant une tentative d'ingérence dans son autonomie académique.
Le président de Harvard, Alan M. Garber, a informé la communauté universitaire lundi que l'institution refusait de se plier aux demandes gouvernementales reçues vendredi dernier. "La prescription de l'administration va au-delà du pouvoir du gouvernement fédéral. Elle viole les droits garantis à Harvard par le Premier Amendement et dépasse les limites statutaires de l'autorité gouvernementale selon le Titre VI", écrit Garber dans sa lettre.
Les représentants juridiques de Harvard, William A. Burck et Robert K. Hur, ont officiellement notifié le gouvernement de ce refus, affirmant que "l'université ne cédera pas son indépendance ni ne renoncera à ses droits constitutionnels."
Les documents révèlent l'étendue des demandes gouvernementales, qualifiées d'"inédites" par Harvard. Parmi elles:
- Une restructuration de la gouvernance visant à "réduire le pouvoir" des étudiants, professeurs non titulaires et administrateurs "plus engagés dans l'activisme que dans l'érudition"
- Un audit complet des "points de vue" politiques et idéologiques au sein du corps étudiant, du corps professoral et du personnel administratif
- La fermeture immédiate de tous les programmes de diversité, équité et inclusion (DEI)
- Des réformes drastiques des procédures disciplinaires, notamment l'interdiction totale du port de masques lors des manifestations
- L'interdiction et la sanction des organisations étudiantes ayant participé à des activités jugées antisémites depuis octobre 2023
- Un contrôle gouvernemental des admissions d'étudiants étrangers pour éviter l'entrée de personnes "hostiles aux valeurs américaines"
L'enjeu est considérable : le gouvernement menace de couper des milliards de dollars de financement fédéral à Harvard si l'université ne se conforme pas. Ces fonds soutiennent des recherches cruciales dans des domaines comme la médecine, l'intelligence artificielle et les sciences quantiques.
"Pour le gouvernement, se retirer de ces partenariats maintenant risque non seulement la santé et le bien-être de millions d'individus, mais aussi la sécurité économique et la vitalité de notre nation", souligne Garber.
Cette confrontation s'inscrit dans le sillage des tensions qui agitent les campus américains depuis les événements du 7 octobre 2023 et l'escalade du conflit israélo-palestinien. Harvard, comme d'autres universités d'élite, a été secouée par d'importantes manifestations pro-palestiniennes.
Dans sa lettre, Garber affirme que Harvard s'engage à combattre l'antisémitisme et a déjà pris "de nombreuses mesures" en ce sens au cours des quinze derniers mois. L'université prévoit "d'en faire beaucoup plus", tout en refusant que "le gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir, dicte ce que les universités privées peuvent enseigner."
"La liberté de pensée et de recherche, ainsi que l'engagement de longue date du gouvernement à la respecter et à la protéger, a permis aux universités de contribuer de manière vitale à une société libre", rappelle Garber.