SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
25 avril 2025
Culture
MAYE NDEB, LA TOUCHE SERERE DE L’ARENE
La belle voix et la noirceur d’ébène de Clémene Mayé Ndeb Ngom ont fait le tour du monde grâce à la petite lucarne qui l’a propulsée au- devant de la scène.
La belle voix et la noirceur d’ébène de Clémene Mayé Ndeb Ngom ont fait le tour du monde grâce à la petite lucarne qui l’a propulsée au- devant de la scène. Mayé Ndeb, c’est son nom d’artiste mais dites plutôt Clémence Ngom, c’est sous ce prénom qu’elle a été déclarée à l’état civil, en 1952. Pourquoi Mayé Ndeb ? Elles sont deux à porter le prénom Mayé dans sa famille, sa grande-sœur et elle. Pour les distinguer, on ajoute à leurs noms “maak” pour désigner la plus âgée et “ndeb” pour la benjamine. Il en est également ainsi chez les hommes où il peut y avoir dans une famille Ngor maak et Ngor ndeb.
De taille moyenne, Mayé Ndeb Ngom est bien dotée par Dame Nature grâce à un embonpoint qui ne la gêne nullement. Pour preuve, après avoir chauffé le stade avec ses envolées lyriques soutenue à la batterie par son complice de toujours Babou Ngom, elle exécute sa danse favorite qui traduit une certaine facilité de se mouvoir pour une dame de sa corpulence. Le trait caractéristique de Mayé Ndeb Ngom est sa noirceur d’ébène. Cela ne saurait étonner. Pourquoi ? Elle répond : “Je suis Sérère de père et de mère descendante d’un “Thioka” et d’une Simala”, (arbres généalogiques chez le Sérère) deux des nombreuses lignées qui habitent le quartier traditionnel Ndiaye-ndiaye à Fatick”. Son enfance est partagée entre les villages de Somb où sa maman a vu le jour et Fayil, un village de la commune Fatick où son défunt père, alors navigateur du temps de la splendeur de la liaison maritime Fatick Foudiougne, possédait une maison.
Véritable dame de cœur
Témoignage du doyen Sing Sarr : « Clémence Mayé Ndeb Ngom est ma nièce. Elle a habité dans ma maison avec ses frères et sœurs alors que j’étais dans le Saloum pour des raisons d’ordre professionnel. Ce n’est qu’à mon retour à Fatick qu’elle a déménagé pour rejoindre sa propre maison. J’ai été témoin de ses débuts dans la chanson et de ses premières notes qu’elle a entonnées dans la troupe théâtrale, les «Ballets du Sine», que nous avions formée dans le quartier Ndiaye-Ndiaye. Elle y était avec une autre dame nommée Mane Ngom. Mayé Ndeb a certes hérité cet art de sa défunte mère qui a été une grande cantatrice ; mais elle a surtout bénéficié de la gratitude et des prières de son défunt père auquel elle était toute dévouée et très liée», a-t-il déclaré. Au plan humain, ajoute-t-il, «Mayé Ndeb Ngom est une dame au grand cœur qui partage sa célébrité et les cachets de ses différentes prestations avec les membres de sa troupe composée de jeunes femmes habitant les villages de Fayil, Diobaye et le quartier Ndiaye Ndiaye Fatick…
De nos jours, les choses sont devenues plus intéressantes car les cachets ont sensiblement été majorés». «Clémence Mayé Ndeb Ngom règle tous les problèmes d’ordre social, notamment lors des cérémonies familiales (baptême ou décès). Elle se charge de tout et par la grâce de Dieu, elle a toujours réussi dans ses entreprises. Sur un autre plan, Mayé Ndeb, jouit de la confiance des maris de ses choristes. Elle doit cet égard à son caractère et à la ligne de conduite qu’elle s’est imposée et qu’elle exige également à ces dernières qui, fort heureusement, lui obéissent. C’est l’occasion pour moi de rendre hommage à trois grandes dames qui l’accompagnent. Il s’agit de Daba Yandé, Ndiamgouth et Tening Ngom».
Le succès de Mayé Ndeb n’est point une surprise pour son oncle et à chaque fois qu’il l’entend chanter, il ressent une immense joie, car, précise-t-il, «j’ai participé à sa formation lors des différentes prestations de la troupe «Les Ballets du Sine dont elle a été membre. La voir danser et donner du plaisir au public et aux amateurs de lutte à la télévision me comble d’aise», déclare M. Sarr.
La chanson, un legs de ses parents
La chanson est loin d’être un violon d’Ingres pour Mayé Ndeb Ngom. Elle l’a héritée de ses parents qui l’ont formée à cet art où ils excellaient. Par la suite, l’envie de se faire un nom aidant, la chanson est devenue une passion pour elle. En somme, une autre occupation ou activité après l’agriculture. Mayé Ndem rend alors hommage à ses parents et devanciers, ceux-là qui l’ont initié à la chanson et lui ont montré la voie. Son arrivée sur la scène nationale, voire internationale par le canal des médiats, elle le doit à Manga 2 qui l’a lancée dans la capitale lors d’un tournoi de lutte à Dakar. Ce fut le déclic.
La télévision aidant, Mayé Ndeb conquiert le cœur des amateurs qui ne jurent désormais que par elle au point que son duo avec son complice Babou Ngom est l’une des attractions majeures des galas, championnats de lutte et autres tournois. Après Dakar où ils se sont produit dans les différents stades (Lépold Sédar Senghor, Demba Diop, Iba Mar Diop) ; mais également aux arènes “Adrien Senghor” et au terrain Gaal Gui de Khar Yalla, Ziguinchor, Kaolack, St-Louis et Thiès des lauriers leur ont été dressés. L’occasion est donc opportune pour Mayé Ndeb Ngom de s’exprimer : “mon infinie gratitude à la grande famille de la lutte, mais surtout aux promoteurs qui investissent leurs billes et aux amateurs qui passent aux guichets. Sans eux, il n’y a point de spectacle. Que le Bon Dieu les couvre de toutes ses grâces pour qu’on continue à cheminer ensemble durant de longues années”.
Mayé Ndeb Ngom a une facilité déconcertante de composer une chanson. Elle détient un réservoir inépuisable, fruit d’une inspiration très fertile. Elle n’a pas besoin de claquer sept fois la langue, comme dirait l’autre, pour sortir une œuvre. “Je rends grâce à Dieu et à mes parents. Certes, je ne suis pas la meilleure, mais je peux dire que j’ai de nombreux admirateurs. Et heureusement à chaque fois que je prends le micro, je réussis à leur faire plaisir”, souligne-t-elle.
Mayé Ndeb Ngom est polyvalente. Elle est à l’aise aussi bien dans l’arène que dans les cérémonies familiales. Elle dirige une troupe folklorique qui joue à merveille avec les grosses calebasses. Depuis près de deux ans, Clémence Mayé Ndeb s’est retirée de la scène, la faute à un état de santé chancelant qui la clouée à la maison, entourée des membres de sa famille. Il appartient désormais à sa fille Agnès de maintenir le flambeau allumé.
Par Louis CAMARA
LITTERATURE(S) EN LANGUES AFRICAINES UTOPIE OU RÉALITÉ ?
Contrairement aux idées reçues qui découlent d’une historiographie littéraire partiale et biaisée, la littérature africaine moderne n’a pas débuté dans les langues européennes imposées par la colonisation
Les statues et monuments érigées à la gloire du colonialisme et au détriment de la véritable histoire Africaine doivent être déboulonnées et de la même façon tous les présupposés idélogiques, faux axiomes, paradigmes infondés, véritables statues mentales, tendant à renforcer l’idée d’une supériorité culturelle européenne doivent être bannis de nos consciences.
Dans cette modeste contribution qui voudrait être l’ébauche d’un débat plus large, nous prendrons l’exemple de la littérature africaine écrite en langues européennes souvent en raison d’un préjugé tenace qui voudrait que les langues Africaines ne soient pas aptes à véhiculer le message littéraire. Pourtant, contrairement aux idées reçues qui découlent d’une historiographie littéraire partiale et biaisée, la littérature africaine moderne n’a pas débuté dans les langues européennes imposées par la colonisation.
En effet, les premières œuvres de fiction littéraire proprement africaines ont d’abord été écrites dans des langues du continent telles que l’Igbo, le Sotho, le Yorouba, l’Amharique, le Zoulou, le Xhosa qui furent parmi les premières a être dotées d’un alphabet basé sur les caractères latins pour mieux véhiculer, il est vrai, le message religieux Chrétien, avant que des écrivains inspirés ne s’en servent à des fins profanes.
Traduite dès le 19ème siècle par les missionaires Chrétiens aidés par leurs auxiliaires africains, la Bible devint ainsi le premier texte écrit dans ces langues et servit de support ou d’hypotexte à de nouveaux textes qui, même s’ils n’étaient pas ecrits dans un but d’évangélisation, étaient néanmoins fortement marqués par des connotations moralisatrices d’essence religieuse. Notons également que la plupart des auteurs de ces œuvres pionnières étaient eux-mêmes des produits des missions Chrétiennes où ils avaient été évangélisés, alphabétisés et avaient souvent été catéchistes et traducteurs dans leurs langues maternelles de la Bible ou d’autres textes religieux.
C’est en 1907 qu’est publié par les presses de l’imprimerie de Morija, au Lesotho, le premier roman jamais écrit dans une langue africaine, en l’occurrence le Sotho. Il s’agit de « Moeti Oa Bochabela » ou « le voyage vers l’Ouest » du jeune écrivain Thomas Mofolo. Ce roman d’initiation aux allures prophétiques (lire l’analyse critique de Victor Ellenberger, son traducteur en français) precède de peu le roman en langue Amharique intitulé « Lebb Wlalad Tarik » (« Une histoire engendrée par le cœur ») de l’écrivain éthiopien Afa Wark, qui date de 1908, et celui en langue Xhosa de Henry Msila Ndawo, « Uhambo luka Gqboka » ou « Le voyage de Gqboka », publié en 1909. D’autres œuvres litteraires dans diverses langues vont paraitre par la suite en Zoulou avec « Insila Ka Tshaka » (1930), en lgbo avec « Omenuko » de Pita Nwana (1933), en Yorouba avec « Ogboju Ode Ninu lgbo irunmale) » (1938), pour ne citer que certaines des plus connues et qui ont été traduites en anglais ou en français.
« Jusqu’au début des années cinquante, la production littéraire africaine en langues africaines a dominé celle en langues européennes »
Ainsi l’on peut affirmer, sans risque de se tromper, que jusqu’au début des années cinquante, la production littéraire africaine en langues africaines a dominé celle en langues européennes. Plus d’un siècle après la parution de ces premiers romans, qu’en est-il aujourd’hui de la littérature écrite dans les langues africaines ? Avant d’apporter une réponse à cette question, un constat s’impose : la tendance s’est inversée et le corpus littéraire africain contemporain est aujourd’hui composé à quatre vingt dix pour cent d’œuvres écrites dans les grandes langues de communication Européennes telles que l’Anglais, le Français, le Portugais et, loin derrière, le Néerlandais, l’Allemand et l’Espagnol. Même si elles sont étrangères au continent et qu’elles ont été imposées par la colonisation, force et de constater que ces langues sont les medium d’expression de l’écrasante majorité des écrivains africains actuels qui se les sont appropriées et les ont pour ainsi dire « acclimatées »
La plupart de ces écrivains considèrent d’ailleurs que ces langues importées sont aussi leur bien, qu’elles sont, pour paraphraser l’un d’entre eux (l’algérien Kateb Yacine) « un butin de guerre » et qu’elles sont tout à fait aptes à traduire les réalités de leur environnement, leur imaginaire et leur subjectivité profonde. Pour la critique litteraire également, ces romans en anglais, en français, en portugais etc… sont d’essence authentiquement africaine, tout en ayant une dimension universselle, comme le proclament leurs auteurs. Ce point de vue n’a cependant pas toujours été partagé par tous les écrivains du continent dont certains ont même poussé la contestation jusqu’à mettre en doute la légitimité d’une littérature africaine en langues européennes.
Pour les tenants de ce mouvement d’une « littérature-africaine-enlangues- africaines-pour-un-lectorat-africain », selon la formule de l’écrivain Kenyan Ngugi Wa Thiongo, l’authencité de la littérature africaine ne peut être portée que par les langues originaires du continent ! Voici ce que dit a ce sujet l’un des chefs de file de cette école de pensée pour le moins contestataire, le poète Sud-africain Masizi Kunene : « … il me semble que l’Afrique, pour renouer avec sa tradition littéraire, doit d’abord créer une littérature pour elle-même. Si l’Europe ou le monde n’ont pas un accès immédiat, tant pis pour eux ! S’intéresser à la littérature africaine ou chinoise signifie lire des ouvrages composés dans ces langues et non des imbécilités (sic) produites par le petit nombre que l’exotisme intéresse. Je pense que presque tous les écrivains qui paradent sur la scène mondiale comme des génies ne sont que des aberrations produites par l’époque coloniale ». Propos ne saurait être plus radical !...
Notre compatriote Boubacar Boris Diop semble lui aussi s’inscrire dans ce courant de pensée. Il est l’auteur de « Doomi Golo » (« Les enfants de la guenon ») et « Bammèl u Kocc Barma ») (« Le tombeau de Kocc Barma ») deux romans en langue Wolofe où sont mises en exergue les théses d’une défense de l’africanité dans la littérature par l’usage et la mise en valeur esthétique des langues africaines. Signalons qu’avant lui, Mame Younoussse Dieng et Cheikh Aliou Ndao avaient aussi écrit des œuvres de fiction en Wolof.
« La littérature africaine en langues européennes et celle en langues africaines sont appelées à cohabiter »
D’âpres polémiques et des échanges houleux ont souvent opposé les partisans des deux camps au cours des décennies soixante dix et quatre vingt, mais aujourd’hui les points de vue sont plus nuancés et les prises de position plus équilibrées.
Si les partisans d’une littérature en langues africaines ne remettent plus en question « l’africanité » des œuvres en langues européennes, les écrivains qui revendiquent et assument leur droit d’écrire dans « la langue de leur choix » reconnaissent aussi volontiers que créer des œuvres littéraires en langues africaines permet à ces dernières de s’inscrire dans la durée tout en enrichissant la littérature universelle.
Le roman historique de Thomas Mofolo. « Chaka » écrit en langue sotho en 1925, a été traduit dans plus d’une cinquantaine de langues et fait aujourd’hui partie du patrimoine de la littérature mondiale. Cela est bien la preuve que la littérature africaine en langues européennes et celle en langues africaines sont appelées à cohabiter, à se stimuler et s’enrichir mutuellement par le truchement de la traduction, cette « langue universelle » pourrions nous dire pour paraphraser Goethe. Nous ne devons pas perdre de vue que c’est par l’écrit, prolongement de l’oralité, et plus particulièrement par la littérature et la création d’oeuvres littéraires qu’une langue signe son entrée dans la modernité et bâtit le socle sur lequel elle pourra assurer sa survie et sa pérennité. En tout état de cause, Il serait aberrant voire impensable de parler de littérature africaine en l’absence de celle qui est créée dans nos langues.
Sous ce rapport, il apparait paradoxal que les grandes œuvres littéraires écrites dans diverses langues africaines et traduites en français ou en anglais, ne soient pas étudiées dans nos universités (encore moins dans nos établissement du cycle secondaire) où il existe pourtant des « départements de littérature africaine » Nombre de ces œuvres d’une incontestable qualité littéraire, méritent pourtant de figurer dans les programmes d’enseignement et de faire l’objet de travaux de recherche, de thèses de doctorat etc… il y a là sans aucun doute matière à réflexion. Des correctifs devraient être apportés afin que soit trouvé un plus juste équilibre et que soit bel et bien présent ce « coefficient d’africanité », garant de la légitimité des études littéraires dans une université africaine digne de ce nom.
A l’instar de la SOAS de Londres et de l’INALCO de Paris, les Universités Sénégalaises et Africaines ont l’impérieux devoir d’organiser des colloques, séminaires, symposiums et autres rencotres scientifiques sur le thème de la création littéraire dans les langues du continent. Redisons-le avec force : c’est en passant par le prisme de nos langues et de nos cultures que nous parviendrons à bâtir un véritable panafricanisme culturel au sein duquel la littérature devra jouer un rôle essentiel. Au-delà des professions de foi formulées ici et là sans être suivies d’effets concrets, c’est une véritable révolution de la pensée qu’il faut amorcer comme l’on déjà fait, au début du siècle dernier, ces pionniers de la littérature en langues africaines qui ont courageusement pris le parti de créer des œuvres dans des langues jusque là confinées à l’oralité et à la limite méprisées. Cette « révolution » épistémologique passera forcément par des systèmes éducatifs où les langues parlées par les jeunes apprenants ne seront plus traitées en parents pauvres, mais seront enseignées au même titre que les langues européennes qui ont depuis longtemps acquis ce statut d’universalité qui légitime leur usage partout sur la planète.
Louis Camara est écrivain, chercheur en littérature yorouba.
LA PLUPART DES SÉRIES DÉCRIÉES NE DISPOSENT PAS D’UNE AUTORISATION DE TOURNAGE
‘’Toute série télévisuelle, tout film doit faire l’objet d’une autorisation de tournage qu’il faut venir chercher à la direction de la cinématographie a précisé Hugues Diaz
Dakar, 25 août (APS) - La plupart des séries sénégalaises décriées pour leurs contenus jugés attentatoires aux bonnes mœurs ne disposent pas d’une autorisation de tournage, quitus permettant un contrôle a priori de ces productions avant leur sortie, a déclaré le directeur de la cinématographie, Hugues Diaz.
‘’Toute série télévisuelle, tout film de fiction, documentaire, d’animation, et même les clips quelquefois, doivent faire l’objet d’une autorisation de tournage qu’il faut venir chercher à la direction de la cinématographie du ministère de la Culture et de la Communication’’, a-t-il précisé dans un entretien avec l’APS.
M. Diaz a fait observer que ‘’malheureusement, la plupart des séries télévisées aujourd’hui incriminées’’, dont certains contenus sont jugés attentatoires aux bonnes mœurs, n’ont pas fait une demande d’autorisation de tournage.
‘’La plupart n’ont pas d’autorisation de tournage, c’est confirmé, on peut le vérifier. Ce sont des séries qui s’exposent, elles sont en violation des règles établies, notamment la demande d’autorisation de tournage’’, soutient-il.
‘’Il y a une série comme ‘Infidèles’’’ dont les auteurs, ‘’dès qu’ils ont été attaqués, nous ont contactés pour une autorisation de tournage pour la prochaine saison’’.
‘’On a lu le scénario, mais il y a certains passages [contenant] des propos très osés, pour ne pas dire vulgaires, qu’il faut reprendre’’, a indiqué le directeur de la cinématographie.
Parfois, explique M. Diaz, ‘’on voit des passages et on leur dit : ‘Attention, cela porte à équivoque, il faut essayer d’améliorer avant toute autorisation de tournage’’’.
Pour lui, ‘’il faut maintenant sévir après avoir trop informé, trop sensibilisé, il faut passer à la phase du bâton pour que les mauvais élèves soient punis’’.
La direction de la cinématographie va dans cette optique travailler avec le ministère de l’Intérieur, parce que chaque autorisation de tournage dont elle décide est également soumise à l’attention de l’autorité de ce département ministériel.
Hugues Diaz annonce que ses services vont ‘’travailler d’arrache-pied pour traquer les séries qui n’auront pas d’autorisation de tournage’’.
‘’Il faudrait, pour un Etat qui veut protéger ses populations contre des dérives, qu’on soit un peu policier pour mettre un peu d’ordre dans les productions’’, a souligné M. Diaz.
Il dit suivre ‘’de très près cette polémique légitime’’ autour des séries télévisées sénégalaises dont les dernières sont pour la plupart très prisées au-delà des frontières du pays et d’Afrique.
Mais s’il arrive que des œuvres artistiques soient discutées et fassent l’objet de polémiques, les associations religieuses qui sont vent debout contre ces séries, les associations musulmanes notamment, ‘’ne doivent pas prendre en otage la création artistique, car elle ne sort pas ex nihilo (à partir de rien), il y a une écriture, une réalisation et un concept’’.
Hugues Diaz fait valoir que le public sénégalais se reconnait ‘’le plus souvent’’ dans ces productions audiovisuelles ‘’parce que ce sont des faits sociaux tirés des dérives comportementales, des fractures sociales’’.
‘’Mais quelquefois l’écriture et la technicité utilisées pour faire ces films appartiennent à de bons initiés, des gens formés, qui peuvent tourner en dérision les travers de la vie sociale’’, reconnaît le directeur de la cinématographie.
‘’L’œuvre artistique a toujours été une œuvre subversive, et elle évolue avec l’ère du temps’’, un constat qui doit amener les contempteurs de ces séries à ‘’ne pas aller dans une intransigeance, un formalisme, voire un extrémisme qui ne concède aucune liberté à celle de créer, qui est garantie par la Constitution, parce que faire de la culture, c’est faire œuvre de créativité’’, plaide Hugues Diaz.
Il relève plusieurs niveaux de responsabilité dans cette situation, concernant notamment l’autorisation de tournage, laquelle ‘’permet de contrôler pour voir s’il n’y a pas’’ de quoi porter atteinte à la sûreté de l’Etat et aux bonnes mœurs par exemple, ‘’parce que l’Etat a pour rôle de protéger les populations contre certaines dérives’’.
Le deuxième niveau de responsabilité est relatif aux visas d’exploitation que tous les films doivent avoir, selon le directeur de la cinématographie.
‘’Avant toute diffusion ou exploitation en public, un film doit avoir un visa d’exploitation délivré par la commission de contrôle et de classification des films. C’était à l’époque de la Société sénégalaise d’importation, de distribution et d’exploitation cinématographique, pour la projection dans les salles de cinéma. Cela permettait de contrôler le contenu des films pour identifier ceux qui sont destinés aux adultes, aux enfants ou aux adolescents’’, explique-t-il.
Hugues Diaz prône un retour de cette commission, vu le nombre important des nouvelles productions audiovisuelles.
‘’Ce n’est pas une censure qui ne dit son nom, c’est pour permettre d’orienter les éventuelles cibles ou les téléspectateurs qui devraient suivre un film’’, précise-t-il.
Selon lui, l’Etat a mis des garde-fous pour protéger l’ensemble des populations, mais avec l’évolution des choses dans ‘’ce monde interconnecté’’, si on interdit la diffusion de films à la télévision, le public va, selon lui, se rabattre sur les plateformes de diffusion.
Pour Hugues Diaz, ‘’il faut se réjouir aujourd’hui de l’avancée des séries sénégalaises qui ont bousculé des séries beaucoup plus pernicieuses venant de l’étranger’’. ‘’C’est un travail de longue haleine. Il faut que la culture participe à l’éducation de nos populations et à la conscientisation sur les dérives de nos sociétés.’’
PARFUM DE TAMARINIERS
L’écrivain Amadou Elimane Kane a annoncé mardi la parution de son recueil de poèmes aux éditions "Lettres de renaissances", dans la collection "Paroles arc-en-ciel".
Dakar, 25 août (APS) – L’écrivain Amadou Elimane Kane a annoncé mardi la parution de son recueil de poèmes intitulé "Parfum de tamariniers" aux éditions "Lettres de renaissances", dans la collection "Paroles arc-en-ciel".
"Amadou Elimane Kane a superlativement accompli la fonction que Victor Hugo assignait au poète, +faire flamboyer l’avenir+", selon son préfacier le professeur Mamadou Ba de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
"Telle est alors la valeur épiphanique de cette poésie, à laquelle s’attache une puissance de sublimation et d’ostentation lumineuse par laquelle elle vient étoiler le ciel de l’histoire et de la destinée humaine en y inscrivant à la fois de l’originaire et de l’espérance", ajoute-t-il dans un communiqué reçu à l’APS.
Pour le professeur Mamadou Kalidou BA de l’Université de Nouakchott (Mauritanie), "+Parfum de tamariniers+ est une composition poétique incandescente qui rappelle ce qui a été détruit dans l’environnement naturel, métaphysique et symbolique de la terre africaine".
"La plume d’Amadou Elimane Kane refuse le silence et combat toute forme de renoncement, avec la force d’une esthétique qui lui est propre et qui, dans le même temps, renouvelle le chant poétique africain contemporain", fait savoir M. Ba dans son propos liminaire.
"Parfum de tamariniers", "nous emmène dans un voyage d’espoir, d’espérance, de résistance, de solidarité, d’humanité’’, selon la député honoraire bruxelloise, Fatoumata Sidibé, relevant qu’écrire, ’’c’est recréer le monde, c’est un legs, c’est vivre".
Poète écrivain, éditeur, enseignant et chercheur dans le domaine des sciences cognitives, Amadou Elimane Kane est le fondateur de l’Institut culturel panafricain et de recherche de Yenne.
Il est l’auteur de plusieurs publications dont le roman "Moi, Didia Diop ou l’astre d’espérance de la Sénégambie au Brésil" (2018).
LITTÉRATURE, LES PROMESSES DE L’AFRIQUE
Cette année, la rentrée littéraire africaine bruit de nouvelles voix et promesses. Une postérité riche de talents et de visions piaffe d’impatience pour marquer de leur sceau les imaginaires
Cette année, la rentrée littéraire africaine bruit de nouvelles voix et promesses. Une postérité riche de talents et de visions piaffe d’impatience pour marquer de leur sceau les imaginaires.
Si l’année 2020 a été l’occasion de faire le bilan des riches productions littéraires africaines des soixante années écoulées - l’anniversaire du soixantenaire des indépendances oblige -, la rentrée littéraire de l’automne qui débute se propose d’ouvrir la perspective sur l’Afrique qui vient, tant l’offre semble être dominée cette année par de nouvelles voix. Tant du côté anglophone que francophone, nous assistons à l’entrée en scène d’une nouvelle génération de romanciers africains, des «quadras» qui sont en train d’imposer leurs esthétiques et leurs interrogations dans le champ littéraire. Ces auteurs montants ont pour nom Gauz, Fiston Mwanja Mujila, Marc Alexandre Oho Bambe, Djali Amadou Amal, Pettina Gappah ou Yaa Gyasi. Ils sont poètes, slameurs, romanciers, féministes. Leurs œuvres innovantes sont riches de promesses.
«Les lumières d’Oujda» de Marc Alexandre Oho Bambe
Les auteurs de la nouvelle vague africaine ont en commun l’énergie, l’inventivité et un souci de syncrétisme de genres et d’esthétiques dont témoigne magnifiquement le nouveau roman de Marc Alexandre Oho Bambe, Les lumières d’Oujda (CalmannLévy). C’est le deuxième roman sous la plume exubérante et poétique de ce Franco-Camerounais qui est entré en littérature par la grande et antique porte de la poésie et s’est fait connaître d’abord comme slameur. Poète dans l’âme, avec plusieurs ouvrages de poésie à son actif, Capitaine Alexandre - nom de scène que Oho Bambe s’est donné en hommage à René Char - livre avec son nouveau roman une épopée chorale où s’effacent les frontières entre fiction, poésie et quête initiatique. Un livre sensible et puissant sur la jeunesse africaine contemporaine, voguant entre l’Afrique et l’Europe et condamnée à l’exil intérieur en attendant de trouver des réponses à ses interrogations aussi existentielles qu’identitaires.
«Black Manoo» de Gauz
«Pourquoi on part ?» Cette question au cœur du roman poème de Oho Bambe, Gauz la pose également, la déclinant à sa manière rageuse et ironique dans son nouveau roman Black Manoo (Le Nouvel Attila) qu’il fait paraître cet automne. L’Ivoirien, on s’en souvient, est entré de manière éclatante en littérature en 2014 en publiant Debout-payé, son livre réquisitoire contre la société de consommation. Il retrouve avec sa nouvelle romance moderniste, qui met en scène l’odyssée d’un junkie africain entre les troquets de Belleville et les bas-fonds d’Abidjan, le souffle et le goût de la provocation qui avaient fait le succès de son premier roman.
«La Danse du vilain» de Fiston Mwanja Mujila
Très attendu aussi cette année, après le succès de son premier roman Tram 83, le nouvel opus du Congolais (RDC) Fiston Mwanja Mujila. La danse du vilain (Métailié), qui paraît en septembre, restitue avec sa langue éminemment poétique le chaos de Lumumbashi durant les dernières années du règne de Mobutu. On retrouvera avec bonheur dans ce nouveau titre la narration échevelée de Mujila qui quitte cette fois son ancrage dans le quotidien burlesque des bars pour l’infra-monde des gamins de la rue. Leurs bagarres et leurs tragédies entrent en résonance avec les turbulences que traverse le pays miné par la corruption et la dictature. (…)
Djaili Amadou Amal et Roukiato Ouédraogo
Parmi les autres romans africains de la rentrée, on retiendra également Les impatientes (Emmanuelle Collas) de la Camerounaise Djaili Amadou Amal et Du miel sous les galettes (Slatkine et Cie) sous la plume de l’humoriste burkinabè Roukiato Ouédraogo, nouvelle venue dans la fiction. Dans le premier titre qui est un récit aux accents féministes, on suit le destin tragique de trois femmes vivant au Sahel, mariées de force, alors que la primo-romancière burkinabè restitue à travers sa chronique autobiographique les saveurs et les odeurs de son pays, sa nostalgie pour sa famille et les conséquences dévastatrices des sécheresses à répétition. Il y a quelque chose de proustien dans ce roman où le souvenir des délicieuses galettes au miel que vendait la mère de l’auteure ouvre les portes de l’enfance et du pays natal.
Les valeurs sûres
Si cette rentrée littéraire africaine se place résolument sous le signe de la nouvelle génération d’écrivains, les «valeurs sûres» ne sont pas totalement absentes des rayons des librairies et des talk-shows consacrés aux nouvelles parutions. L’incontournable Alain Mabanckou fera de nouveau parler de lui à l’occasion de la publication de son essai Rumeurs d’Amérique (Plon). Dans ces pages, à travers le récit de son périple riche en rebondissements et en rencontres inoubliables, mêlant la petite et la grande histoire, l’auteur de Verre cassé qui enseigne désormais à l’Université de Los Angeles, écrit son autobiographie américaine. La Mauricienne Ananda Devi, elle, revient dans l’actualité à travers Fardo (Cambourakis), son récit insolite sur une momie péruvienne, écrit sous l’égide du Musée des Confluences. Dans le cadre de son programme intitulé «Récits d’objets», ce musée lyonnais, spécialisé en anthropologie, invite régulièrement les écrivains à faire d’un objet du musée le cœur de leur fiction. On lira aussi cet automne les mémoires cubaines de René Depestre dans Cahier d’un art de vivre (Actes Sud) et Aimer selon Véronique Tadjo (Editions Museo), un essai sur le sentiment amoureux qui, on découvrira sous la plume de la grande romancière ivoirienne, n’a rien perdu de son mordant légendaire dans notre nouveau monde où dominent la virtualité et la distanciation. Les «valeurs sûres» ne dédaignent pas la fiction, comme en témoignent les deux romans qui paraissent cette année sous la plume de deux géants des littératures d’Afrique et de sa diaspora : Bernardino Evaristo et Ivan Vladislavic. Britannique d’origine nigériane, la première est l’une des grandes figures de l’école «Black British» qui a contribué à «désexotiser» la littérature britannique. Son dernier opus, Fille, femme, autre (Globe), lauréat du Booker prize 2019, raconte 12 parcours de femmes, entre 19 et 93 ans, en quête de visibilité et de liberté. Les vies et les confessions de ces femmes puissantes s’entremêlent, faisant émerger le portrait de l’Angle - terre contemporaine où le plafond de verre demeure encore une réalité tangible et humiliante, surtout pour les femmes noires. Dans son nouveau roman, Distance (Zoé), le Sud-Africain Ivan Vladislavic propose pour sa part un formidable exercice d’équilibre entre le présent et le passé, entre les luttes d’antan et le désenchantement qui est sans doute le sentiment le mieux partagé dans l’Afrique du Sud postapartheid. Partant d’un album de coupures de journaux anciens sur la légende de la boxe Mohammed Ali, Vladislavic convoque l’esprit des seventies, la puissance du militantisme anti-apartheid et l’espérance d’un avenir sans «distance». Absolument magistral.
Dynamisme et énergie de la francophonie maghrébine
Fille, femme, autre et Distance sont bien la preuve que les héros de la fiction africaine n’ont pas encore dit leur dernier mot. Ils ne sont ni épuisés ni à court d’inspiration, c’est ce que rappelle encore dans le champ francophone l’exceptionnelle fécondité du romancier d’origine algérienne, Yasmina Khadra. Le célèbre auteur de Ce que le jour doit à la nuit est de retour cette année avec un nouveau titre qui a toutes les chances de se retrouver dans la liste des best-sellers, comme d’ailleurs la plupart de précédents romans de cet écrivain. Son nouveau roman, Le sel de tous les oubliés (Julliard) raconte «le monde d’après», après la fin de l’amour, et offre une réflexion passionnante sur la dépendance sentimentale, nos rapports compliqués avec le passé et les subterfuges de la mémoire. Autre grand roman à ne pas manquer, La discrétion (Plon) de Faïza Guène. Issue de l’immigration, cette auteure franco-algérienne s’est fait connaître en publiant un premier roman culte, Kiffe kiffe demain, sur le mal-être de la jeunesse dans les banlieues des grandes villes françaises. Poursuivant son exploration inlassable de la comédie sociale, Faïza Guène brosse le portrait d’une femme hors du commun qui, passée de l’Algérie coloniale à Aubervilliers, a su garder intact son goût pour la liberté et la résistance. Yasmine qui est «née dans un cri», comme l’écrit l’auteure, pourra-t-elle encore longtemps tenir sa colère et demeurer cette mère de famille discrète qu’elle est devenue ? On laisse aux lecteurs le plaisir de découvrir le secret de Yasmine. Toujours parmi les romans francophones par des auteurs issus du Maghreb et s’inspirant des turbulences politiques et sociales que traverse cette région, on peut également signaler sous la plume de l’historien tunisien Saber Mansouri, Sept morts audacieux et un poète assis (Elyzad), un récit âpre et nostalgique de la vie et la mort d’une utopie éphémère inspirée des espoirs suscités par le printemps arabe, et Dans les yeux du ciel (Seuil) de Rachid Benzine. Enseignant et islamologue, ce dernier renouvelle le discours sur les révolutions arabes en donnant la parole à une prostituée dont le corps malmené fait symboliquement corps avec la société en révolte. Dans les pages de ce roman de désillusions tragiques, le monologue de la protagoniste donne à voir les pulsions et les hypocrisies que celle-ci ne connaît que trop bien, des violences intériorisées de la société d’en-bas qui expliquent, selon elle, la faillite programmée de la révolte de la jeunesse. (…).
LA «SALL» GUERRE DES LIVRES
Avant Thierno Alassane Sall, Ousmane Sonko, le journaliste Pape Alé Niang, ont vilipendé la gestion du chef de l’Etat. Dans le camp des laudateurs se trouvent le ministre Abdou Latif Coulibaly et Alioune Fall
Le nouveau livre de l’ancien ministre Thierno Alassane Sall est en train de susciter plusieurs réactions dans l’espace public sénégalais. Ce brûlot confirme la tendance actuelle des hommes politiques à sortir des livres pour critiquer la gouvernance du président Macky Sall ou pour vanter ses mérites. Avant Thierno Alassane Sall, Ousmane Sonko, le journaliste Pape Alé Niang, ont vilipendé la gestion du chef de l’Etat. Dans le camp des laudateurs se trouvent le ministre Abdou Latif Coulibaly et Alioune Fall.
Le livre de l’ancien ministre Thierno Alassane Sall «Le protocole de l’Elysée, confidences d’un ancien ministre sénégalais sur le pétrole» est en train de déchaîner des passions dans le paysage politique. Si certains estiment que cette publication éclaire la lanterne des Sénégalais sur la gestion de leur pétrole, d’autres voix s’élèvent pour accuser l’ancien ministre de l’Energie de révéler des secrets d’Etat. Dans tous les cas, Thierno Alassane Sall braque son regard sur la gestion du régime de Macky Sall et «livre» sa version des faits.
L’ouvrage est en train de faire couler beaucoup d’encre et de salive eu égard à la posture de l’auteur qui était au cœur de l’Etat pendant plusieurs années. Mais force est de constater que cet ouvrage vient s’ajouter aux nombreux livres parus depuis l’avènement du Président Macky Sall. Les uns font l’apologie du Programme Sénégal Emergent (PSE) tandis que les autres critiquent la gestion de Macky Sall. Coïncidence ou ironie du sort, c’est la Maison d’édition «Les Fauves», qui a édité le livre de l’ancien ministre Thierno Alassane Sall, qui avait publié en 2017 «Pétrole et gaz au Sénégal, chronique d’une spoliation» du député et président du Pastef Ousmane Sonko. Une publication qui avait connu le même tollé que celui de TAS.
Dans ce brûlot, l’ancien inspecteur des impôts avait épinglé les entreprises avec lesquelles le Sénégal a contracté dans le cadre de l’exploitation du pétrole. A l’en croire, ce sont souvent des sociétés à très faible capitalisation, créées pour la circonstance. D’ailleurs, il avait donné l’exemple de PETRO-Tim Limited qui constitue une société à la réputation sulfureuse à l’image de son patron, l’Australo-romain Frank Timis. Il s’est désolé aussi du fait que ces entreprises soient nichées dans des paradis fiscaux. La domiciliation dans les paradis fiscaux répond généralement à un souci planifié d’échapper à tout ou partie des impôts et taxes du pays d’exercice des activités, par des mécanismes d’optimisation fiscale ou, pire encore, de fraude fiscale’’, faisait-il savoir. D’autres livres aussi sont sortis pour dénoncer la mal gouvernance du Président Macky Sall comme «Scandale au cœur de la République : le dossier du Coud» de Pape Alé Niang.
Dans ce livre, le sulfureux journaliste, s’appuyant sur le rapport de l’Ofnac, a mis à nu la mauvaise gestion de l’ancien directeur du Coud et actuel ministre de l’Enseignement supérieur Cheikh Omar Hanne. «Avec toute la modestie requise, nous avons l’obligation non seulement de participer quotidiennement au combat contre le pillage organisé de nos maigres ressources, mais aussi de démasquer le comportement de nos dirigeants véreux aux antipodes des valeurs cardinales de la bonne gouvernance», dira le journaliste comme pour motiver sa publication.
ELOGE DE L’EMERGENCE
Toutefois, le monde de la publication n’est pas simplement investi par des personnalités politiques qui critiquent le régime. Des livres sur les réalisations du président Macky Sall font aussi légion. Le dernier en date est : Sénégal, l’histoire en marche, après un septennat bien rempli, un quinquennat face aux défis de l’avenir, du ministre Abdou Latif Coulibaly.
Contrairement aux pourfendeurs du régime, l’ancien journaliste souligne dans cet ouvrage de plus de 400 pages que le PSE a conforté de nombreux citoyens sénégalais dans leurs attentes et espoirs placés dans le régime de Macky Sall. Et sur le pétrole qui est le fil rouge des deux livres du président Ousmane Sonko et de Thierno Alassane Sall, il dira dans son ouvrage : « Dans cette perspective, le chapitre consacré aux hydrocarbures se justifie pleinement ; son contenu sonne comme une mise en garde. Celle-ci concerne la trop grande tentation qu’ont certains d’entre nous de considérer la découverte de ces ressources comme un sujet anodin, à propos duquel on peut se permettre de plaisanter et de tourner en ridicule tout adversaire politique qui ne partage pas les idées qu’on a, d’affirmer une chose et son contraire, voire de calomnies, sans apporter soi-même dans les unes et les autres la moindre preuve de ce que l’on avance. » Selon l’ancien ministre de la Promotion de la Bonne gouvernance, si chacun a le loisir de formuler ses propres opinions, encore faut-il qu’il fournisse des justifications concernant des faits avérés, plutôt que de privilégier n’importe quelle conjoncture.
L’ancien du groupe Sud Communication qui avait écrit aussi en 2015 : Le Sénégal Sous Macky Sall : de la vision à l’ambition, les réalisations à mi-mandat, a essayé dans sa dernière publication de faire l’apologie de la gouvernance du Président Macky Sall. Dans le même sillage, d’autres membres de la mouvance présidentielle ont écrit des essais pour vanter les mérites du régime. C’est le cas du journaliste et ancien directeur du journal Le Matin, Aliou Fall. Ce dernier a sorti deux livres qui mettent en exergue les bons points de la gouvernance de son leader. En effet, le vice-président de la fondation Servir le Sénégal après Macky Sall, contre vents et marées, avait publié dernièrement : Macky Sall, la réponse par l’action, qui comme le premier revient sur les réalisations du président de la République qui ont changé radicalement, selon lui, le visage du Sénégal.
MOUSSA DIAW, ENSEIGNANT A L’UGB : «GENERALEMENT CES OUVRAGES SONT ORIENTES»
Analysant cette prolifération de livres toutes obédiences confondues sur la gouvernance du Président Macky Sall, l’enseignant en sciences politiques à l’UGB, Dr Moussa Diaw, pense que c’est une autre façon de communiquer. « On l’a vu avec Macky Sall sur l’ouvrage qu’il a écrit pour valoriser son passage au sommet de l’Etat. C’était quelques mois avant les élections », soutient le chercheur. Jetant un regard critique sur ces publications, dans cet entretien téléphonique qu’il nous a accordé, il a indiqué que généralement, ces ouvrages sont orientés. S’agissant des laudateurs du régime, le politiste pense que c’est pour plaire. « Tous ces ouvrages-là par exemple qui font l’éloge des choix du Président, sans aucune distanciation nécessaire, sont rangés dans ce cas de figure d’éloges, d’esprit partisan, de manque de lucidité et de réflexion parce qu’ils sont dans le système et ils ne font que défendre ce système pour plaire au chef, au prince, pour être mieux apprécié ou espérer quand même qu’on leur attribue d’autres fonctions plus valorisantes selon les cas », déclare Dr Diaw qui souligne que ce n’est pas écrit de manière objective et ça fausse au niveau de la motivation. Prenant l’exemple du ministre Abdou Latif Coulibaly, il signale que ce dernier était un homme engagé dans la vie politique, dans la société civile, se rappelant sa campagne contre le Président Abdoulaye Wade. «Et aujourd’hui, on ne le reconnaît pas dans cette position qui est emballée par l’esprit partisan et qui n’a pas une distanciation objective pour mieux analyser les choix politiques, notamment en termes de développement économique et social », s’alarme Dr Moussa Diaw. Se prononçant sur le livre du ministre Thierno Alassane Sall, il ne mâche pas aussi ses mots : « Ce que je peux noter à travers cet ouvrage qui a été récemment publié, c’est qu’on doit respecter la morale politique. On doit avoir aussi un sens de l’éthique parce quand on a assuré des fonctions importantes au sommet de l’Etat et qu’on coche dans un ouvrage le contenu des échanges, ce n’est pas normal. Il y a quand même un devoir de réserve », se désole l’enseignant qui pense que si ça touche au fonctionnement de l’Etat, il faut s’en passer. Quand il s’agit de critiquer une gestion, d’après lui, des choix politiques ou une gouvernance, c’est tout à fait normal de partager, de dire ce que l’on pense, de présenter des choses pour les améliorer. Mais, insiste-t-il, ce n’est pas normal qu’on fasse un déballage, il y a le devoir de réserve quand il s’agit d’échanges par exemple avec le président de la République sur des choses qui concernent le fonctionnement de l’Etat. Ce n’est pas normal qu’on déballe ça dans l’espace public.
«QUAND ON VEUT VRAIMENT PARTAGER, IL FAUT LE FAIRE DANS LES LANGUES NATIONALES»
Par ailleurs, il relève aussi d’autres anomalies concernant la publication de ces livres : «Le problème dans nos pays, c’est qu’il y a très peu de gens qui lisent les livres. Il y a très peu de gens qui ont accès à ces informations, constate l’enseignant. Pour lui, si ces auteurs veulent vraiment partager, il faudra le faire dans les langues nationales pour que tout le monde ait accès aux documents. Mais apparemment, regrette-t-il, c’est fait pour une certaine élite et c’est ça qui est déplorable.
PETIT GUIDE POUR DÉJOUER LES PIÉGES DE LA LANGUE WOLOF
Apprendre à écrire en wolof en 5 étapes
Lu defu waxu |
Safiyetu Béey |
Publication 24/08/2020
Ce petit guide a pour but de faciliter l’apprentissage de l’écriture en wolof à tout débutant, en particulier aux jeunes. Il n’a aucunement la prétention de remplacer des cours formels en wolof mais il réunit des règles de base, trucs et astuces pour toute personne désireuse d’améliorer son écriture en utilisant l’alphabet codifié.
Apprendre à écrire en wolof en 5 étapes
D’abord, d’abord : Connaître l’alphabet wolof
L’alphabet wolof a été codifié pour la première fois en 1971 (des modifications ont été apportées par la suite) et compte 27 lettres qui sont : a, b, c, d, e, ë, f, g, h, i, j, k, l, m, n, ñ, ŋ, o, p, q, r, s, t, u, w, x, y. Voir Nëwu làmmiñu wolof ci gàttal, Précis de grammaire wolof, Arame Fal, 2017.
Vous aurez remarqué que le v et le z ne sont pas présents sur cette liste. Ils seront respectivement remplacés par le w comme dans wëtiir (voiture) et par s comme dans asaka (aumône).
NB: la consonne h a été récemment introduite dans l’alphabet et sa réalisation est rarissime.
Voyelles et consonnes propres au wolof :
Le à (avec accent grave) qui constitue un casse-tête à maîtriser car plus appuyé à la prononciation que le a (sans accent).
Exemples : Làkk (parler une langue) ≠ Lakk (brûler)
Wàdd (nom de famille) ≠ Wadd (tomber)
Màtt (mordre) ≠ Matt (fagot de bois)
Tàkk (prendre feu) ≠ Takk (lier)
Ànd (aller ensemble) ≠ And (encensoir)
Làmb (lutte) ≠ Lamb (marchandise en excès)
Pour faire la différence entre le à (avec accent) et le a (sans accent), retenons simplement qu’il faut marquer l’accentuation sur le son [a] à la prononciation du à (avec accent) tandis que le son [a] du a (sans accent) reste un son bref.
NB : Faire attention aux mots avec un son [a] long comme dans daanaka (c’est comme si), maanaam (c’est-à-dire), teraanga (hospitalité): dans ces mots, la voyelle a est tirée mais n’est pas appuyée. Elle est donc doublée pour marquer le son [aa] à la prononciation. Cela permet de faire la différence entre xal (braise) et xaal (pastèque), ou encore entre tal (costaud, épais) et taal (allumer).
Le ë : correspond au son [eu] en français comme dans feu, beurre, peur. On le retrouve dans bëgg (aimer), kër (maison), dëgg (vérité).
Le ó : correspond au son [au] en français comme dans haut, château, berceau. On le retrouve dans dóor (frapper), góor (homme), xóot (profond).
Le ñ : correspond au son [gn] en français comme dans igname, montagne, champignon. On le retrouve dans ñàmbi (igname), ñam (nourriture), ñaq (sueur).
Le ŋ : qui est une contraction du n et du g pour donner fàŋŋ (visible), keryoŋ (crayon), doŋŋ (seulement). La linguiste Arame Fal donne exemple pour sa prononciation le mot anglais parking.
Le q : notez s’il vous plaît qu’il ne correspond pas au son [k] du français ! C’est plutôt une gémination c’est-à-dire un doublement de la consonne x pour écrire yàq (détruire), mbàq (estomac), làq (cacher). Cela permet de faire la différence entre des mots comme ñax (herbe) et ñaq (sueur) ou encore dax (beurre artisanal) et dàq (être plus beau, plus belle).
NB: Certaines consonnes ne peuvent pas être géminées ; elles ne seront donc jamais doublées dans un mot. Ce sont le s, le x, le f, le q et le h. Cela signifie que dans un texte en wolof, vous ne pourrez jamais rencontrer un mot avec ss, xx, ff, qq ou hh. Quant à la consonne r, elle peut être géminée mais extrêmement rarement.
Ensuite, ensuite : Chaque fois que vous avez un doute – usons souvent du doute les amis, il sert beaucoup – prononcez les mots à haute voix avant d’écrire
La prononciation à haute voix permet de retrouver rapidement et facilement l’écriture phonétique du mot. Elle permet d’identifier les sons qui forment le mot et de savoir si les consonnes et/ou voyelles qui l’écrivent sont accentuées comme dans dóor (frapper) et door (commencer), réew (pays) ou reew (mal élevé), courtes comme dans wex (amer) et weex (blanc), ou longues comme dans seet (chercher) ou set (propre). Cependant, tous les locuteurs du wolof ne prononcent pas certains mots de la même façon, vous retrouverez donc des variantes régionales dans les différentes prononciations ainsi que dans l’écriture.
Exemples : Ginnaaw = Gannaaw (derrière)
Yow = Yaw (toi)
Ñëw = Ñów (venir)
Chercher le mot dans le dictionnaire lorsqu’on n’est pas sûr de son écriture
Comme avec toutes les langues, il est toujours utile d’avoir un dictionnaire à côté de soi afin de retrouver l’écriture correcte d’un mot. Du fait d’un certain conditionnement idéologique, le wolof est assimilé à une langue véhiculaire plutôt qu’à une langue littéraire. C’est pour cela que nous n’avons pas le réflexe de consulter un dictionnaire pour nous assurer de l’orthographe d’un mot. Elle reste cependant une étape essentielle pour apprendre à bien écrire en wolof, repérer les nuances entre les mots, et ainsi continuer à se corriger et à s’améliorer.
Si vous cherchez à vous procurer un dictionnaire physique ou en ligne, je recommande celui de Jean-Léopold Diouf Dictionnaire wolof-français et français-wolof ou celui de Arame Fal Dictionnaire wolof-francais : suivi d’un index français-wolof, qui sont complets, comportent des transcriptions phonétiques et beaucoup d’exemples d’utilisation des différents mots.
4. Chercher des ressources en wolof et lire, beaucoup lire, encore lire, toujours lire, mais surtout savoir relire et se relire autant de fois que possible, vraiment sans modération aucune.
La lecture m’aide personnellement à photographier les mots et à garder leur orthographe en tête. Elle me permet également de corriger la prononciation de certains mots, d’enrichir mon vocabulaire et de sentir la subtilité et la beauté de la langue à l’écrit.
Parce que c’est en forgeant que l’on devient forgeron, c’est en touillant que l’on devient touilleur, c’est en grimpant que l’on devient grimpeur… Ok j’arrête. Je veux juste dire que c’est en lisant beaucoup que l’on apprend à écrire. Donc, n’hésitez pas à vous procurer des ressources en wolof, sur internet, à la librairie, dans les parterres… Je vous assure qu’elles ne manquent pas. Nous avons déjà defuwaxu.com qui est un média exclusivement publié en wolof avec du contenu de très bonne qualité, ejowolofbooks.com et osad-sn.com maisons d’édition spécialisées dans la publication d’ouvrages en wolof, et une nouvelle pépite jangwolof.com, site dans lequel vous pouvez ouvrir un compte et accéder à une multitude de ressources pour lire, apprendre à écrire et perfectionner votre wolof.
Si vous cherchez à vous procurer des ouvrages, voici une petite liste de mes coups de cœur en littérature wolof :
Bàmmeelu Kocc Barma et Doomi Golo par Bubakar Bóris Jóob (des récits captivants, un style fluide, et surtout beaucoup d’enseignements)
Ndoomu Buur Si, traduction du Petit Prince de Antoine de Saint-Exupéry par El Hadji Dièye et Maximilien Guérin (la traduction en wolof m’a beaucoup plus touchée que la version en français)
Xarnu Bi par Sëriñ Musaa Ka, oeuvre poétique et classique de la littérature wolof
Bataaxal bu gudde nii, Nawetu Deret, traductions respectives de Une si longue lettre de Mariama Bâ et Une saison au Congo de Aimé Césaire, issues de la Collection Céytu
Aawo Bi de Maam Yunus Jeŋ, qui est le tout premier roman publié en wolof
Guy Njulli, pièce de théâtre en wolof, par Séex Aliyu Ndaw
Jigéen Faayda et Toftalug Jigéen Faayda, recueils de nouvelles en wolof, par Séex Aliyu Ndaw
Écrire le wolof avec l’alphabet codifié et pas avec un autre alphabet
Il est important de s’efforcer à écrire avec l’alphabet codifié car il permet d’écrire correctement le mot avec la phonétique qui convient. Beaucoup ont tendance à écrire selon leur propre orthographe en se disant que ce n’est pas grave de faire des fautes en wolof. Cela relève d’un manque de respect envers soi-même car nous ne penserons jamais à écrire en faisant des fautes en français ou en anglais. Nous sommes souvent tentés d’écrire kharit bi lay wakh deug au lieu de xarit bi lay wax dëgg, mais nous devons garder en tête que les phonétiques française et anglaise sont différentes de celle du wolof. Vous ferez des erreurs au début, vous ne serez pas habitués, et les réflexes d’écriture en français ou en anglais reprendront le dessus très vite, mais n’hésitez pas à prendre le temps de vous relire, à vérifier la phonétique et à prononcer le mot à haute voix pour retrouver son écriture.
Erreurs fréquentes et astuces pour les éviter :
lë => la; së => sa; më => ma
Ne pas écrire Yow lë doon xaar ci suba ba tey mais plutôt Yow la doon xaar ci suba ba tey (C’est toi qu’il attendait depuis ce matin)
En effet, le ë ne se place jamais à la fin d’un mot sauf dans të (têtu) ou jë (front).Sinon, nous écrirons bien Sa doom la au lieu de Së doom lë.
bùr, bür => buur (roi) ; xamùma fù mü nekk => xamuma fu mu nekk (je ne sais pas où il est)
Les seules voyelles possibles d’être accentuées en wolof sont le a, le o et le e.
Le a est marqué d’un accent grave (à) mais JAMAIS d’un accent aigu.
Le o est marqué d’un accent aigu (ó) mais jamais d’un accent grave.
Le e est marqué d’un accent aigu (é) mais jamais d’un accent grave. Il n’y a donc jamais d’accent sur le u, ni sur le i.
Nu et Ñu ; Noo et Ñoo
Nu ngi dem duggi => Nous allons au marché
Ñu ngi dem duggi => Ils vont au marché
Noo ko defandoo => Nous l’avons fait ensemble
Ñoo ko defandoo => Ils l’ont fait ensemble
Sunu réew => Notre pays
Seen réew => Leur pays
Su nu demoon => Si nous étions allés
Su ñu demoon => S’ils étaient allés
(Nu correspond à nous en français.
Ñu correspond à on, ils ou eux en français.)
Si et Ci
En wolof, le nom doit être marqué d’une consonne qui indique la classe à laquelle il appartient. Ces consonnes sont au singulier b, g, j, k, l, m, s, w et au pluriel ñ et y. Voir Dictionnaire wolof-français et français-wolof par Jean-Léopold Diouf.
Exemples : Xale bi (l’enfant)
Jigéen ji (la femme)
Kër gi (la maison)
Xale yi (les enfants)
Jigéen ñi (les femmes)
Ces consonnes sont appelées indices de classe ou classificateurs. On dit que le wolof est une langue à classes nominales.
Le classificateur (la consonne placée après le nom) est un indicateur sémantique et un indice d’accord. Comme indicateur sémantique, il permet d’indiquer un des sens d’un mot polysémique.
Exemples : ndaw li= messager
ndaw gi = jeunesse (virginité)
ndaw ñi = les jeunes
ndaw si = jeune femme
saxaar si, la fumée
saxaar gi, le train
Si en grammaire désigne ainsi un classificateur et agit en tant que déterminant d’un nom.
Exemples : àddina si (l’univers), ndaw si (la jeune femme)
Ci, par contre, est une préposition et peut avoir une valeur de partitif, ou introduire un complément.
Exemples : Bind ci wolof (écrire en wolof)
Duggal ci néeg bi (entre dans la chambre)
Xoolal ci suuf (regarde en bas)
Ak et Ag
Ag est un article indéfini singulier et accompagne les noms de la classe g. On dira ag gone, ag ndof, ag noflaay. Les autres articles indéfinis sont : ab, as, aw, am.
Exemples :ab xarit (un ami)
as suuf (une terre)
aw làmmiñ (une langue)
am xar (un mouton)
aw askan (un peuple)
am réew (un pays)
Ak est une préposition et peut signifier avec ou et selon le contexte.
Exemples : Bëy, bu àndul ak bëy ya, ànd ak cere ja (La chèvre, si elle ne va pas avec ses semblables, elle finira dans un plat de couscous)
Jëndal ceeb ak diwlin (Achète du riz et de l’huile)
Terminaison des mots en b, p, g, k, j
Nop => nob = aimer
Yap => yab = manquer de respect
Took => toog = s’asseoir
Tek => teg= poser
Xaac => xaaj = diviser
L’astuce pour retrouver la terminaison du mot est de lui ajouter un suffixe et ainsi retrouver sa dernière lettre.
Exemples : teg => tegaat ; toog => toogaat ; nob => nobaate ; yab => yabaate ; Jóob => Jóoba-Jubba ; et ainsi de suite.
Retenons bien :
La lettre é ne se place jamais en fin d’un mot. Il est donc impossible d’écrire waxé, jëfé ou rafeté.
Deux voyelles différentes ne se suivent jamais dans un mot.
Exemples : i + e, u + a, o + a, etc.
Il est donc impossible d’écrire Safietu (nom propre) ou ruuam (son âme), par exemple. Dans ces cas, la règle invite à insérer les consonnes y ou w pour empêcher la rencontre des deux voyelles. Nous écrirons donc bien Safiyetu et ruuwam.
Deux voyelles longues ne précèdent jamais deux consonnes. Il sera donc impossible d’écrire aaddina, coonno, jaapp. Nous écrirons bien àddina (univers), coono (fatigue), jàpp (attraper).
Le à (avec accent)ne peut pas être géminé et ne sera donc jamais doublé dans un mot. Il ne sera non plus jamais suivi d’une autre voyelle, ni d’un a (sans accent).
Voici quelques petites astuces pour apprendre à écrire correctement avec l’alphabet codifié wolof. Nous rappelons que ces règles sont non exhaustives et des cours formels en wolof seront toujours utiles pour renforcer vos bases et vous permettre une meilleure maîtrise de la langue.
Nous espérons que ce guide sera utile et bénéficiera à toute personne souhaitant améliorer son écriture avec l’alphabet codifié wolof.
Au plaisir de vous lire bientôt, et en wolof !
un récit de boubacar boris diop
BONNE NUIT, PRINCE KOROMA (3/4)
EXCLUSIF SENEPLUS - À Djinkoré, nous ne nous mêlons pas des affaires des grands du royaume, nous leur obéissons sans même prétendre savoir qui ils sont, où ils vivent et comment ils s’appellent
Au moment de payer, Bithege lui a remis un billet de cinq mille francs. Casimir Olé-Olé a essayé de le rouler en faisant semblant de ne plus avoir de menue monnaie. En une fraction de seconde, le fonctionnaire est entré dans une colère froide, terrifiante mais quasi imperceptible. Il a tout fait pour le cacher, mais j’ai décelé chez lui une violence subite et incontrôlée ; j’ai bien vu qu’il était prêt à faire du scandale et peut-être même à frapper Casimir Olé-Olé. La main tendue, il a insisté d’un air buté pour recevoir son dû. J’ai levé la tête vers le vieux marchand et quand nos yeux se sont rencontrés, j’ai compris que nous venions de communier dans une haine silencieuse à l’égard du nouveau venu. Il m’a semblé que Bithege s’en était rendu compte, mais qu’il s’en moquait bien. Lorsque nous nous sommes éloignés, il a observé :
– C’est un numéro, ce Casimir Olé-Olé.
Le marchand de fruits l’avait intrigué et il comptait sur moi pour mieux le cerner. J’ai éprouvé une mesquine satisfaction à ne pas lui rendre ce service. J’ignorais alors que l’étranger avait mis en place, avant même de venir à Djinkoré, son petit réseau d’informateurs. Il avait dû distribuer de gros billets de banque, car il s’était fait des amis jusqu’au Palais royal où, soit dit en passant, je n’avais jamais osé mettre les pieds. L’expression ‘’palais royal’’ fera peut-être sourire, mais je n’en connais pas d’autre pour désigner la maison du Roi, même si le souverain en question, alcoolique et extravagant, n’a d’autre souci que de faire voter ses sujets à toutes les élections nationales pour le candidat le plus généreux en tonnes de riz et billets de banque.
S’il est un jour que je n’oublierai jamais, c’est celui où j’ai entendu Christian Bithege prononcer pour la première fois le nom du Prince Koroma. Ce n’était pas un crime de prononcer le nom du Prince, mais ce n’était pas non plus très prudent. À Djinkoré, nous ne nous mêlons pas des affaires des grands du royaume, nous leur obéissons sans même prétendre savoir qui ils sont, où ils vivent et comment ils s’appellent. J’ai donc conseillé à Bithege de faire attention. Au lieu de se taire, il a voulu que je lui donne mon avis sur les chances du Prince Koroma de devenir Roi de Djinkoré.
– Les Deux Ancêtres n’ont pas encore parlé, ai-je répondu prudemment.
Il a déclaré, de l’air de celui qui n’était pas dupe :
– Allons ! Allons ! On sait toujours ces choses-là à l’avance.
– Eh bien, moi, je n’en sais rien, Monsieur Bithege.
J’étais de plus en plus excédé par ses manières arrogantes et je tenais à le lui faire savoir. Ça ne l’a pas empêché d’insister :
– Vous êtes ici depuis quinze ans, vous connaissez bien le Prince Koroma.
– Je vous l’ai déjà dit, votre comportement nous met en danger.
– Je dois tout savoir, vous comprenez ça ?
Il avait élevé la voix sans paraître particulièrement fâché.
– Je ne sais rien du Prince Koroma, ai-je dit sur un ton ferme. Parlons d’autre chose s’il vous plaît.
Mon mensonge a paru l’amuser.
– Eh bien, je vais vous le présenter, a-t-il lancé avec une désinvolture étudiée.
– Me présenter qui…?
– Le Prince Koroma.
– Ah oui ?
J’aurais bien voulu pouvoir me montrer d’une mordante ironie, mais mon cœur battait très fort. Il fallait que ce type fût complètement cinglé pour se comporter avec une telle légèreté.
– J’ai eu plusieurs discussions avec le Prince, a-t-il dit. Il a promis de venir me rendre visite ici.
Je me suis fait presque menaçant :
– Je n’aime pas qu’on se moque de moi, Monsieur.
Nous étions ensemble depuis quelques jours et c’était la deuxième fois que je l’appelais «monsieur ». Il m’a alors parlé avec gravité, presque comme à un ami :
– Je ne me moque pas de vous. J’ai rencontré le Prince à deux reprises. Parler avec les gens importants fait partie de mon travail. Il faut que vous le sachiez, je ne suis pas comme ceux qui venaient à Djinkoré avant moi.
Le message était sans ambiguïté : Christian Bithege me demandait de choisir mon camp. Après tout, j’étais au service de l’État, moi aussi. Peut-être touché par mon désarroi, il m’a confié sur le même ton bienveillant :
– Je vais avoir une troisième rencontre avec le Prince Koroma et il est important que personne ne nous voie ensemble cette fois-ci. Il viendra discrètement chez vous, mais il faut que cela reste entre nous…
À partir de cet instant, je me suis senti à la merci de l’étranger. Nous avons causé de tout et de rien pendant deux ou trois heures et, sans le vouloir tout à fait et sans avoir non plus la force de m’arrêter, je lui ai dit tout ce qu’il voulait savoir sur le Prince Koroma. Il m’a posé des questions très précises et j’ai bien vu à plusieurs reprises que nous étions en train de franchir la frontière qui sépare une conversation normale d’un interrogatoire en bonne et due forme. Au fil des minutes, il m’est apparu très nettement que ce qui se jouait, c’était le destin politique du Prince Koroma. Christian Bithege voulait que le Prince remplace son père quasi centenaire, mais l’apparente instabilité mentale de Koroma le faisait hésiter.
– Ce Prince Koroma, est-il vraiment… capable ?
Cette question était revenue plusieurs fois dans la conversation, de façon ouverte ou insidieuse. Elle signifiait : il saura certes ce qu’il nous doit, mais sera-t-il assez fort pour faire face aux intrigues de ses ennemis ? J’aimais le Prince Koroma et, pour plaider sa cause, je me suis décidé à révéler à Bithege une petite anecdote personnelle. Je lui ai dit que le Prince était déjà venu me voir à la maison. Il s’est aussitôt animé :
– Ah oui… ? Comment cela ?
Je ne l’avais pas encore vu aussi peu maître de lui.
– Voici comment c’est arrivé, ai-je répondu. Une nuit, on a frappé à ma porte vers trois heures du matin. J’ai ouvert. C’était le Prince Koroma. Il m’amenait le fils d’un des gardiens du Palais. Le gamin de cinq ou six ans avait eu une violente attaque de palu…
– Un gamin de cinq ou six ans… a-t-il répété sans me quitter des yeux. Ensuite ?
– J’ai fait une piqûre à l’enfant.
Bithege a eu un geste d’impatience. « Il doit penser que nous sommes tous deux de minables amateurs, le Prince Koroma et moi», me suis-je dit. Mon histoire ne l’intéressait pas et peut-être même la trouvait-elle ridicule.
– Il a très bon cœur, le Prince, a-t-il déclaré. Mais n’êtes-vous pas en train de me parler d’un grand rêveur ? N’est-il pas de ces jeunes idéalistes qui s’imaginent qu’on peut changer les hommes ?
Je me suis senti au pied du mur. Au fait, qui était-il, ce haut fonctionnaire venu de Mezzara ? Il ne m’avait pas encore dit en quoi consistait exactement son travail là-bas, dans les bureaux de la capitale, mais je commençais à avoir ma petite idée là-dessus. J’avais sans doute affaire à un haut responsable de la police politique. J’étais en tout cas bien obligé d’admettre qu’il avait percé à jour le Prince Koroma. Ce dernier n’était pas à sa place dans la maison royale de Djinkoré, déchirée par de sanglantes rivalités. Avec son air un peu mélancolique, le Prince, d’une bonté d’âme foncière, était comme un ange perdu dans cet univers impitoyable. Tout cela, Bithege le savait. Il en cherchait simplement la confirmation. J’ai souri intérieurement en songeant que la seule façon d’aider le prince Koroma, c’était de dire à Bithege : «Ce type, tout à fait entre nous, c’est un salaud de la pire espèce, il est prêt à tout pour arriver à ses fins et vous pouvez me croire, sa main ne tremblera pas au moment de s’abattre sur ses ennemis !»
Je n’ai pas pu m’y résoudre.
– À Djinkoré, les gens aiment le prince Koroma, ai-je au contraire martelé en désespoir de cause.
– Pourquoi ?
– Je ne sais pas trop.
C’était une réponse absurde et il me l’a fait remarquer à sa façon sournoise :
– Il y a bien une raison… En quels termes parle-t-on le plus souvent de lui ?
– On dit ici qu’il respecte la religion de ses ancêtres. Voilà pourquoi il est si aimé par les habitants de Djinkoré.
– Il respecte la religion de ses ancêtres…
C’était comme si Bithege prenait mentalement note de cette information.
J’ai renchéri :
– C’est un jeune homme qui ignore le doute. Bien des membres de la famille royale jouent avec… avec…
J’avais du mal à trouver mes mots et il m’a encouragé à continuer :
– Allez-y, je vous suis très bien...
– J’admire sa force.
– Sa force ? Que voulez-vous dire ?
– Vous savez, quand on vous raconte que vos ancêtres morts depuis trente siècles reviennent tous les sept ans sur terre pour un brin de causette nocturne, vous avez beau y croire, il y a quand même des jours où vous vous demandez si tout cela est bien vrai.
– Je vois ce que vous voulez dire, a observé l’étranger avec un sourire ambigu.
– Eh bien, voilà, il faut être fort pour ne jamais douter. Vous avez des petits malins qui pensent que toutes ces histoires au sujet des Deux Ancêtres sont des blagues puériles, mais qui en profitent pour dominer leurs semblables et s’enrichir. Et puis vous avez des milliers de braves gens qui se tiennent, eux, dans la pleine lumière de l’espérance. Le Prince Koroma est de ceux qui n’ont jamais douté. Il est réellement persuadé que les Deux Ancêtres quittent leurs tombeaux pour venir se promener pendant une nuit dans les rues de Djinkoré.
– On peut aussi appeler cela de la naïveté, vous ne croyez pas ?
Son visage est resté impassible et je n’ai pas réussi à savoir s’il se félicitait ou non de la candeur du Prince.
J’ai répondu, après un moment de réflexion :
– C’est possible. Peut-être aussi que cela prouve surtout sa force morale.
Il a hoché lentement la tête, songeur :
– Mais tout de même, à quoi sert la force morale sans la force tout court ?
C’était difficile de savoir quoi répliquer à cela.
Il a ajouté :
– Pour le reste, je suis bien d’accord avec vous, des centaines de millions de gens sur la terre se débrouillent très bien avec des fables complètement délirantes. C’est ce que Casimir Olé-Olé a voulu nous dire hier... Accepter d’être les seuls à ne jamais avoir raison, ça n’a aucun sens, c’est nous résigner à une lente mort spirituelle. Chimères pour chimères, pourquoi ne pas nous fier à celles de nos ancêtres ?
Ce qu’il venait de dire là, c’était un bon point pour le Prince Koroma. J’ai enfoncé le clou :
– Le Prince Koroma fera de bonnes choses pour les habitants de Djinkoré. Le moment est peut-être venu pour ce royaume d’avoir à sa tête un être d’une aussi grande pureté d’âme.
De la colonisation linguistique à la prépondérance des intérêts économiques français, de la maîtrise monétaire au contrôle sécuritaire, la continuité coloniale est manifeste, elle met notre pays en position d’assujettissement aux intérêts extérieurs
Déboulonner ou conserver la statue de Faidherbe, et plus généralement, débaptiser ou maintenir la toponymie coloniale des monuments publics ? Débat intellectuel, assurément ! Les populations sénégalaises, confrontées à un « déconfinement » désordonné, dans le cadre de la crise sanitaire liée à la pandémie du COVID 19, semblent avoir d’autres préoccupations. Elles sont confrontées aux hypothèques qui pèsent sur leurs activités quotidiennes : velléités d’accaparement de terres agricoles, intrants agricoles non encore disponibles, crise alimentaire, accès limité aux ressources halieutiques raflées par de grands chalutiers étrangers, aggravation du chômage des jeunes qui reprennent le chemin de « Barça/barsaq », effondrements des bâtiments et rues délabrées dans l’ile de Ndar, ...etc.
A ces difficultés, s’ajoutent le traumatisme persistant provoqué par une gestion hasardeuse de la crise sanitaire et les lourdes incertitudes sur l’éducation des enfants avec une année scolaire passablement perturbée.
Mais, pour autant, ne boudons pas ce débat qui, plus que la polémique : démolir la statue Faidherbe ou se mettre au garde à vous, nous interpelle plutôt sur les exigences d’une rupture avec le modèle colonial et l’exercice d’une souveraineté nationale complète.
C‘est depuis les États-Unis d’Amérique, où George Floyd, un jeune afro-américain, asphyxié jusqu’à ce que mort s’en suive par un policier blanc, le 25 mai 2020 aux USA, qu’a été lancé un vaste mouvement anti raciste. Les consciences humaines ont été heurtées par cet acte odieux.
Au Sénégal, cette vague d’indignation a suscité, à juste raison, une vive émotion dans une frange de la population. Elle a donné lieu à quelques formes de protestation et de solidarité dont l’écho a été limité par une pandémie COVID 19 en forte progression. En revanche, un nouvel élan anticolonialiste s’est exprimé avec force dans différents secteurs de la société civile et dans les milieux politiques. Ce mouvement, focalisé sur les symboles de la période coloniale au Sénégal, mobilise des individus hétérogènes, avec des objectifs différents.
Apparemment, soudés comme un corps unique, ils réclament, avec véhémence, le déboulonnage ou la destruction des statues héritées de la colonisation, destinées aux poubelles de l’histoire, ou encore la débaptisation des noms de rues, d’édifices et de places publics ayant comme éponymes des personnages de la colonisation.
Que retenir de ce mouvement de contestation, largement concentré sur l’exigence d’effacer du champ public les symboles les plus manifestes de la colonisation : « Se débarrasser de tout ce qui rappelle les moments douloureux du colonialisme » ?
Un combat politique et patriotique
La hampe bien tenue, le drapeau de la fierté nationale déployé avec vanité, les portes étendards de ce regroupement couleur arc en ciel vont à l’assaut des marques apparentes du colonialisme dans notre pays. Mais ce combat contre les vestiges serait beaucoup plus légitime et salutaire pour la patrie et pour nos populations si, dans le même temps, - ce que fait une partie des intervenants du débat, nous le savons bien -, l’on s’attaquait aux chaines matérielles et immatérielles qui nous lient actuellement aux puissances étrangères. Le modèle colonial, plus que jamais en place, sous des formes renouvelées, maintient un système d’exploitation des ressources nationales et d’aliénation culturelle avec la complicité d’une élite politique extravertie. Notre pays reste soumis au capitalisme néo libéral triomphant. La statue de Faidherbe qui plastronne dans la vieille cité de Ndar/ St Louis est certes une humiliation nationale. Mais d’autres formes d’humiliations bien pires nous sont imposées : L’humiliation de voir nos richesses nationales spoliées, emportées avec la complicité d’auxiliaires locaux ; l’humiliation d’un endettement chronique soumettant aux pressions extérieures la vie politique, sécuritaire, économique, monétaire et culturelle de notre pays ; l’humiliation de constater au jour le jour le basculement dans le dénuement, la précarité et la pauvreté de parties importantes de nos populations, en particulier notre jeunesse. 60 ans après les indépendances octroyées, nous sommes toujours dans une société duale, héritée de la colonisation qui fonctionne à deux vitesses. Elle met face à face l’élite héritière du système colonial et ses affidés d’un côté, et les populations « indigènes », de l’autre. Une langue officielle, le français, parlée par l’élite dominante, intellectuelle, administrative et politique qui contrôle l’Etat et l’économie dite moderne avec son mode de consommation extravertie. Une économie informelle, animée par des acteurs enracinés dans la culture nationale par la langue et le mode de consommation, qui sont souvent écartés du système d’éducation et de formation de la République. Une société qui souffre d’homogénéité culturelle, des manières d’être et des attitudes encore distinctes entre l’élite et le reste de la population. Cet aperçu illustre bien que la réalité sociale issue du modèle colonial n’a pas pris trop de rides. Au reste, telle une pieuvre, le système colonial, avec une extraordinaire capacité d’adaptation et sophistication étend ses tentacules qui enserrent nos pays.
Actuellement, toutes les infrastructures routières (Senac), Portuaires (Bolloré et Dubaï Port World), aériennes (Summa-Limak), télécoms (OrangeFrance-Telecom) et hydrauliques urbaines (SUEZ), sans compter les ressources pétrolières et minières, sont sous le contrôle de capitaux étrangers. Le combat patriotique de parachèvement de la décolonisation de notre pays, et de conquête d’une souveraineté complète est toujours d’actualité. La priorité reste encore la rupture avec le paradigme colonial afin que s’ouvrent de nouveaux horizons de développement économique et social autocentré, contribuant à la promotion d’une Afrique au service des Africains. Sans nul doute, la bataille sur les symboles peut avoir son intérêt, sa légitimité, mais n’y a -t-il pas risque, à l’instar de Don Quichotte guerroyant contre des moulins à vent, de laisser échapper le serpent et de continuer à taper sur ses traces. Ce n’est pas un objectif raisonnable pour les acteurs de changement de se borner à un simple élagage des branches et du feuillage d’un arbre encore bien enraciné. Au début des années 80, sous le régime PS, l’on a assisté à un vaste mouvement de débaptisation des noms de rues et d’écoles. L’adoption bureaucratique de ces nouvelles dénominations, retenues souvent sur la base de considérations politiciennes, n’a pas eu le retentissement escompté en termes de valeurs patriotiques et éthiques éclairantes pour un nouveau récit de notre histoire, au bénéfice des nouvelles générations.
Au Congo, devenu Zaïre, Mobutu avait déjà lancé le plus radical mouvement de débaptisation et de rebaptisation (zairisation). Il avait concerné non seulement des noms de lieux mais aussi l’identité civile des citoyens, il s’était même étendu à la mode. «L’Authenticité africaine » avait été célébrée comme la justification idéologique de cette révolution toponymique et identitaire. En vérité, cette vaste opération cosmétique, sous le drapeau de la fierté nationale, visait simplement à redonner des habits neufs à sa soumission aux intérêts néocoloniaux. Il n’échappe à l’attention de personne que dans le plaidoyer actuel pour la débaptisation et le déboulonnage, l’on compte des barons du régime politique en exercice.
Dans certains cas, ils sont même à la manœuvre, hurlant fort, faisant montre d’une petite dose de radicalité populiste, ils appellent à effacer les pages sombres de notre histoire. Mais loin de l’onde de la houle, ils n’ont cas des populations sur lesquelles déferlent avec furie les vagues d’un système néocolonial oppressif. Dans une chronique récente Mackhily Gassama met en garde ceux qui surfent sur un nationalisme étriqué pour se faire une place au soleil, en jouant sur la sensibilité des personnes. (www. Seneplus) La priorité du moment pour les patriotes c’est de s’engager dans les luttes en cours portées par la frange la plus active des populations, les organisations syndicales et les divers groupes de la société civile sur les enjeux du moment. Ils ont noms : l’accaparement foncier, la transparence dans la gestion des deniers publics, l’emploi des jeunes, la promotion d’une sécurité nationale en solidarité avec les pays voisins, la gouvernance démocratique des institutions de la République, l’accès à la santé et à l’éducation ainsi qu’une véritable politique de promotion et d’enseignement des langues nationales. … C’est à travers cette dynamique citoyenne et patriotique que devrait s’inscrire le débat sur ce que Boubacar Boris nomme l’humiliante anomalie de monuments de l’époque coloniale qui nous entourent, comme la stèle de Faidherbe à Saint Louis.
Ndar/Saint-Louis,lieu de cristallisation du débat
Par le nombre de chroniques récemment publiées dans la presse, la ville de Ndar/ Saint Louis concentre incontestablement le débat national sur la démolition des statues de la période coloniale. C’est sur cette cité que déferle, avec la plus grande intensité, la vague visant à effacer les empreintes visibles de la colonisation.
En effet, la cité de Ndar/St-Louis, pont entre le Sénégal précolonial, la période esclavagiste, l’époque coloniale et la phase néo coloniale, a été la porte de pénétration et le point d’ancrage de la conquête coloniale du 19e siècle, avant de devenir la capitale de l’AOF puis du Sénégal. Ville mémorielle, plus que tricentenaire, elle porte un riche patrimoine historique qui peut nourrir notre conscience historique et éclairer les perspectives d’avenir. Ndar/ Saint-Louis est une ville singulière. Une cité carrefour d’histoire, de géographie et de peuples, offrant, selon J.P. Dozon, un palimpseste où se juxtaposent plusieurs couches, plusieurs mondes, plusieurs temporalités. Ballotée entre eaux marines et eaux fluviales, entre les sables sahariens du Nord du pays et les Niayes qui bordent la côte occidentale du Sénégal, Ndar/Saint Louis est un « hyperlieu » (J.P. Dozon), une « cité créole », une ville de ponts et d’échanges, une ville de convergence culturelle et sociale. Une ville, ouverte sur le Monde, dont le rayonnement dépasse le Sénégal et l’Afrique pour embrasser une vocation internationale. D. Samb, a dit de St Louis, qu’elle est un lieu de métissage et d’intégration, un lieu d’histoires et de légendes, un foyer de nostalgies et de souvenirs, un tremplin des conquérants et un refuge des vaincus. Une ville qui, comme une mère généreuse, materne tous ses enfants, toutes origines confondues. Doomi Ndar (saint-louisiens) est une identité que peut porter tout fils, dès lors qu’il adopte sa culture, peu importe le lieu de naissance. C’est bien cette singularité qu’évoque F.Dia en ces termes : « Ndar, ville d’accueil et de « teranga », elle regroupe à la fois : « «hommes de couleur» et «gourmettes», «nègres libres» et «engagés à temps», esclaves et captifs de «case» ou de «traite», «habitants» et étrangers, ces derniers comprenant aussi bien les gens venus du Cayor tout proche que ceux qu’on appelait déjà «Toucouleurs» ».
Enfin, ville de tolérance, où l’appel du muezzin de la mosquée s’élève du minaret pendant que le sonneur d’église fait tinter les cloches. D’ailleurs, dans sa coquetterie légendaire, le minaret de la grande mosquée du centre-ville (Lodo) est paré d’un clocher. Ndar/Saint Louis a aussi cette particularité d’enterrer ses morts (musulmans et catholiques) dans une proximité de lieu que l’on penserait à une fraternité post mortem de ses fils. Malgré cette grande ouverture et une capacité de résilience remarquable, les doomi Ndar (St-louisiens) n’ont jamais cessé, dans des formes appropriées, de résister à toute forme d’invasion culturelle. Qu’elle soit celle venue du Trarza par le désert, ou des colons européens (français et/ou anglais), à travers l’Atlantique. Ndar/ Saint-Louis n’a pas attendu les déboulonneurs pour défier, dans une ferme courtoisie, la toponymie coloniale.
Dans son roman coloré, paru en 1935, sous le titre de Karim, Ousmane Socé Diop décrit la souveraineté dénominative des doomi Ndar alors que le colon domine sans partage tout le pays et dans tous les domaines. Le nom de NDAR pour désigner leur cité, Baya pour nommer la Place Faidherbe, Pomu tenjigeen pour parler du pont Faidherbe, Pomu Get Ndar pour le Pont Servatius, rebaptisé Malick Gaye ou le Pont Geôle, devenu Massek Ndiaye, appelé pomu sancaba ou pomu Lodo suivant qu’on est de l’un ou de l’autre quartier. Lodo indique le quartier Nord de l’Ile et Sindone le quartier opposé ; Sancaba désigne le quartier baptisé Ndar Toute par le colon, et Teen jigeeen, le quartier Sor 1. Ndar/Saint-Louis a toujours vécu avec une double toponymie, dans la liberté et la tolérance. La fierté ndar ndar et son rapport complexe avec le colon, ont souvent été masqués par une apparente assimilation à la culture coloniale. Mais si l’on dépasse une lecture superficielle, l’on ne peut que reconnaître avec F. Dia : « Créée par les Blancs mais peuplée par les Noirs, Saint-Louis a pu ainsi préserver son identité africaine. » Il poursuit : « ce sont donc les Saint-louisiens qui ont assimilé le colonisateur et non l’inverse et c’est une prouesse que leur cité, porte drapeau de la présence française en Afrique de l’ouest, soit devenue le symbole de la plus médiatique des valeurs sénégalaises : la «téranga» !
Ndar/Saint-Louis porte une partie du patrimoine historique du Sénégal
Cette teranga n’a jamais fait oublier à Ndar/Saint Louis et aux doomi Ndar, le rôle de Faidherbe, celui qui a assis la suprématie du système politique et administratif colonial. L’historien Abdoulaye Batilly, remettant opportunément au goût du jour ses immenses travaux universitaires sur la vie et l’œuvre de Faidherbe, appelle à une étude dialectique de « l’œuvre faidherbienne comme toute autre pour contribuer à sa démystification mais surtout pour acquérir une connaissance scientifique des lois du développement social ». En effet, le général Louis Léon Faidherbe est dans l’histoire du Sénégal l’une des grandes figures marquantes du colonialisme français. En sa qualité de gouverneur de la colonie, il a joué un rôle de premier plan dans la mise en place des dispositifs politiques pour le compte de la Métropole. Il s’imposa par la violence et par des atrocités sur les populations, et par une administration oppressive pour les indigènes. Evidemment, comme le note A. Bathily, l’on ne peut nier, dans le cadre de la politique d’expansion coloniale, les travaux d’aménagement entrepris sous l’administration de Faidherbe, ni les initiatives pour l’éducation et la recherche. Dans sa stratégie de reconversion économique de la colonie, il adopta des textes légalisant la corvée et le travail forcé des populations des régions conquises.
Selon A. Bathily, usant tour à tour dans ses relations avec les Africains, de la force brutale, la ruse politique, l’intoxication idéologique, il réussit à imposer le système colonial au bénéfice des forces sociales coloniales. Faidherbe, principal acteur de l’expansion coloniale au Sénégal, ne peut être sanctifié dans ce pays ; il ne mérite ni d’être révéré, ni d’être honoré, ni d’être loué. Déjà, en France, à Lille, sa ville natale, son rôle historique fait l’objet de vives controverses. A Saint Louis, l’on ne peut que s’indigner fortement de lire l’épitaphe : « A son gouverneur, la nation sénégalaise reconnaissante », encore sur le socle de la statue de Faidherbe. Déjà, jeune « contestataire » dans les années 70, lors d’une conférence publique à la Chambre de Commerce de Ndar /Saint Louis, nous nous élevions contre cette inscription humiliante et réclamions qu’elle soit effacée par les tenants de la puissance publique. A Faidherbe, nous ne savons gré de quelque gratitude, encore moins de sentiments d’obligé. Si Faidherbe est reconnu, à juste raison, comme élément de notre patrimoine historique, il reste à nourrir notre mémoire en vue de le positionner pour ce qu’il a été réellement dans cette histoire. C’est peut-être là, la ligne de partage entre les intellectuels patriotes et ceux qui ne comprennent pas, selon notre vieux camarade O. BÉYE, que « les héros d’une nation conquérante et coloniale sont aussi les bourreaux du peuple conquis et asservi ». Ndar et ses enfants ont traversé l’époque de la traite et la période coloniale en sachant garder, dans la courtoisie, leur identité. Malgré la présence marquante du colon, Ndar/Saint-Louis a supporté les combats politiques pour l’indépendance, les conquêtes démocratiques nationales et des avancées dans l’émancipation syndicale. Cité d’avant-garde, elle a pleinement assuré son rôle patriotique et a notablement tenu sa place dans le rayonnement intellectuel du Sénégal voire de l’Afrique.
Plaidoyer pour sauver et rénover une ville patrimoine
C’est tout cet actif à la fois historique, politique, intellectuel qui a valu à Ndar/Saint-Louis d’être inscrite au patrimoine mondial de L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). C’est avec une fierté légitime qu’elle revendique de compter comme partie intégrante de cet ensemble de sites naturels et culturels auxquels est reconnue une valeur universelle exceptionnelle et qui font l’objet d’une protection particulière. Cette « ville amphibie », «site improbable…aujourd’hui menacé, entre mer et rivières, avec vue imprenable sur l’infini, avec, sur plusieurs kilomètres, le fleuve Sénégal qui frôle la côte sans se décider à rejoindre l’Atlantique, faisant sa coquette comme le paon fait la roue. » (F. Dia) est aujourd’hui fortement menacée. Ville en péril, Ndar/Saint louis est une ville à sauver, une cité à rebâtir, un nouveau récit urbain à écrire et à narrer. Ndar/St Louis est au bord de l’infarctus. Un acte politique irréfléchi a été posé en 2003 par les autorités politiques qui ont ouvert un canal à l’embouchure du fleuve Sénégal.
Depuis, St Louis n’arrête pas d’enregistrer des naufragés de barques chavirées et de pirogues arraisonnées sur les côtes mauritaniennes et d’égrener le nombre de ses enfants partis à Barça pour ne plus jamais revenir. Les activités de pêche et de tourisme sont fortement perturbées. Ndar est en urgence vitale, elle risque d’être engloutie par cette brèche, véritable désastre écologique. Ndar/Saint Louis est devenue, au fil des ans, une cité brouillonne, désordonnée et désarticulée, perdant de son lustre avec des bâtiments en ruine, économiquement exsangue. Saint Louis, ville orpheline, déboitée de son hinterland du Walo, abandonnée par la puissance publique, désertée par ses fils, a surtout besoin d’un plan d’urgence de sauvetage, de rénovation et de reconstruction. Avec l’avènement du pétrole « off shore » sur ses côtes, Saint Louis suscite beaucoup d’appétence pour les nostalgiques de la période coloniale et aussi pour de nouveaux aventuriers.
Pourtant Ndar/Saint n’est ni à reconquérir ni à vendre. Sauver Ndar/St Louis c’est avant tout, appeler à de larges et démocratiques délibérations citoyennes pour définir les priorités du moment et les inscrire dans une vision éclairée de son avenir, prenant en compte son hinterland. C’est dans ce cadre seulement, qu’il faudrait décider du sort à réserver à la statue Faidherbe, au même titre que des autres formes de représentation de la période coloniale dans l’espace public. Aucune figure nationale, quelque prestigieuse soit-elle au plan religieux ou au plan historique, ne peut s’imposer à Ndar / Saint Louis, sans que les citoyennes en délibèrent démocratiquement. A la vérité, Ndar/ St Louis ne souffre pas d’héros. D’éminentes figures emblématiques ont marqué l’histoire de la vieille ville qui a produit des fils valeureux, d’éminents intellectuels, de cadis, de résistants, de sportifs et d’artistes. Ils ont fait rayonner la cité en Afrique et dans le Monde. Ndar/St-Louis, est un concentré de mémoires qui porte un riche patrimoine à valeurs historiques, architecturales, culturelles, esthétiques (J.P.Dozon). Toute décision la concernant devra considérer hautement sa vocation de ville d’échanges intellectuels et culturels et aussi sa vocation de ville patrimoine d’histoire « l’expression muette marquée au marbre de la trajectoire d’une nation, ses joies, ses peines, sa vie, sa mort, sa survie, son existence, sa gloire, ses doutes, son espoir, son espérance ? » El haj Gora W. Ndoye(www.seneplus.com)
Rompre effectivement avec le modèle colonial
Le débat actuel sur les symboles de la période coloniale, 60 ans après les indépendances octroyées, montre à suffisance que la page coloniale n’a pas encore été complétement tournée. Il témoigne de l’exigence de parachever le processus de décolonisation et de rompre avec le modèle perpétué par une élite politique nationale intéressée au statu quo. La volonté légitime de mettre fin à la « désinvolture mémorielle » se focalise sur les stèles représentant des figures marquantes de la colonisation, proposées à la démolition. Mais ces monuments publics ne sont que la partie la plus visible de la continuité coloniale, si prégnante dans la vie politique, économique, culturelle et sécuritaire de notre pays. Cette continuité du modèle colonial marque encore les politiques publiques. Nombre d’actes et d’orientations politiques de l’époque coloniale ont survécu aux indépendances accordées en 1960. S’agissant, par exemple du nom de la ville de Saint Louis, D. Samb (Esquisses africaines, Ed Harmattan), rapporte que c’est sûrement le maire colon Blaise Dumont (1856 1872) qui a donné le nom Saint Louis comme pour débaptiser une ville qui portait déjà le nom de Ndar. L’administration sénégalaise post indépendance, n’a eu mieux à faire que de conserver et d’officialiser l’appellation coloniale, laissant aux Doomi Ndar, leur Ndar. C’est ce qui justifie légitimement l’indignation de ce compatriote, citoyen de la ville, qui s’insurge contre les autorités actuelles « qui ont préféré la continuité coloniale à la réhabilitation de notre mémoire collective ». Ces mêmes autorités sont restées sourdes lorsque des artistes, bien inspirés, avaient proposé que des statues , comme celle de Faidherbe, plutôt que d’être enfermées dans des musées, soient présentées au grand public dans une posture moins favorable, en position inclinée par exemple, dans une symbolique évocatrice de sa place dans notre mémoire. Une proposition qui avait pourtant l’avantage de garder ces pièces historiques dans l’espace public à des fins éducatives. A vrai dire, le colonialisme n’a pas laissé que des stigmates. Les plaies ouvertes par cette période sont encore vives. De la colonisation linguistique de l’élite à la prépondérance des intérêts économiques français, de la maîtrise monétaire au contrôle sécuritaire, la continuité coloniale est manifeste, elle met notre pays en position d’assujettissement aux intérêts extérieurs. Dans de multiples domaines, c’est le modèle colonial qui est encore en œuvre, hypothéquant fortement notre développement et l’avenir des générations futures. La volonté de rupture initiée au début des indépendances sous la conduite du Président Mamadou Dia a fait long feu, laissant l’armée française sur le sol national, de même que les entreprises de la Métropole, sans compter le rayonnement de la langue française au détriment des langues nationales. Un combat patriotique conséquent pour une souveraineté effective ne peut faire l’impasse sur l’interdépendance des dimensions politique, sociale, culturelle et économique de la domination néocoloniale. L’impératif de prendre les choses à la racine, c’est justement inscrire et intégrer la bataille contre les symboles dans la lutte contre la domination néocoloniale effective dans le champ politique, dans l’appareil économique, dans le dispositif d’aliénation culturelle et de dérèglement sociétal. L’histoire enseigne que les symboles n’ont jamais été des tabous pour les tenants de l’ordre néocolonial ; ils ont toujours su lâcher sur la forme pour adapter et préserver le cœur du système. Alors vigilance !
1 Ndar toute : la petite ville ; sancaba ville nouvelle, teen jigeen le puits des femmes
DES SÉRIES TÉLÉVISÉES À CONTROVERSE
Telle une colonie ronflante, des associations moralisatrices ont levé la voix pour dénoncer certaines séries télévisées. Leurs cibles sont principalement les séries «Maîtresse d’un homme marié» et, pour la dernière en date, «Infidèles»
Ces dernières années ont vu l’explosion de séries télévisées sénégalaises épousant au possible les techniques, la grammaire et le langage cinématographiques modernes. L’évolution, qui répond à un certain cran artistique, ne semble pas du goût de certains. Ces derniers constituent une partie des populations et, principalement, des organisations censeures avec l’Ong Jamra à la tête. Ils provoquent et alimentent une polémique qui veut dessiner ces productions audiovisuelles comme des canaux de perversion qui méprise le principe de l’ellipse d’ordre social. Un argument que trouvent léger certains téléspectateurs et des acteurs culturels.
Telle une colonie ronflante, des associations moralisatrices ont levé la voix pour dénoncer certaines séries télévisées. Leurs cibles sont principalement les séries «Maîtresse d’un homme marié» et, pour la dernière en date, «Infidèles». La levée est principalement menée par l’Ong Jamra, à travers la voix de son vice-président Mame Makhtar Guèye dont le visage s’est finalement jumelé à cet assaut moraliste. Il accuse les séries incriminées de mener la jeunesse vers les venelles de la perversité et de menacer le legs vertueux des pieux devanciers. Durant la première saison de «Maîtresse d’un homme marié», Mame Makhtar Guèye avait dirigé l’offensive qui avait conduit Halima Gadji, actrice principale de la série, et l’équipe réalisatrice au prétoire du Cnra. L’actrice, Marème Dial dans la fiction, était accusée d’être «dévergondée et grossière». Au terme des conciliabules, l’Ong Jamra avait mis de l’eau dans son bissap, pardonné à l’irrévérencieuse et même dit être disponible pour aider dans la rédaction d’un scénario plus convenable au bon cadre social. Mais ce n’était qu’un court répit, avant que les vieilles habitudes de la création artistique cousue de liberté et d’audace n’émergent encore à la surface. Parmi celles-ci «Infidèles», série produite par Even Prod mais qui n’a pas bénéficié de délai. Après la diffusion du premier épisode, Mame Makhtar Guèye dégaine à boulets rouges et offre par-là une bonne promotion au produit audiovisuel. La polémique glisse sur les réseaux sociaux et la rue et laisse distinguer deux camps. Ceux qui s’alignent à l’indignation de Mame Makhtar Guèye et ceux qui n’y voient rien de scandaleux et s’en délectent. Ces derniers se montrent bien nombreux, car la série, après la diffusion d’une dizaine d’épisodes sur YouTube, capitalise une moyenne de plus d’un million et demie de vues. De ces sympathisants qui ont fini par se fidéliser à «Infidèles», une bonne brochette s’est ruée sur l’Ong Jamra et son «zèle», souvent avec des arguments peu mesurés.
Ibou Guèye a également répondu aux critiques et attaques de Mame Makhtar Guèye et ses affidés. Le directeur de la maison de production Even Prod, à travers une vidéo d’une trentaine de minutes en wolof diffusée le 29 juillet, a peu caché son ahurissement. Dans un ton lucide mais ferme, le réalisateur et producteur de la série «Infidèles» affirme que ce qui l’a le plus fait mal est qu’on les ait traités de mécréants. «Quand vous touchez à la foi d’un individu, vous agressez ce qui lui est le plus cher. Ces personnalités dites religieuses ont porté de graves accusations en affirmant que nous sommes supportés par des lobbies maçonniques, que nous encourageons l’adultère, l’homosexualité, etc.», déclare Ibou Guèye, prouvant, par moments, sa bonne culture religieuse avec des références divines et prophétiques.
Dans son communiqué, l’Ong Jamra et les 48 autres plaignants indiquent qu’«Infidèles» est «une série perverse» qui «banalise ce qu’il y a de pire dans la vie normale d’un adulte (…) Le contraire de la base même de notre système social, culturel et identitaire». Une perception qui étonne Ibou Guèye dans le sens où c’est fondamentalement ce qu’il combat. «Nous faisons de la pédagogie. C’est le nerf de tous les projets de «Even Prod». Ils sont tous pour créer un bouleversement qui va vers la perfection. Nous n’avons pas dérogé concernant «Infidèles», explique le réalisateur et producteur. «Nous avons ce scénario car nous pensons qu’il faut briser les tabous et heurter les sensibilités pour créer le déclic. C’est la méthode indiquée pour présenter l’évidence au public et les amener à distinguer le mal», poursuit-il. Des arguments qui ne convainquent vraisemblablement pas Mame Makhtar Guèye et sa ligue, qui, une semaine après, continuent de croire que la série télévisée révèle de «minables mimétismes de sous cultures occidentales qui inculquent subtilement à nos enfants des comportements déviants». Le communiqué vise en plus les séries «Reewolen sakh», même si toute la virulence a été servie à «Infidèles».
Malgré cette position et l’arbitrage du Cnra, Ibou Guèye «défie quiconque de sortir des propos obscènes de la série». Selon lui, il a avec son équipe dépouillé les dialogues du mieux possible et fortement privilégié le second degré. Aucun secret d’alcôves n’y serait trahi. Il précise bien qu’aucune séquence n’est anodine, quoiqu’elle puisse paraître sous certains tableaux, et contient au bout de chacune d’elle une pédagogie. En visionnant bien les scènes incriminées, toutes débouchent sur une leçon de morale ou une fin peu glorieuse pour marquer le malheur et le sacrilège de l’acte. Il y a également le personnage de Ousmane Ridial, un homme vertueux qui débite à longueur de scènes des recommandations religieuses et éthiques, et déjouent à chaque fois les entourloupettes des nymphes. En streaming, où on en est au 18ème épisode, les amateurs de pervers et de chair disent leur déception de ne plus voir la face vicieuse de la médaille. Ce qui donne raison à Ibou Guèye et certains défenseurs qui estiment que Jamra va vite en besogne. Selon le réalisateur, il fallait attendre cette étape d’éducation car c’est le propos de la série et tout ce qu’il faut retenir au final.