L'ÉCOLE RÉPUBLICAINE À L'ÉPREUVE DU COMMUNAUTARISME
"L'État ne doit pas devenir l'instrument d'une seule foi ou d'une seule confrérie". C'est l'avertissement lancé par le Cadre de Réflexion et d'Actions Tijaani face au programme spécial pour les écoles de Touba, doté de plus de 111 milliards de FCFA

(SenePlus) - Le Cadre de Réflexion et d'Actions Tijaani (CRAT), dans une lettre ouverte adressée au ministre de l'Éducation nationale Moustapha Guirassy, s'alarme d'un plan d'investissement massif exclusivement destiné aux écoles de la ville sainte mouride de Touba, au détriment des autres localités du Sénégal.
L'organisation, qui se présente sous la bannière "Wattu Sunu Diiné" (Préserver notre religion), réagit à un atelier présidé par le ministre le 26 avril 2025 au King Fahd Palace de Dakar, consacré à la mise en œuvre d'un "programme éducatif pour les écoles de Touba".
Selon le CRAT, cet atelier a abouti à l'annonce d'un plan d'investissement public considérable comprenant :
- La construction de 332 écoles et établissements
- Un budget de 111,2 milliards de FCFA
- Des infrastructures spécialement adaptées aux spécificités religieuses et culturelles de Touba
Une "phase d'urgence" aurait déjà été lancée, prévoyant 9 constructions et 4 réhabilitations d'écoles pour un coût de 5,4 milliards de FCFA.
Une remise en question du principe d'équité républicaine
"Depuis quand l'éducation nationale doit-elle être aménagée sur mesure pour une seule cité religieuse ?" s'interroge le CRAT, qui, tout en reconnaissant le poids spirituel et historique de Touba, questionne l'absence de mesures similaires pour d'autres hauts lieux du patrimoine sénégalais comme Tivaouane, Kaolack ou Ndiassane.
L'organisation rappelle avoir déjà adressé une lettre ouverte au ministre le 18 janvier dernier, saluant l'intégration de l'étude de la vie de Serigne Touba dans les programmes scolaires, mais appelant à une approche "plus inclusive et équitable" incluant d'autres grandes figures religieuses du Sénégal.
"En agissant ainsi, vous, Monsieur le ministre, compromettez l'universalité de l'école républicaine. Vous brouillez la frontière sacrée entre le service public et l'appartenance communautaire", dénonce le CRAT, qui met en garde contre un "dangereux précédent d'inégalité territoriale et confessionnelle".
Le courrier se conclut par un appel solennel au ministre à "assurer l'impartialité, l'équité et l'unité" et à "revoir de manière urgente cette politique sélective" pour s'inscrire dans une perspective "véritablement nationale, inclusive et fédératrice".
Cette controverse intervient dans un contexte où la question de la place des confréries religieuses dans l'éducation nationale sénégalaise reste un sujet sensible, au carrefour des enjeux de laïcité, d'identité nationale et de cohésion sociale.