COLLUSIONS DANGEREUSES

La tristement célèbre animatrice de la Sen-TV, Mame Maty Fall alias Maty Trois Pommes, placée sous mandat de dépôt par le procureur de la République, est accusée d’escroquerie portant sur 14 420 000 F CFA. C’est le Directeur général de Trans-Air, le commandant Alioune Fall, qui a porté plainte après avoir donné, à crédit, 23 billets d’avion à Maty 3 Pommes lesquels devaient servir à acheminer à Dubaï musiciens et autres préposés à l’organisation d’un diner de gala dont l’entrée était fixé à 120 euros.
Malheureusement les dirhams de Dubaï n’ont pas été au rendez-vous. Finalement la montagne a accouché d’une souris et Maty a fait flop. Les parrains, marraines, soutiens, sponsors et autres bonnes volontés sur lesquels elles comptaient pour amortir ses charges n’ont pas mis la main à la poche comme Maty l’espérait. Aussi crie-t-elle au complot et rejette en grande partie la responsabilité sur ceux-là qui ont refusé d’honorer leurs engagements pécuniaires.
Certains prétendus journalistes, dans un réflexe corporatiste, ont voulu emboucher la même trompette que l’animatrice de «100% people de la Sen-Tv» en criant eux aussi au complot. Pourtant, de par ses propres aveux, Maty est bien coupable des faits qui lui sont reprochés.
Dire que quand on co-organise un évènement, les bénéfices comme les pertes doivent être partagés, cela est vrai lorsque tous les co-organisateurs ont signé les mêmes actes d’engagement. Et dans ce cas de figure, seule Maty a pris des engagements avec la compagnie Trans-Air. Par conséquent, la journaliste animatrice doit avoir les moyens de sa politique et assumer pleinement les conséquences de son fiasco dubaïote.
Le scandale de Dubaï n’est que le remake de celui d’Atlanta de 2009 où Maty était mêlée à un trafic de visa. Elle devait convoyer des artisans dans ladite ville pour l’organisation d’un festival. A l’arrivée, elle s’est retrouvée avec des dettes pour une histoire de billets non remboursés en plus d’un trafic de visa parallèle. Plusieurs de ses clients qui étaient convoyés au pays de l’Oncle Sam n’étaient pas en réalité des artisans mais de simples candidats à l’émigration clandestine. Il avait été établi que les documents de voyage se monnayaient entre 3 et 6 millions de francs CFA.
A l’époque, la gendarmerie aéroportuaire avait confisqué son passeport pour l’empêcher de fuir en Belgique sans avoir épongé ses dettes. Par la suite, l’alors animatrice des émissions « Show tout chaud » et « Emigrés Double Face » de la 2STV avait décidé de faire la grève de la faim et d’observer un sit-in devant le palais présidentiel. Comme aujourd’hui avec ce nouveau scandale qui défraie la chronique et alimente les faits divers, elle avait lamentablement demandé de l’aide financière pour éponger les dettes qui l’asphyxiaient.
Récidive
Au-delà du scandale financier et du délit d’escroquerie, on repose encore la problématique de la relation incestueuse entre le monde la presse et le monde des affaires. Aujourd’hui il est avéré que la plupart des animateurs et journalistes télés ou radios font des affaires lucratives qui n’ont rien à voir avec la vocation première d’un médium. Souvent ils s’appuient sur le prétexte d’une émission à réaliser pour effectuer des voyages d’affaires. L’animatrice Kebs Thiam au début de cette année a vu son émission « Diaspora » réalisée aux Etats-Unis être censurée par la TFM pour une supposée histoire de publicités non reversées au service commercial.
Un système de connivences et de compromissions
A y voir de près, c’est tout un système de connivences et de compromissions entre hommes d’affaires ou politiciens et monde des médias dont la recherche amorale du profit, le fil directeur de leurs activités quotidiennes, explique ces délits à répétition. Sinon comment expliquer cette course effrénée de soi-disant samaritains ou bonnes volontés qui se sont précipités pour tirer d’affaire Maty Trois Pommes. On est en pleine confusion entre le métier de journaliste-animateur et le monde du business.
Alors il se forme de façon systémique tout un réseau d’influence et de collusion qui fonctionne sur le mode de la complicité ou de la subordination. Aujourd’hui beaucoup d’animateurs ou journalistes utilisent leur statut en sus du label de leur organe médiatique pour faire des affaires.
Si Maty ose organiser des spectacles hors du Sénégal pour se faire de l’argent, c’est grâce à la place qu’elle occupe dans les médias et qu’elle exploite imprudemment. Et utiliser sa carte de presse pour organiser des spectacles qui n’ont rien à voir avec le métier de journaliste ou d’animateur va à l’antipode de l’éthique journalistique.
Les relations dangereuses pour ne pas dire incestueuses entre certains hommes ou femmes des médias et les milieux d’affaires entachent la profession journalistique et mettent en péril l'indépendance de la presse. Si aujourd’hui cette presse ne jouit pas d’une bonne presse auprès de bon nombre des Sénégalais, c’est parce que certains journalistes ou animateurs obnubilés par l’appât du gain n’hésitent pas de piétiner les principes qui fondent le socle de notre métier pour faire fortune.
Certains hommes politiques ou d’affaires invités par certaines télés ou radios versent souvent généreusement une obole dans la sébile de certains journalistes-animateurs à la fin de leur émission. Dès lors, il n’est pas surprenant de voir que ces chasseurs de primes, sous le maquignon de journalistes entretenant des liaisons dangereuses avec les hommes ou femmes d’affaires, finissent par mettre la main dans le cambouis de l’arnaque, de l’escroquerie ou des affaires maffieuses. Aujourd’hui, pour de nombreux médias, la dépendance économique s’est arrimée à l’assujettissement politique.
Affaire Cissé Lô-Serigne Abdou Fatah
Ces deux sphères conniventes que l’éthique sépare nous amènent à l’affaire qui oppose le député Moustapha Cissé Lô et Serigne Abdou Fatah Mbacké. Les talibés fanatiques de ce dernier, très remontés contre le 2e vice-président de l’Assemblée nationale qu’ils accusent d’insolence à l’endroit de leur marabout, ont cru devoir se faire justice dans la violence inouïe. Les conséquences de leur furie dévastatrice sont incalculables. Et pourtant leur marabout dont la frangine a dirigé les opérations de destruction et de pyromanie n’a trouvé rien à dire sinon qu’à appeler au calme.
Aucune condamnation de principe, aucune indignation des voix autorisées à Touba. Au contraire dans ses déclarations post-incendie, on y décrypte une certaine délectation de ces actes odieux forcenés. Le guide éclairé Serigne Touba n’a jamais recommandé la violence contre ses détracteurs, ses antagonistes et ses tortionnaires.
Sa seule arme a été sa foi en Dieu et son dévouement profond au prophète Mohamed (PSL). Et cette arme irrésistible qu’il a vaincu tous les Lucifer qui exercé vainement la violence sur lui. Quand, sous le magistère de Serigne Abdou Lahat, un journal français très réputé avait jeté sans aménités des insanités et des propos orduriers sur le mouridisme et ses khalifes, le successeur de Serigne Fallou s’en était remis à Dieu.
Pourtant une seule attitude de nervosité aurait compromis tout Blanc qui vit sur le sol sénégalais à plus forte raison son correspondant qui vivait à Dakar. On aurait aimé que ceux-là qui se sont déchaînés sur les biens de Cissé Lô maitrisent leurs haines viscérales, leurs pulsions mortifères et méditent sur la sagesse légendaire de Serigne Abdou Lahat, voire de Serigne Touba. Certes il n’est permis à personne de tenir des propos qui sécrète et charrie la violence. Mais il n’est pas non plus permis dans un Etat de droit que des citoyens se fassent justice.
Toutefois il faut flétrir l’implication de tous ces pseudo-journalistes du portail qui, en premier, ont mis en ligne ces propos prêtés à Cissé Lô ayant mis le feu aux poudres. Si le journaliste qui a mis en ligne ces propos insolents même proférés par Cissé Lô himself, était armé d’une certaine éthique, jamais on n’en serait arrivé à ces exactions.
L’éthique journalistique l’aurait invité en tant que professionnel au sens des responsabilités et à réfléchir, à peser et à sous-peser les conséquences désastreuses qui motivent sa décision de mettre à la disposition du public une discussion privée. Et sur cette base, le diffuseur aurait adopté la conduite la plus appropriée qui est celle de ne pas publier ces insanités débitées. Mais une fois l’enregistrement acquis, on le met sur le net sans avoir pris la précaution de mesurer les contrecoups.
«Journalistes» sans éthique
Aujourd’hui, même si l’incriminé sans vergogne verse dans le clair-obscur en déclarant qu’il « demande pardon pour les propos venant de politiciens comme lui et qui lui sont attribués pour le mettre en mal avec la famille de Serigne Touba », les « journalistes », qui se sont précipités sur la toile pour mettre en ligne ses propos dénués de toute valeur informative, ont failli à leur mission en voulant jouer aux boutefeux. Et loin d’être des boutefeux, ils ne doivent pas précipiter ou favoriser les tragédies mais les relater à défaut de les prévenir.
Les journalistes n’ont pas pour mission de reproduire telles quelles les déclarations de certains dirigeants politiques réputés pour leurs outrances discursives. Le faire sans réflexion éthique, c’est souvent entériner la mort de certains citoyens. Et dans l’affaire de Touba, n’eussent été les forces de l’ordre anticipatives, la famille du député insulteur aurait passé de vie à trépas dans cette fournaise qui a consumé ses deux domiciles et son unité de production pâtissière.
Dans cette affaire, il y a eu manifestement collusions et compromissions entre hommes des médias et hommes politiques tapis dans l’ombre dont le seul dessein est de se servir de journalistes véreux sans éthique pour combattre leurs adversaires. Malheureusement ces liaisons dangereuses ont abouti à ces violences incontrôlées qui dégradent davantage l’image de la presse.