"JE SUIS PEINÉ DU SILENCE DE BENNO"
Entretien avec l'éditorialiste de SenePlus Momar Seyni Ndiaye

En dépit de la volonté affichée du chef de l’Etat, de vouloir réduire son mandat en cours, en le faisant expressément paraitre dans un projet de loi, certains continuent de croire que le débat sur la réduction du mandat de Macky Sall est encore loin d’être clos. De l’avis de Momar Seyni Ndiaye, ancien journaliste, non moins formateur, seule une réponse ferme du président de la République sur ce qu’il va faire de l’avis du Conseil constitutionnel estompera ledit débat. Qui plus est, fait-il remarquer, la date du référendum n’est toujours pas connue, non sans s’inquiéter du silence «grave» des partis de Benno Bokk Yakaar. L’analyste politique est revenu, dans cet entretien, sur les zones d’ombres à éclairer en dépit du projet de réforme publié. Entretien.
La publication du projet de loi sur la réforme de la constitution, clôt-elle le débat sur la réduction du mandat du président de la République ?
Moi, je pense très sincèrement que ce débat ne sera jamais clos. Parce que c’est un débat politique qui est appelé à avoir des évolutions. C’est un débat fondamental parce qu’il s’agit de réforme assez importante de la Constitution et de nos Institutions.
L’autre problème fondamental qui n’est pas résolu à mon avis, c’est la question de la date du référendum. On avait parlé du mois de mai, mais je n’ai pas vu nulle part dans le texte que le référendum devrait avoir lieu tel jour. Dans l’exposé des motifs, on ne dit pas quand est ce que le Conseil constitutionnel devra donner son avis. L’exposé des motifs a d’ailleurs un relent très propagandiste. En général, tous les juristes vous diront que l’exposé des motifs est généralement très sobre, alors que nous avons droit à exposé très développé, très propagandiste. Il y a un peu de triomphalisme dans l’exposé des motifs qui peut paraitre un peu gênant.
La question fondamentale qui n’est pas réglée, c’est la suite que Macky Sall donnera à l’avis du Conseil constitutionnel. Quelle sera-t-elle d'après vous ?
Ce n’est pas dit ni dans l’exposé des motifs ni dans les commentaires des responsables de l’Apr. Ils nous disent bien «la volonté du chef de l’Etat de réduire son mandat», mais en réalité ils ne nous disent pas quelle serait la réaction du président dans le cas où le Conseil constitutionnel dirait : «sur tel article et tel article, nous sommes d’accord» et révoquerait un article particulier par exemple en disant : «sur la duré du mandat, nous ne sommes pas d’accord et qu’il faut que le président respecte la Constitution». À ce moment là, sur quoi faudrait-il voter ? C’est ça le problème. Les Sages ne font pas de référendum et ils procèdent point par point et ceux qu’ils veulent révoquer, ils vont probablement dire : «cette réforme là n’est pas possible». Je pense que c’est probablement ce qui va se passer. À ce moment là, le problème resterait global. Parce que les autres changements sont peut-être importants, mais ils sont quand même de l’ordre du cosmétique. Ce sont des changements qui ne sont pas fondamentalement fondateurs de la nouvelle constitution. C’est de nouveaux habillages. Aujourd’hui, ce n’est pas ce que les Sénégalais attendent.
Fondamentalement, les problèmes sur les quels les partisans du Président et surtout le Président lui-même doit se prononcer de manière ferme, c’est de nous dire ce qu'il ferait de l’avis du Conseil constitutionnel. Est-ce qu'il va l’appliquer à la lettre ou est ce qu'il se donnera la liberté, en cas de nécessité, de ne pas l’appliquer ? Dans ce cas, on se demande d’ailleurs pourquoi consulter le conseil constitutionnel. Pour moi, ça me parait clair que, si aujourd’hui, on veut vraiment clore le débat, c’est que le Président dise : «Je m’engage à respecter l’avis du Conseil constitutionnel intégralement» ou alors «non, si le Conseil constitutionnel me dit non, je m’engage à respecter, quoi qu’il arrive, ma promesse». Là, effectivement on y verrait plus clair. Mais, pour l’instant, ce n’est pas ce qu’on entend. Je n’ai pas encore entendu les commentaires au niveau de l’Apr nous élucider sur cet aspect du problème.
Quid du silence des grands partis membres de la coalition Benno Bokk Yakaar ?
Je suis extrêmement peiné du silence de Benno. Aucun parti sérieux de Benno n’a commenté ces mesures. Je trouve que c’est extrêmement grave. Je pense qu’il faut qu’en même le dire, parce que je ne peux pas comprendre que des partis qui sont dans la coalition gouvernementale se taisent de cette manière. Ni les partis de Gauche, ni le Ps, ni l’Afp, personne. A mon avis, c’est grave. On ne sait pas si Benno soutient ces mesures ou pas.
Qu’est ce que Macky Sall a réglé provisoirement, avec la publication du projet de loi de réforme ?
Provisoirement, on a au moins des idées relativement précises sur les orientations qu’il veut donner à ces réformes. On sait globalement que ces mesures vont renforcer la démocratie, peut être pas dans les proportions qu’on pouvait attendre. Parce qu’il y a la question de la séparation des fonctions de président de la République et de chef de parti. Il y a aussi la question du régime parlementaire qui est complètement éludée. On sent dans les propositions de Macky Sall, une volonté de renforcer l’Assemblée nationale. Mais, ça ne fait pas encore un régime parlementaire. Nous sommes encore loin du régime parlementaire proposé par la Cnri