LA GRANDE PLAISANTERIE DES MILITAIRES DE L’AES
Les différentes transitions - ou intronisations - s’éternisent. Les militaires ne veulent pas lâcher, pour rien au monde, le pouvoir. Les libertés, au nom d’une soi-disant refondation, sont systématiquement bafouées

En mars 2024, dans la revue Global Africa, le politologue Abdoul Karim Saidou a publié un article intitulé «Démocratie et insécurité au Sahel : une cohabitation impossible ?». Dans ce texte qui «analyse les effets de l’insécurité sur l’ordre démocratique à partir des terrains sahéliens», le chercheur décrypte la manière dont les militaires, riches de leurs baïonnettes, se sont arrogé le droit d’arracher le pouvoir aux civils. L’argument de restaurer la sécurité que ces derniers, à cause de leur incompétence, ont sacrifiée au profit des factions terroristes, ne trompe personne. En réalité, pense-t-il, ces militaires, qui ont l’ambition inavouée de prendre leur «revanche», traduisent, par le truchement des coups d’Etat, «l’expression d’une mise à l’écart politique mal digérée par les militaires qui se targuent d’une légitimité historique dans la formation des Etats». C’est dire que ces militaires, qui ont déserté les champs de bataille pour roupiller dans les palais présidentiels, ne sont obnubilés que par le pouvoir politique et le «sentiment de prestige» (Max Weber) qu’il confère.
Les différentes transitions -ou intronisations- s’éternisent. Les militaires ne veulent pas lâcher, pour rien au monde, le pouvoir. Les libertés, au nom d’une soi-disant refondation, sont systématiquement bafouées.
Les populations, qui ont acclamé les militaires au moment des différents coups d’Etat, voient aujourd’hui toutes leurs libertés remises en cause. Les journalistes sont traqués et envoyés en prison ; les formations politiques sont dissoutes ou suspendues ; les sociétés civiles sont tout simplement supprimées de la vie politique nationale. Il n’y a que les pouvoirs militaires qui décident, au bout des fusils et en dehors de toute force d’opposition, du sort de ces peuples.
Malgré leurs maigres succès dans la lutte contre les groupes terroristes, notamment au Mali, l’insécurité est de plus en plus tragique dans les pays de l’Aes. Les victimes, civiles comme militaires, ne se comptent plus. Les populations sont hantées par les agissements inopinés et dramatiques des terroristes. Ces derniers -qui sévissent dans la mobilité et réinventent au quotidien leurs méthodes de tuer bivouaquent partout et échappent au contrôle de ces Etats dont les armées, squelettiques, ont montré toutes leurs limites. Les services des mercenaires russes, ces chevaux de Troie de la Russie, n’ont apporté aucune satisfaction face à cette quadrature du cercle qu’est la restauration de la sécurité. Et, pis encore, ces mercenaires, qui n’agissent qu’au nom du profit, participent parfois à la persécution de certaines populations civiles. La communauté peule, régulièrement accusée de renflouer les rangs des terroristes, est généralement victime de ces attaques systématiques qui s’apparentent à du nettoyage ethnique.
Les militaires n’ont pas de solutions aux différents problèmes qui minent ces peuples. Leur incapacité de gouverner a plongé leurs pays respectifs dans une indigence dont rien n’augure ne serait-ce que la diminution. Incapables de faire mieux que les civils accusés de tous les maux d’Israël, ils cherchent, par tous les moyens, à dénicher des boucs émissaires, pour imputer la responsabilité de leurs déconfitures aux autres. La France est leur tête de Turc. L’ancienne puissance coloniale et «sa» langue, aidées par leurs suppôts de l’impérialisme françafricain, alimentent leur rengaine victimaire. Celle-ci, on le sait, n’est que le moyen d’éluder les énormes défis qui se posent à leurs peuples.
Toujours est-il que les slogans ne résistent pas au temps et à la réalité. Au Burkina Faso, par exemple, les autorités accusent la Côte d’Ivoire, présentée comme un des derniers rebuts de la Françafrique, de fomenter des manœuvres pour déstabiliser le régime de Ibrahima Traoré.
Ces militaires n’aiment pas leurs pays ; ils n’ont qu’une seule obsession : le pouvoir. Au regard de leur incompétence et de leur incapacité à saisir les vrais enjeux de notre monde, on peut constater, et fort aisément, que l’échec est leur finalité. Mais à quel prix ?
Au prix de l’intégration africaine. Au prix de la diplomatie. Au prix de l’économie. La Cedeao, considérée à tort comme un cartel de chefs d’Etat au service de la France, en a déjà subi les premiers assauts. Il faut s’attendre à d’autres ravages.
Notre pays, et fort heureusement, a une vocation universaliste.
Celle-ci, comme toutes les grandes nations, constitue notre destinée manifeste, la manifestation éloquente de notre grandeur.
Nous ne devons jamais nous lasser de remercier le poète-Président Léopold Sédar Senghor…
POST-SCRIPTUM : Notre monde a récemment perdu l’une de ses grandes voix de sagesse, Sa Sainteté le Pape François. Une voix contre les différentes guerres qui menacent les équilibres du vivant. Une voix contre la pauvreté et les logiques de prédation orchestrées par les grandes puissances. Une voix pour la fécondation de nos inépuisables possibles de vivre-ensemble et d’en-commun. Que ses prêches -marqués par la célébration de l’autre, l’amour et l’humilité- continuent de nous inspirer pour la constitution d’une commune terrestre.