LE PRIX NOBEL DE LA PAIX ATTRIBUE AUX JOURNALISTES MARIA RESSA ET DMITRY MURATOV
Les deux professionnels de l'information ont été choisis parmi les 329 candidatures proposées pour succéder au Programme alimentaire mondial (PAM), nobélisé l’an dernier

Clou de la saison Nobel, le prix de la paix a été attribué ce vendredi 8 octobre aux deux journalistes Maria Ressa et Dmitry Muratov au terme d’une édition très ouverte parmi 329 candidatures proposées cette année. Tous deux ont été récompensés pour « leur combat courageux pour la liberté d’expression » dans leurs pays respectifs, aux Philippines et en Russie.
Maria Ressa et Dmitry Muratov « sont les représentants de tous les journalistes qui défendent cet idéal dans un monde où la démocratie et la liberté de la presse sont confrontées à des conditions de plus en plus défavorables », a déclaré la présidente du comité Nobel, Berit Reiss-Andersen, à Oslo. Maria Ressa avait notamment été honorée par le magazine Time aux côtés de Jamal Khashoggi en 2018.
La liberté d’information récompensée pour la première fois
Âgée de 58 ans, Maria Ressa a cofondé la plateforme numérique de journalisme d’investigation Rappler en 2012, un média qui a braqué les projecteurs sur « la campagne antidrogue controversée et meurtrière du régime (du président philippin Rodrigo) Duterte », a fait valoir le comité Nobel. D’un an son aîné, Dmitry Muratov a quant à lui été un des cofondateurs et un rédacteur en chef du journal Novaïa Gazeta, une des rares voix encore indépendantes en Russie où la dissidence se heurte à une féroce répression.
Le quotidien a notamment mis en lumière « la corruption, les violences policières, les arrestations illégales, la fraude électorale et les “fermes de trolls” et l’a payé au prix fort », a souligné le comité : six de ses journalistes ont perdu la vie, dont Anna Politkovskaïa, tuée il y a 15 ans quasiment jour pour jour. Dans un monde où, comme le veut l’adage, « la première victime de la guerre, c’est la vérité », il s’agit du premier prix Nobel de la paix, en 120 ans d’histoire, à récompenser la liberté d’information en tant que telle.
Moscou félicite le journaliste d’opposition
Le Kremlin a immédiatement salué le « courage » et le « talent » de Dmitry Muratov. « Nous pouvons féliciter Dmitry Muratov. Il travaille en continu en suivant ses idéaux, en les conservant. Il est talentueux et courageux », a déclaré aux journalistes le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
Vendredi, à la suite de l’annonce du prix Nobel, Dmitry Muratov a annoncé dédier cette récompense au Novaïa Gazeta, et à ses collaborateurs assassinés pour leur travail et leurs enquêtes. « Ce n’est pas mon mérite personnel. C’est celui de Novaïa Gazeta. C’est celui de ceux qui sont morts en défendant le droit des gens à la liberté d’expression », a-t-il dit, cité par l’agence de presse publique TASS, listant les noms des six journalistes et contributeurs au journal assassinés. « Puisqu’ils ne sont pas avec nous, (le Comité Nobel) a visiblement décidé que je le dise à tout le monde (…) Voilà la vérité, c’est pour eux », a-t-il ajouté.
Un prix venant avec un chèque de près d’un million d’euros
Dmitry Mouratov a précisé ne pas avoir pu décrocher le téléphone lorsqu’il a reçu l’appel du Comité Nobel car il travaillait et ne pas avoir encore eu le temps de lire le texte de l’annonce. Son journal a précisé qu’une partie de la somme reçue pour son prix Nobel de la Paix sera versée à un fonds caritatif aidant les enfants qui souffrent de maladies rares. Cette organisation, Kroug Dobra (Le cercle de la bonté) a été fondée à l’initiative de Vladimir Poutine en janvier.
Consistant en un diplôme, une médaille d’or et un chèque de 10 millions de couronnes (980 000 euros), celui-ci est remis traditionnellement le 10 décembre, date anniversaire de la mort d’Alfred Nobel (1833-1896). Après celui de la paix, seul Nobel à être décerné dans la capitale norvégienne, la saison Nobel retournera à Stockholm pour un bouquet final avec le prix d’économie lundi.