LES OBSTACLES D’UN REMARIAGE
L'unité retrouvée masque des rivalités internes et l'impasse de la domination de Benno sur le parti. Le PS doit choisir son camp au risque de renvoyer aux calendes grecques son renouveau
Depuis plus d’un an, de bonnes volontés travaillent pour des retrouvailles socialistes afin de préserver l’héritage de Senghor. Aujourd’hui, le déroulement des évènements montre qu’un tel projet avance à grands pas. Jeudi dernier, lors de la 96e réunion du Secrétariat exécutif national (SEN), il a été question entre autres sujets de l’audience qu’Aminata Mbengue Ndiaye a accordée à une délégation conduite par leur «ancien et futur camarade» Khalifa Sall, accompagné de Barthélemy Dias et de Jean Baptiste Diouf. Les sages socialistes et autres médiateurs qui ont toujours joué la médiation ont marqué un grand coup en réunissant autour d’une table des frères socialistes que «le pouvoir Macky Sall» avait éloigné.
D’aucuns soutiennent que c’est le premier acte de la réconciliation et un nouveau départ pour les héritiers de Senghor. Mais il faut se rendre à l’évidence que ces retrouvailles risquent d’accoucher d’une souris si effectivement certains préalables ne sont pas réglés. Il en est ainsi du leadership au sein du PS qui aujourd’hui regroupe beaucoup de fortes têtes. On se demande si des leaders comme Aminata Mbengue Ndiaye, Serigne Mbaye Thiam, Abdoulaye Wilane, Cheikh Seck accepteront de se ranger derrière Khalifa Sall qui aujourd’hui présente plus de charisme et plus de leadership. Il a été maire de Dakar, candidat à la présidentielle. Son mouvement Taxawu Sénégal, avec 14 élus, détient plus de sièges à l’Assemblée nationale que le Parti Socialistes (PS) qui a été rétribué à hauteur de six députés au sein de la majorité parlementaire Benno Bokk Yaakaar (BBY).
Il est évident qu’Aminata Mbengue Ndiaye, avec l’âge et la maladie, ne devrait pas avoir beaucoup d’appétit pour se disputer le leadership de la formation verte avec Khalifa Sall qui est aujourd’hui plus représentatif et qui a plus d’énergie pour mener le bateau à bon port. Mais, force est de constater qu’il y a d’autres leaders au sein de la formation qui ont des ambitions au sein de cette formation à m’image de Serigne Mbaye Thiam, Alioune Ndoye, Abdoulaye Wilane, etc. Même si sa prestation a été piètre lors de la dernière présidentielle, le poste de Secrétaire Général devrait revenir naturellement à Khalifa Sall qui est le mieux préparé pour tenir aujourd’hui les rênes du parti.
Quoi qu’il en soit, les retrouvailles socialistes font partie des dernières volontés du Secrétaire général Ousmane Tanor Dieng (OTD), un testament politique qu’il a légué pour la postérité.
Le Ps, a-t-il intérêt à quitter Benno ?
Cependant, on se demande comment ce remariage pourrait s’opérer si le PS continue de siéger au premier rang au sein de Benno Bokk Yaakaar (BBY) dont il fait partie des membres fondateurs avec l’Alliance des Forces de Progrès (AFP) et l’Alliance pour la République (APR).Il serait difficilement concevable que Khalifa siège au niveau de la conférence des leaders de cette coalition au nom du PS. En effet, si Khalifa a quitté ce parti c’est parce que l’APR, le parti fort de Benno, lui a opposé une farouche opposition pour récupérer la ville de Dakar entre ses mains en 2014.
Refusant de se laisser faire, l’ancien maire de Dakar s’est rebellé en faisant face à Benno via son mouvement Taxawu Dakar. Il remporte de façon éclatante les élections locales de 2014 et rempile à la tête de la ville de Dakar. Sa ténacité à s’opposer au régime de Macky Sall en avait fait un élément gênant pour Ousmane Tanor Dieng et Cie qui seront obligés finalement de les exclure du Parti socialiste (PS) en 2015.
Neuf ans après, on se demande comment Khalifa Sall pourrait partager la même table avec ses ennemis d’hier qui, en plus d’essayer en vain de récupérer son pré carré, lui ont mis en prison dans l’affaire de la caisse d’avance de la ville de Dakar.
Par ailleurs, si l’état-major socialiste veut vraiment se réconcilier avec les Khalifistes, il ne devrait pas éprouver de gêne à quitter Benno qui lui a fait perdre durant leur compagnonnage des dizaines
de collectivités territoriales, des sièges de députés, sans compter le débauchage de ses responsales. Les chiffres sont assez édifiants. A l’issue des élections législatives du 31 juillet 2022, le PS n’a récolté que six (6) sièges à l’hémicycle.
Jusque-là, à chaque fois que le PS a participé à un scrutin pareil, il a eu au moins plus d’une quinzaine d’élus. En effet, de 20 députés en 2012, le PS est passé à 16 en 2017 puis 6 élus en 2022. Pour ce qui est des élections territoriales, avant l’arrivée au pouvoir de Macky Sall, le PS détenait plus d’une centaine collectivités territoriales entre ses mains (Communes, communautés rurales et conseils départementaux). Après les élections locales de 2014, il s’est retrouvé avec une cinquantaine de mairies et départements. Et à l’issue des élections locales du 23 janvier 2022, le PS a enregistré moins de 20 mairies et conseils départementaux sur l’ensemble du territoire.
En vérité, le PS ne s’est jamais remis de la scission vécue en 2015 avec le départ de certains hauts responsables comme Aissata Tall Sall, Khalifa Sall, Barthélémy Dias, Bamba Fall, … Pis, il n’a jamais été considéré à sa juste valeur par ses alliés de l’APR. Ainsi, si Khalifa et Cie reviennent à la maison verte, le PS n’aura plus besoin de Benno pour se faire une nouvelle virginité dans l’espace politique. Il aura de ce fait la possibilité de s’opposer comme il l’a fait entre 2000 et 2012 sous Abdoulaye Wade. Juste que cette fois-ci, ce sera face à un nouveau régime qui a une conception du pouvoir différente de celle des libéraux. Les Pastéfiens sont des révolutionnaires et ils abhorrent le système !