L'ASSEMBLÉE DANS SES PETITS SOULIERS
Échanges d'insultes entre élus du peuple

Le vote, hier, du budget du ministère de l'Economie, des finances et du plan a été émaillé par des injures entre le député Me El Hadj Diouf et sa collègue de Fatick Aïssatou Diouf. Les mots ont volé très bas entre les deux représentants du peuple.
L'Assemblée nationale a encore fait parler d'elle hier. Des insultes ont marqué le vote du budget du ministère de l'Economie, des finances et du plan. Pourtant, tout était parti pour se passer dans le calme avec le vote, sans débat, du budget du ministère dirigé par Amadou Ba.
Cependant, la tournure a changé quand le député et Grand Serigne de Dakar, Abdoulaye Makhtar Diop a proposé aux députés à faire de même pour le projet portant approbation du programme triennal d'investissements publics 2016-2018. Le député Me El Hadj Diouf a proposé un avis contraire. Au moment où il donnait une explication sur sa proposition, il a fait savoir à ses collègues que l'Assemblée nationale ne vaut plus rien devant l'opinion. Il fonde son argument sur le vote sans débat, dans la matinée (Ndlr hier) du budget du ministère du Travail et des Relations avec les Institutions et mercredi dernier du budget du ministère de l'Agriculture et de l'Equipement rural alors que le gouvernement veut faire du Sénégal un pays agricole. C'est ainsi que certains députés ont commencé à rouspéter.
La voix la plus élevée est celle du député de Fatick Aïssatou Diouf. Malgré les remontrances du président de l'Assemblée nationale Moustapha Niasse qui lui demande de laisser Me El hadj Diouf continuer son speech, elle poursuit ses critiques rappelant à l'avocat qu'il n'était pas présent à l'hémicycle lors du vote du budget du ministère de Papa Abdoulaye Seck. Aïssatou Diouf va même plus loin en taxant Me El Hadj de vilain. C'est en ce moment que l'avocat sonne la riposte.
"J'ai 3 femmes, elles sont plus belles que toi", répond-il d'emblée. Plus l'adrénaline monte, plus El Hadj Diouf continue ses insanités. "Tu es sale et vilaine". "Espèce d'ordure". "Espèce de p...'. "P... de luxe à Fatick". "P... politique". "Espèce de sale p...". Les mots volent plus bas entre Me Diouf et Aïssatou Diouf. Cette dernière ne reste plus sur place. Elle fait des va et vient incessants pour proférer des insultes, les unes plus salaces que les autres à l'encontre de Me El Hadj Moustapha Diouf. D'un ton plus virulent, elle taxe l'avocat de "violeur". La situation est devenue incontrôlable. Chaque député, dans son coin, s'insurge contre l'attitude de Me El hadj Diouf. "On ne doit pas accepter qu'un député insulte dans l'hémicycle", clame un parlementaire du fond de la salle.
La leçon de morale de Niasse aux députés
Face à cette situation, le président de l'Assemblée nationale va demander à Me El Hadj Diouf de regagner sa place pour calmer les ardeurs. Ce dernier s'exécute.
Maintenant, Moustapha Niasse peut rappeler aux députés le règlement intérieur de l'Assemblée nationale qui lui confère la latitude de faire expulser tout fauteur de troubles. "Les articles 53 et 59 disent ceci : le Président exerce la police de l'Assemblée. Il est chargé de veiller à la sécurité intérieure de l'Assemblée. Il peut à cet effet requérir la force armée et toutes les autorités dont il vise le concours nécessaire. Cette réquisition peut être adressé directement à tous officiers ou fonctionnaires qui sont tenus d'y déférer immédiatement sous les peines prévues par la loi. Il peut faire expulser de la salle ou faire arrêter toute personne qui trouble l'ordre. Je suis obligé de vous rappeler cela", dit-il avec fermeté.
Après ce bref rappel du règlement le président Niasse va donner une leçon de morale à ses collègues. "Nous sommes entre gens responsables, entre citoyens qui ont été élus par le peuple sénégalais pour le représenter. Nous devons être dignes de cette mission. Nous devons, respecter le peuple qui nous a amené ici. Si nous ne sommes plus capables de respecter le peuple, alors ce
sera la catastrophe", sermonne-t-il. Très remonté contre le spectacle qui vient de se passer sous son regard, M. Niasse poursuit : "Je peux décider, séance tenante, ici, d'expulser un député lorsqu'il ne respecte pas ces dispositions réglementaires. Je ne le ferai pas et je n'envisagerai pas de le faire. J'ai eu depuis 3 ans et demi l'occasion de le faire mais je ne le ferai jamais tant que je serai dans ce fauteuil bien que je puisse le faire. Parce que je vous respecte. Vous devez vous respecter entre vous. Des injures ne doivent pas, ici, être proférées. C'est honteux, c'est dégradant, vil. De la part de quiconque le fait c'est dégradant".
"Lorsqu'un député profère des insultes à l'Assemblée, c'est tout le peuple sénégalais qu'il insulte"
Le président de l'Assemblée nationale ne veut plus cautionner des insanités entre des représentants du peuple. Moustapha Niasse appelle tout le monde à la raison. "Lorsqu'un député insulte un autre ici, c'est tout le peuple sénégalais qu'il insulte. Lorsqu'un député répond (par des insultes, Ndlr), c'est tout le peuple sénégalais qu'il insulte. Rappelez-vous que le peuple vous écoute. Rappelez-vous que le peuple vous regarde. Il faut être digne de porter le manteau de député. Si on est indigne, on doit prendre ses responsabilités et s'en aller. Arrêtez-moi ça", dit-il.
A la fin de la séance certains députés se sont regroupés devant la porte de sortie pour tenir un guet-apens à Me El Hadj Diouf. Mais, ce dernier n'est pas tombé dans le piège.