DAKAR TOUJOURS INEXPUGNABLE
Dès l'annonce de la victoire même étriquée de Taxawu Dakar de Khalifa Sall, les auto-consolations post-défaite ont fait vite place aux accusations entre camarades de même parti sur l'échec amer aux élections des hauts conseillers à Dakar

"La victoire a cent pères mais la défaite est orpheline"
John Fitzgerald Kennedy
Cette assertion s'applique parfaitement au sein de l'Alliance pour la République (Apr) après sa déconvenue aux élections des hauts conseillers au niveau de Dakar. Partout où la mouvance présidentielle a gagné, chaque responsable s'approprie la victoire. Mais les défaites au niveau de Ziguinchor, de Bounkiling, de Gossas, Foundiougne et de Dakar n'ont point de responsables sinon Dieu comme l'a déclaré honteusement Abdou Latif Coulibaly après sa déconvenue de Foundiougne.
Dès l'annonce de la victoire même étriquée de Taxawu Dakar de Khalifa Sall, les auto-consolations post-défaite ont fait vite place aux accusations entre camarades de même parti sur l'échec amer aux élections des hauts conseillers à Dakar. Ainsi le mercure monte aussi dans les rangs du principal parti de la majorité gouvernementale. On assiste à un procès en sorcellerie, à un crêpage de chignons qui en disent beaucoup sur l'unité de façade des partisans de Macky Sall au sein de Dakar.
Pourtant le 27 août dernier à l'assemblée de la remobilisation des membres de Benno Bokk Yaakaar pour les élections des hauts conseillers, le Secrétaire d'État à la Communication, Yakham Mbaye, lançait ces propos réconciliateurs suivis d'embrassades à son frère de parti le ministre Abdoulaye Diouf Sarr, par ailleurs maire de Yoff :
"Je suis militant d'un parti politique qui s'appelle l'Apr. Cette appartenance est synonyme d'engagement cimenté par une vertu : la loyauté à mon leader, le Président Macky Sall. Et il a ordonné que cessent nos querelles qui nous détournent de l'essentiel et du seul combat qui vaille : battre l'adversaire. Alors, je me suis exécuté et lui ai donné ma parole de me conformer à sa directive et de ne ménager aucun effort pour contribuer au triomphe de la liste de Benno Bokk Yaakaar de Dakar. Aussi, pour débuter, je vais joindre l'acte à la parole donnée en tendant ma main à mon camarade et ami Abdoulaye Diouf Sarr".
Et rien ne présageait qu'après avoir fumé le calumet de la paix, une défaite non surprenante allait déclencher de nouveau les hostilités entre frères ennemis réconciliés. Mais ces poignées de mains chaleureuses-cauteleuses et ces embrassades n'étaient que des mains de fer dans des gants de velours agrémentés de baisers de Judas. C'est la résurgence des haines et des rancœurs non aplanies entre les partisans de Diouf et de Yakham Mbaye. Et toutes les armes de destruction même non conventionnelles sont bonnes pour rejeter la responsabilité de la défaite de Dakar sur son frère ennemi.
Ainsi l'unité de parade rabibochée après les directives du président de l'Apr a volé en éclat au lendemain de cette défaite qui peine à trouver responsable. Et les enregistrements de voix de Yakham Mbaye informatisées, trafiquées et manipulées inondant la toile et donnant des consignes de vote-sanction de la liste de Benno constituent le summum des rivalités fratricides au sein de l'Apr de Dakar.
Si certains apéristes veulent dérouler le tapis rouge à Abdoulaye Diouf Sarr à Dakar parce qu'étant l'un des rares responsables de la capitale à disposer d'une base électorale solide dans son fief de Yoff, tel n'est le cas chez Yakham Mbaye qui veut s'imposer comme le responsable de son parti dans le Dakar-Plateau.
Pourtant aucune élection n'a servi de baromètre au journaliste politicien pour vouloir s'imposer comme le leader local de l'Apr au Plateau. Seulement son bagout, son esprit rebelle, sa proximité avec la Première dame Marème Faye Sall lui servent d'atouts majeurs pour vouloir imprimer sa marque dans sa localité devant des jeunes militants de la première heure.
Dans la bataille pour le contrôle de Dakar, Yakham, qui n'entend pas se soumettre à l'autorité surfaite de Diouf Sarr, veut marquer son territoire d'emblée. L'homme veut avoir un style et des griffes, c'est pourquoi il n'entend pas se mettre derrière son collègue de la Décentralisation que certains apéristes veulent introniser empiriquement comme le leader politique de la capitale pour avoir été le seul du parti présidentiel à résister au tsunami de Taxawu Dakar aux locales de 2014. La communication sur l'épisode de sa voix trafiquée le met en position confortable au sein de son parti et le place comme un prétendant au leadership de Dakar.
Car si certains en arrivent à utiliser des méthodes peu orthodoxes pour le briser politiquement, c'est parce qu'en toile de fond, le Secrétaire d'État à qui on ne connait pourtant aucun fait d'arme, aucun engagement politique préalable inspire de la crainte au camp adverse. Ces maladresses, plutôt que de jeter le discrédit sur Yakham, le mettent en selle et lui font croire davantage qu'il peut batailler ferme pour diriger Dakar.
Si aujourd'hui l'Apr peine encore à retrouver ses marques dans la capitale et s'y imposer comme le premier parti en termes de suffrages, c'est à cause de sa configuration d'armée mexicaine où chaque soldat se considère comme un donneur d'ordres ne devant se soumettre qu'à sa propre autorité.
Depuis 2009, Benno Siggil Senegaal qui s'est transmuté en Taxawu Dakar quand l'Apr a voulu s'imposer en 2014 comme le parti devant diriger la mairie de la capitale, règne majoritairement dans la capitale même si des maires ont fait défection pour rejoindre Benno Bokk Yaakaar. Aujourd'hui à l'Apr, aucune stratégie politique n'est mise en place pour conquérir toutes ces localités perdues en 2014 à part compter sur la transhumance, les défections circonstancielles monnayées ou les achats de conscience, lesquels ne garantissent point la fidélité durable d'un électorat. Acheter des maires est symbolique mais il n'est pas une assurance-victoire électorale si la base n'y adhère pas.
Si le patron de l'Apr avait demandé à ses partisans de ne pas présenter de liste à Dakar lors des élections des hauts conseillers, c'est parce qu'il était conscient que la représentativité de Khalifa Sall dans la capitale ajoutée à l'indiscipline de ses militants ne laissaient entrevoir à travers les interstices de la bataille de Dakar aucune once ou chance de victoire. A part le Plateau et Yoff, on ne connait à Dakar aucun autre responsable apériste d'envergure dans les autres localités.
Aujourd'hui pour récupérer les Parcelles assainies des griffes de Moussa Sy, le président de la République compte sur Amadou Ba. Mais ce dernier, néophyte en politique pense que la distribution des billets de banque, l'achat de certains imams et lutteurs en retraite suffisent pour s'imposer dans les Parcelles. Mbaye Ndiaye est passé par là, il a fait chou blanc. Karim Wade s'y est essayé aux locales de 2009. Il n'a récolté que des déboires.
Aminata Touré, fortement concurrencée par Adama Faye, le jeune frère de Marème Faye Sall, se considère comme la patronne de Grand-Yoff après y avoir subi une humiliation en 2014. De même que, concernant Youssou Ndour, la popularité tirée de son art musical ne peut lui servir de baromètre pour brûler les étapes et s'auto-imposer patron politique de Dakar.
Face à ce déficit de leaders, certains apéristes ont d'autorité couronné Diouf Sarr grand maître de Dakar quand il a réussi à sauver sa localité de la bérézina des locales de 2014 où tous ses autres camarades compétiteurs se sont noyés dans l'océan de la victoire de Taxawu Dakar. Mais une hirondelle ne fait pas le printemps.
Gagner une seule localité n'est pas gage de responsabilisation dans tout Dakar. Et c'est pourquoi Yakham Mbaye refuse ce leadership factice de Diouf Sarr. Face à ce méli-mélo, le président Sall au lieu de trancher le nœud gordien préfère adopter la posture du roi Salomon. C'est toujours la quadrature du cercle à Dakar.