LA VIE SANS LES BIENFAITS DE LA CUISINE TRADITIONNELLE

Saine et riche sur le plan nutritionnel, la cuisine traditionnelle est en voie de disparition dans beaucoup de localités du pays. En ville comme en campagne, le riz, pourtant réputé peu riche en vitamines, a fini par imposer son diktat.
Dans certaines localités du Sénégal, l’art culinaire traditionnel meurt à petit feu. Dans le Sine, au cœur du terroir sérère, les plats jadis très cotés comme le « ngourbane », le « niéleng » et le « mbédienguel », tous faits à base de mil et qui avaient des vertus diététiques, ont presque disparu au profit du riz et de ses dérivés. Et il suffit d’interroger les plus jeunes sur ces mets traditionnels pour s’en rendre compte. La plupart d’entre eux ne peuvent pas vous en citer un seul.
Par contre, ils connaissent bien le « tiébou dieune », le «mbakhal» et le «maafé» et tous les autres repas préparés à base de riz. « Il m’est arrivé de préparer le « mbédienguel » l’année dernière ; mais à ma grande surprise, aucun des enfants n’a goûté à ce plat. Pourtant, c’est un mets riche et délicieux ; mais le seul problème est que les jeunes ne le connaissent pas.
En revanche, mes fils raffolent du riz. Si c’est le « thiébou dieune » (Ndlr : riz au poisson), le « mafé » ou le « Yassa », les enfants ne se font pas prier pour manger», soutient la jeune ménagère Fatou Ndiaye, une habitante de Fatick.
Pour cette jeune dame, les pouvoirs publics doivent faire des efforts pour réhabiliter et promouvoir l’art culinaire traditionnel. D’autant qu’à son avis, la cuisine traditionnelle renferme beaucoup de vitamines et de richesses nutritionnelles.
LE DIKTAT DU RIZ
Fatou Ndiaye pense également que la consommation des plats traditionnels pourrait être une solution de rechange face à la cherté du riz. « La réhabilitation de la cuisine traditionnelle ne demande pas de gros moyens parce que la plupart de ses plats sont faites à base de mil, une céréale qui est cultivée chez nous. Du coup, si l’on arrivait à faire consommer ces plats aux Sénégalais, les milliards qui sont injectés chaque année, pour l’importation du riz, pourraient être affectés ailleurs. Ce serait en même temps, une bouffée d’oxygène pour les pères de famille qui sont à la merci des fluctuations du prix du riz », se convainc-t-elle.
Comme en ville, le riz a donc fini par imposer sa loi en milieu rural ; au détriment des plats traditionnels dont la richesse sur le plan nutritionnel se mesure à l’aune de leur variété. Une situation que déplore, de vive voix, le sexagénaire Ibou Faye, un résident de Hann.
« La cuisine traditionnelle est de loin meilleure que la cuisine moderne. Jadis, on mangeait naturel et la cuisine était à la fois riche sur le plan nutritionnel et saine », se rappelle-t-il, un brin nostalgique.
Il ajoute que si les gens avaient une meilleure santé à l’époque que de nos jours, c’est parce que l’alimentation était de qualité. « Aujourd’hui, c’est tout le contraire. Il y a beaucoup de produits chimiques dans ce que nous mangeons. Les gens ne mangent plus naturel mais plutôt gras, sans compter les nombreux additifs qu’on met dans les repas », constate encore M. Faye.
UNE AFFAIRE D’ESPERANCE DE VIE
Le diététicien Pape Ahmadou Seck abonde dans le même sens. « De plus en plus, les Sénégalais se gavent avec une forte dose de produits toxiques. En conséquence, l’obésité a pris des proportions alarmantes dans notre pays », révèle-t- il, avec une marque d’inquiétude.
Selon lui, beaucoup de maladies telles que l’hypertension, l’obésité, le diabète ...ont pour cause la mauvaise alimentation actuelle. Autant de pathologies qui n’avaient pas une très grande progression jadis, si l’on en croit la vieille dame Lorris Diouf. « Les gens de notre génération sont en très bonne santé. En outre, ils ont une espérance de vie beaucoup plus longue que celle de la nouvelle génération. Nous avions une alimentation naturelle et saine », témoigne-t-elle.
Née, il y a près d’un siècle dans le village de Boyar, distant de quelques kilomètres de Fimela, la nonagénaire ne porte pas son âge. Excepté les cheveux qui ont tous blanchi, mère Lorris, comme on l’appelle affectueusement, a encore un look relativement juvénile.
Son secret? « On mangeait bio, du « ngourbane », du « mbédienguel », des plats à base de céréales locales et on buvait sans cesse du lait caillé. C’est pourquoi d’ailleurs, nous étions en très bonne santé. Moi quand j’étais jeune, j’étais très forte », se souvient avec fierté, la doyenne de Boyar.