A une semaine d'élections législatives cruciales pour la suite de son mandat, le président des Etats-Unis Donald Trump a annoncé vouloir mettre fin, par décret, au droit du sol qui stipule que tout enfant né sur le territoire américain a la nationalité américaine.
Cette proposition, formulée au lendemain de l'annonce de l'envoi de plus de 5.000 militaires à la frontière mexicaine, s'inscrit dans une série de déclarations du magnat de l'immobilier visant à placer l'immigration au coeur du débat politique.
D'un tweet, il a agité cette semaine le spectre d'une "invasion" de migrants en évoquant la progression d'une caravane de migrants centraméricains fuyant la violence dans leurs pays.
Dans un entretien à Axios publié mardi, Donald Trump assure envisager de signer un décret pour que les enfants nés sur le sol américain de parents en situation irrégulière ne bénéficient plus de la nationalité américaine.
La remise en cause, par décret présidentiel, de ce principe inscrit dans le 14ème amendement de la Constitution, devrait cependant se heurter à des obstacles juridiques majeurs, nombre d'experts estimant que le président ne peut prendre une telle décision.
"Nous sommes le seul pays au monde où, si une personne arrive et a un bébé, le bébé est citoyen des Etats-Unis... avec tous les avantages", affirme Donald Trump dans cet entretien télévisé. "C'est ridicule, c'est ridicule, il faut que cela cesse".
L'affirmation est inexacte: plusieurs autres pays, dont le Canada, pays frontalier des Etats-Unis, accordent également la nationalité à une personne née sur son sol, même si ses parents sont en situation irrégulière.
"On m'avait toujours dit que vous aviez besoin d'un amendement constitutionnel. Vous savez quoi? Ce n'est pas le cas", avance le président américain au cours de l'entretien.
"C'est en cours. Cela va se faire, avec un décret", ajoute-t-il, sans cependant donner la moindre indication de calendrier, ni de précisions sur l'état d'avancement de ce projet.
Pour Laurence Tribe, professeur de droit constitutionnel à l'université de Harvard, ce projet de décret est tout simplement une aberration. "Si le droit du sol garanti par le 14ème amendement pouvait être effacé d'un trait de plume par Trump, alors la Constitution dans son ensemble pourrait être effacée de la même manière", a-t-il tweeté.
- Projet de loi ? -
A plusieurs reprises, des élus républicains ont tenté, sans succès, de remettre en cause ce principe, et le débat refait régulièrement surface sur l'aile droite du "Grand Old Party".
Le sénateur républicain Lindsey Graham a salué mardi avec force l'annonce de Donald Trump. "Enfin, un président est prêt à s'attaquer à cette politique absurde", jugeant qu'elle agissait comme un "aimant pour l'immigration illégale".
Soulignant que les Etats-Unis étaient "l'un des deux pays développés au monde" à accorder la nationalité sur la base du lieu de naissance, il a annoncé qu'il envisageait de présenter un projet de loi allant dans le même sens que le décret évoqué par le président.
Donald Trump, qui multiplie actuellement les déclarations sur le thème de l'immigration, a affirmé lundi soir sur Fox News vouloir construire "des villes de tentes" à la frontière avec le Mexique. Les migrants "devront attendre, et s'ils n'obtiennent pas l'asile, ils s'en vont", a-t-il lancé.
L'ACLU, puissante organisation de défense des libertés civiques, a par ailleurs dénoncé l'envoi de troupes à la frontière, dénonçant la volonté de M. Trump de "forcer l'armée à promouvoir son programme anti-immigration et de division".
Les Américains sont appelés aux urnes dans une semaine pour la première fois depuis l'élection de Donald Trump à la Maison Blanche le 6 novembre 2016. En jeu: tous les sièges de la Chambre des représentants, un tiers de ceux du Sénat, ainsi que les postes de gouverneurs dans une trentaine d'Etats.
Les républicains, aujourd'hui aux commandes du Congrès, jouent gros. Si un basculement du Sénat semble a priori peu probable, les sondages dessinent une victoire des démocrates à la Chambre des représentants.
Moussa Konaté est finalement forfait pour le match Sénégal–Guinée Equatoriale de 17 novembre prochain à Bata. Contraint samedi dernier de céder sa place sur blessure face à Nantes, Moussa Konaté devrait rester éloigné des terrains jusqu'en 2019 au minimum. C'est ce qu'a révélé hier, mardi 30 octobre, le quotidien l’Equipe précisant que l'Irm passée ce mardi par l'international sénégalais ressort une désinsertion partielle de l'adducteur gauche.
Moussa Konaté ne fera pas finalement le déplacement à Bata pour le match Sénégal- Guinée Equatoriale du 17 novembre prochain comptant pour la 5ème journée des éliminatoires de la Can 2019. Touché à l'adducteur samedi dernier contre Nantes (1-2) et obligé de céder sa place sur blessure, Moussa Konaté vient d’être édifié sur la durée de son indisponibilité. Moussa Konaté ne reviendra pas sur les terrains avant la fin de l’année 2019. Si samedi dernier, les premiers examens annonçaient que l’international sénégalais souffrait de l’adducteur gauche, l’IRM passée hier, mardi 30 octobre, a révélé une blessure plus grave. D’après L’Equipe, l’attaquant des Lions souffre d’une désinsertion partielle de l’adducteur et va être absent au minimum jusqu’en fin décembre. Il aurait pu passer par la case opération mais son absence aurait été encore plus longue.
Le staff médical et le joueur ont donc opté pour une longue période de repos. Après ce forfait, le sélectionneur Aliou Cissé devrait tirer parmi ces réservistes un autre attaquant pour suppléer son buteur qui, on le rappelle, avait déjà déclaré forfait lors de la récente double confrontation du Sénégal contre le Soudan en raison d’une gastro-entérite. C'est aussi un gros coup dur pour Amiens. Actuellement 18ème de Ligue 1, le club picard va devoir se passer de son co-meilleur buteur et se retrouve sans véritable attaquant de pointe jusqu’à la trêve hivernale.
Arrivé la saison passée en en provenance du FC Sion, Moussa Konaté s’ est en effet affirmé comme l'atout offensif numéro un de l'équipe avec pas moins de 13 buts inscrits dès sa première saison en Ligue 1. Il était également le grand artisan du maintien des Amienois en Ligue 1. Cette saison, il reste pour le moment à 3 buts en 11 apparitions cette saison.
Il n’y avait pas l’ombre d’un député de l’opposition, hier, en commission à l’Assemblée Nationale. Tous les 40 députés de l’opposition ont brillé par leur absence hier, lors du passage d’Abdoulaye Daouda Diallo, ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, pour l’examen en commission du budget 2019 de son département. Un fait qui n’a pas, alors pas du tout, échappé à nos radars placés à la Place Soweto. Les figures de l’opposition, n’en parlons même pas ! Pape Diop, Mamadou Diop Decroix, Mamadou Lamine Diallo, Moustapha Guirassy, Ousmane Sonko, Madické Niang sont allés vaquer à d’autres occupations…
Macky Sall à Berlin
Le déplacement du président de la République en Allemagne, pour prendre part au sommet sur le Compact With Africa de Berlin, n’a pas été vain. En effet, la chancelière allemande Angela Merkel a annoncé, à l’ouverture du sommet, la décision de créer un Fonds d’investissements d’un milliard d’euros pour accompagner les PME africaines et allemandes dans le cadre du Compact With Africa. Ce Fonds d’investissements vise à mettre en place des mécanismes de financements pour promouvoir l’investissement privé allemand en Afrique. Le Président Macky Sall et Angela Merkel ont également signé un protocole d’accord de réforme pour la mise en place d’un cadre de coopération économique efficace, qui permettra au gouvernement allemand de favoriser l’installation d’entreprises au Sénégal et d’accroître le volume d’investissement. C’est dans ce cadre d’ailleurs que le Sénégal a signé un contrat d’électrification de 300 villages d’un coût de 120 millions d’euros.
Macky Sall à Berlin (bis)
Restons avec le Président Macky Sall qui a eu un agenda particulièrement chargé à Berlin. En marge du sommet sur le Compact With Africa, il s’est entretenu avec des membres du gouvernement allemand, des parlementaires et des chefs d’entreprises qui se sont engagés à soutenir la politique économique du Sénégal par un important portefeuille d’investissements dans des secteursclés, tels que l’industrie, les nouvelles technologies et l’énergie. Auparavant, Macky Sall a rendu visite au Président allemand au palais de la République Fédérale qui lui a offert un banquet officiel.
Serigne Modou Kara Mbacké endeuillé
Le fondateur du Parti pour la Vérité et le Développement (Pvd) est en deuil. Serigne Modou Kara Mbacké a perdu sa maman hier. Sokhna Fatou Diouf, affectueusement appelée Mame Dioufa, a tiré sa révérence hier, à l’âge de 88 ans, à Darou Mousty. «L’As» présente ses condoléances attristées à Serigne Modou Kara Mbacké.
Le feu consume une maison depuis 2 mois
A Doumga Wouro Alpha, village situé dans la région de Matam, il se passe un fait assez extraordinaire, qui dépasse l’entendement. En effet, depuis le lundi 24 septembre dernier, Amar Ly et sa famille vivent un supplice qui ne dit pas son nom. En effet leur maison brûle sans arrêt. Les chambres, les lits, les matelas, les armoires prennent constamment feu. L’origine des flammes reste totalement inconnue. Parfois, il arrive que le feu prenne possession des lieux dix fois en une seule journée. Et l’accalmie ne dure pas plus de deux jours. En deux mois, la maison a pris feu 47 fois, d’après nos sources qui compatissent à l’épreuve que traverse la famille Ly. Aujourd’hui, pratiquement tous les lits, les armoires, les matelas, les portes et les ustensiles sont partis en fumée. Dépassés par les évènements, Amar Ly et sa famille ont fait appel à des marabouts pour qu’ils formulent des prières afin de conjurer le mal. Actuellement, la famille a élu domicile dans la cour de la maison. Elle a installé les meubles sous l’arbre qui se trouve dans la cour pour y passer la journée. Amar Ly et sa famille se trouvent dans l’incapacité de déménager, car il suffit qu’ils déplacent leurs bagages d’un endroit à un autre pour qu’ils prennent feu. Dignes et stoïques, les Ly croisent les doigts et espèrent sortir très bientôt de ce calvaire.
Issa Sall contesté par le Pur-France
«La candidature d’El hadji Issa Sall rend impur le Pur. Le Pur, à l’heure où nous vous parlons, n’a pas de candidat», a indiqué Cheikh Tidiane Youm, responsable en Europe du nord, du centre et de l’ouest, du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur). Il s’exprimait lors d’une conférence de presse tenue le 27 octobre 2018 en France, et dont les vidéos circulent sur le réseau social Youtube. Ainsi donc, la Fédération du PUR-Europe a tenu à préciser que le PUR n’a pas encore de candidat, contrairement à ce qui est véhiculé dans la presse. En clair, selon les responsables du Pur en France, le député Issa Sall n’est pas encore leur candidat, même s’il collecte des signatures pour la validation de sa candidature en vue de la présidentielle de 2019. Cheikh Tidiane Youm et ses camarades ont tenu à préciser encore qu’ils ont adressé «de nombreuses correspondances au coordonnateur national du parti, pour l’alerter sur certains dysfonctionnements décelés, lesquelles sont restés sans réponses». Selon toujours les responsables du Pur-France, le «candidat du parti doit être désigné à travers un congrès». Par conséquent, ils interpellent le coordonnateur du parti pour le respect du règlement intérieur.
Parrainage à Fatick
Alors qu’il s’était gardé de mettre ses fiches de collectes à la disposition des ministres Mbagnick Ndiaye et Matar Ba, respectivement plénipotentiaire de BBY dans le département et dans la commune de Fatick, Cheikh Kanté s’est finalement résolu à respecter la hiérarchie en remettant au maire de Fatick la totalité des signatures (plus de trois mille parrains) qu’il a eu à collecter dans la cité de Mame Mindiss. Ce qui, à coup sûr, va impacter de manière très positive les résultats obtenus par le camp présidentiel dans le cadre du parrainage, surtout si l’on sait que jusque là, le taux tournait autour de 75 à 80 %. Avec les trois milles signatures du ministre en charge du PSE, la commune de Fatick atteindra 120% de l’objectif assigné.
Danse de Marième Faye Sall
Décidément, notre première dame nationale a un petit faible pour les tam-tams. Elle l’a démontré hier lors de la 5ème Conférence de la fondation Merck, tenue au Centre International de Conférence Abdou Diouf(Cicad) où régnait une ambiance carnavalesque. Mobilisés en masse, les batteurs de tamtam tapaient fort à chaque fois que le nom de Marième Faye Sall était prononcé. Cette dernière aussi le leur rendait bien en leur faisant des signes de la main. Emportée par l’ambiance, elle ne s’est pas empêchée de remuer les pieds. Ce qui a galvanisé les batteurs de tam-tam qui ont redoublé d’ardeur jusqu’à indisposer les invités.
Mouvement d’humeur du Collectif des tuteurs de l’Uvs
Dans un communiqué publié hier, le Collectif des tuteurs de l’Université virtuelle du Sénégal (Uvs) annonce la cessation totale des cours en ligne. «Le Collectif des tuteurs de l’Université virtuelle du Sénégal, dans la suite logique de son mouvement d’humeur enclenché depuis le mardi 23 octobre 2018, vous informe de la décision prise de suspendre toutes activités pédagogiques à partir de ce mardi 30 octobre», renseigne note le communiqué. La reprise des cours, précise le Collectif, est conditionnée au payement intégral de tous les services faits. Les tuteurs qui forment le dispositif essentiel de l’Uvs, en tant qu’interlocuteurs des étudiants, courent derrière cinq semestres qui leur sont dus, d’après le secrétaire général du Collectif, Moussa Sène.
Elargissement des interventions de la DER
La Délégation pour l’entreprenariat rapide (Der) verra bientôt son champ d’intervention élargi. C’est du moins la volonté du président de la République qui séjourne présentement en Allemagne, dans le cadre de la rencontre sur le Compact With Africa de Berlin. En recevant hier les membres de la diaspora, Macky Sall a promis d’élargir les interventions de la DER aux Sénégalais de l’extérieur pour permettre aux femmes de la diaspora de développer leurs activités économiques. Par ailleurs, il a annoncé un ambitieux programme d’habitat en faveur des Sénégalais de l’extérieur, avec cinq cent mille (500.000) parcelles au pôle urbain du Lac Rose.
Des étudiants sénégalais menacés d’expulsion au Soudan
En représailles contre leur sortie médiatique dans laquelle les étudiants sénégalais au pays de El Béchir dénonçaient leurs mauvaises conditions, les autorités ont décidé de sévir. Des sites rapportent que les étudiants sénégalais de l’Université internationale d’Afrique, située à Khartoum sont menacés d’exclusion. On leur reproche d’avoir dénoncé «la mauvaise alimentation», entre autres difficultés. Selon Dakaractu, l’Assemblée de l’université dit «regretter profondément» les révélations des apprenants d’origine sénégalaise. L’Université internationale d’Afrique a indiqué que la procédure administrative les concernant suivait «son cours» sans plus de commentaire. Les étudiants concernés ont été entendus. L’affaire a provoqué l’émoi à l’Université internationale d’Afrique, et jusqu’au plus haut niveau. Mais, l’expulsion de l’étudiant Moussa Ciss, Sidy Kandji et Mouhamed Makhtar Fall, à laquelle s’opposent les quelques camarades, aura lieu si les autorités sénégalaises ne réagissent pas. D’ailleurs, d’autres jeunes sénégalais, qui n’ont rien à voir avec le reportage sont également dans le collimateur. Certains n’hésitent pas inverser la situation en menaçant de partir d’eux-mêmes. Ils ont déjà franchi le Rubicon et décidé de soutenir leurs camarades étudiants.
Sud Quotidien, la Une de ce mercredi 31 octobre 2018
LE ROMAN POLYPHONIQUE D'AMINATA AÏDARA
Anthropologue, organisatrice d’événements culturels, mais avant tout écrivain, l'italo-sénégalaise vient de publier un remarquable premier roman, aussi lyrique qu’intelligent
Je suis quelqu’un est le premier roman d’Aminata Aïdara. Ce n’est pas un roman comme les autres. Est-ce vraiment un roman ? Sans doute pas dans le sens que donnaient à ce genre Balzac ou Dickens. Le roman d’Aïdara est plus proche du « stream of consciousness » à la Joyce qui, à travers le déroulement d’une pensée spontanée, charriant les dérélictions et les insécurités du quotidien, remonte à la source de la conscience. Celle de l’auteur, mais généreusement fictionnalisée en partant de sa condition de femme métisse, plurielle, riche de sa double culture qui est aussi une douleur, une souffrance.
Née de père sénégalais et de mère italienne, la jeune romancière a grandi en Italie. « Il y avait dans la maison beaucoup d’affection et beaucoup de livres, car mon grand-père italien était un grand lecteur, ma mère aussi », raconte-t-elle. La lecture est dans le sang et comme de la lecture à l’écriture, il n’y a qu’un pas, elle l’a franchi allègrement en publiant ses premiers poèmes à l’âge de 14 ans.
Or si la jeune femme est entrée dans la littérature par les portes de la poésie, les premiers livres qu’elle publie sont en prose: un recueil de nouvelles en italien en 2014 La ragazza dal cuore di carta (« La Fille au cœur du papier »), puis ce beau roman Je suis quelqu’un, qui relève autant de la saga familiale que de la quête de soi à travers une multitude de signes et de songes postcoloniaux.
De lourds secrets familiaux
« J’écris comme dans un rêve », aime dire la primo-romancière. Tout commence dans ce récit par un rêve, un souvenir d’enfance. La protagoniste se souvient d’avoir entraperçu une nuit deux nourrissons dans la vaste maison familiale de Dakar où elle a grandi, entourée de ses sœurs, de sa mère et de ses grands-parents. Toute sa vie, Estelle a été hantée par ce souvenir, mais chez elle, il ne sera plus jamais question de nourrisson. Jusqu’au jour, le jour de ses 26 ans, son père lui révèle, l’existence du « fils illégitime de sa mère, mort dans son berceau.
« Quelque part à Paris, une fille appelée Estelle rencontre son père. En le regardant s’approcher, le visage fermé, elle comprend qu’il n’y aura pas de cadeau d’anniversaire. (…) Avant de rentrer dans le bar, les deux se sourient à peine. Ils se font la bise. Son père inspire profondément et, sans aucun « comment tu vas » ou « comment je vais », il annonce : «Ta mère a eu le courage de me faire un enfant dans le dos. Avec un autre homme. Et certainement…» C’est ainsi que commence le livre d’Aminata Aïdara, in medias res, bruissant de lourds secrets familiaux dont le lent éclaircissement constitue le fil d’Ariane de son intrigue.
Tiraillés entre ici et ailleurs
Si le récit familial tient une place importante dans Je suis quelqu’un, il serait injuste de réduire ce livre à cette seule composante de son intrigue. Le dévoilement du secret est un prétexte pour Aminata Aïdara de raconter la complexité du monde contemporain qu’incarnent à merveille ses personnages principaux.
Le récit est bâti autour des pérégrinations d’Estelle. Paumée, tiraillée entre le monde traditionnel et celui des cités sans foi ni loi de Paris, elle va de squat en squat à la recherche d’une paix intérieure introuvable. Son désarroi, elle l’exprime à travers des « délires » cathartiques qui constituent les plus belles pages de ce roman poétique, quasi-rimbaldien.
Les soliloques de la jeune protagoniste se lisent comme autant de textes de poésie urbaine rythmés par le refrain « Je suis quelqu’un ». « Je suis quelqu’un qui ne porte pas de masque : maintenant j’ai vingt-six ans, plus proche des trente que des vingt. C’est comme ça. Je suis aussi quelqu’un qui n’a pas la moindre intention de prendre une direction, sauf celle que chaque jour lui donnera envie de suivre. Une fille qui est destinée à éviter que le volume de son Mp3 se fixe sur le numéro vingt-six. Qui n’arrivera pas à fréquenter un mec plus de vingt-six jours. Qui enfoncera la tête dans le coussin vingt-cinq ou vingt-sept fois en évitant le pire de cet âge traître. Vingt-six fois piégée… »
Penda, sa mère, occupe une place fondamentale dans la vie d’Estelle. Généreuse, cultivée, secrète, mais piégée elle aussi par sa condition de migrante. Réduite à travailler comme femme de ménage dans un lycée professionnel à Clichy, elle se console en se jetant à corps perdu dans la lecture de Frantz Fanon, son maître à penser. Elle s’appuie sur la réflexion de l’auteur de Peau noire, masques blancs sur la condition du colonisé pour déchiffrer la grammaire du couple disruptif qu’elle forme avec Eric, son amant et fils de harki inconsolé. Dans la galerie des personnages convoqués par Aïdara pour dire son monde, il y a enfin Mansour, le petit cousin fragile d’Estelle, Cindy, une Africaine-Américaine, la grand-mère maternelle Ichir qu’on soupçonne d’être un peu sorcière, mais qui détient les clefs du secret familial obsédant… Tous des personnages complexes, profonds, tout sauf manichéens.
L’originalité de ce roman réside aussi dans sa structure fragmentaire. L’auteure a fait le choix d’un récit polyphonique où les voix et les points de vue s’additionnent pour dire le monde. Des SMS, des courriels, des lettres et des extraits de journaux intimes viennent interrompre le monologue d’Estelle. Loin de perturber notre lecture, cette pluralité de voix fait résonner avec une force redoublée l’anaphore identitaire qui scande le récit, dès le titre. C’est bien la preuve, sans doute, qu’Aminata Aïdara est « quelqu’un » dont il faudra désormais retenir le nom.
Aminata Aïdara est polyglotte. Elle écrit en italien et en français. Elle parle le wolof et la langue de Shakespeare.
Dans quelle langue est-ce que vous rêvez ?
Je rêve principalement en italien, mais depuis quelques années, il m’arrive parfois de rêver en français.
A quel âge avez-vous su que vous vouliez être écrivain ?
Je l’ai su dès que j’ai appris à écrire.
Un roman qui a changé votre vie ?
Lesssio famigliane (Les mots de la tribu, Grasset) de Natalia Ginzberg. Ce roman a joué un rôle important dans mon parcours.
Y a-t-il un livre de vos contemporains que vous auriez aimé avoir écrit ?
Oui, L’attrape-cœur de Salinger. Je ne sais pas si on peut dire que Salinger est mon contemporain, mais son livre est celui que j’aurais vraiment aimé avoir écrit. Dans sa version féminine bien sûr.
Comment naissent vos récits ?
Ils naissent à partir de ma rencontre avec mes personnages qui m’habitent avant de s’incarner dans mes livres.
Quand est-ce que vous aimez écrire ? Tôt le matin ? Dans la journée ? Pendant la nuit quand le monde dort ?
Dans la journée, jamais la nuit.
Est-ce que c’est plus facile d’écrire quand on a déjà publié des livres avant comme vous?
Je n’en sais rien. Moi, j’écris tout le temps. C’est une nécessité. Il est plus dur pour moi de ne pas écrire que d’écrire.
Pourquoi est-ce que vous écrivez ?
J’écris pour exister. Pour pouvoir m’exprimer aussi.
PAR CATHERINE COQUERY-VIDROVITCH
LE REGARD ÉGRILLARD DE L'HOMME BLANC A ÉTÉ UN ÉLÉMENT CONSTITUANT DE LA COLONISATION
Le propos n’est pas de se régaler de la vue du corps de femmes noires, il est de démontrer le caractère massif, pendant des siècles, de l’utilisation de ces corps par le regard et les actes des hommes (voire des femmes) blancs
Le Monde Afrique |
Catherine Coquery-Vidrovitch |
Publication 30/10/2018
La réception du gros ouvrage (4 kg) Sexe, race et colonies, qui vient de sortir aux éditions La Découverte, provoque des réactions contrastées voire virulentes. En qualité d’historienne engagée – qualificatif qui n’est pas synonyme de militante –, je pense que l’un des principaux devoirs de l’historien est de privilégier le savoir, et tout le savoir. D’où la nécessité d’aborder quelque question que ce soit de façon sinon frontale du moins dégagée autant que possible de tout affect. Cela implique de luttercontre les non-dits, les réticences d’ordre extra-scientifique, les préjugés de toute sorte, bref d’une façon générale les tabous de l’histoire ou réputés tels.
Le sexe aux colonies a fait partie de ces « tabous ». Tabou n’implique pas ignorance. On a étudié les signares, les ménagères, les concubines, les esclaves. Néanmoins c’est l’historienne américaine Ann Stoler qui a, la première, mis en lumière une évidence : le regard égrillard de l’homme blanc, la sexualité, voire la pornographie n’ont pas été un corollaire marginal de la colonisation : c’en est un élément constituant.
L’ouvrage s’en veut la démonstration visuelle. On l’a écrit, on l’a peu montré, et jamais de façon systématique. D’aucuns, choqués par la crudité des images, ont réagi.
Quelques journalistes pourtant sérieux s’en sont offusqués avant d’avoir vule livre, d’autres l’ont fait sans l’avoir lu. Ce n’est pas admissible. Certes, il faut tenir compte des réactions, mais peut-être seulement si elles émanent de femmes noires – les sujets apparemment objectivés de l’ouvrage. Je suis réservée sur les réactions gênées, voire scandalisées de critiques blancs.
Car c’est au public blanc que s’adresse le livre, qui exige de ne pas s’en tenir au premier degré. Le propos n’est pas de se régaler de la vue du corps de femmes noires, il est de démontrer le caractère massif, pendant des siècles, de l’utilisation de ces corps par le regard et les actes des hommes (voire des femmes) blancs.
Ce processus a commencé dès les premiers contacts, au tout début de l’esclavage de couleur, de la traite des unes par les autres. Le documentaire Les Routes de l’esclavage, diffusé le 1er mai 2018 sur Arte et auquel j’ai participé, a entrepris de le visualiser sans complexe.
Les images apparaissent avec la traite arabo-berbère, elles se démultiplient avec la traite atlantique. Quoi de plus convaincant que de le montrer ? Comme l’explique l’historien Jean‑Claude Schmitt, « l’image a été un élément clé de l’expansion européenne ».
C’est le sujet de cet ouvrage. Les auteurs ont visualisé 70 000 images pendant quatre ans. Ils en ont sélectionné 1 200. Certaines étaient connues, ne serait-ce qu’au travers des cartes postales qui circulaient dès les années 1900 et de publications antérieures. La plupart sont inédites, oubliées, ou dissimulées. La masse confirme la thèse du livre : l’usage sexuel et la manipulation coloniale des femmes ont été aussi abondants que permanents. Le fait même que certaines aient été « fabriquées » est une preuve de la sexualisation coloniale.
Savoir visuel
La virulence des critiques répond à la violence sexuelle coloniale. On a opposé ce corpus à Shoah, ce monument de Claude Lanzmann (1985), qui évoque tout en ne montrant rien. La comparaison est doublement inacceptable. Shoah repose sur un savoir visuel préalable qui permet à l’imaginaire de se représenter l’inacceptable. Qui plus est, ce « savoir visuel » a été fabriqué, car il n’existe guère d’images des camps d’extermination en action, les cendres étant englouties dans les fours crématoires.
Les amas de cadavres squelettiques photographiés par les Britanniques et les Américains ne sont pas les restes des juifs et des Tziganes gazés à Auschwitz, mais les victimes du typhus dans les camps de déportation (et non d’extermination) abandonnés par les nazis, notamment Bergen-Belsen. Néanmoins, sans ce travail visuel préalable, Shoah serait incompréhensible pour le public non concerné ou non spécialiste.
Le savoir visuel réalisé ici est authentique. Il affirme que tous les colonisateurs – administrateurs, commerçants, voyageurs, explorateurs, voire missionnaires – pouvaient (même s’ils ne l’ont pas tous fait) se livrersur les femmes africaines à ce qui leur était interdit en métropole. Après avoir vu, on ne peut plus faire comme si on ne savait pas. Ces images sont dérangeantes par ce qu’elles font voir qu’il devient impossible de ne pas voir. Je me méfie des réactions effarouchées de lecteurs qui préfèrent se voiler la face plutôt que d’affronter une réalité déstabilisante.
J’aurai une réserve ; celle d’une historienne blanche. Car la réaction affective, viscérale, de femmes noires est réelle. L’« insensibilité affective » devient difficile sinon impossible. La chercheuse sait que c’est vrai. La femme a du mal à faire la distinction entre la maltraitance des colonisées et sa propre personne. Elle voit son image : que faire ?
Entendre l’avis des Africaines d’Afrique
Expliquer. Inlassablement expliquer que le fait de se voir « noire » sur l’image est le fruit du racisme de couleur instauré depuis des siècles à la faveur de l’esclavage atlantique. Des siècles de dépréciation lui ont fait intégrer la réalité du racisme de couleur. C’est, il me semble, une réaction plus française qu’africaine. En France, les femmes noires font globalement partie d’une minorité menacée, donc fragile.
En Afrique, des collègues africains consultés ne sont pas aussi choqués que leurs partenaires français. Alain Mabanckou l’a également exprimé à Blois lors d’une table ronde. Ce que montre le livre est vrai, et ils l’ont toujours su. Alors ? Alors, avant de parler à leur place ou en leur nom, il faut d’abord entendre l’avis et les réactions des Africaines d’Afrique.
C’est ici que l’intelligence des textes qui accompagnent les images apparaît fondamentale. Comme le souligne Jean‑François Dortier dans un numéro de la revue Les Grands Dossiers des sciences humaines édité à l’occasion des Rendez-vous de l’histoire de Blois, « le pouvoir des images n’existe pas sans un texte et un contexte qui l’accompagnent ».
Le nombre de critiques qui n’ont pas lu, ou si peu, les textes paraît considérable. Les vingt textes de fond ont été pensés, discutés et écrits par les cinq éditeurs du volume. Ils traitent de ces questions fondamentales en faisant le partage entre le savoir historique et l’usage que l’on peut en faire. Qui a pris le temps de les lire avec attention ?
Du paradis terrestre au paradis sexuel
Les auteurs ont procédé au travail chronologique de l’historien, distinguant les phases de la représentation : la première, à partir des XVe et XVIe siècles, révèle, de la part des graveurs et peintres concernés, un mélange détonnant de fascination – pour ces corps étrangers au monde occidental de l’époque – et de domination (présente quelle que soit la période) ; fascination non dépourvue d’obscénité, surtout à partir des XVIIeet XVIIIe siècles, pour ces sociétés qui s’autorisaient des « femmes nues » alors que le puritanisme occidental allait s’accentuer une fois passés les « excès » de la Renaissance.
La rupture remonte au début du XIXe siècle : c’est la fin du « paradis terrestre », qui va se transmuter en paradis sexuel pour les hommes blancs, dont les épouses, en Europe, sont dorénavant « corsetées au propre comme au figuré », tandis que se généralise l’idée de la sexualité irrépressible de l’homme. Les espaces sexuels sont rejetés vers les colonies. C’est l’épanouissement de la pornographie coloniale, la seule tolérée et même magnifiée en Occident.
La centaine de notices complémentaires rédigées par 97 spécialistes internationaux apporte des mises au point n’éludant aucun problème, pédérastie incluse (volontairement sans illustration). On peut ne pas êtred’accord. Encore faut-il le démontrer plutôt que de se livrer de façon plutôt répétitive à des attaques ad hominem visant une équipe de chercheurs de qualité.
Un ciment de l’entreprise coloniale
L’image et le texte sont inséparables, c’est une exigence historienne. Or beaucoup de lecteurs ne savent pas interpréter les images. Une table ronde à Blois [lors de l’édition 2018 des Rendez-vous de l’histoire dont le thème était « La puissance des images »] était consacrée au retard en France du décryptage de l’image comme source des non-dits contemporains. Ces images assumées par les colonisateurs y compris dans leur esthétisme sont aujourd’hui condamnables. Mais les textes font éviter l’anachronisme.
On dira que c’est un vœu pieux, car il existe encore, hélas, nombre de racistes qui pourraient ainsi se « rincer l’œil ». Mais au moins le livre peut-il montrer à tous les autres, qui ne le savaient guère (à l’exception de quelques spécialistes), à quel point les abus sexuels ne furent pas des accidents épisodiques ou marginaux, mais qu’ils constituèrent un des ciments constitutionnels de l’entreprise coloniale.
Le sujet traité n’est pas la femme noire ou orientale, mais l’idée que s’en faisaient et que s’en font encore certains Blancs. Les auteurs n’auraient-ils pas suffisamment souligné leur propos dans le titre ?
Encore faut-il tenir compte des exigences de l’édition : faire vendre. On pense ainsi au titre accrocheur de la sérieuse revue L’Histoire en octobre 2018 : « Le Moyen Age a tout osé : l’obscène et le sacré », le thème et ses images n’occupant que 10 % du numéro.
Le thème du livre n’est pas la sexualité de la femme « exotique » mais l’obscénité du colonisateur blanc.
Catherine Coquery-Vidrovitch est professeure émérite d’histoire africaine à l’université Paris-Diderot (USPC)