SE FÉLICITER DES ACCORDS D’ABIDJAN
Ne faisons pas la fine bouche parce que personne n’osait penser un jour que la France ne gérerait plus nos réserves de change, ni qu’elle ne siégerait plus dans les instances de gouvernance de l’UEMOA pour y faire le gendarme financier

Rien que la disparition du FCFA, symbole de la dictature coloniale française depuis plus de 75 ans mérite à être magnifiée pour nos dirigeants, mais surtout du coupé décalé pour Alassane Ouattara. Une étape importante vers la souveraineté monétaire a été franchie samedi à Abidjan avec la fin du mécanisme du compte d’opération et le passage prévu à l’Eco pour les huit pays de l’Uemoa. Savourons déjà cela. Le reste attendra.
La France est décapitée. Il reste à l’achever. Cela demande encore du temps et surtout une dose de courage politique qui doit être dicté par un réalisme qui prend cependant en compte l’environnement économique et financier mondial. Comment comprendre certains qui disent qu’avec la garantie de stabilité accordée par la France à l’Eco, rien ne change. Un tel discours ne repose sur rien. Il faut l’honnêteté intellectuelle pour reconnaître quand même qu’il y a eu quelque chose d’inédit dans ce qui s’est passé à Abidjan. Il reste qu’entre ce samedi et ce dimanche, on aura tout entendu surtout venant d’agitateurs, d’économistes dépassés et d’une autre époque jusqu’à prédire l’échec du projet d’intégration de la Cedeao, de pseudo-économistes qui ont pollué les médias pour plus s’exposer que d’expliquer aux 80 millions d’habitants de l’Uemoa la portée historique des accords d’Abidjan du samedi 21 décembre 2019.Le danger énorme, c’est le pessimisme de mauvais aloi de certains intellectuels de notre espace. Tout peindre en noir.
Tout est suspect à leurs yeux. Cela frise de la désinvolture. Ne faisons pas la fine bouche parce que personne n’osait penser un jour que la France ne gérerait plus nos réserves de change au niveau de son Trésor, ni qu’elle ne siégerait plus dans les instances de gouvernance de l’UMOA pour y faire le gendarme financier. Que le franc CFA disparaisse de la circulation, que nos réserves de change ne soient plus logées obligatoirement en France et que des fonctionnaires français ne siègent plus dans nos instances de gouvernance monétaire…
Et après cela, il se trouve des gens pour soutenir encore que rien n’a changé ? Il est vrai que nos chefs d’Etat ont toujours tellement courbé l’échine devant la France, son président et ses ministres que tout ce qu’ils font avec l’ancien colonisateur est forcément suspect. Il n’est qu’à rappeler la fameuse dévaluation du FCFA en 1994 imposée en quelques heures par un petit ministre français de la Coopération du gouvernement Balladur, M. Michel Roussin en l’occurrence, pour se convaincre de cet asservissement. La tutelle française est un facteur de blocage pour l’avènement de la monnaie unique de la CEDEAO. De nombreuses tentatives ont échoué du fait que la France était encore omniprésente dans notre système monétaire. Cela, des pays comme le Nigéria et le Ghana, les têtes de pont du système anglophone, ne pouvaient l’accepter.
L’acte posé ce samedi doit être vu comme un processus bien lancé. Un processus qui rend possible la fusion monétaire avec les autres sept pays de la Cedeao. C’est pourquoi, on ne doit pas cracher dans la soupe en soulevant des futilités qui sonnent comme une cosmétique de représentation. Les enjeux sont importants et, pour une fois, demandent une convergence de toute la société civile, des économistes, et, surtout, de la classe politique pour rendre possible cette grande ambition d’une monnaie commune à toute la CEDEAO. Prenons les acquis déjà obtenus et laissons se dérouler le processus de création de cette future monnaie commune. Un processus qui pourrait faire l’objet de rectifications nécessaires au fur et à mesure. Ne soyons pas nihilistes, en pensant toujours au petit coup fourré de l’homme blanc. Certes, il est vrai que ce dernier n’est pas digne de confiance, mais tout de même quelque chose s’est passé à Abidjan ce samedi 21 décembre 2019. Dégustons donc ce que nos chefs d’Etat ont pu décrocher à Abidjan en attendant….