LES DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS TCHADIENS SAISISSENT LES NATIONS UNIES
AFFAIR HABRÉ - Non-exécution de la décision de la Cour criminelle à N'Djamena

Le gouvernement tchadien n’a toujours pas indemnisé les victimes du régime de Hissein Habré. Lasses d’attendre, trois associations de défense des droits humains ont saisi les Nations unies. Elles veulent que Pablo de Grieff, rapporteur spécial des Nations unies pour la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, intervienne auprès du gouvernement du Tchad.
Deux ans après la décision de justice rendue par le Tchad, les victimes du régime de Hissein Habré attendent toujours l’exécution de cette décision. Une coalition d’associations a même saisi les Nations unies au sujet de la non-exécution de décision de justice. Les Associations tchadiennes pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (Atpdh), l’Association des victimes des crimes du régime de Hissein Habré (Avcrhh) et la Commission internationale de juristes ont saisi Pablo de Greiff, le rapporteur spécial des Nations unies pour la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition pour qu’il intervienne auprès du gouvernement du Tchad, ont déclaré trois groupes de défense des droits humains dans un communiqué.
Il y a deux ans, la justice tchadienne, après trois mois de procès de la Cour criminelle, avait condamné 20 agents du régime de l’ancien Président du Tchad pour meurtre, torture, enlèvement et détention arbitraire. Cette Cour avait dans la foulée ordonné la réparation à plus de 7 000 victimes de crimes. Le gouvernement tchadien et les personnes condamnées devaient verser chacun la moitié de 75 milliards de francs Cfa en réparation aux victimes. «Cela fait deux ans et le gouvernement tchadien n’a toujours pas daigné mettre à exécution la décision», a déclaré Jacqueline Moudeina, principale avocate des victimes et présidente des Atpdh. Poursuivant son propos, elle ajoute que «les victimes n’ont d’autre recours que d’entreprendre des actions au niveau national et international, afin d’exiger l’exécution du jugement».
Pourtant au lendemain du verdict, ordre avait été donné au gouvernement d’ériger un monument à la mémoire des victimes du régime Habré «dans un délai n’excédant pas un an» et de créer un musée dans l’ancien siège de la Direction de la documentation et de la sécurité (Dds), la police politique de Habré. «A ce jour, aucune de ces décisions n’a été respectée. Le Parquet général non plus n’a toujours pas accompli ses obligations pour la mise en œuvre de la décision, notamment le ‘’répertoriage’’ et la confiscation des biens des condamnés», s’est plainte Jacqueline Moudeina. Pour Clément Abaïfouta, président de l’Avcrhh, «le gouvernement doit exécuter cette décision pour que les victimes obtiennent enfin réparation pour leurs souffrances et que des mesures soient prises pour que nous ne tombions pas dans l’oubli. Nous nous sommes battus pendant 25 ans pour cette décision, et maintenant le gouvernement nous oblige à nous battre pour obtenir son exécution», s’insurge-t-il.
Hissein Habré lui-même a été condamné le 30 mai 2016 à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture, notamment pour violences sexuelles et viols par les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises. L’affaire est maintenant en instance d’appel et un verdict sera rendu à Dakar le 27 avril prochain.