QUAND LE DROIT D’AINESSE SE CONJUGUE AU PASSE
CONFLIT DE GENERATION DANS LES TRANSPORTS EN COMMUN URBAIN

Incroyable, mais pourtant vrai ! Des jeunes gens qui refusent de céder des places assises aux personnes âgées. Ces faits déraisonnables se passent dans les cars de transport en commun de la ville de Dakar. Un comportement que des adultes trouvent très alarmant alors que pour les jeunes les temps ont évolué.
7 heures sur la Voie de dégagement Nord (VDN). C’est l’heure des grandes affluences dans les cars de transports en commun urbain. Travailleurs, élèves, étudiants, commerçants, ouvriers, etc. le monde veut arriver à son lieu de travail à l’heure. Des personnes qui ont des rendez-vous quelque part également ne sont pas reste. A bord d’un bus de transport en commun de la société «Dakar dém dikk» (DDD) un fait qui relève d’un manque de civisme alarmant de la part de jeunes attire notre attention.
En effet, après avoir acheté son ticket de transport, un jeune d’à peine 18 ans environ, habillé d’un pantalon jean délavé en mode «criss-cross» (la ceinture est attachée à hauteur des fesses laissant entrevoir la culotte de dessous) avec une casquette mal posée sur sa tête et des chainettes autour du cou, heurte sur son passage une femme d’une cinquantaine d’années qui se dirige vers une chaise libre pour s’asseoir.
La dame très surprise par le comportement du jeune lance un crie: «Waaaw! C’est quoi ce comportement? Tu viens de quelle planète toi ? Tu me bouscules pour me devancer à la place assise, tu n’as même pas honte de me faire ça, moi qui peux t’enfanter. Ta maman ne serait certainement pas fière de toi en apprenant cette grossièreté. Maintenant vas-y, va t’asseoir, c’est ce que tu veux n’est-ce pas? Ta maman te cède maintenant la place, va t’asseoir, si cela ne te gène pas (de t’asseoir) et ensuite regarder une pauvre dame qui a peut-être l’âge de ta maman rester debout».
Un sujet de débat vient d’être ouvert. Occasion saisit par quelques passagers pour étaler publiquement, leur opinion sur la question très critique. Un vieux âgé de 60 ans environ ouvre le bal: «j’ai pitié de ces jeunes d’aujourd’hui. Ils ignorent certaines valeurs capitales: le droit d’aînesse, le respect de son prochain, des parents, des personnes âgées etc. Mais bon, même s’ils sont fautifs, je pense que les parents le sont en grande partie, car c’est eux qui doivent inculquer à leurs enfants des valeurs et vertus.»
«Le droit d’aînesse avait un sens à l’époque»
Sur ces mots, un silence de cathédral règne dans le bus, car chacun réfléchit sur la pertinence de l’analyse du vieil homme. Au même moment, deux jeunes filles qui occupent les deux places assises derrière le siège du conducteur du Bus, sont trahies par leurs gestes, elles éprouvent de la gêne. Néanmoins, elles font semblant de ne rien entendre au sujet du débat du jour. Les messages du genre «veuillez céder les places assises aux personnes âgées, aux femmes enceintes et aux personnes à mobilité réduite (personnes handicapées)» qui défile sur l’écran devant le bus et au dessus du tableau de bord n’y feront rien.
A l’instant, un autre vieux lance ceci: «nous, à notre jeunesse, c’était inimaginable de voir un jeune occuper une place assise et laisser un vieux debout. Ah non! On était tellement éduqué par nos parents, mais aussi par nos enseignants. De ce fait, même quand on parlait à son aîné, on n’osait même pas le regarder droit dans les yeux, à plus forte raison le contredire. Le droit d’aînesse avait un sens à l’époque», s’est-il glorifié.
Cependant, un jeune d’une trentaine d’années dit partager l’avis du premier intervenant. «Père, vous avez parfaitement raison de dire que les parents sont d’une part fautifs. Mais à mon avis la liste n’est pas exhaustive. Il faut y ajouter les leaders d’opinions temporelles ainsi que spirituelles. Si ces derniers avaient joué normalement leur rôle d’éducation, je pense qu’on n’en arriverait pas à ce niveau», s’est-il indigné.
«Les jeunes d’aujourd’hui sont très branchés…»
Autre moyen de transport, même remarque. Dans un minibus de transport en commun communément appelé «Tata», l’on constate que les 2/3 des places assises sont occupées par des élèves. Ils sont concentrés dans leur discussion, parlant tous en même temps. Chacun veut se faire entendre par ses camarades. Ils font fi de la présence des quelques personnes très âgées, debout à côté d’eux.
L’un d’eux, interpellé sur la raison pour laquelle ils ne cèdent pas la place aux vieilles femmes qui sont debout dans le minibus, sourit avant de répondre en ces termes: «grand, pourquoi elles prennent un bus qui est déjà plein? Il fallait qu’elles attendent un autre. En plus, elles savent très bien que, les jeunes d’aujourd’hui sont très branchés, avec un esprit très libéral pour nager dans ces histoires des temps anciens.».
A la question de savoir quel serait sa réaction si sa propre maman était à la place, il renchérit: «mais ma maman, si elle commet l’erreur de monter dans un bus déjà plein, ça n’engage qu’elle».
Sur ce, nous interpellons l’une des vieilles mamans qui à l’air très épuisée: «Pourquoi ne demandez-vous pas à un de ses élèves de vous céder sa place?» «Nooon! Ça ne vaut pas la peine. Ils n’ont pas une bonne éducation, c’est vraiment très malheureux pour eux. Je pense qu’ils sont sacrifiés par leurs propres parents. Paradoxalement, leurs parents ont reçu une très bonne éducation. Maintenant au lieu de prendre tout le temps nécessaire pour la transmettre à leurs enfants, ils sont obnubilés par l’argent qui est le nerf de la guerre. Par contre, d’autres ont fui leurs responsabilités», s’est-elle exclamée.
L’autre n’a-t-il pas raison de dire: «dit moi quelle jeunesse tu as, je te dirai quel pays tu seras.»