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26 avril 2025
Culture
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VACHES MAIGRES DES GUIDES TOURISTIQUES
À Ngor, la saison hivernale rime avec baisse d’activité pour les guides touristiques et les commerçants. Entre rareté des touristes, absence de réglementation et méfiance de certains visiteurs, ces acteurs du secteur peinent à maintenir leurs revenus.
À Ngor, la saison hivernale rime avec baisse d’activité pour les guides touristiques et les commerçants. Entre rareté des touristes, absence de réglementation et méfiance de certains visiteurs, ces acteurs du secteur peinent à maintenir leurs revenus. Ils interpellent les autorités pour une meilleure structuration de leur métier.
La saison hivernale est une période difficile pour les guides touristiques de Ngor, dont l’activité subit un net ralentissement. "Les touristes viennent surtout en été, mais en ce moment, ils se font rares", explique Mor, guide et courtier. Cette situation rend leur travail encore plus précaire et accentue les difficultés du secteur.
En plus de la faible affluence, ces guides font face à plusieurs défis. Leur activité, souvent informelle, souffre d’un manque de reconnaissance officielle et de formation adéquate. "Nous proposons nos services aux touristes et, s’ils acceptent, nous commençons directement", souligne Mor. L’absence de réglementation entraîne également un manque de tarification fixe. "Le paiement dépend du bon vouloir du client. Parfois, ils ne paient pas bien, mais nous sommes obligés de faire avec", confie Latyr Ndiaye, un autre guide.
Les préjugés compliquent également leur travail. "On raconte aux touristes qu’il y a des voleurs ici, alors que c’est totalement faux", déplore Mor. Cette méfiance éloigne une partie de la clientèle étrangère et réduit davantage leurs opportunités.
La situation est similaire pour les vendeurs installés près du quai de Ngor, qui subissent également la baisse de fréquentation due à la saison hivernale. "Ce sont les touristes qui achètent le plus et qui paient mieux. Là où un Sénégalais dépense 3 000 F, un touriste peut aller jusqu’à 5 000 F", témoigne Mouhamed Diop, commerçant.
Face à ces difficultés, guides et commerçants appellent les autorités à mettre en place des mesures d’accompagnement pour structurer et dynamiser leur secteur, afin de garantir une meilleure reconnaissance et stabilité à leur métier.
KINÉ LAM, UNE VOIX QUI TRANSCENDE LES ÉPOQUES
Ses mélodies envoûtantes ont traversé les générations, portant l'héritage des griots dans un style fusionnant tradition et modernité. Son parcours, de la troupe théâtrale scolaire aux scènes internationales, témoigne d'un talent inné
Elle a toujours chanté. C’est tout ce qu’elle sait faire d’ailleurs. Elle a toujours subjugué, submergé et transmis des ondes de frissons et des palettes de réflexions à beaucoup de générations. L’artiste sénégalaise Kiné Lam est une muse, une fée de la musique africaine. 50 ans de mélodies, de leçons et de poésie, l’éternelle amoureuse de feu son mari Ndongo Thiam a bercé le Sénégal et la sous-région. Son œuvre est un creuset de mémoire, de fragments d’histoires et une manne culturelle.
Il y a quelques mois, le groupe de recherche sur les expressions culturelles contemporaines (Gre2C) et le laboratoire de Littératures et civilisations africaines de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar ont consacré une large journée d’étude à l’œuvre de l’immense chanteuse sénégalaise Kiné Lam. Ce n’est pas étonnant, mais un peu tard. Mais, il vaut mieux tard que jamais n’est-ce pas ? Voilà maintenant que son œuvre est devenue un objet de réflexion. Kiné, née Fatou Lam est cette voix qui s’élève, cette étoile filante fendant la nuit du Sénégal. Sa musique est un souffle d’Afrique, un chant ancien porté par les vents, glissant sur les rives dorées du temps, où le passé et le présent se rejoignent dans une danse éternelle. Sa voix, douce et puissante à la fois, est un ruisseau sinueux serpentant entre les pierres de la mémoire. Elle chuchote des secrets d’antan, puis hurle des vérités profondes comme des vagues frappant les falaises d’une île lointaine. Elle caresse l’air de sa tendre douceur, avant de s’enflammer, de devenir flamme et brasier, emportant l’auditeur dans un tourbillon d’émotions. Comme un poème, elle déploie ses courbes, ses silences, ses éclats, où chaque mot qu’elle chante devient une étoile scintillante dans le ciel d’un univers inconnu.
Prémices d’une belle carrière
Les instruments qui l’accompagnent sont des complices de son voyage. Les percussions, battements d’âme, comme des coups de cœur, frappent l’air avec une énergie primitive, incantatoire, faisant naître des frissons sur la peau. Le sabar, tel un tambour de guerre, fait vibrer les profondeurs de l’univers, tandis que le xalam, tendu comme un arc, laisse filer des mélodies légères, cristallines comme les gouttes d’une pluie d’été. « Dans ses chansons, son discours électrisant aux tonalités didactiques, épiques, dramatiques, lyriques, satiriques, etc. est enveloppé dans une mélodie rythmique qui frappe le cœur et interpelle la tête. Sa musique est entendue, sentie, écoutée avant d’être comprise », explique Dr Ibrahima Faye, spécialiste des littératures orales et civilisations africaines et chargé de recherche au département de Langues et Civilisation africaines de l’Institut fondamental Afrique noire Cheikh Anta Diop.
Sa voix est un don, sa puissance vocale un talent. Elle est donc naturellement née pour ébranler le monde tout doucement. Kiné Lam Mame Bamba, celle qui allait devenir une diva incontestée de la musique sénégalaise, est née à l’aube de l’indépendance du Sénégal, le 8 novembre 1958, dans le quartier populaire de Grand-Dakar. Issue de Mbaye Lam et de Khady Samb, tous deux de lignée griotte, Kiné fait ses premières humanités à l’école primaire Waagu Niaay 2, avant de poursuivre à Guédiawaye où il a eu son Certificat de Fin d’Études Élémentaires et réussi son examen d’entrée en Sixième, après le déménagement de ses parents. En 1972, elle accède ainsi au Lycée Canada, actuel collège Cheikh Anta Mbacké à Pikine. C’est dans cet établissement que l’art ouvre ses bras à Kiné Lam par le truchement de la troupe théâtrale scolaire. Elle ne chantera pas de prime abord, mais bien après. Dans ce bouillonnement artistique de la banlieue dakaroise, Kiné se découvre peu à peu. Elle commence l’aventure des chants dans les événements de luttes traditionnelles qu’elle animait, moyennant un pécule qu’elle versait à sa mère. Elle obtient alors la bénédiction de sa mère. À cet effet, la musique de Kiné Lam est devenue une rivière, fluide et inaltérable, sculptée par les tempêtes et les calmes. Elle façonne ainsi une signature vocale qui nous transporte au cœur d’un paysage vaste et sacré, sans fin. L’année 1975 sonne le glas d’une carrière d’amateur. L’éternelle amoureuse de son mari Ndongo Thiam, aujourd’hui disparu, signe sa première chanson, « Mame Bamba ». Dans une prestation au stade Iba Mar Diop, elle sera présentée par Abdoulaye Nar Samb, sous le nom Kiné Lam Mame Bamba, l’éternel nom qu’elle portera, nous renseigne Mouhamed Sow dans son podcast « L’envol de Kiné Lam ». Cette chanson est devenue un éclat de lumière dans une nuit étoilée, un éclair qui frappe sans prévenir.
Opus sur opus
Kiné Lam est une poétesse du son, une magicienne des âmes, une visionnaire qui, à travers son art, fait naître des mondes. Avec le morceau « Mame Bamba », Kiné Lam parvient à nouer un duo conjoncturel avec Ndiaga Mbaye, puis en 1977 elle connaîtra une formation de courte durée avec l’Orchestre national du Sénégal. Son talent se déploie ainsi, largement. Elle tape dans l’œil du directeur du Théâtre national Daniel Sorano de l’époque, neveu du président Senghor de surcroît, Maurice Sonar Senghor. Ce dernier exige qu’elle soit auditionnée. Cette audition sera soldée par une réussite totale devant Annette Mbaye d’Erneville, Samba Diabaré Samb et d’autres illustres figures culturelles de cette époque. Elle devient membre à part entière de l’Ensemble lyrique traditionnel de Sorano en 1978. C’est en 1982 qu’elle enregistre sa première cassette, avec le Super Etoile de Dakar, à son nom. Dans la foulée, elle continue son cheminement artistique avec l’Ensemble lyrique traditionnel. L’année 1989 sera marquée par la sortie de son deuxième album « Cheikh Anta Mbacké », produit par Ibrahima Sylla au studio Jbz à Abidjan avec des musiciens comme Boncana Maïga et Abdou Mbacké du Super Jamono qui a assuré les arrangements. Dans cet album, le titre « Dogo », consacré à son mari Ndongo Thiam, avec qui elle s’est mariée à l’âge de 19 ans, devient un hymne de l’amour qui traverse le temps et devient, si on peut dire, l’œuvre de sa vie. Portée au pinacle par la réussite de son album, elle met en place son propre groupe musical : Kaggu (la bibliothèque en wolof). Une première pour une femme au Sénégal. Elle fait ainsi appel à Cheikh Tidiane Tall pour chapeauter l’orchestre avec Yahya Fall à la guitare, Ibrahima Dieng Itou à la basse, Iba Ndiaye au clavier et le duo Sibérou Mboup « Chuck Berry » et Ndiaye Samba Mboup, etc. Le Kaggu sort l’album « Balla Aïssa Boury » qui a comporté en à plus douter à la lévitation de la carrière de Kiné Lam. Ayant une notoriété indiscutable, le Kaggu renchérit avec un autre volume en 1991, « Gallass ». Dans cette production, c’est le morceau « Sëy » qui sort du lot à travers la puissance des mots et le message qu’il porte. En ce sens, Kiné Lam, à travers sa musique, est une déesse du vent, une messagère entre les mondes, une voix qui touche l’âme avec la douceur d’un souffle et la force d’un orage. Elle emporte avec elle celui qui l’écoute, le transporte au-delà du tangible, vers un univers où chaque vibration fait écho à une émotion profonde, un souvenir enfoui, un rêve partagé. Kiné et le Kaggu tourne en Europe et en Amérique. Ce cycle infernal de tournée et de concerts fait tache d’huile sur la relation entre la diva et Cheikh Tidiane Tall, nous renseigne Mouhamed Sow. Néanmoins, le groupe continue son chemin et enregistre deux autres albums dont « Touba Belel » et « Leer Gi ». Dans ce rythme harassant et la soif de produire, les deniers albums sont moins appréciés par le public, du fait de leur rapprochement avec les deux albums précédents. Le Kaggu prend alors la décision d’observer un temps de mûrissement de leur production avant de s’en attaquer à d’autres. Ils restèrent un peu plus de deux années sans sortie. Ce temps de transition leur a réussi. Ils reviennent avec un album plus abouti. L’album de 6 titres, « Noreyni » est enregistré au studio Harison à Paris.
Kine Lam et le « tradi-moderne »
Ce qui rend la musique de Kiné Lam encore plus captivante, c’est sa capacité à fusionner les sonorités traditionnelles de l’Afrique de l’Ouest avec des influences modernes. Dans chaque morceau, elle joue des lignes mélodiques qui évoquent les rythmes ancestraux, mais elle y insuffle également un souffle moderne, électrique, en phase avec les tendances musicales contemporaines. Sur la conception de Cheikh Tidiane Tall, celle que Souleymane Faye appelle « la reine du Mbalax » adopte un autre style musical qu’est le tradi-moderne. Sur ce terrain, elle sait comment ancrer sa musique dans la tradition tout en la rendant totalement contemporaine, abordable, universelle. Le mbalax, genre musical emblématique du Sénégal, est l’un des axes principaux de sa musique, mais elle l’embrasse avec une telle liberté qu’il en devient presque méconnaissable, ouvert à de multiples influences. L’album qui découle de ce concept est « Sunu Cosaan ». À ces sons organiques se mêlent parfois des basses électroniques, des synthétiseurs, des cordes électriques, créant ainsi un enchevêtrement de sons où le traditionnel se fond dans le moderne. Hélas, le métronome de ce nouveau style musical et la cantatrice se séparent. Il sera remplacé à brûle-pourpoint par Adama Faye, compositeur. Très vite, ils sortent l’album « Borom Taïf ». De l’album « Praise » qui s’en suit, en passant par « Le retour », « Cey géer », «Makkarimal Akhla », avec tous les soubresauts que sa carrière a connus, la diva n’a jamais cessé d’émouvoir le public. Le dernier album qu’elle avait commencé en 2016 avec Habib Faye est toujours suspendu dans l’attente, avec un public en déréliction qui n’attend que d’être comblé.
2 PRIX POUR LE SENEGAL ET RAZZIA DU BURKINA
Alors que le pays organisateur a trusté les prix spéciaux, le Sénégal a néanmoins pu tirer son épingle du jeu en accrochant deux bibelots pour ses réalisateurs. Ce qui n’est pas négligeable au regard de la concurrence.
Par Mame Woury Thioubou (envoyée spéciale) |
Publication 01/03/2025
Alors que le pays organisateur a trusté les prix spéciaux, le Sénégal a néanmoins pu tirer son épingle du jeu en accrochant deux bibelots pour ses réalisateurs. Ce qui n’est pas négligeable au regard de la concurrence.
Le Fespaco tire à sa fin. Et l’heure des récompenses a sonné pour les cinéastes du continent et de la diaspora, en compétition dans les différentes catégories. En attendant de connaître le lauréat de l’Etalon d’or du Yennenga, c’étaient les prix spéciaux qui étaient distribués hier. Sur les 22 prix spéciaux dont la valeur globale est de 97 millions de francs Cfa, le Sénégal repart déjà avec deux, ce qui n’était pas donné vu le grand nombre de compétiteurs. Le Prix Uemoa du court métrage documentaire est allé à Abdoul Aziz Basse pour «2002, Bataille contre l’oubli». Le court métrage de 16 minutes revient sur cette année 2002 où le Sénégal a oscillé entre l’euphorie née de sa participation à la Coupe du monde Corée-Japon et le drame effroyable du bateau Le Joola. L’ancien étudiant de l’Esav repart avec une enveloppe de 4 millions de francs Cfa. «Je ne m’y attendais vraiment pas et je dédie ce prix à mon père qui nous a quittés il n’y a pas longtemps», a déclaré le réalisateur, étreint par l’émotion.
De même, Fatimata Bathily, en compétition pour la section animation, est repartie avec le Prix du jury pour les aventures de Kady et Djudju. La série d’animation met en avant les rois et reines d’Afrique. «J’accueille ce prix avec beaucoup de fierté et énormément d’émotion. Très fière aussi du réalisateur Yankhoba Ndiemé.»
Durant cette cérémonie très attendue par les cinéastes, tous les prix étant dotés, sauf celui de la critique, le pays organisateur du Fespaco a raflé l’essentiel des prix. Entre Katanga, le long métrage du réalisateur burkinabè Dani Kouyaté, également coproduit par la société de Angèle Diabang, Karoninka, et «L’homme qui plantait des baobabs» de Michel Zongo, le pays des hommes intègres a engrangé plusieurs millions de francs Cfa pour ses cinéastes. Les deux, Michel Zongo et Dani Kouyaté, repartent avec une quarantaine de millions de francs Cfa. Le Prix de la Fédération africaine des critiques (Facc) est aussi allé à Katanga, alors que le Prix Ababacar Samb Makharam de la ville de Ouagadougou, doté de 3 millions, est allé à Lala de Oumar Sambassekou. Le Burkinabè Simplice Ganou remporte les 10 millions du Prix de la souveraineté pour son court métrage Kapital. Pour les śeries, c’est la Côte d’Ivoire qui a fait main basse sur les trophées avec Or Blanc de Johana et Cĺement Boyer Dilolo, et le premier prix remporté par Niabla de Alex Ogou
ANGELE DIABANG DANS LES PAS DE MARIAMA BA
Dans la section «Perspective» du Fespaco, le premier long métrage fiction de Angèle Diabang est en compétition officielle. C’est ce mercredi à Pissy que la première projection du film a eu lieu.
Mame Woury Thioubou (Envoyée spéciale à Ouagadougou) |
Publication 28/02/2025
Dans la section «Perspective» du Fespaco, le premier long métrage fiction de Angèle Diabang est en compétition officielle. C’est ce mercredi à Pissy que la première projection du film a eu lieu.
Des générations d’écoliers ont lu l’ouvrage. Daraay kocc l’a figé au théâtre. Désormais, les spectateurs des salles obscures aussi le verront à l’écran. La longue lettre de Ramatoulaye à Aïssatou a été portée à l’écran par Angèle Diabang. En compétition dans la section «Perspective» de la 29e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), le film a été présenté ce mercredi à Pissy. Dans la salle, des larmes et de l’émotion. Surtout pour la réalisatrice et son actrice principale, Amélie Mbaye. Il faut dire que Angèle Diabang porte ce film depuis douze longues années.
Au moment de recevoir une standing ovation, c’est une réalisatrice en larmes qui se présentera devant son public. «J’ai envie de dire que je suis soulagée. Les autres jours, j’étais stressée, mais ce matin, je me suis réveillée en forme. Je me suis dit, quoi qu’il se passe, je l’ai fini, j’ai tenu. Et c’est ce qui est le plus important», confie Angèle Diabang. Une si longue lettre raconte l’amitié fusionnelle entre Ramatoulaye et Aïssatou. Mariée à Modou depuis 25 ans, Ramatoulaye tombe des nues quand elle découvre que son mari a épousé la meilleure amie de sa fille. Mais en choisissant de rester, elle prend une décision que son amie Aïssatou, elle, a refusé de prendre. Elle a choisi de mettre fin à son mariage quand son mari, meilleur ami de Modou, a décidé de prendre pour épouse l’homonyme de sa mère. «C’est un livre qui a été écrit en 1979 mais que je trouve encore très actuel. Tout ce qui se passe dans le livre, on a l’impression que ça se passe aujourd’hui», réagit la réalisatrice. Et les réactions de la salle le montrent à souhait. Entre rires, tristesse et jubilation, le film est servi par le jeu d’un casting de haute facture.
Amélie Mbaye, impériale, campe une Ramatoulaye résiliente et conquérante. «Ils pensaient pouvoir contrôler mon destin. Plus jamais !», dit-elle à sa fille Daba. Tout au long du film, elle distille des références à des figures féminines majeures comme Aline Sitoé Diatta, Safi Faye et Annette Mbaye d’Erneville, enseignées aux jeunes élèves. Mais surtout, le film présente ce modèle de sororité entre deux femmes qui se soutiennent. «Je voudrais rendre hommage à ma défunte collègue Reine Marie Faye qui a lu ce texte il y a 35 ans et que j’ai présenté à la Rts. J’espérais que le jour où il serait sur grand écran, je serais Ramatoulaye», confie la comédienne Amélie Mbaye.
Force et résilience des femmes
«Ce que je voudrais qu’on retienne, c’est la force des femmes. Quand les femmes sont ensemble, cette sororité permet de relever tous les défis du monde», souligne Angèle Diabang. Servie par une direction d’image de haute facture, la réalisatrice arrive à installer le spectateur dans l’intimité des personnages. Les émotions bien captées font de ce film une plongée en apnée dans la société sénégalaise, dans ses hypocrisies, dans ses règles et normes de vie. «Il y a des thématiques très fortes : la polygamie bien sûr, mais aussi l’amitié entre Ramatoulaye et Aïssatou. Je ne pense pas que ce film soit un procès contre la polygamie. Il y a aussi l’éducation des femmes, parce que la petite fille tombe enceinte et on lui permet de continuer ses études. Une si longue lettre dépeint les règles socioculturelles de la société sénégalaise. Il montre que la polygamie à des conséquences sur tout le monde», assure la réalisatrice.
Dans le premier rôle masculin, Serge Abessolo offre également un jeu plein de justesse. «La première chose que j’ai faite, c’est de racheter le livre pour bien comprendre l’histoire. Ensuite, j’ai étudié la psychologie des personnages. Et ça m’a permis de bien travailler ce rôle», témoigne l’acteur gabonais, également directeur de l’Institut gabonais de l’image et du son (Igis).
Après 12 ans de travail, le soulagement est visible pour la réalisatrice qui a porté ce projet à bout de bras. «Je suis déjà contente de finir ce film qui était une très longue marche de 12 ans. A chaque fois que c’était difficile, il fallait trouver le moyen d’avancer. J’ai pu finaliser grâce à un soutien de l’Etat du Sénégal et des partenaires», souligne la réalisatrice. Journaliste espagnole installée au Sénégal depuis des années, Laura Féal a «beaucoup aimé le film». «C’est un ouvrage qui a marqué beaucoup de générations au Sénégal et dont la lecture est obligatoire à l’école. C’est un acquis important sur la réflexion sur la situation de la femme au Sénégal. Et le fait de mettre à l’écran cette pièce de la littérature africaine et féminine, c’est le moyen d’arriver à toucher un public beaucoup plus large, d’autant que le sujet est toujours d’actualité», assure-t-elle à la sortie de la projection. Au bout, l’espoir de la réalisatrice est aussi de ramener les gens vers la lecture. «Aujourd’hui, on ne lit plus beaucoup, mais si un spectateur sort de la salle et se dit «je vais relire le livre», alors j’aurai gagné», souligne Angèle Diabang.
L’AFRIQUE EST EN MARCHE...
Palabres avec…Mahi Binebine Peintre, écrivain - De Marrakech à Paris, en passant par New York, son œuvre navigue entre les mondes, toujours en quête d’un langage sincère et percutant
Propos recueillis par Babacar Korjo Ndiaye |
Publication 28/02/2025
Peintre, écrivain, engagé auprès des enfants des quartiers populaires, Mahi Binebine incarne un art multiple, entre récit et couleurs, entre rationalité et instinct. De Marrakech à Paris, en passant par New York, son œuvre navigue entre les mondes, toujours en quête d’un langage sincère et percutant. Auteur d’une douzaine de romans traduits en plusieurs langues, dont « Les étoiles de Sidi Moumen », adapté au cinéma sous le titre « Les chevaux de Dieu », il conjugue son travail de création avec un engagement social fort à travers les centres culturels « Les Étoiles ». Dans cet entretien, il revient sur son parcours, sa vision de l’art comme espace de résistance, et partage son regard sur la scène culturelle africaine contemporaine.
Votre parcours est marqué par des allers retours entre des univers très différents: les mathématiques, la littérature, la peinture, entre Paris, New York et Marrakech. Comment ces expériences multiples façonnent-elles votre rapport à la création ?
J’ai une discipline toute militaire. J’écris le matin entre 8 et 13 heures. Et je passe l’après-midi dans mon atelier. Il va sans dire que les scènes du roman influencent ma peinture. Cependant, les deux médiums sont complémentaires. Il y a une rationalité dans l’écris qui n’est pas forcément nécessaire en peinture. Le roman exige une construction claire du récit, logique, précise, même s’il y a des envolées lyriques, des digressions poétiques, des échappées. La peinture, en revanche, du moins la mienne, vogue dans l’irrationnel… l’âme directement ouverte à tous les démons. Les plaisirs sont différents.
En littérature, tout commence par une idée maîtresse mais pour le reste, je ne sais absolument pas où vont me conduire mes personnages avec lesquels j’entretiens de bons rapports. Nous nous respectons mutuellement. Nous négocions l’espace qui sera imparti à chacun. Parfois, je mène la danse, parfois, c’est l’inverse. Mais à la fin, il y a toujours un miracle ! Je viens de finir « La nuit nous emportera », un roman sur ma mère. Autant dire que la peinture qui en découle représente des silhouettes allongées sur des clous… comme des fakirs. Quant aux mathématiques, mes premières amours, (j’ai été prof pendant huit ans à Paris) sont à la base de tout : autant dans l’architecture d’un récit que dans l’équilibre d’une œuvre plastique.
Paris, New York ou Marrakech ont peu d’influence sur ma création qui reste éminemment un processus intérieur.
Dans Les étoiles de Sidi Moumen, vous explorez les racines de la radicalisation à travers l’histoire poignante de jeunes de quartiers défavorisés. Pensez-vous que la littérature peut encore être un rempart contre les fractures sociales et les dérives identitaires ?
Dans mon cas, je peux répondre par l’affirmative. Mon roman « Les étoiles de Sidi Moumen » a été adapté au cinéma par le réalisateur Nabil Ayouch sous le titre « Les chevaux de Dieu » Le livre et le film ont été de vrais succès. Comme nous avions gagné beaucoup d’argent sur la misère, nous avions décidé d’en rendre une partie aux enfants du bidonville. Nous y avons alors créé le premier centre culturel. Depuis lors, sept autres centres ont vu le jour dans des zones défavorisés. Chacun accueille mille enfants. Voyez-vous, il n’y a pas de solution miracle pour émanciper un peuple : éduquer les jeunes. Leur apprendre la culture de la vie… quand d’autres, et ils sont là, embusqués, prônent celle de la mort.
Vos œuvres, qu’elles soient littéraires ou picturales, portent souvent un regard critique sur les réalités politiques et sociales du Maroc et au-delà. Comment conciliez-vous l’engagement de l’artiste et la nécessité de préserver une certaine liberté créative ?
Je ne suis pas adepte de la littérature militante. Les professionnels de l’indignation m’ennuient profondément. Cela dit, on n’a pas le temps de se gratter le nombril ici en Afrique. Bien que je me sente investi d’une mission donquichottesque de redresseur de tort, comme beaucoup d’écrivains de chez nous, je laisse une part belle à l’imagination, aux rêveries…
À travers la Fondation Ali Zaoua et les centres “Les Étoiles”, vous œuvrez pour offrir des espaces d’expression aux enfants de la rue. Quel rôle l’art peut-il jouer dans la reconstruction des vies brisées et dans la transmission d’un héritage culturel ?
Dans le dernier film de Nabil Ayouch, « Haut et fort » tourné dans l’un de nos centres avec nos enfants qu’on appelle « les étoiles », je me suis déplacé à Cannes uniquement pour les voir monter les marches du palais des festivals. Ils ne savaient pas que j’étais dans la salle. En m’apercevant, ils ont fait la queue pour m’embrasser l’un après l’autre. Leurs yeux brillaient comme les miens… cela n’a pas de prix.
Vos romans sont traduits en plusieurs langues, vos toiles exposées à travers le monde, mais vous avez choisi de revenir vivre et créer à Marrakech. Qu’est-ce que cette ville représente pour vous en tant qu’homme et en tant qu’artiste ?
J’ai vécu plus de 5 ans à New York et dix-sept ans à Paris où je comptais élever mes trois filles. En 2002, j’ai vu JM Le Pen accéder au deuxième tour de l’élection présidentielle. Alors, j’ai décidé immédiatement de rentrer au pays. Il était hors de question de vivre dans un endroit où je n’étais pas le bienvenu. Récemment intronisé, le roi Mohamed VI montrait des signes d’ouverture démocratique… alors j’ai tenté l’aventure du retour. Et je ne le regrette pas. Mes livres sont étudiés dans les universités et ma peinture me permet de vivre décemment.
En tant qu’artiste et écrivain profondément ancré dans la réalité marocaine, quel regard portez-vous sur la scène littéraire et artistique africaine contemporaine, notamment au Sénégal, où des voix émergentes questionnent les héritages, les identités et les résistances ?
L’engouement pour l’art contemporain semble s’installer dans notre paysage de façon pérenne. L’art plastique en Afrique, même s’il est jeune, n’a rien à envier à l’art occidental. La foire annuelle d’art 1-54 à Marrakech en témoigne. Mais aussi et surtout la biennale de Dakar à laquelle j’ai eu le privilège d’assister cette année. Une foire d’une qualité exceptionnelle. Il y a une génération d’artistes formés aux écoles des beaux-arts africaines, arabes mais aussi d’Europe. Ils sont peintres, sculpteurs, graveurs, designers, photographes, vidéastes, animés par un vrai désir de liberté, détruisant sans complexe les limites matérielles de la peinture, purifiant son langage jusqu’à l’extrême, narguant l’expression esthétique convenue et ses codes. Ils emploient tous les procédés possibles et imaginables que leur offre le progrès techniques du nouveau siècle.
Je tire un grand orgueil d’avoir offert cette année une œuvre monumentale au musée historique de Gorée. Si les politiques envisagent de construire l’Afrique, ce sont les artistes qui la feront.
Avec des amis, Fatimata Wane Sagna, Hanane Saïdi et Younes Ajarraï, nous avons créé le festival de littérature africaine de Marrakech (FLAM). La troisième édition vient de s’achever. Nous accueillons chaque année une quarantaine d’auteurs africains ou afro-descendants. Vous seriez surpris d’écouter les discours des écrivains. L’Afrique est en train de prendre conscience de ses potentialités. Elle est en marche…
LE PRESIDENT FAYE INAUGURE UN MUSEE DEDIE A MOHAMED ET A LA CIVILISATION ISLAMIQUE
“Première du genre en Afrique de l’Ouest, cet ouvrage nous offre une vision complète de la vie du prophète Mohamed (PSL), réalisée avec des moyens d’exposition modernes et des technologies avancées”, a déclaré le chef de l’État,
Le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, a inauguré, jeudi, le musée international du prophète Muhammad (PSL) et de la civilisation islamique, a constaté l’APS. “Première du genre en Afrique de l’Ouest, cet ouvrage nous offre une vision complète de la vie du prophète Mohamed (PSL), réalisée avec des moyens d’exposition modernes et des technologies avancées”, a déclaré le chef de l’État, à l’occasion de la cérémonie d’inauguration au Musée des civilisations noires de Dakar (MCN).
Selon le président Faye, “l’inauguration de ce musée consacré à la biographie du prophète Mohamed (PSL) est la réaffirmation de l’ancrage de notre pays dans les valeurs prônées par l’islam”. Au fil des générations, a-t-il rappelé, “des érudits et des savants, venus de chez nous, ont produit et inscrit dans la postérité des ouvrages sur la vie et l’œuvre du prophète (PSL), qui font autorité dans la communauté islamique mondiale”. Il a souligné, à ce propos, qu’il est “remarquable que des compatriotes sénégalais aient pu, à leur époque, accéder à des sources parfois rares pour approfondir leurs recherches et offrir à la postérité des éclairages précieux sur les enseignements de notre prophète”. Il note que grâce à “ce riche héritage, les séquences de la vie du prophète (PSL) sont connues des Sénégalais abreuvés aux sources de nos anciens”.
Le chef de l’État a rappelé que le Sénégal, “terre de croyance, de tolérance religieuse, a toujours été, depuis des siècles, un niveau de stabilité où l’amour porté au prophète, se transmet de génération en génération et forge une part fondamentale de notre identité”. “Cet héritage, nous avons le devoir de l’entretenir, de le sauvegarder, de le partager avec toute l’humanité islamique et même au-delà”, a-t-il dit.
Bassirou Diomaye Faye a toutefois relevé que “nous sommes à une époque où les centres d’enseignement islamique, les daaras, ne sont pas accessibles à tous pour y étudier la vie du prophète (PSL) et l’histoire de l’implantation de l’islam et de sa dissémination à travers le monde”. C’est tout le sens, dit-il, de l’inauguration de ce musée consacré au prophète Mouhammad, à sa famille, à son séjour sur notre terre, “un moment solennel et historique dont la finalité est de contribuer à la vulgarisation chez le grand public de l’histoire de cet élu de Dieu comme le modèle accompli”. Construite sur l’esplanade du musée des civilisations noires de Dakar, cette œuvre culturelle et civilisationnelle fondée sur le Saint-Coran et la Sunna, a été réalisé grâce à l’appui du royaume d’Arabie Saoudite.
Les installations à l’intérieur rendent compte des événements historiques de l’islam et offrent aux visiteurs, l’occasion de faire un voyage dans le temps, de se transporter 14 siècles en arrière. Elles permettent ainsi de se mouvoir virtuellement à travers les rues de La Mecque et de Médine, reconstituées en trois dimensions et animées par les outils technologiques les plus modernes. Construit avec un système numérique et des outils technologiques avancés, on y retrouve des séquences qui unissent la relation du prophète Mouhammad aux enfants, aux êtres vivants, aux autres espèces et à l’environnement, ainsi qu’une description détaillée de ses appartements et de ses lieux de vie. Le musée, riche de plus de 330 ouvrages et encyclopédies basés exclusivement sur le Coran et les Hadiths, a été conçu par des personnalités scientifiques musulmanes réputées.
Le projet a été validé par plus d’un millier de savants à travers le monde, notamment des élus du Royaume d’Arabie Saoudite, de l’Université Al-Azhar Al-Sharif, ainsi que d’éminents savants du Sénégal et de la Mauritanie, des Oulémas du Maroc et de plusieurs autres savants du continent africain. Les matériaux ont été traduits et approuvés par l’Université Al-Azhar d’Égypte et les documents ont également été traduits en wolof.
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BARRY ET BATHILY ONT RÉHABILITÉ L’AFRIQUE
Diallo Diop salue l’hommage rendu à Abdoulaye Bathily et Boubacar Barry, du 20 au 22 février à l’UCAD, pour leur contribution à la réhabilitation de l’histoire de l’Afrique, et apprécie la tendance de l’UCAD désormais à célébrer ses acteurs de leur vivant
Le département d’histoire de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar a célébré, du 20 au 22 février 2025, à travers un colloque riche en contenu, deux de ses illustres devanciers : Abdoulaye Bathily et Boubacar Barry, deux historiens et enseignants-chercheurs de renom issus dudit département. Une reconaissance antéhum alors que traditonnellement d'émminentes personnalités chez nous sont célébrées à titre posthume.
Ce fut l’occasion d’exposer et de discuter les travaux de ces deux universitaires, car habituellement, comme le souligne le Dr Diallo Diop dans cette interview accordée en exclusivité à SenePlus en marge de ce colloque, les travaux des anciens sont peu connus des étudiants, à l’exception de ceux qui entament le 3e cycle et qui entrent en contact avec la pensée de leurs maîtres afin de nourrir leurs projets de recherche.
Ce qui vaut aux professeurs Abdoulaye Bathily et Boubacar Barry cet hommage-colloque de trois jours, c’est leur immense contribution à la production des savoirs sur le continent, notamment sur les anciens royaumes de l’Afrique de l’Ouest. Toute chose qui permet de savoir qui l’on est pour mieux se projeter vers ce que l’on aspire à devenir dans le futur.
Ainsi, le Dr Diallo Diop s’est félicité de cet hommage rendu à ces chercheurs de leur vivant, car ils le méritent amplement pour ce qu’ils ont apporté à l’Afrique. Un hommage qui contraste avec le sort réservé au parrain de l’université, l’éminent professeur Cheikh Anta Diop, un savant au savoir encyclopédique qui n’a été célébré pour la première fois qu’une décennie après sa disparition.
Tout compte fait, le Dr Diallo Diop salue cette nouvelle tendance de l’université Cheikh Anta Diop à célébrer, de leur vivant, des personnalités qui marquent l’histoire. Car la pratique habituelle consiste à rendre des hommages posthumes a des personnalités.
Fervent disciple de Cheikh Anta Diop, Diallo Diop souhaiterait d’ailleurs que la pensée de son mentor soit enseignée dès le préscolaire et jusqu’au supérieur. Toutefois, selon lui, la meilleure manière de lui rendre hommage est de reconnaître la valeur inestimable de son apport à l’Afrique et au monde, afin que le continent puisse lui témoigner sa reconnaissance.
Cheikh Anta, d’ailleurs, n’aurait même pas eu besoin de célébration, selon M. Diop, qui l’a connu et côtoyé en tant que militant du parti qu’il a fondé, le Rassemblement national démocratique (RND), désormais dissous dans le Parti des patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF, au pouvoir).
UN PLAIDOYER POUR LA PRESERVATION DE NOTRE PATRIMOINE CULTUREL
Le FESPACO 2025 se déroule du 22 février au 1er mars, à Ouagadougou. Il offre une plateforme unique pour célébrer le cinéma africain et ses acteurs, tout en rendant hommage aux figures historiques qui ont marqué son évolution.
La 29e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) a été marquée par la présence de personnalités emblématiques du monde culturel africain dont Mouhamed Abdalah Ly, Directeur général du Musée des Civilisations Noires (MCN) de Dakar, et le fils d’Ousmane Sembène, le légendaire cinéaste sénégalais. Ils ont fait un plaidoyer pour la préservation de notre patrimoine culturel qui va permettre d’inspirer les générations de cinéastes et les spectateurs à travers le continent. Les quartiers de Ouaga sont en train de vibrer avec le Cinéma numérique ambulant (CNA).
Le Cinéma numérique ambulant (CNA) participe activement à la 29e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), avec une initiative innovante intitulée : «FESPACO hors les murs». Ce projet permet de toucher les cinéphiles directement dans leurs quartiers, leur offrant ainsi une immersion dans la fête du cinéma africain.
Lors d’une conférence de presse tenue, lundi 24 février 2025, à Ouagadougou, les organisateurs ont détaillé les objectifs de cette initiative. «FESPACO hors les murs» vise à rendre accessible la biennale du cinéma africain à des populations qui, autrement, n’auraient pas l’occasion d’y participer pleinement.
Wendlassida Ouédraogo, coordonnateur du CNA, a expliqué que «Le CNA est présent avec un ensemble d’activités. Nous sommes déjà sur l’un de nos sites de projection, ici, au Jardin de la musique, qui nous accueille cette année. Nous sommes heureux de cohabiter avec l’équipe de Vis-à-vis et Salif Sanfo, qui a redonné une autre vie à cet espace. En plus de ce site, nous avons cinq autres sites répartis dans la ville de Ouagadougou». Les sites de projection incluent Saaba (Ciné Parc Académie), l’espace Bouliam à Tampoui, le site des déplacés internes à Panzani, la cité universitaire de Kossodo et le marché de Bassinko. «Ce sont ces six sites où nous communions avec la population, c’està-dire où nous rendons accessible le cinéma d’Afrique dans le cadre du ‘’FESPACO hors les murs’’, que nous avons initié avec la délégation générale du FESPACO et le soutien du ministère de la Culture et de l’UNICEF», a ajouté M. Ouédraogo.
Une soirée spéciale est prévue dans le quartier Ouidi, au cœur de Ouagadougou. Au programme : des prestations musicales avec Flora Paré, un spectacle d’humour et de marionnettes, ainsi qu’une pièce de théâtre proposée par la Fédération du Cartel. Une douzaine de films classiques du cinéma africain seront projetés sur l’ensemble des sites, accompagnés de films de l’UNICEF sensibilisant aux droits des enfants et à la protection de la mère et de l’enfant.
LA PRESENCE REMARQUEE DE MOUHAMED ABDALAH LY ET DU FILS D’OUSMANE SEMBENE
Cette édition 2025 du FESPACO a également été marquée par la présence de personnalités emblématiques du monde culturel africain. Mouhamed Abdalah Ly, Directeur général du Musée des civilisations noires (MCN) de Dakar, a honoré de sa présence cette fête du cinéma africain. Dans une brève allocution, il a souligné l’importance de telles initiatives pour la promotion et la préservation du patrimoine cinématographique africain. «Le cinéma est un outil puissant pour raconter nos histoires, préserver notre mémoire collective et inspirer les générations futures», at-il déclaré.
Autre invité de marque, le fils du légendaire cinéaste sénégalais Ousmane Sembène, un des pionniers du cinéma africain, a également assisté aux projections et aux débats. Il a rappelé l’héritage de son père, dont les œuvres continuent d’inspirer des générations de cinéastes et de spectateurs à travers le continent. «Mon père croyait en la puissance du cinéma pour éduquer, sensibiliser et unir les peuples. Aujourd’hui, je suis heureux de voir que son esprit vit à travers des initiatives comme celle du CNA», a-t-il confié.
UN ENGAGEMENT RENOUVELE POUR LA CULTURE AFRICAINE
Wendlassida Ouédraogo a également souligné l’importance des partenariats pour la réussite de cette initiative. «Au-delà de ces projections, nous avons initié cette soirée avec notre partenaire Africalia, pour célébrer ses 25 ans d’engagement et d’accompagnement en faveur des cultures de divers horizons, aux côtés des créateurs artistiques», a-t-il précisé. Dorine Rurashitse, Directrice générale d’Africalia, présente à la conférence de presse, a ajouté : «Nous appuyons également le CNA Afrique, en renforçant les capacités en médiation et en animation des différentes équipes du CNA, ainsi qu’en facilitant la projection de films pour améliorer l’accessibilité du cinéma africain aux populations».
Le FESPACO 2025 se déroule du 22 février au 1er mars, à Ouagadougou. Il offre une plateforme unique pour célébrer le cinéma africain et ses acteurs, tout en rendant hommage aux figures historiques qui ont marqué son évolution.
OUAGA EN PLEIN DANS LE FESPACO
La biennale du cinéma africain s’est ouverte samedi dans la capitale burkinabè, à l’heure où le concept «Pays en lumière » fait briller mille feux.
La biennale du cinéma africain s’est ouverte samedi dans la capitale burkinabè, à l’heure où le concept «Pays en lumière » fait briller mille feux.
À Ouagadougou, l’avenue réservée aux cinéastes africains brille de mille feux à l’occasion de la 29e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO).
Un ensemble de guirlandes lumineuses et de parasols (noirs, verts et blancs) trône sur l’axe reliant le rond-point des cinéastes à la cathédrale de Ouagadougou.
« Le blanc symbolise la paix ; le vert pour l’espoir et le noir pour le difficile deuil que porte le Burkina Faso dans ce contexte d’insécurité. La rangée de lumières jaunes symbolise, quant à elle, la richesse du sous-sol », a expliqué la promotrice de cette innovation majeure du 29e Fespaco.
Selon Aysha Junior, « cette rue féerique n’est pas qu’un assemblage de lumière et de magie. Elle a le reflet de la résilience de notre pays et de notre engagement à contribuer à ce que le Burkina soit toujours debout et fréquentable ».
Le concept dénommé « Pays en lumière » se veut un espace de résilience, de découvertes touristiques, de partage, de brassage culturel.
Inauguré dans la soirée du mardi 25 février 2025, le chef de la diplomatie burkinabè, Jean Marie Traoré a positivement apprécié l’œuvre et a félicité la promotrice et son équipe d’avoir concrétisé cette idée novatrice.
«Je suis heureux et honoré d’avoir été associé à ce projet; le concept « Pays en lumière », le choix des couleurs et leurs symboliques coïncident avec le contexte que nous vivons et mon souhait aujourd’hui est que cette lumière puisse continuer de briller dans le cœur de chaque Burkinabè, que cette lumière puisse se transporter dans les recoins du Burkina Faso… », s’est-il rejoui.
La décoration et l’originalité des illuminations accueillent de nombreux visiteurs.
« Au vu de la convergence de la population sur le site, Pays en lumière, depuis sa construction, nous disons que le projet a déjà conquis les cœurs des festivaliers et des populations et mérite bien sa place de site d’animation pendant le FESPACO », a déclaré le président de la délégation spéciale de la ville de Ouagadougou, Maurice Konaté.
ZOOM SUR LES RECUPERATEURS DE MBEUBEUSS
Un film documentaire pour une meilleure prise en compte des récupérateurs de Mbeubeuss, c’est ce qu’a produit Rosalind Fredericks, professeure de géographie et d’études africaines à l’Université de New York aux Etats-Unis
Un film documentaire pour une meilleure prise en compte des récupérateurs de Mbeubeuss, c’est ce qu’a produit Rosalind Fredericks, professeure de géographie et d’études africaines à l’Université de New York aux Etats-Unis. La projection du film a eu lieu ce mercredi au Centre culturel français.
De l’ordure à l’or dur, c’est le titre du film documentaire réalisé par Rosalind Fredericks, professeure de géographie et d’études africaines à l’Université de New York aux Etats-Unis. Par son titre, le film renvoie à cette mine d’or que constituent les ordures et qui sont une source de revenus pour les récupérateurs de Mbeubeuss. La réalisatrice de ce film a braqué sa caméra sur la décharge de Mbeubeuss pour mieux faire connaître le travail de ces récupérateurs qui, au-delà du profit tiré des ordures, participent à l’équilibre de l’environnement. «Le film documentaire vient à son heure. C’est un film qui permet de faire savoir ce que les récupérateurs représentent dans ce pays. Ça permet d’édifier ceux qui n’avaient aucune connaissance sur le travail de ces récupérateurs. Le regard négatif porté sur ces récupérateurs va changer une fois qu’on l’a regardé», estime Arona Niasse, président de l’Association des récupérateurs de la décharge de Mbeubeuss et membre de l’Alliance internationale des récupérateurs. «Je mène des recherches sur le secteur du nettoiement à Dakar depuis 2016 et je fais des recherches à Mbeubeuss, sur le secteur informel, sur la récupération et le recyclage. Et c’est durant ma collaboration avec les récupérateurs qu’on a pensé à faire un film pour accéder à une plus grande audience, pour souligner les complexités de la situation de Mbeubeuss et sortir la valeur de la récupération, des récupérateurs et des recycleurs à Mbeubeuss», explique Mme Fredericks.
Selon elle, ce film procède aussi d’une volonté de conscientisation pour une prise en compte des intérêts des récupérateurs face à une nouvelle donne. «On a terminé le film, donc ça c’est une première étape. Maintenant, c’est vraiment la partie plaidoyer, pour accéder à une plus grande audience et pour essayer de changer l’avenir de Mbeubeuss. Changer la politique du projet qui est en train d’être déroulé à Mbeubeuss. Ça nous a pris à peu près trois ans, on a fait quelques tournages à Mbeubeuss, mais ça s’est construit sur la recherche que je menais en 2016», fait-elle savoir. Les récupérateurs de Mbeubeuss peuvent voir leur préoccupation véhiculée à travers ce film documentaire à un moment où ils craignent pour leur gagne-pain, menacé par un projet étatique de gestion des déchets mis en place depuis 2021 et qui prévoit la fermeture de la plus grande décharge du pays.