LE PARTI PASTEF, LE RASSEMBLEMENT NATIONAL ET LEURS JUGES
Pastef au pouvoir, comme dans l’opposition, ne cesse d’attaquer et d’affaiblir la Justice. Les roquets et leurs maîtres clament à tue-tête qu’elle est le talon d’Achille du «Projet»

La cheffe de file du Rassemblement national, Marine Le Pen, a été condamnée, ce 31 mars 2025, dans l’affaire des assistants parlementaires européens, à une peine de cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire. En effet, on reproche à la grandissime favorite de la présidentielle de 2027 d’avoir organisé un système de détournement de fonds publics (le préjudice est évalué à 4, 1 millions d’euros par les juges) entre 2004 et 2016. Pendant douze ans, elle a fait supporter au Parlement européen, les salaires de ses propres collaborateurs. Avec cette condamnation, sa marche vers l’Elysée semble s’éterniser davantage. Somme toute, c’est l’avenir politique de cette théoricienne assumée du racisme, de la xénophobie, du grand remplacement… qui est en train d’être chamboulé.
Elle dénonce une «décision politique» prise par des «adversaires politiques», c’est-à-dire les juges et leurs alliés, pour l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle. Cette affaire, qui est juste un «désaccord administratif avec le Parlement européen», est instrumentalisée par des magistrats sans aucune légitimité populaire, qui «s’ingèrent dans le choix des Français». «Aucun juge, argue-t-elle, ne peut décider d’interférer dans une élection aussi importante que la Présidentielle.» Une vaste campagne de dénigrement de la Justice a été entreprise par ses collaborateurs, qui martèlent qu’elle a été broyée par un système judiciaire au service de l’élite corrompue et contre le Peuple pur. Le Rassemblement national s’indigne contre ce qu’il considère comme la «tyrannie des juges».
Avec les populistes, c’est toujours la même rhétorique victimaire devant une décision judiciaire qui leur est défavorable : ils ne sont jamais responsables des faits qui leur sont reprochés. Le sociologue allemand Max Weber écrit, dans Le savant et le politique (La Découverte, 2003), qu’un bon homme politique doit avoir le sens de la responsabilité. Les populistes n’ont pas cette qualité. C’est toujours une machination dirigée contre eux, fomentée par des institutions scélérates et surtout non élues. Celles-ci, illégitimes, dans l’imaginaire populiste, ne doivent nullement remettre en cause la volonté populaire. Il faut donc procéder à un travail de délégitimation des corps intermédiaires -la Société civile, les magistrats, les syndicats, les journalistes…- pour établir un contact direct entre le Peuple -entendu comme un bloc monolithique et épuré- et ses représentants.
Au Sénégal, l’hydre populiste n’a fait que torpiller la Justice des années durant. Pastef s’est principalement opposé par bravades envers les institutions judiciaires. Celles-ci étaient aux ordres et contre leur projet politique. Les magistrats, stipendiés, et dénués de tout sens du patriotisme, n’étaient là que pour faciliter les forfaitures de l’ancien satrape. L’actuel Premier ministre, qui s’opposait comme un hors-la-loi, a toujours refusé de se présenter dignement devant les magistrats pour être jugé comme tous les citoyens. Après avoir consommé une passade avec une jeune femme et diffamé un ministre de la République, il a refusé, sous prétexte que son sort était déjà scellé, de se livrer à la Justice. Ses procès qu’il a transformés en «mortal kombat» ont coûté la vie à plusieurs de nos concitoyens. L’antienne sacrificielle a tout de même assuré à sa chair à canon la certitude et l’honneur de mourir comme des martyrs. Pastef au pouvoir, comme dans l’opposition, ne cesse d’attaquer et d’affaiblir la Justice. Les roquets et leurs maîtres clament à tue-tête qu’elle est le talon d’Achille du «Projet», qu’elle freine les grandes ambitions de transformation systémique du pays en laissant les hétérodoxes vaquer librement à leurs occupations. Le Premier ministre, après avoir traité certains juges de «lâches» et de «corrompus», s’est ouvertement rebellé contre une décision de Justice concernant un de ses pourfendeurs, car, dit-il, la clémence du juge a été excessive. Le chef du gouvernement, comme tous les populistes, estime qu’il doit incarner l’institution judiciaire du fait de sa légitimité populaire. A cela s’ajoute le manichéisme entre les bons juges, ceux du «Projet», et les mauvais juges, qui sont les produits abjects du «système». Epurer la Justice de fond en comble est donc une nécessité pour respecter la vox populi -sacrement du populisme.
Les dangers de la méthode populiste (le populisme est plus une méthode qu’une idéologie) rappellent à ceux qui ont une certaine idée de la République, la nécessité de protéger les institutions républicaines. Dans ce pays, même l’institution militaire, qui a toujours bénéficié de la sollicitude de nos hommes politiques, n’a pas été épargnée par les ravages de Pastef. Mais l’histoire est facétieuse : les tenants du pouvoir, et toujours opposants, à l’occasion de la célébration grandiose de la fête de l’indépendance, ont célébré cette armée dont le Pmos a récemment accusé un Général de fomenter un coup de force…