FRANCE, LA JUSTICE ADMINISTRATIVE AU SERVICE D'UN MENSONGE D'ETAT
Depuis la mise au jour du mensonge d'État sur le massacre de Thiaroye, tous les recours devant les différentes juridictions sont rejetés. Comme si l'impunité d'un crime colonial commis par l'armée française devait se perpétuer

Depuis la mise au jour du mensonge d'État sur le massacre de Thiaroye, tous les recours devant les différentes juridictions sont rejetés. Comme si l'impunité d'un crime colonial commis par l'armée française devait se perpétuer. Le dernier jugement sur les archives en est une parfaite illustration.
Si en 2014, le président Hollande a remis les archives consultables sous forme numérisée au Président du Sénégal conformément à sa promesse de 2012, celles restées auprès des forces terrestres de l'AOF (Afrique occidentale française) devenues forces françaises au Sénégal sont toujours inaccessibles. Pourtant le ministre Le Drian a signé un arrêté de dérogation générale pour les archives de l'Affaire Thiaroye, le 24 septembre 2014.
Les archives numérisées ne semblent toujours pas consultables au Sénégal et n'ont pas été transmises aux autres pays concernés. Le secret-défense ne peut être évoqué pour justifier une telle lenteur qui paralyse la recherche et la justice en lien avec cette quête de vérité sur un crime colonial impuni.
Thiaroye 44 c'est un massacre prémédité commis par l'armée française sur d'anciens prisonniers de guerre originaires de l'AOF qui réclamaient leur solde de captivité. Les archives consultables nous offrent un récit officiel de rébellion armée mais d'autres archives peuvent révéler l'ignominie et la tromperie de l'État.
Premier jugement
J'ai déposé un premier recours devant le tribunal administratif (TA) de Paris en 2016 afin de consulter l'ensemble de ces archives qui devraient se trouver au service historique de la Défense (SHD) alors que les forces françaises au Sénégal ont été dissoutes en 2011. Plusieurs éléments permettaient d'étayer l'existence de ces documents :
- Des échanges de courrier dans les années 50 entre un rescapé (Souleymane Doucouré) et l'administration alors qu'il réclamait le paiement de sa solde de captivité et sa prime de démobilisation. Il devait s'adresser auprès de l'administration militaire française à Dakar et non au ministère des Anciens Combattants à Paris ;
- Le ministre des Armées via le Chef du service historique de l'Armée, déplorait, en 1973, les archives trop sommaires du 6ème RAC ;
- Le discours du président Hollande en novembre 2014 annonçant que les corps des victimes n'étaient pas dans les tombes anonymes du cimetière militaire de Thiaroye ;
- Le dernier commandant des forces françaises au Sénégal a mentionné que ces archives devraient être dans un coffre-fort et a révélé la présence et l'endroit des fosses communes ;
Comment peut-il savoir que ces archives sont à ce point sensibles si ce n'est parce qu'il en a eu connaissance avec sans doute la cartographie des fosses communes ? - L'armée, réputée pour sa rigueur, ne peut invoquer la perte de documents comme la liste des rapatriés, la liste des victimes, la liste des déserteurs alors qu'il y avait un appel quotidien, le calcul individuel des soldes et des primes de démobilisation, etc.
- Si égarer un simple dossier peut se concevoir ce n'est pas le cas de plusieurs cartons ;
- Une information émanant du Sénégal a mentionné la présence de ces archives pour le moins sensibles à l'ambassade de France à Dakar.
Au vu de ces éléments, alors que le ministère n'a cessé de prétendre à l'inexistence de ces archives et que j'aurais eu accès, dans le cadre de mes recherches, à l’ensemble des documents encore conservés par le ministère de la défense relatifs aux événements de Thiaroye, le rapporteur public m'a donné raison :
Date de l'audience : 13/09/2017 à 09:30
Sens synthétique des conclusions : Annulation totale ou partielle
Sens des conclusions et moyens ou causes retenus :
annulation du refus de communication des documents en cause, l'inexistence de ces documents n'étant pas établie par l'administration.
Date et heure de la mise en ligne : 08/09/2017 à 14:00
Mais les juges du tribunal administratif ne l'ont pas suivi et ont rejeté mes conclusions dans le jugement du 27 septembre 2017 : "qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques et des informations disponibles, l'existence des documents dont la requérante demande communication n'est pas établie ; que toutefois, au cas où de nouvelles informations permettaient de faire présumer l'existence de ces documents, la requérante conserve la possibilité de déposer une nouvelle demande de communication". Je n'ai donc pas saisi le Conseil d'État et ai redéposé une requête avec des éléments nouveaux en octobre 2018 estimant que je bénéficiais d'une sorte de privilège avec l'espoir ténu d'une issue favorable.
En réponse à ma demande d'informations sur le volume que peuvent représenter ces archives, un ancien commandant des forces françaises au Sénégal (2002-2004) ne conteste pas l'existence de ces archives : « Je ne peux malheureusement vous donner aucune indication sur le volume d’archives dont je n’ai pas eu à traiter le temps de mon commandement des forces françaises du Cap Vert (FFCV) »
Deuxième requête
J'ai pu trouver de nouvelles informations permettant de faire présumer l'existence de ces documents mais aussi d'autres éléments. J'ai ainsi sollicité le Chef du SHD à plusieurs reprises pour :