L’AMNISTIE NE FERME PAS LA PORTE A LA JUSTICE
«Le juge a estimé que la loi dite "interprétative" va à l’encontre du principe fondamental selon lequel une loi pénale plus sévère ne peut pas s’appliquer de manière rétroactive. Il a aussi rappelé qu’une loi d’amnistie ne peut pas couvrir des crimes

«Le juge a estimé que la loi dite "interprétative" va à l’encontre du principe fondamental selon lequel une loi pénale plus sévère ne peut pas s’appliquer de manière rétroactive. Il a aussi rappelé qu’une loi d’amnistie ne peut pas couvrir des crimes relevant du droit international.
Le Conseil a simplement dit le droit. Comme je l'avais déjà expliqué, une loi interprétative sert à clarifier un texte existant, pas à le modifier ou à en changer la portée. Si une loi introduite de nouveaux éléments ou en retire, ce n’est plus une loi interprétative. Dans ce cas précis, la loi en question ne se contente pas de clarifier, elle change le contenu de la loi d’amnistie, créant ainsi une inégalité entre les personnes concernées.
Le juge a donc confirmé que cette nouvelle loi modifie réellement le droit en vigueur. Elle devient alors une loi pénale plus sévère, ce qui pose un problème, car elle s’applique à des faits passés ce qui est normalement interdit. Concernant les conséquences, j'avais déjà averti que certains actes, notamment les crimes internationaux, ne peuvent pas être amnistiés. L’amnistie reste très limitée : elle ne peut pas tout couvrir, et elle ne ferme pas la porte à la justice. D’ailleurs, une personne libérée sans jugement pourrait toujours demander à être reconnue innocente. Enfin, le Sénégal est lié par des engagements internationaux qui sont inscrits dans sa Constitution. Il ne peut donc pas faire abstraction de ces obligations. »
« TOUTES LES PERSONNES IMPLIQUEES DANS CE QUI S'EST PASSE PEUVENT FAIRE OBJET DES POURSUITES »
« À partir de ce moment, on ne peut pas extraire un crime pour le soumettre dans une loi d'amnistie. Ce sont des actes imprescriptibles. Et même pour aller plus loin, ça dépasse même aujourd'hui les crimes de sang. Aujourd'hui, même les crimes économiques, il y a des crimes qui ne peuvent être frappés par la prescription, ce n'est pas possible. Dès lors, j'avais dit qu'on n'a même pas besoin d'interpréter cette loi. Cela étant, je me réjouis vraiment de cette décision du Conseil constitutionnel. Aucun civil, aucun militaire, aucun membre des forces de sécurité qui aurait commis un acte contraire aux instruments internationaux, ne peut être couvert par une loi d'amnistie. Ce sont des actes qui sont dans la constitution et qui ne peuvent faire l'objet d'une prescription. Ensuite, le juge n’a pas dérogé de ses propres pouvoirs. Car, comme la loi le dit, chaque fois qu'on défait une loi pour inconstitutionnalité, au-delà de la branche qui est visée, s’il considère qu'il y a des éléments qui sont contraires à la constitution, il doit les enlever au nom de la sécurité juridique. Et c’est ce qu’il a fait en précisant que l’alinéa 2 de cet article premier viole la constitution. Car, il touche les crimes et les actes qui sont punis par les instruments internationaux. Par conséquent, c'est une bonne décision qu'il faut saluer. Le juge constitutionnel a montré qu'effectivement, il est là au service de la loi, il n'a fait que dire le droit, il n'a fait que dire la loi. Cette décision a confirmé la non-couverture par la loi d’amnistie des crimes relevant du droit international. Par conséquent, toutes les personnes qui sont impliquées dans ce qui s'est passé peuvent faire objet des poursuites ».