LA SECONDE JEUNESSE DU MOUVEMENT SOCIAL
En demi-teinte depuis l’avènement du président Macky Sall, force est de constater que le mouvement social a repris une seconde jeunesse avec le M23, mais aussi avec de nouveaux acteurs qui ont repris le flambeau des revendications sociales.

La journée historique du 23 juin 2011 est célébrée cette année dans un contexte marqué par la pandémie de Covid-19. En demi-teinte depuis l’avènement du Président Macky Sall, force est de constater que le mouvement social a repris une seconde jeunesse avec le M23, mais aussi avec de nouveaux acteurs qui ont repris le flambeau des revendications sociales.
Le projet de loi avait été adopté en Conseil des ministres le 16 juin, à huit mois de l'élection présidentielle de février 2012, à laquelle Abdoulaye Wade, 85 ans, était candidat. Le texte visait à modifier la Constitution pour permettre aux Sénégalais d'élire simultanément, dès 2012, un président et un vice-président, sur la base d'un "ticket" qui, pour l'emporter, pouvait ne recueillir au premier tour que 25% des suffrages exprimés. Ce minimum de voix pour une victoire au premier tour était parmi les dispositions les plus décriées par les opposants au projet.
Toutefois, pour faire reculer un homme de la trempe du président Abdoulaye dans sa volonté de ‘’dévolution monarchique‘’ du pouvoir, il fallait une population qui a du cran. Et face à une jeunesse déterminée portée par le mouvement Y’en marre, une société civile et une classe politique mobilisées, Tous prenant d’assaut dès les premières heures de la matinée l’Assemblée nationale où devait se tenir le vote du projet de loi, le président Abdoulaye Wade et ses acolytes se sont vite pliés à la volonté de la rue et du peuple. ‘’Le président de la République a pris en considération vos préoccupations, il a pris bonne note de toutes les réactions et il m’a chargé de retirer ce projet de loi’’, avait annoncé d’une voix tremblante le ministre de la justice de l’époque, Cheikh Tidiane Sy. Un abandon qui constituait un cinglant revers pour le PDS qui dirigeait le pouvoir depuis 11 années, et une victoire pour la société civile et les opposants du président Abdoulaye Wade.
Parmi ces derniers, il y avait notamment des dinosaures politiques comme le président Moustapha Niasse, le défunt secrétaire général du PS Ousmane Tanor Dieng, la présidente du mouvement Oser l’Avenir Aissata Tall Sall, le sociologue Abdou Aziz Diop. Toutefois, depuis l’élection du président de la République Macky Sall, tout ce beau monde est à ses côtés, constituant ce qui est appelé communément la mouvance présidentielle. Une partie de la société civile avait rejoint aussi les lambris dorés du pouvoir. Ce qui a esseulé à un moment donné le mouvement Y’en a marre qui est l’une des figures de proue du M23. Causant dans la foulée la léthargie du mouvement social pendant quelques années.
GUY MARIUS SAGNA, OUSMANE SONKO ET DR BABACAR DIOP DONNENT UN SECOND SOUFFLE AUX REVENDICATIONS SOCIALES
Mais depuis, le landerneau politique et la société civile ont connu des mutations profondes. L’inspecteur des impôts Ousmane Sonko et son parti PASTEF ont fait leur entrée de manière fracassante en politique. Radié de la fonction publique pour ses positions tranchées contre le régime, Ousmane Sonko dont le parcours et la probité forcent le respect a été élu député en 2017. Constituant ainsi l’aile dure de l’opposition avec des révélations sur la gestion du Président Macky Sall.
Adulé par une partie de la population, surtout la jeunesse, l’ancien pensionnaire de l’ENAM est parvenu, par un discours révolutionnaire qui accroche, à peser grandement sur l’avènement d’une nouvelle conscience citoyenne qui a permis en quelque sorte à faire renaître le mouvement social de ses cendres. Il est devenu en un laps de temps une réalité politique et lors de la dernière élection présidentielle, il est parvenu à se hisser au podium avec sa troisième place. Le mouvement Y’en a marre aussi continue de jouer sa partition.
A la veille de l’élection présidentielle de 2O19, Thiat et Kilifeu avaient sorti un clip incendiaire qui dénonçait les tares du régime en place. Par ailleurs, c’est un mouvement qui a inspiré d’autres pays avec le Balai Citoyen qui a participé au départ du président Burkinabé Blaise Compaoré ou encore Filimbi au Congo : Des ‘’scandales‘’ sur le pétrole révélé notamment par un documentaire de la chaîne BBC éclaboussant le frère du chef de l’Etat Aliou Sall ont aussi servi de tremplin à la société civile, permettant aux activistes de redorer leur blason et de redescendre dans la rue. La plateforme ‘’Aar Liniou Bokk‘’ est mise sur les fonts baptismaux pour lutter contre la cherté de la vie, la gestion nébuleuse du pétrole et le coût de l’électricité. Mettant sous le projecteur des activistes comme Dr Cheikh Tidiane Dièye, Fatou Ndiaye Blondin, l’enseignant en philosophie Dr Babacar Diop, ou encore le tonitruant Guy Marius Sagna.
LE BRADAGE DU LITTORAL, LA GESTION DE L’AIDE ALIMENTAIRE : LES NOUVEAUX AIGUILLONS DE LA LUTTE SOCIALE
A la tête du mouvement anti-impérialiste FRAPP / France dégage, ce dernier est devenu le symbole incontesté du mouvement social sénégalais. Sur tous les fronts, Guy Marius Sagna a fait ces derniers mois plusieurs séjours en prison à cause de manifestations publiques. Et il a atteint le paroxysme en novembre dernier en refusant d’obtempérer à la décision du préfet de Dakar d’interdire une manifestation à la Place de l’Indépendance.
Accompagné de Dr Babacar Diop et d’autres activistes, Guy Marius Sagna a franchi le Rubicon en atteignant les grilles du Palais pour se faire entendre. Ce qui lui a valu comme à l’accoutumée plusieurs mois de prison. Et avec son impulsion et celles de Dr Babacar Diop, Karim Xrum Xax et d’autres, le mouvement social commence à atteindre sa vitesse de croisière etle régime en place en train d’être débordé. La gestion de la pandémie de Covid-19, l’affaire des honoraires de l’ancienne présidente du Conseil Economique Social et Environnemental, le bradage du littoral, la pénurie d’eau ont redonné de la matière aux activistes et aux opposants du régime du président Macky Sall. Et n’eût été la crise sanitaire qui secoue le pays, ils auraient certainement investi la rue pour demander des comptes à l’Etat.