Toujours dans l’ambition de mobiliser plus de recettes, le gouvernement du Sénégal va procéder à la réinstauration du dispositif de contrôle et de taxations des appels entrants supprimé en 2012. Cette taxation sur les appels entrants devrait permettre à l’État d’engranger des recettes parafiscales de l’ordre de 50 milliards de FCfa par année. « Ce cadeau fiscal bien généreux ne se fondait sur aucun argument techniquement documenté et économiquement justifié, si ce n’est le respect d’engagements de campagne auprès du patronat étranger du secteur des télécommunications », a déploré Ousmane Sonko au cours de la Déclaration de politique générale, vendredi.
À côté, promet-il, il sera procédé à une vaste réforme du Code général des Impôts en agissant inversement sur les taux et l’assiette d’imposition. « Pour nous, élargir l’assiette fiscale, tout en abaissant graduellement les taux d’imposition moyens, est la stratégie appropriée pour parvenir à une fiscalité efficace et équitable. Pour ce qui est de l’assiette, par exemple, la correcte fiscalisation de secteurs à fort potentiel tels l’immobilier, le foncier et l’informel est un impératif budgétaire prioritaire », a ajouté M. Sonko.
Le gouvernement, dans le cadre de la politique fiscale, compte lutter contre les pratiques permissives, corruptrices et dommageables à l’intérêt national telles que celles consistant en des manipulations du Code général des impôts pour y introduire des dispositions comme les remises gracieuses aux entreprises, ou la procédure de l’arbitrage fiscal permettant au ministre chargé des Finances, de renoncer à des recettes fiscales votées par l’Assemblée nationale au nom du peuple sénégalais.
S’agissant de la Douane, l’État juge nécessaire de procéder à la révision du Code des douanes pour intégrer la possibilité légale et d’adopter une liste limitative de produits considérés comme essentiels (fixée annuellement par arrêté du ministre en charge du Budget). Pour ce qui est du Programme de modernisation de l’administration des douanes (Promad), le gouvernement compte miser davantage sur la modernisation des systèmes grâce à la digitalisation.
LE CHEMIN VERS UNE CROISSANCE ENDOGENE
Une tâche ardue tant les indicateurs macroéconomiques se sont dégradés ces derniers mois avec un déficit budgétaire atteignant 11,6% du Pib (Lfr 2024) et une dette publique représentant 76,3% du Pib.
L’exercice était très attendu. Lors de sa Déclaration de politique générale, vendredi, devant les députés, le Premier ministre Ousmane Sonko a fixé le cap pour redresser une économie malade. Une tâche ardue tant les indicateurs macroéconomiques se sont dégradés ces derniers mois avec un déficit budgétaire atteignant 11,6% du Pib (Lfr 2024) et une dette publique représentant 76,3% du Pib.
Malgré cette situation « catastrophique », le chef du gouvernement ambitionne d’assainir les finances publiques et de « hisser le Sénégal parmi les économies les plus compétitives d’Afrique ». L’objectif est de passer d’une économie de type colonial peu compétitive (une croissance annuelle moyenne de 3,1% entre 1960 et 2023) à une croissance endogène et durable. Ce qui requiert la participation de tous. Oui, les Sénégalais devront consentir des sacrifices pour espérer récolter demain les fruits. À commencer par le civisme fiscal. C’est ce qu’il faut entendre par la réforme fiscale annoncée par le Premier ministre.
L’idée est d’élargir l’assiette fiscale, tout en abaissant graduellement les taux d’imposition moyens. Autrement dit, « faire payer moins à tous les Sénégalais, mais faire payer à tous les Sénégalais ». Toutefois, il convient de trouver le juste équilibre pour éviter d’étouffer les Pme. En annonçant une « rationalisation des subventions à l’énergie pour qu’elles bénéficient essentiellement aux ménages pauvres », le gouvernement accède à une vieille demande du Fmi qui a toujours dénoncé ces mesures non ciblées. La rationalisation des dépenses fiscales trop coûteuses (2,232 milliards de FCfa entre 2019-2022) s’inscrit dans ce même souci de créer des marges de manœuvre budgétaires dans un contexte de raréfaction des ressources.
Pour maintenir une viabilité de la dette compatible avec une croissance durable, il sera crucial d’accélérer les réformes budgétaires visant à ramener le déficit sous le seuil de 3%, tout en augmentant l’accès aux financements concessionnels et la mobilisation des ressources domestiques. D’où le recours aux obligations dites « Patriotes bonds », les « Diaspora bonds » et autres Fonds d’investissement alternatifs (Fia). Une des règles de base en économie est qu’aucun pays ne peut se développer sans compter d’abord sur ses propres ressources domestiques et l’épargne longue. Or, les Sénégalais n’ont pas la culture d’épargne. Un changement de paradigme est attendu sur ce point. Au total, il faut saluer la volonté de transparence et de lutte contre la corruption.
En revanche, quoique se justifiant du point de vue de la souveraineté, la réciprocité pour la délivrance de visa d’entrée pourrait porter un rude coup à un secteur (le tourisme) qui se relève difficilement de la Covid-19. Gageons que le gouvernement a tiré les leçons de la précédente expérience qui n’avait pas produit les résultats escomptés.
TOUT SAVOIR SUR LA RÉCIPROCITÉ DES VISAS
Dans sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre Ousmane Sonko a affirmé la volonté de son gouvernement d’instaurer une politique de « réciprocité » envers les pays imposant des visas aux citoyens sénégalais
Dans sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale ce vendredi, le Premier ministre Ousmane Sonko a affirmé la volonté de son gouvernement d’instaurer une politique de « réciprocité » envers les pays imposant des visas aux citoyens sénégalais. Retour sur une mesure souverainiste fréquemment évoquée au Sénégal.
Ousmane Sonko a pris position sur une question de plus en plus centrale dans les relations internationales :la réciprocité en matière de visas. S’adressant aux parlementaires ce vendredi, dans le cadre de sa déclaration de politique générale, il a exposé les grands projets nationaux en cours et à venir. Parmi ceux-ci, il a insisté sur la mise en place de mesures de réciprocité envers les pays qui imposent des visas aux Sénégalais.
Il a souligné la nécessité pour le Sénégal de mieux encadrer les flux migratoires tout en garantissant à un traitement équitable des citoyens sénégalais à l’étranger.
Les modalités envisagées
« Nous devons appliquer la réciprocité », a-t-il déclaré, sans nommer de pays précis, tout en indiquant que le gouvernement surveillera désormais de plus près les mouvements de personnes aux frontières.
« La suppression des visas biométriques payants est entrée en vigueur, mais les textes législatifs et réglementaires les régissant n’ont pas été abrogés. Tenant compte de l’expérience passée, il sera essentiel d’en analyser les failles avant toute décision », a-t-il précisé.
Il a également affirmé : « Nous engagerons des discussions avec les pays des catégories A et B pour exiger la gratuité des visas pour leurs ressortissants, dans le cadre de cette réciprocité, et pour traiter les procédures portant préjudice à nos compatriotes (vérifications d’authenticité, tarifications, etc.) ».
Vers une obligation de visa pour certains pays ?
Des pays comme la France, les États-Unis, et plus d’une trentaine d’autres pourraient-ils bientôt être soumis à l’obligation de visa pour entrer au Sénégal ? Pour l’instant, aucune décision officielle n’a été prise. Cependant, cette annonce fait écho aux déclarations récentes de la ministre des Affaires étrangères, Yacine Fall, qui, en septembre dernier, avait évoqué l’étude d’une telle politique de réciprocité.
« Nous examinons actuellement la loi sur la réciprocité des visas avec certains pays », avait assuré la ministre lors de l’examen du projet de loi autorisant le président de la République à ratifier la Convention de l’Union africaine sur la coopération transfrontalière (Convention de Niamey), adoptée à Malabo le 27 juin 2014. L’objectif affiché est d’imposer un visa, ou des frais de visa, aux ressortissants des pays imposant des visas aux Sénégalais.
Pays hors Cedeao exemptés de visas
Cette décision s’inscrit dans un contexte où de nombreux pays, comme la Namibie récemment, cherchent à équilibrer leurs relations diplomatiques en adoptant des mesures similaires.
Le Sénégal accorde actuellement une exemption de visa à des ressortissants de nombreux pays, y compris ceux qui exigent un visa pour les citoyens sénégalais. D’après le site spécialisé visasnews.com, cette exemption concerne notamment tous les pays européens, ainsi que le Brésil, le Canada, la Chine, le Congo, la Corée du Sud, Djibouti, les Émirats arabes unis, les États-Unis, l’Île Maurice, l’Inde et le Japon.
Ces nations pourraient ainsi être directement impactées par une éventuelle réintroduction de l’obligation de visa pour entrer au Sénégal.
Un retour à une mesure déjà envisagée
Ce n’est pas la première fois qu’une telle initiative est évoquée au Sénégal. Un an après son accession au pouvoir, le gouvernement de Macky Sall avait mis en place cette mesure controversée. Cependant, elle avait été abandonnée dès le 1er mai 2013, après une évaluation des pertes économiques et sous la pression du secteur touristique.
À l’époque, cette mesure s’appliquait exclusivement aux ressortissants des pays situés en dehors des zones Cedeao et Uemoa, conformément aux principes de libre circulation établis au sein de ces communautés.
Elle imposait notamment des visas aux citoyens français, belges, américains et d’autres nationalités.
Octobre 2019, les autorités sénégalaises annoncent le retour de la mesure « Pour des raisons de sécurité, nous avons besoin de contrôler qui entre et sort du pays », avait détaillé Aly Ngouille Ndiaye, alors ministre de l’intérieur, qui avait souligné la nécessité pour le Sénégal de mieux protéger ses frontières.
« Nous allons réintroduire le visa pour que toute personne pénétrant sur le territoire puisse être identifiée », avait-il ajouté, évoquant également un « dossier très avancé », qui pourrait être mis en œuvre dès la « fin de l’année 2019 ».
Elle concernerait uniquement les citoyens résidant en dehors de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), soumises à la libre circulation des biens et des personnes.
Aujourd’hui, le débat est relancé, et le gouvernement semble prêt à réintroduire cette politique, mais avec plus de précaution et une attention particulière à ses impacts économiques et diplomatiques.
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LES UNES DE LA PRESSE DE CE WEEK-END
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LA SAR DÉVOILE SA STRATÉGIE POUR TRIPLER SON CHIFFRE D’AFFAIRES
Avec le Plan Sar 2.0, la Société africaine de raffinage ambitionne de répondre pleinement à la demande nationale en produits pétroliers tout en s’ouvrant au marché international. Son directeur général détaille les perspectives de diversification.
Avec l’exploitation du pétrole et du gaz au Sénégal, la Société africaine de raffinage (Sar) devrait occuper une place centrale. Dans cet entretien, son directeur général, Mamadou Diop, dévoile les grands axes de cette nouvelle stratégie et les objectifs dans les court et moyen termes.
Pour la relance de la Société africaine de raffinage, vous avez misé sur le Plan Sar 2.0. En quoi consiste-t-il ?
À la Sar, nous avons ce qu’on appelle l’activité industrielle : le raffinage et l’import. L’activité industrielle représente à peu près 50 % par rapport à la demande nationale. Le reste, nous le couvrons par l’importation ; ce qui nous permet de couvrir à peu près 80 %. Donc, vous voyez qu’il y a une marge en termes de couverture. L’objectif, c’est d’aller au-delà de notre capacité de raffinage, voire dépasser les besoins nationaux. L’idée, c’est même d’aller vers un deuxième site de raffinage qui ferait à peu près quatre millions de tonnes par an. Aujourd’hui, sur le site actuel, nous sommes à 1,5 million de tonnes. Donc, le tout fera 5,5 millions de tonnes par an pour une demande nationale qui est autour de 3 millions de tonnes. Cela va nous ouvrir le marché de l’export.
Quid de la souveraineté énergétique ? Et est-ce qu’elle est dans vos cordes ?
Nous ne pouvons pas parler de souveraineté énergétique si nous n’arrive pas à couvrir toute la demande nationale en termes de produits pétroliers. On ne peut pas, en effet, comprendre que le Sénégal commence à exploiter son pétrole et qu’il continue à importer. Cela dépasse l’entendement. Je salue la vision du président de la République et du Premier ministre. À ce propos, il faut d’ailleurs préciser que le Projet Sar 2.0 est même inscrit dans la « Vision Sénégal 2050 ». C’est pour dire que nous avons le soutien de l’État. C’est pourquoi nous comptons aller au-delà de la sphère raffinage en diversifiant nos activités. Il y a énormément de filières que l’on peut créer avec le pétrole et le gaz.
Est-ce que ce ne sont pas des niches que le secteur privé national pourrait explorer ?
Absolument ! Quand je parle de dérivés, il y a la production d’urée, d’engrais, de butines, de granulés de plastique… J’ai d’ailleurs échangé avec le patronat national. En effet, ils importent tout ce qui est granulés de plastique et à un coût assez élevé. Demain, le Sénégal peut en exporter et à des prix compétitifs. Sur ces aspects, nous pourrons aider nos capitaines d’industrie à être plus compétitifs. D’ailleurs, c’est cela le sens du patriotisme économique.
Le document de programmation pluriannuelle budgétaire fait état d’importantes perspectives pour la Sar. Quels sont les objectifs en termes de chiffre d’affaires sur la période 2025-2027 ?
Cette année, nous étions dans un contexte assez difficile, assez complexe. Nous savons tous que le secteur des Btp connaît un certain nombre de difficultés. Et qui dit difficultés dans ce secteur, dit consommation moindre en carbone. Mais, on verra que nous avons atténué cette tendance baissière en faisant de l’optimisation des coûts. Dès ma prise de fonction, j’ai inculqué la culture d’amélioration. Nous avons fait énormément d’économies sur nos charges fixes, mais aussi en matière d’approvisionnement. Nous avons optimisé tout ce qui est approvisionnement ; ce qui nous permettra d’espérer de très belles perspectives. Nous allons continuer dans cette dynamique d’amélioration continue, d’optimisation des coûts.
Nous allons également améliorer les processus. Là, nous venons de finir un audit organisationnel, plus l’audit financier qui est en cours. Aujourd’hui, nous avons une dizaine d’investisseurs prêts à financer le projet. Le retour sur investissement est hyper intéressant. Je ne peux pas aller en détail parce que nous avons la priorité sur le marché national en termes d’activité industrielle. Cela veut dire que ce cap que nous allons couvrir, c’est forcément des bénéfices qui seront générés. C’est pour cela qu’il y a énormément d’investisseurs intéressés. L’objectif, c’est de tripler le chiffre d’affaires. Aujourd’hui, on parle de 1.000 milliards de FCfa. L’objectif, c’est d’aller jusqu’à 3.000 milliards de FCfa en termes de chiffre d’affaires avec la pétrochimie et avec le deuxième site.
FRANC CFA, SONKO APPELLE À UNE RATIFICATION DE LA RÉFORME DE LA BCEAO
Cette réforme ambitionne de poser les bases d’une monnaie unique en Afrique de l’Ouest, marquant une avancée majeure dans l’intégration économique régionale.
Dakar, 27 déc (APS) – Le Premier ministre a souhaité, vendredi, à Dakar, la ratification de la réforme faite par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) en 2019, concernant le franc CFA, en vue de l’instauration de l’eco, la monnaie que souhaitent partager plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest.
‘’Monsieur le président de l’Assemblée nationale, faites des recherches pour voir si vous avez dans vos archives la réforme de 2019 de la BCEAO sur le franc CFA. Elle doit être ratifiée, car c’est déjà un pas en avant dans notre volonté d’avoir une monnaie unique, dans un cadre communautaire’’, a dit Ousmane Sonko en faisant sa déclaration de politique générale devant les députés.
Selon lui, cette réforme du franc CFA devait servir à préparer plusieurs pays de la région à l’avènement d’une nouvelle monnaie commune, l’eco.
Cette réforme envisage ‘’le changement de nom du franc CFA en eco, lorsque les pays de l’UEMOA intégreront la nouvelle zone eco de la CEDEAO’’, a poursuivi le Premier ministre.
Cette mesure prise par la banque centrale en 2019 préconise ‘’l’arrêt de la centralisation des réserves de change [des pays de l’UEMOA] au Trésor français, la fermeture du compte d’opérations et le transfert à la BCEAO des ressources disponibles dans le compte’’, a-t-il dit.
La réforme menée par la banque centrale prévoit en même temps ‘’le retrait de tous les représentants français dans les organes de décision et de gestion de l’Union économique et monétaire ouest-africaine’’, a poursuivi Ousmane Sonko.
‘’Il s’agit là, à mon avis, de très belles avancées […] qui méritent d’être concrétisées’’, a-t-il martelé.
LE LONG CHEMIN D'AND-JËF VERS LES GEÔLES DE DAKAR
Retour sur le 5 juillet 1975 lorsque Le Soleil révélait une vaste opération policière ayant conduit à l'arrestation de douze militants du mouvement clandestin, dont Eugénie Rokhaya Aw, Mamadou Diop Decroix, Ibrahima Wane entre autres
Le 5 juillet 1975, le journaliste Papa Amet Diop révèle dans les colonnes du "Soleil" les dessous d'une vaste opération policière ayant conduit à l'arrestation de douze militants du mouvement clandestin And Dieuf. Tout commence sur la route Kaolack-Mbour, où un simple contrôle routier permet l'interpellation d'Ibrahima Wane, porteur de documents compromettants. De fil en aiguille, les enquêteurs remontent jusqu'au cœur de l'organisation, dévoilant une structure sophistiquée dirigée par Landing Savané, un haut fonctionnaire des statistiques.
Au fil des perquisitions, la police découvre dans une baraque de Grand-Dakar le quartier général clandestin du mouvement, équipé de ronéos et de machines à écrire servant à imprimer "Xarébi", le journal du groupe, en français et en wolof. Parmi les personnalités arrêtées figurent une journaliste du "Soleil", Eugénie Rokhaya Aw, des fonctionnaires, un professeur et même un greffier de tribunal. Du 10 au 23 juin, ces douze militants aux profils variés prennent tour à tour le chemin du parquet, marquant ainsi la fin d'un mouvement qui rêvait de "démocratie nouvelle" au Sénégal.
L'article ci-dessous, lève le voile sur les rouages internes de cette organisation née en avril 1975, héritière du mouvement Réni-Rew, et sur son démantèlement progressif par les services de sécurité.
"Arresrations
Papa Amet Diop du « Soleil » le Samedi 5 Juillet 1975
« Plusieurs militants du mouvement clandestin « Xaré bi » ont été arrêtés. Ils appartenaient à un mouvement clandestin
Douze personnes sont sous les verrous pour appartenance à un mouvement subversif. Douze, très exactement. Dès qu'une affaire de cette nature éclate, «cancan» a tôt fait de s'en emparer et d'«il paraît que» et «es-tu au courant de» en «sais-tu que», les faits réels prennent une dimension qui n'est pas la leur.
Ainsi, pour cette affaire, que l'on peut appeler «affaire Xarébi», le bruit a couru sur l'arrestation de plusieurs personnes qui auraient, par la suite, été relaxées. Or, d'après nos informations, en dehors des personnes actuellement en détention, une personne, une seule, a été interpellée, interrogée et rendue aussitôt en liberté. Sa présence dans des locaux de la police n'aurait pas excédé en tout et pour tout, une heure. Il s'agit de Mme Landing Savané. Et l'on comprendra que la police ait éprouvé le besoin de l'entendre si l'on sait que son époux, M. Landing Savané, cadre statisticien actuellement en détention, est impliqué dans une précédente affaire considérée comme fortement liée à celle qui nous intéresse ici, pour ne pas dire qu'elle en est en fait l'origine.
Nous verrons pourquoi. En attendant, venons-en au processus même qui a amené les arrestations successives qui font qu'aujourd'hui douze jeunes sont à l'ombre. Douze jeunes qui sont:
- Ibrahima Wane, employé à l'ONCAD de Kaolack
- Ismaïla Diakhaté, ex-employé à la direction de la Statistique
- Abdourahmane Kounta, chef comptable à la SOSAP, trésorier du mouvement
- Amadou Top, programmeur à l'ONCAD de Dakar, secrétaire à l'organisation
- Mamadou Diop, dit «Decroix» ancien étudiant
- Mamadou Sow, dit Abdou, secrétaire d'administration au ministère de l'Intérieur
- Mme Sow, née Eugénie Rokhaya Aw, journaliste au «Soleil»
- Abdou El Mazid Ndiaye, ingénieur à BUD-Sénégal
- Joseph Diop, dit Jo, professeur au CNEPS de Thiès
- Moussé Guèye Seck, employé de régie des chemins de fer à Thiès
- Boubacar Keïta, assistant à la faculté des sciences
- Sadel Ndiaye, greffier au tribunal de Tambacounda
Le bon bout
C'est l'arrestation du premier nommé Ibrahima Wane, interpellé pendant qu'il était porteur d'un important lot de «Xarébi» qui, de fil en aiguille, ou, plus exactement d'interrogatoires en perquisitions, amènera l'arrestation de ses camarades. Cela s'est passé le 2 juin 1975, sur la route de Kaolack-Mbour. Au cours d'un contrôle de routine, Wane fut trouvé en possession de documents on ne peut plus compromettants.
Le paquet de tracts dont Wane était porteur va être dès lors à l'origine d'une patiente enquête riche en rebondissements. Il apparaîtra ainsi qu'Ibrahima Wane était un agent de liaison. Son interrogatoire débouchera sur l'arrestation de Ismaïla Diakhaté, sous le lit duquel il était allé prendre le paquet de tracts avant son départ de Dakar pour Kaolack.
L'interrogatoire de l'agent de liaison et de la «boîte aux lettres», amènera l'arrestation du secrétaire à l'organisation, Amadou Top. A partir de cet instant, les enquêteurs pouvaient considérer qu'ils tenaient le bon bout. Et il en sera effectivement ainsi. La confrontation des trois premiers est suivie de l'arrestation de Kounta, Trésorier qui va lui-même révéler que l'impression des tracts était le fait de Mamadou Sow et de Mazid Ndiaye. Une perquisition chez Sow dont on saura qu'en fait le domicile servait de siège au mouvement, qui en payait la location, fera découvrir une ronéo et de nombreuses rames de papier. Les précautions par l'organisation pour se servir d'un domicile anonyme comme couverture parfaite de son siège n'auront en définitive pas servi à grand chose. Pas plus celles prises en louant dans le populaire Grand-Dakar, une baraque qui abritait un important matériel de duplication.
Et à Grand-Dakar, ce sera la saisie de trois ronéos, de trois machines à écrire, encore d'importantes quantités de papier, des exemplaires du journal du mouvement «Xarébi», des exemplaires d'un «livre blanc» sur «l'opération Xarébi» intitulé «Nous sommes tous en liberté provisoire», et le procès verbal du congrès constitutif du mouvement dont le nom exact apparaît ainsi comme étant : « Organisation des ouvriers, paysans et intellectuels révolutionnaires de type nouveau.»
Ce procès-verbal, en date du 28 décembre 1974, atteste de la présence de délégués venus de toutes les régions du Sénégal ce qui laisse croire que si le mouvement n'a pas à vrai dire une véritable assise populaire, elle n'a pas manqué de partisans dispersés à travers le territoire national.
Une des caractéristiques essentielles de ce mouvement est le cloisonnement rigoureux qui a toujours été appliqué très strictement. D'ailleurs, chez eux, le secret était statutairement une obligation. Il semble avoir été si bien respecté, que certains membres ne savent qu'aujourd'hui avec nous, que Mamadou Diop, dit «Decroix», était chargé de traduire (avec une étonnante compétence, m'a-t-on dit) les textes destinés à l'édition en ouoloff arabisé (ouoloffal), des deux derniers numéros de «Xarébi»; qu'Eugénie Rokhaya Aw rédigeait des articles, aidait à la correction des épreuves et au tirage à la ronéo; que le trésorier Kounta n'était guère ménagé quant à ses propres deniers pour que fonctionne l'organisation, lui qui n'hésitait pas d'y aller de sa poche à chaque fois par exemple qu'il fallait de l'essence pour les déplacements d'un agent de liaison chargé d'aller, ici ou là, distribuer des paquets de tracts ou des journaux.
La baraque de Grand-Dakar
Cette même règle de secret fera que sur les documents ne figurait aucun nom écrit en entier. Il y avait toutefois des mentions de pseudonymes et des initiales. Ces secrets là furent vite percés par l'instruction. Ainsi, toujours au cours de cette riche perquisition de la baraque de Grand-Dakar, après qu'avec ce qui a déjà été mentionné, plus les statuts de «And Dieuf» (l'Unité dans l'action), des paquets de tracts prêts à l'envoi furent saisis, les initiales qui les distinguaient furent autant d'indices qui amenèrent les arrestations précitées. Et une organisation qui s'était donné beaucoup de mal était amputée de ses éléments les plus actifs.
Il semble que les services de sécurité savaient pas mal de choses; mais il leur manquait l'essentiel, c'est-à-dire les moyens de prouver l'appartenance de tel ou tel suspect à un mouvement subversif. Il serait d'ailleurs plus proche de la réalité de parler de mouvements au pluriel. En effet, c'est bien en face du regroupement de plusieurs petites organisations gauchissantes, se disant «démocratiques» ou «révolutionnaires», que l'on s'est trouvé.
Parmi elles, la seule qui ait été considérée comme suffisamment structurée est «Réni-Rew» dans lequel le rôle de Landing Savané est tenu pour prépondérant - ce qui justifie nos propos du début. Nous croyons savoir que c'est vers le mois d'avril 1975 qu'autour de «Réni-Rew», organisation mère, que vinrent se regrouper plusieurs mouvements contestataires pour créer «And Dieuf». Avant cette période, seul «Réni Rew» diffusait son organe, «Xarébi». Depuis la création de «And Dieuf», on en était arrivé à deux éditions l'une en français, l'autre en «ouoloffall».
Mais ce qui prouve que les services de police avaient bien quelque idée de la situation c'est qu'une première vague d'arrestations a atteint les militants de «And Dieuf», alors même que Landing Savané, qui est considéré comme leur chef de file, était à l'étranger. Lui-même, rentré au Sénégal le 18 mars, sera arrêté dès sa descente d'avion sur mandat délivré le 13 mars par le juge d'instruction de la Cour de Sûreté de l'Etat.
En effet, on avait saisi chez son frère Alassane Savané - jusqu'ici en fuite, les statuts d'un parti qui se dénommerait «Réni Rew». Toutefois, il convient de préciser ici que Landing, lui, a soutenu qu'il s'agissait de l'ébauche de statuts d'un parti qu'il reconnaît avoir eu l'idée de créer. Ce parti, selon lui, devait être socialiste, puisque lui-même ne nie pas ses convictions socialistes. Mais, si ce parti qui devait être un parti d'opposition, se voulait socialiste, il n'était pas question, toujours selon Landing Savané, qu'il soit marxiste-léniniste.
C'est l'ébauche des principes qui devaient guider l'action de ce parti que Landing dira avoir envoyé à son frère. Toujours est-il que pour la première affaire comme pour celle-ci l'on considère Landing Savané comme l'élément moteur. C'est lui qui aurait trouvé les financements nécessaires à l'achat du matériel saisi et c'est lui-même qui aurait acheté ce matériel à l'étranger. On soutient encore que ce serait dans le cadre de ces déplacements hors du Sénégal, (Landing Savané était un haut-fonctionnaire du service national de la Statistique, et à ce titre se déplaçait beaucoup).
Péchés mignons
Ses relations personnelles dans certains milieux auraient même joué un rôle non négligeable dans le financement des activités du mouvement. Ici, il est nécessaire de préciser qu'en ce qui concerne le regroupement connu sous le nom de «And Dieuf», il ne semble pas y avoir eu de collusion entre d'autres groupes et le fameux P.A.I auquel d'aucuns pensent dès qu'il s'agit d'affaires de ce genre.
Au sein de ce P.A.I., qui doit être le plus ancien des mouvements se voulant révolutionnaires il semble même que certains problèmes se sont fait jour. Il s'agirait en gros d'un conflit que l'on pourrait appeler de générations. Les plus jeunes acculent les «vieux» de passivité, d'apathie et de tout un tas de péchés mignons, tandis que les «vieux», à leur tour, reprochent aux jeunes leur fougue désordonnée. Enfin c'est bien entre eux...
Ce qu'il convient pour nous de retenir, c'est que les services de sécurité semblent connaître certains des éléments qui gravitent autour des milieux suspects. Cela cependant ne peut être considéré comme constitutif d'un délit. Il s'agirait d'anciens membres de Mouvements comme le M.E.P.A.I (Mouvement Etudiants du P.A.I.) qui avait des cellules dans chaque faculté, de l'A.G.E.S, ou d'éléments ayant appartenu à d'anciens partis politiques ou encore d'anciens syndicalistes qui, tous idéologiquement, gardent leurs distances vis-à-vis des partis reconnus.
Le mouvement auquel appartiennent l'ensemble des douze personnes arrêtées, a en tout cas, malgré l'obligation de se développer dans la clandestinité, eu ses statuts, son programme, ses structures... Le tout noir sur blanc, ce qui franchement d'ailleurs m'a étonné... L'article 1 de leurs statuts stipule que leur but est (...) «d'élever le niveau de conscience politique des masses populaires (ouvriers et paysans en particulier) afin de les amener à assumer leurs responsabilités historiques». L'article 4 précise que «l'opportunisme, l'individualisme, l'indolence, l'aventurisme, le subjectivisme, l'apathie politique, le suivisme, l'absentéisme et le découragement sont les principaux ennemis du membre». Nous n'épiloguerons guère sur une telle énumération...
Précisons plutôt que «And Dieuf» a voulu son congrès national, ses congrès régionaux et, à sa base, des comités dans les «quartiers, les usines, les villages, les écoles». C'est dans de tels milieux que des efforts devaient être faits pour diffuser le programme qui s'élève en général contre l'emprise - selon eux du néo-colonialisme sur notre pays, sur les plans économique, politique, culturel, et qui s'élève en outre contre les formes actuelles des systèmes d'éducation, de l'appareil répressif policier et de l'appareil militaire etc... «L'organisation révolutionnaire ''And Dieuf'', dit-on, se fixe pour tâche politique immédiate le renversement du régime néo-colonial et son remplacement par un régime de démocratie nouvelle».
En fait «And Dieuf» n'a pas caché qu'il visait au centralisme démocratique, à partir des paysans et des ouvriers surtout. Mais il s'est trouvé confronté au problème de l'analphabétisme de ceux qu'ils voulaient contacter. Ils ne pouvaient le faire que de la façon qui seule pour eux pouvait présenter quelque garantie de sécurité. C'est-à-dire à travers les tracts et leur publication. Or on sait ce qu'il en est. C'est là d'ailleurs qu'il faut voir l'origine de l'édition de «Xarébi» en «ouoloffal». Fait qui a nécessité des efforts qui méritaient vraiment un meilleur usage.
Mais notre rôle ici n'étant pas de commenter, disons pour finir qu'Ibrahima Wane a été déféré au parquet le 10 juin. Il sera suivi le 17 juin par Diakhaté, Kounta et Top tandis que Abou Sow et son épouse les rejoindront le 20 en compagnie de Keïta et de Decroix. Le 21 juin, ce sera le tour des deux Thiessois, Joseph Diop et Moussé Guèye Seck. Le dernier à passer par le parquet sera le greffier de Tambacounda, Sadel Ndiaye, qui va rejoindre ses camarades le 23 juin. L'affaire suit son cours et nous nous efforcerons de tenir nos lecteurs de tout développement éventuel»."
LA COUR DES COMPTES PUBLIERA DANS QUELQUES JOURS SON RAPPORT
Le Premier ministre a fait cette annonce ce vendredi à l'Assemblée nationale. Ce rapport, tant attendu sur l'état des finances publiques, pourrait éclairer la gestion des ressources publiques.
Le Premier ministre Ousmane Sonko a annoncé, ce vendredi à l’Assemblée nationale, que la Cour des comptes s’apprête à publier son rapport sur l’état des finances publiques. Une publication très attendue, qui pourrait faire la lumière sur la gestion des ressources publiques.
Pour rappel, le gouvernement avait fait une conférence de presse en septembre dernier pour annoncer que l’ancien régime avait maquillé les chiffres réels de l’économie sénégalaise.
Lors de son intervention, Ousmane Sonko a précisé qu’il n’a pas encore pris connaissance du contenu de ce rapport. Cependant, il a avancé une hypothèse. « Je ne connais pas les conclusions de l’audit de la Cour des comptes, mais je peux affirmer que si les chiffres qu’il avance ne dépassent pas ceux fournis par le gouvernement, ils ne seront en aucun cas inférieurs », a-t-il déclaré.
Cette affirmation laisse entendre une certaine confiance dans la véracité des données déjà partagées par le gouvernement.
DES RÉFORMES DOUANIÈRES ANNONCÉES
Le gouvernement va procéder à plusieurs réformes douanières, dont une révision du code des douanes, a annoncé le Premier ministre en faisant sa déclaration de politique générale devant les députés, vendredi, à Dakar.
Le gouvernement va procéder à plusieurs réformes douanières, dont une révision du code des douanes, a annoncé le Premier ministre en faisant sa déclaration de politique générale devant les députés, vendredi, à Dakar.
« S’agissant des douanes, le système de dédouanement du Sénégal étant basé sur la valeur transactionnelle des marchandises, il entre souvent en contradiction avec la volonté de l’État d’élaborer des politiques de soutien au pouvoir d’achat des populations… » a-t-il signalé.
Le chef du gouvernement a évoqué « la nécessité d’une révision du code des douanes pour intégrer la possibilité légale d’adopter, pour une liste limitative de produits considérés comme essentiels, un système de dédouanement spécifique à l’importation ».
« Sur le plan de la transparence dans les lieux d’exercice du pouvoir de l’agent public, il sera procédé à l’ouverture des espaces de travail, surtout dans les bureaux de dédouanement », a-t-il annoncé.
Ousmane Sonko signale que « les efforts fournis en matière de dématérialisation des procédures, au lieu de créer un environnement nouveau marqué par un traitement sans papier et sans usager, ont laissé les pratiques ‘corruptogènes’ perdurer en l’absence d’une modification indispensable de l’espace de travail ».
« Pourtant, a ajouté M. Sonko, un pays […] comme la Gambie a adopté le système des ‘open spaces’ pour les agents chargés du traitement et de la vérification des déclarations dans les bureaux de dédouanement. »
Il assure que « les chantiers ambitieux en matière de digitalisation des procédures douanières et des formalités du commerce extérieur vont être accompagnés d’une réforme des structures portant notamment sur les bureaux de dédouanement hérités de la colonisation et ne répondant plus aux exigences modernes du service à l’usager ».
« Nous renforcerons le programme de modernisation de l’administration des douanes, particulièrement dans ses aspects de surveillance du territoire douanier et de lutte contre la criminalité transnationale », a promis le Premier ministre.
Il estime qu’il est temps de « digitaliser la surveillance douanière, avec l’érection d’un centre de commandement des opérations qui intègre les outils les plus modernes de suivi d’abord de l’action du service sur l’étendue du territoire, mais également du mouvement des expéditions et autres cargaisons ».
De même faut-il « avoir un regard permanent sur les points névralgiques de la frontière », a dit M. Sonko, assurant que le gouvernement « fera le nécessaire pour mobiliser et mettre en place le financement nécessaire à cet ambitieux projet déjà ficelé ».