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5 mai 2025
Développement
LE SÉNÉGAL INDÉPENDANT AU RYTHME D'UNE DIZAINE DE LOIS D'AMNISTIE
Si ces textes visent l'apaisement, certains jugent qu'il faut d'abord dessiner les responsabilités. Retour sur l'historique de ce mécanisme mobilisé après chaque crise majeure
En 64 ans de vie politique et institutionnelle, les députés sénégalais ont voté une dizaine de projet de lois d’amnistie, le dernier étant celui que l’Assemblée nationale va examiner, mercredi, en séance plénière.
L’adoption de ce projet de loi permettra de couvrir tous les faits, susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 et rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques, a-t-on expliqué dans l’exposé des motifs de ce projet de loi.
A l’ouverture du dialogue qu’il a initié, les 26 et 27 février, le président Macky Sall justifiait cette loi d’amnistie générale, en disant qu’elle s’inscrit dans un esprit de réconciliation nationale.
Selon le décret présidentiel, cette amnistie concerne ”tous les faits, susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques y compris celles faites par tous supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non”.
Si une partie de l’opinion publique, notamment des intellectuels, des universitaires et des leaders politiques se sont élevées contre ce mécanisme juridique, appelant d’abord à faire justice pour situer les responsabilités, les lois d’amnistie, dans leur esprit, sont définies comme étant des lois de pardon et d’oubli qui profitent entièrement à des sociétés qui vivent de violents clivages qu’il leur faut dépasser et ne sont votées qu’exceptionnellement.
‘’Puis-je voter une loi d’amnistie avant de savoir ce qui est arrivé à Didier Badji ? En général, une loi d’amnistie est votée après tous les jugements. Vérité d’abord et puis pardon peut-être ensuite. J’attends le projet de loi d’amnistie pour donner mon avis’’, a réagi par exemple l’opposant et député Guy Marius Sagna sur son réseau social Facebook à l’annonce de ce projet de loi.
L’adjudant-chef de la gendarmerie, Didier Badji, en service à l’Inspection générale d’Etat est porté disparu depuis le 18 novembre. Il était au moment de sa disparition avec le sergent Fulbert Sambou, en service au service des renseignements, dont le corps a été repêché en mer.
Dans un manifeste réunissant plus de 200 signataires et rendu public le 1er mars dernier, le Collectif des universitaires pour la démocratie (CUD) dit alerter sur les dangers de la loi d’amnistie générale annoncée par le chef de l’État, Macky Sall. Pour ces intellectuels, effacer les crimes du passé reviendrait à bafouer la mémoire des victimes et à fragiliser les fondements de l’Etat de droit. Refuser l’oubli forcé est la seule voie pour respecter les principes républicains, indiquent-ils.
Des délits et infractions politiques pour l’essentiel
L’éventuelle validation par les parlementaires d’un projet de loi ayant pour objet l’amnistie des infractions consécutives aux manifestations politiques interroge notre rapport à l’Histoire. (…) D’un point de vue anthropologique, l’existence programmée de cette loi amnistiante questionne nos rapports au Réel, écrivent les auteurs de la tribune en faisant allusion à ce projet de loi adopté mardi par la commission des lois de l’Assemblée nationale.
La loi d’amnistie de 1967, avec son caractère rétroactif sur l’ancien président du Conseil du gouvernement Mamadou Dia, gracié en 1974 après 12 ans de détention, et celle de 1991 relative à la question casamançaise de 2005 ont marqué les esprits. Il n’en demeure pas moins que ce mécanisme juridique a été également mis en branle pour la première fois dans l’histoire politique et institutionnelle du pays en octobre 1960.
La loi d’amnistie a été aussi initiée en 1964, en 1967, en 1981, en 1988, en 2004.
Dans un rapport de l’Assemblée nationale datant de mars 1961, il est dit que l’amnistie de 1960 concernaient les incidents survenus à Tivaouane en juin 1959 et ceux de Fatick du mois de juillet 1960.
L’Ordonnance numéro 60-032 du 18 Octobre 1960 portant amnistie ‘’des évènements regrettables étant survenus à Tivaouane et à Fatick les 20 Juin 1959 et 28 Juillet 1960 le Gouvernement a cru devoir amnistier les infractions commises au cours ou à l’occasion de ces évènements’’, peut-on lire dans ce document. Il parle d’une ‘’amnistie spéciale de circonstance’’.
Trois ans plus tard, une autre loi d’amnistie visant des atteintes à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat a été adoptée en janvier 1964.
Cette loi exprime ‘’la volonté de rechercher la paix tant sur le plan intérieur que dans les relations avec l’extérieur. Elle juge opportun de prendre des mesures d’apaisement et d’oubli à l’heure où le Gouvernement Sénégalais a acquis une puissance politique suffisante’’, renseigne le professeur de droit à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Meissa Diakhaté.
Dans un article publié sur le site internet du Centre de recherche, d’expertise et de formation sur les institutions constitutionnelles, les administrations publiques, la gouvernance financière et la légistique en Afrique (CERACLE), il fait également référence à loi d’amnistie du 24 Février 1967 qui visait l’atteinte à un ‘’intérêt politique de l’Etat ou à un droit politique des citoyens’’.
L’universitaire fait aussi référence à celle de mars 1976 devant couvrir les crimes et délits politiques commis entre le 25 février 1967 et le 31 décembre 1975. Cette loi n’est pas sans rappeler ce qu’il était convenu d’appeler l’affaire du président Mamadou Dia et de ses quatre ministres (Valdiodio ndiaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye, Alioune Tall). Graciés et libérés par Léopold Sédar Senghor en mars 1974, ils seront amnistiés en avril 1976, un mois avant le rétablissement du multipartisme au Sénégal.
Il s’en suivra également la loi d’amnistie de mai 1981 devant couvrir essentiellement les délits commis pour des motifs politiques entre le 31 décembre 1975 et le 31 décembre 1980.
Cette énième initiative d’une loi amnistiante avait la particularité de se limiter aux seuls délits politiques et par conséquent n’avait pas de compétence sur les faits de corruptions et de détournements de deniers publics. Le vote de cette loi en juillet 1981 coïncidait notamment avec la création de la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite (CREI).
La question casamançaise
Sa circonscription aux infractions liées à des activités politiques se justifiait par le fait, disait-on, du contexte de prélèvement exceptionnel de solidarité nationale au profit du monde rural et de l’importance que le Gouvernement attachait à la lutte contre les infractions portant une atteinte grave à l’économie nationale.
Si la loi d’amnistie a été généralement mise en branle au sortir de contextes électoraux très souvent marqués par des événements politiques tragiques, elle a toutefois été initiée en 1988, en 1991 et en 2004 pour des délits en lien avec le conflit en Casamance survenu en décembre 1982.
Docteur en Histoire moderne et contemporaine, Mamadou Yéro Baldé, renseigne que la loi d’amnistie de juin 1988 visait essentiellement les infractions criminelles ou correctionnelles commises entre le 1er janvier 1982 et le 31 juillet 1987, en relation avec les événements dits de Casamance. Cette amnistie était également élargie aux événements politiques survenus à l’occasion de la préparation des élections de 28 février 1988.
Enseignant-chercheur au département d’Histoire et de Géographie de la faculté des sciences et technologies de l’éducation et de la formation (FASTEF, ex. ENS) de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, le docteur Baldé souligne également que la loi amnistiante de juillet 1991 s’est aussi inscrite dans le même sillage, relatif aux crimes et délits en lien avec les évènements dits de Casamance. Elle devait couvrir les infractions criminelles ou correctionnelles relatives notamment à l’importation, à la fabrication, à la détention et au transport, aux explosifs ainsi que tous engins meurtriers ou incendiaires, que leurs auteurs aient été jugés définitivement ou non, et commises entre le 19 mai 1988 et le 8 avril 1991.
Dans son article intitulé ”Décentralisation et enjeux politiques. L’exemple du conflit casamançais (Sénégal)”, publié en 1998, le chercheur Hassane Dramé évoque deux faits majeurs ayant motivé l’amnistie de 1991.
L’universitaire parle notamment de l’échec de la politique du tout militaire et du tout répressif ainsi que la radicalisation à partir de 1990, d’une partie du MFDC (Mouvement des forces démocratiques de Casamance, rébellion) du fait du contexte défavorable et de l’affaiblissement intérieur et extérieur de l’État sénégalais.
Au plan interne, la libération l’année précédente de l’Abbé Diamacoune Senghor et l’amnistie des principaux responsables du MFDC avaient permis de réorganiser le mouvement indépendantiste. Par ailleurs dans la même période, le Sénégal se relève d’une crise politique très tendue suite à la contestation par l’opposition des élections de 1988, renseigne M. Dramé.
Arrivé au pouvoir en mars 2000 à la faveur de la première alternance politique, le président Abdoulaye Wade qui avait promis de régler ce conflit en cent jours, a aussi initié une loi d’amnistie pour le dossier de la Casamance en juillet 2004, selon toujours l’universitaire Mamadou Yéro Baldé.
Le président Wade justifiait cette initiative par le fait qu’il souhaitait que toutes les forces vives de la Nation s’impliquent dans le seul combat qui vaille, celui de faire de notre pays, dans les meilleurs délais, un Sénégal émergent entretenu par une solidarité nationale dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), qu’il avait initié, en 2001, avec ses homologues Sud-africain et Nigérian, respectivement Thabo Mbéki et Olusegun Obasanjo.
La dernière loi d’amnistie connue dans l’histoire politique et institutionnelle du Sénégal date février 2005. Il s’agissait d’un texte d’origine parlementaire qualifiée à l’époque des faits de loi scélérate, tendant à absoudre les actes criminels dont l’assassinat du juge Babacar Seye.
La Loi Ezzan, passé à la postérité sous l’appellation de son initiateur, Ibrahima Isidore Ezzan, député du Parti démocratique sénégalais (PDS) fait partie de celles qui ont marqué les esprits au Sénégal.
Elle visait notamment à amnistier de graves infractions en lien avec les élections générales ou locales ayant eu une motivation politique, situés entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 2004 que leurs auteurs aient été jugés ou non et qui effaça entre autres, de la mémoire du greffe, l’assassinat du juge constitutionnel Me Babacar Sèye intervenu en 1993, rappelle le professeur de droit Meissa Diakhaté.
Selon cet universitaire, le Conseil constitutionnel avait déclaré que l’article 2 de la loi est non conforme à la Constitution, considérant que l’article 2 de la loi, en poursuivant un objectif de protection des intérêts d’une famille et les proches du défunt Babacar Sèye, Vice-président du Conseil constitutionnel, vise un but différent de celui pour lequel compétence a été conférée au législateur.
Il rappelle qu’à l’époque, le Conseil notait que c’est dans un but d’apaisement politique ou social que le législateur doit rechercher, dans l’exercice de la compétence que la Constitution lui reconnaît en matière d’amnistie, l’oubli de certains faits par l’effacement de leur caractère répréhensible.
Suite à son adoption en Conseil des ministres mercredi dernier, les membres de la Commission des lois, de la décentralisation, du travail et des droits humains de l’Assemblée nationale ont examiné ce mardi le projet de loi portant adoption d’une amnistie générale des faits en lien avec la politique entre février 2021 et février 2024.
Sa validation par le Parlement fera de ce mécanisme juridique sa dixième mise en branle en soixante-quatre ans de vie politique et institutionnelle.
Interrogé par l’APS, le professeur de droit public à l’UCAD, Meissa Diakhaté note que la seule différence par rapport aux initiatives précédentes se trouve “au niveau des contextes”.
L’universitaire faisait notamment allusion à certaines idées et formulation du projet de loi qui figuraient dans les amnisties antérieures. Il s’agit de l’expression “sont amnistiés de plein droit” (1976), “infractions commises par tous les moyens de diffusion publique” (1981). L’idée selon laquelle “les auteurs aient été jugés définitivement ou non” est également apparue dans la loi amnistiante de 1991, précise-t-il.
LE PDS SUIVRA LA POSITION DE YEWWI SUR LA LOI D'AMNISTIE
Les élus du parti libéral estiment qu'en cas de rejet du projet de loi d'administie par Yewwi ce mercredi 6 mars 2024, il vaudrait mieux le retirer. Leur vote dépendra donc exclusivement de la décision de la coalition d'Ousmane Sonko
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué des députés du PDS relatif au vote du projet de loi d'amnistie générale prévu ce mercredi 6 mars 2024 à l'Assemblée nationale.
"Les députés Parti Démocratique Sénégalais (PDS) du Groupe Parlementaire Liberté, Démocratie et Changement saluent l’initiative de Monsieur le Président de la République Macky Sall visant à apaiser le climat politique et social et à renforcer la cohésion nationale suite aux événements douloureux de Mars 2021.
Dans ce cadre, le projet de loi portant amnistie générale couvrant les faits liés aux manifestations politiques ayant eu lieu au Sénégal entre 2021 et 2024 sera présenté au vote demain 6 mars en plénière à l'Assemblée nationale. Ce projet de loi permettra la libération de M. Ousmane Sonko et lui offrira également une pleine et entière participation à la vie démocratique de notre pays, ainsi que lae libération de de nombreux jeunes sénégalais qui pourront rejoindre leurs familles à la veille du mois béni de Ramadan.
Le PDS, fidèle à sa longue tradition de dialogue, à ses valeurs de paix, de pardon, de réconciliation, de démocratie, est attaché à l'organisation d'une élection présidentielle inclusive. Ainsi, les députés PDS du groupe parlementaire Liberté, Démocratie et Changement entendent se conformer aux positions du groupe parlementaire Yewwi, qui est principalement concerné par ce projet de loi d’amnistie. Par conséquent, les députés du PDS voteront selon la position exprimée par les députés du groupe parlementaire Yewwi affilié à la formation politique de Monsieur Ousmane Sonko.
Toutefois en cas de refus du groupe Yewwi de voter la loi d’amnistie, il serait préférable que le texte soit retiré."
par Cheikh Tidiane Sow
IL EST ENCORE TEMPS
J’attendais de vous sincèrement, comme d’autres, en parallèle de vos « constructions infrastructurelles » un assainissement et un renforcement de nos institutions pour que le « plus jamais ça » après votre prédécesseur soit en effet « plus jamais ça ! »
Prenez le temps pendant qu’il est encore temps, d’organiser nos élections avant votre fin de mandat qui est fixée par la loi au 2 avril.
Prenez le temps pendant qu’il est encore temps de dénouer la crise que vous avez créée. Vous le savez sûrement comme moi, qu’une crise peut accoucher du pire comme du meilleur et j’ose espérer que vous ferez tout pour qu’advienne le meilleur pour le futur de notre chère République.
Puis-je vous rappeler ces paroles d’une chanson de Bob Dylan « waaw, ñaata néew wara tëdd ngir moom mu xam ni nit nu bëri saay nanu fii » « Yes, and how many deaths will it take 'til he knows, That too many people have died?” “Oui, et combien de morts faudra-t-il jusqu'à ce qu'il sache, Que trop de gens sont morts ? »
Je ne peux me résoudre à admettre que vous n’avez pas une part d’humanité et de conscience civique qui vous ferons lever tard la nuit pour penser et repenser à la situation dramatique dans laquelle vous vous êtes empêtré.
Je suis même convaincu que dans la solitude de votre station, vous vous dites « mais que diable ai-je fait à dieu pour me retrouver dans ce pétrin ? » Vous en êtes le principal responsable.
Ne faites œuvre de parjure, vous qui avez juré de respecter et de faire respecter la Constitution en étant l’un des garants, le principal garant. Quelle image, quelle leçon, quelle trace, quel exemple donnez-vous et laisserez-vous à notre jeunesse ?
J’attendais de vous sincèrement, comme d’autres, en parallèle de vos « constructions infrastructurelles » un assainissement et un renforcement de nos institutions pour que le « plus jamais ça » après votre prédécesseur soit en effet « plus jamais ça ! »
J’attendais de vous sincèrement que la patrie soit bien au-dessus du parti, que votre gouvernement soit vertueuse, que la liberté d’expression, la liberté de la presse, la liberté de manifester, ne fasse plus l’objet d’inquiétude.
J’attendais de vous qu’au seuil de votre non-éternité aux plus hautes fonctions de la République sénégalaise vous puissiez partir la tête haute, le conscience tranquille d’une mission hautement bien remplie pour qu’une fois enfin s’ouvre une séquence d’une fin de mandat paisible, harmonieuse, célébrée dans une communion et une émotion populaire et républicaine. Une séquence qui aurait permis de dire à tout le peuple sénégalais : Jaaraama mister président !
Hélas. J’attendais trop !
Je ne vous en veux pas. Il parait que les promesses n’engagent que ce qui y croient.
En tout cas, il est encore temps de prendre le temps dans le temps qu’il vous reste au sommet de l’État d’organiser nos élections suivant l’avis de notre Conseil constitutionnel.
PASTEF S'ABSTIENT EN COMMISSION
Habitués à mener la charge contre les textes du pouvoir, le choix des députés du parti d'Ousmane Sonko vis-à-vis du projet de loi d'amnistie interroge. Que cache cette réserve soudaine de la principale formation d'opposition ?
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 05/03/2024
La commission des lois de l'Assemblée nationale s'est réunie le mardi 5 mars pour examiner le projet de loi d'amnistie initié par le président Macky Sall. Si celui-ci a globalement fait consensus auprès de la majorité présidentielle, certains élus de l'opposition ont choisi l'abstention.
Selon les chiffres rapportés par RFI, 16 députés se sont prononcés en faveur du texte, contre seulement 3 votes négatifs et 7 abstentions. Parmi ces derniers figuraient les 4 parlementaires de l'ex-Pastef (Parti des patriotes du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité), la formation dirigée par Ousmane Sonko, à en croire Seneweb et Emedia.
Ces élus de l'opposition, qui avaient l'habitude de s'opposer systématiquement aux initiatives gouvernementales, ont cette fois opté pour l'abstention. L'un d'eux, Birame Souleye Diop, est aujourd'hui président du groupe Yewwi Askan Wi à l'Assemblée.
Un député du Parti démocratique sénégalais (PDS), a aussi choisi l'abstention, un autre a voté pour. Quant aux élus de la coalition Yewwi Askan Wi, seuls ceux du Pur (Parti de l'unité et du rassemblement) ont voté contre le projet, selon les informations rapportées.
Ces positions contrastées laissent entrevoir que le débat autour de cette future loi d'amnistie, censée "pacifier le jeu politique" selon le président Macky Sall, s'annonce animé lors de son examen en séance plénière prévue le mercredi 6 mars. Il faudra alors un vote favorable de la moitié des députés présents + 1 pour le passage de la loi.
Par Vieux SAVANÉ
À SERIGNE BABACAR MBOW
Adepte du développement endogène, ancien soixante-huitard reconverti au Mouridisme, Serigne Babacar Mbow est décédé dans la nuit du vendredi au samedi 2 mars. On ne pleure pas un tel homme qui épouse l’éternité à travers ses œuvres.
Adepte du développement endogène, ancien soixante-huitard reconverti au Mouridisme, Serigne Babacar Mbow est décédé dans la nuit du vendredi au samedi 2 mars. Il a été inhumé à Mbacké Kadior où il s’était retiré avec sa famille et ses disciples pour les besoins d’une mission d’aménagement que lui avait confiée Serigne Cheikh Dieumb Fall, Khalif général des « Baye Fall ». Rendre hommage à Serigne Babacar Mbow est forcément continuer de s’émerveiller pour ce qu’il a pu construire et s’interroger sur ce que le Sénégal aurait pu devenir avec la démultiplication par les autorités politiques de l’expérience initiée à Ndem, un petit village du Baol, sis à quelque 12 kms de Bambey. Loin des gesticulations déclamatoires, il a su avec simplicité, pragmatisme et audace, transformer le foyer ancestral en terre d’opportunités. On ne pleure pas un tel homme qui épouse l’éternité à travers ses œuvres.
Aussi, pour lui rendre hommage, nous proposons aux lecteurs un article désespérant d’actualité, publié en Novembre 2012, qui nous rappelle le surplace dans lequel ne cesse de patauger le Sénégal. A force de calcul. A force de ruse. Bien loin de la prise en charge concrète et soutenue des besoins fondamentaux des populations, notamment les plus démunies, dont Serigne Babacar Mbow a été un exemple achevé..
L a pire des malédictions qui puisse s’abattre sur la tête d’une communauté humaine est de se voir interdit d’avenir. En somme, être dans l’impossibilité de bénéficier d’un horizon capable de se jouer du présent pour l’installer dans une espérance qui donne sens à la vie en l’actualisant dans un devenir. Et c’est justement de ne pas sentir une telle perspective qui fonde nombre d’esprits à chercher des réponses à leurs interrogations, à savoir : Où va le Sénégal de Macky Sall ? Quel en est le cap ? C’est parce que la dimension du sens se pose avec acuité, dans sa double acception de signification et de direction que, 7 mois après la gouvernance inaugurée par le nouveau chef de l’Etat, il est loisible de se rendre compte de l’impatience qui sourde de partout. Aucune couche sociale, aucun secteur n’est épargné. Tous désespèrent de n’entrevoir aucun échéancier dans les réponses à apporter aux multiples problèmes qui les assaillent. Et cette attente est d’autant plus difficile qu’elle ne rencontre aucune mesure hardie susceptible de tempérer ses ardeurs. Pourtant, on aurait pu imaginer, dans un pays où l’on a tendance à penser que la richesse est fonction de la proximité entretenue avec le pouvoir politique, que le nouveau président donne le la, en diminuant de façon drastique ses fonds spéciaux. En réduisant son salaire et ceux des ministres, en réduisant de façon drastique le parc automobile et la gamme des voitures. Au lieu de cela, il revient sur une promesse de rupture en faisant passer le gouvernement de 25 à 30 ministres, comme si ce renoncement à la parole donnée pouvait être gage d’ « efficience » et d’ « efficacité ».
On l’aura compris, Macky Sall, aurait pu frapper un grand coup en délivrant un message fort, du genre : « le pouvoir n’est pas une galette sucrée que l’on distribue aux amis et à la famille mais une mission dont le credo tient en un seul engagement ; servir plutôt que se servir ». Cela est d’autant plus impératif sous nos cieux qu’il y a une foultitude de combats à mener contre le chômage des jeunes, la vie chère. Contre l’insécurité en Casamance, la dépendance alimentaire, etc. Sûr qu’on ne se bousculerait certainement pas aux portillons du pouvoir comme de coutume, avec l’espoir de s’enivrer de ses effluves, si la problématique se posait à l’aune de ces batailles à mener.
Faut-il donc être décalé pour ne pas s’apercevoir que ce pays qui vient de réussir démocratiquement deux alternances politiques, a un fol appétit de vivre et de réussite. Une réussite qu’il sent à sa portée et qu’on ne cesse de lui voler, 52 ans après avoir recouvré sa souveraineté nationale, en favorisant l’émergence d’élites prédatrices et extraverties engluées dans des problématiques corruptogènes. Tout en étalant leur incapacité à s’incruster dans les plis d’une modernité critique susceptible de faire la part des choses et d’en finir avec les invectives faciles consistant notamment à se défausser sur un Occident accusé de tous les péchés.
RECENTRAGE
Le président se rend-t-il compte que ce pays n’en peut plus de se voir voler le désir d’y croire. Qu’il a envie de basculer dans une prise en charge de soi sans laquelle nulle autonomie n’est envisageable. C’est ce recentrage dont il question pour aller à la conquête de l’émergence économique. Il convient par conséquent de matérialiser l’idée des pôles de développement en partant de la gestion des potentialités régionales. A l’image de l’Ong des villageois de Ndem qui a inauguré la semaine dernière à Yoff, « l’Espace Commerce équitable d’artisanat et hébergement solidaire ». Y seront exposées les créations de la coopérative « MAAM SAMBA » du village de Ndem, sis à quelque 12 kms de Bambey, dans le Baol. Grâce à la foi et à la détermination d’un homme, Ababacar Mbow, et de son épouse, Soxna Aïcha, l’exode rural des jeunes n’est plus d’actualité dans cette contrée. Ils travaillent sur place dans la confection artisanale de toiles, de vêtements et de tissus d’ameublement, en coton cultivé par leurs soins. Ils s’adonnent au maraîchage doté d’un système de goutte à goutte, participant à leur autosuffisance alimentaire. Des écoles et postes de santé ont été construits, de même qu’un forage sans compter l’utilisation de l’énergie solaire.
Il faut se rendre sur place pour se rendre compte des multiples initiatives qui ont complètement transformé le quotidien du village de Ndem et ses environs. En fait, Ndem n’est qu’un exemple, disons… un esprit, et des initiatives similaires ne manquent certainement pas à travers le pays. Pourquoi alors ne pas s’imprégner de cet esprit, le diffuser partout en tenant compte des spécificités et des particularités de chaque localité ? Au lieu de cela, les services publics continuent d’être sourds et aveugles à toutes ces initiatives, préférant aller voir des expériences exogènes pour les besoins de leur Stratégie de croissance accélérée. Et pourtant, non loin de là, réside un exemple endogène sur lequel s’inspirer, comme l’a reconnu un de ses responsables. En tout état de cause, aucun pays ne peut véritablement se développer en refusant de s’appuyer sur ses propres forces, sur l’esprit de sacrifice et d’inventivité de ses populations tout en exigeant de ses dirigeants qu’ils soient eux-mêmes irréprochables. C’est à cette audace qu’est invité le premier Président du Sénégal né après l’indépendance.
*In Sud quotidien du 5 Novembre 2012
par Lamine Niang
LA LOI D’AMNISTIE DE MACKY SALL, UN CRIME MÉMORIEL
Le contenu du bref exposé des motifs du projet de la loi qui sera présentée à l’Assemblée nationale est assez édifiant. Le champ lexical de la politique y est foisonnant. Aucune mention du ressenti ou de la souffrance des familles des victimes
Je garde une photo de profil spéciale sur mon compte Telegram depuis deux ans. C’est l’image de deux sandales bleues décrépites, la moitié du talon de l’une d’elles, marquée par l’usure, est complètement arrachée. La poussière et les taches de sang qui couvrent ces savates donnent une idée de la fin fatidique du propriétaire. Elles appartenaient à Cheikh Wade.
C’est une photo saisissante qui illustre l’étendue de la condition sociale du jeune manifestant abattu et l’atrocité de ses derniers instants sur terre. C’était le 8 mars 2021.
Après son décès tragique, une courte vidéo devenue virale montre clairement un élément des forces de sécurité caché derrière une voiture avec une arme à feu. Il tire à bout portant sur Cheikh Wade et on entend la voix de celui qui filmait la scène du haut d’un immeuble crier que la tête de la victime a explosé. Quelques instants après, une voiture de la police est venue jusqu’à la hauteur du corps gisant sur le sol, avant de poursuivre tranquillement sa route.
Je m’étais fait la promesse de conserver cette photo jusqu’à ce que les coupables de cet acte barbare soient un jour identifiés et sévèrement punis. Comme Cheikh Wade, ils sont plusieurs autres dizaines de jeunes qui ont perdu la vie alors qu’ils exerçaient un droit constitutionnel. Celui de pouvoir manifester librement.
Aujourd’hui, c’est une loi d’amnistie sous le couvert d’une volonté de pacification de l’espace sociale et politique, qui nous invite à effacer de notre mémoire collective cette sauvagerie sanguinaire à laquelle les Sénégalais ont tristement assisté de 2021 à 2024. Quelle duperie politique de la part de Macky Sall ! Sentant la fin si proche, il veut s’offrir une nouvelle virginité morale. À qui profite ce nouveau crime mémoriel ? Comment peut-on absoudre aussi facilement les auteurs de tous ces graves crimes ? L’homme et son entourage sont encore dans leurs basses manœuvres politiques pour se tirer d’affaire.
Ce n’est point le sort et l’affliction des familles éprouvées qui importent pour Macky Sall. Le contenu du bref exposé des motifs du projet de la loi qui sera présentée à l’Assemblée nationale est assez édifiant. Le champ lexical de la politique y est foisonnant. Rien qui rappelle ou qui fait mention du ressenti ou de la souffrance des familles des victimes. Un texte à l’image de l’homme dans sa froideur.
Nous n’avons jamais eu droit à un mot de dénonciation des crimes commis ou l’expression d’une pensée compatissante envers les familles des victimes. Au contraire, ses différentes tribunes étaient toujours l’occasion pour poursuivre les menaces sur les manifestants avec cette forme d’arrogance pathologique qui le caractérise.
Ce qui s’est passé ces trois dernières années dépasse le cadre politique et les bas calculs politiciens de l’instant présent. Que pèse la libération de tous les détenus politiques sur la balance de la tristesse d’une mère comme celle de Fallou Sène dont le récit de la peine éprouvée est sans aucun doute partagé par tous ceux qui ont perdu des êtres chers, assassinés le plus souvent à la fleur de l’âge. «Fallou était mon fils cadet. Je l’ai eu à un âge avancé (47 ans). Il est parti comme une comète en laissant un grand vide autour de moi, mais je m’en remets à Dieu. Il était mon ami, mon intime, je l’aimais beaucoup et fondais beaucoup d’espoir en lui», témoigne dans un journal la mère de ce garçon de 15 ans qui a reçu une balle à la poitrine le 1er juin 2023 aux Parcelles Assainies.
Que pèse une libération sans procès après une arrestation souvent humiliante, doublée parfois de tortures, de conditions carcérales inhumaines, de familles disloquées et de séquelles physiques et mentales à vie, si elle n'est pas assortie d'une détermination des responsabilités et des justes sanctions et réparations ?
Il est certes possible d’oublier lorsque la demande de pardon est sincère et de bonne foi. Le Sénégal peut retrouver sa paix et sa sérénité d’antan. Les cœurs peuvent également être apaisés un jour et nos colères surmontées.
Mais cela ne saurait être possible en l’absence d'un tantinet de transparence et d’un minimum d’humanité dans la démarche.
ENCOMBREMENT DE LA VOIE PUBLIQUE, QUAND LES TAS DE GRAVATS DÉFORMENT LE CADRE DE VIE DAKAROIS
Un des symboles de l’insalubrité et de l’encombrement sur la voie publique, les tas de gravats font désormais partie du décor de Dakar. À Grand Médine, Grand Yoff et Castors, le cadre de vie est chahuté et défiguré.
Un des symboles de l’insalubrité et de l’encombrement sur la voie publique, les tas de gravats font désormais partie du décor de Dakar. À Grand Médine, Grand Yoff et Castors, le cadre de vie est chahuté et défiguré.
Grand Médine a une forme de bidonville. L’amoncellement de gravats fait désormais partie du décor glauque de ces logements sans confort ni hygiène et dépourvus de peinture pour la plupart. Des taudis qui favorisent la promiscuité et l’émergence de brigands. Dans ces rues jonchées de pierres cahoteuses par endroit, il ne passe pas un jour sans que l’on y déverse un magma de déchets durs. Un endroit jouxtant le stade Léopold Sédar Senghor, réceptacle de pauvres déflatés victimes de l’exode rural où l’insalubrité est à son paroxysme. Des excréments de montons nés des foirails de Tabaski sont toujours omniprésents. Ils sont mélangés à des liquides de fosses septiques, rejets d’égouts, des restes de viande en putréfaction, un sol vermoulu. À Grand Médina, la nappe phréatique est agressée.
Nabou Diouf, seau d’eau sur la tête, dans une insouciance totale, jette ses eaux usées au quotidien sur une montagne de pierres contiguë à sa maison. « Nous n’avons pas de réseau de canalisation. Donc, nos eaux de vaisselle ou issues du linge sont directement envoyées dans les gravats », se justifie Nabou dont le visage affiche des traits de sommeil. Pour la matinée du mardi 27 février 2024, le soleil diffuse ses rayons corrosifs dans ce quartier de la commune de Patte d’Oie qui se morfond dans une pauvreté nourrie par un taux de natalité exceptionnelle. Une situation qui pousse des familles entières à s’entasser dans une seule chambre, comme « des sardines ».
Dès les premières lueurs du jour, Grand Médine a les atours d’un univers interlope toujours aux aguets et boulimique. Un lieu en proie à une insécurité. Dreadlocks bien fournis, yeux rougis, tel un drogué dans un état second, Pathé Guèye squatte cet environnement depuis des années. Couché à même le sol, loin d’être gêné par les odeurs méphitiques des lieux, il indexe les nantis installés à côté du stade. « Nous n’avons pas de moyens pour faire des chantiers. Ce ne sont pas les occupants de ces taudis qui vont construire des immeubles. Nos rues ne sont pas pavées, elles sont bourrées de sable. Chacun fait ce qu’il veut », note Pathé, regard dans le vide. Dans cette zone ceinturée, d’une part, par Grand Yoff, et d’autre part, par Parcelles Assainies, la misère suinte de partout et les remugles des détritus agressent les narines. Bref, les populations sont dans un état de déréliction effroyable. « Nous sommes les laissés pour compte de ce pays. Nous vivons dans un environnement trop sale et désordonné », explique Pathé dont le timbre vocal rejette plus une colère qu’une amertume.
L’État interpellé
À Grand Yoff, on n’est guère mieux loti. Dans cette commune à la population pléthorique, la rue sert de dépotoirs d’ordures et de gravats. Ici, les monticules poussent comme des champignons dans les ruelles et les charretiers se frottent les mains. Moulée dans un bazin « wax » bleu, le visage mince accusant les contrecoups d’une dépigmentation, Mame Seynabou Mbaye appelle l’État à prendre des mesures concernant les déchets issus des travaux de construction de maison. « On pose les ordures partout et n’importe comment. On obstrue les rues avec des gravats parce que les gens disent : « mbedd bour leu » (la voie publique n’appartient à personne), la surveillance doit être accentuée. Ce sont les charretiers qui amènent toutes ces pierres. Les riches leur paient entre 3000 ou 5000 FCfa. Ces pierres viennent souvent d’autres communes. L’État doit être plus regardant », plaide Mme Mbaye, 39 ans et mère de 5 enfants.
À Castors, les débris laissés par les chantiers du Bus rapide transit sont toujours visibles sur la voie publique. Ce quartier du territoire communal de Dieuppeul-Derklé tient aussi son lot de conséquences lié à la forte urbanisation à Dakar. Eaux stagnantes, réseaux de canalisation à peine visibles… « On n’a pas d’espace pour y mettre des gravats », pose d’emblée Moussa Dione. Enseignant d’Histoire et de Géographie à la retraite, il passe ses journées à se vautrer sur une chaise devant sa maison sous un soleil qui offre quelques bienfaits à cause du froid intermittent qui souffle dans la capitale. « Nos rues sont devenues étroites à cause des gravats. Chacun fait ce qu’il veut. On dirait qu’il n’y a pas d’autorité dans ce pays. Autrefois, on enseignait dans les écoles le respect du cadre de vie. Aujourd’hui, est-ce que c’est le cas ? », s’interroge M. Dione, journal à la main.
Les communes optent pour la sensibilisation
Joint par téléphone, Cheikh Guèye, maire de Dieuppeul-Derklé, dit miser sur la sensibilisation. « D’abord, il y a peu de contrôle. Les gens font ce qu’ils veulent dans les rues. Ensuite, nous ne cessons pas de mener des actions de sensibilisation », décline M. Guèye à la tête de la commune depuis 2014. À la Patte d’Oie, la mairie a formé, dans chacun des 8 quartiers, des comités d’hygiène pour amener les populations à respecter le cadre de vie. « Nous sommes dans la sensibilisation parce que si le Service d’hygiène vient, il va sanctionner ceux qui creusent des fosses ou déposent des gravats. Donc, comme les populations n’ont pas beaucoup de ressources, nous allons les dissuader de déposer ces gravats dans la rue », explique Abdoulaye Ka, adjoint au maire de Patte d’Oie et président de la Commission environnement. « Nous allons organiser une grande réunion sur la place publique de Grand Médine dans les prochains jours sous la présidence de Mme le Maire Maïmouna Dièye avec un seul ordre du jour : le cadre de vie. Grand Médine est un vrai cas pour Patte d’Oie qui compte 17 délégués de quartier dont les 8 se trouvent à Grand Médine », explique M. Ka.
ADJUDANT ABDOURAHMANE GUEYE, COMMANDANT DE BRIGADE D’HYGIÈNE DE DAKAR
« Le rapport de janvier révèle 1264 gravats déposés sur la place publique » Que prévoit la loi concernant le dépôt de gravats sur la place publique ?
La loi 83-71 du juillet 1983 portant Code de l’hygiène, en ses articles L24, dispose qu’il est interdit de déposer des gravats, ferrailles et épaves sur la voie publique. Il y a l’article 77 qui le réprime d’une amende de 200 000 à 2 millions de FCfa et d’un emprisonnement de 2 mois à 2 ans de prison. Le Code de l’hygiène considère ces pratiques comme un délit d’hygiène. Elles sont passibles d’une arrestation et d’une amende. Les gravats peuvent causer des nuisances en déviant le sens de l’écoulement de l’eau, en créant des inondations dans les rues mais aussi dans les maisons. L’autre aspect, les gravats peuvent être un endroit d’émergence des rats qui y séjournent pour chercher de quoi manger. De plus, les populations y déversent tout ce qui est eau usée. Par conséquent, il y aura une prolifération des moustiques. Les gravats contiennent aussi du clinquer qui peut aussi nuire à la population en causant des problèmes respiratoires comme la tuberculose, etc.
Des populations et des maires déplorent une absence de contrôle. Que faites-vous pour réprimer ces pratiques illicites ?
Le rapport du mois de janvier 2024 est disponible. Nous avons constaté durant cette période 1264 gravats déposés sur la place publique dans le département de Dakar. Sur ce nombre, il n’y a que 56 personnes qui ont été relaxées et sensibilisées. Mais le reste a payé une amende minimum de 210 000 FCfa. Cela veut dire que beaucoup d’argent a été versé au Trésor public. Dakar est en phase d’extension et il y a une nette prolifération des sociétés de construction. Si des maires disent qu’il n’y a pas de contrôle, cela m’étonne parce qu’ils contribuent beaucoup à cette situation puisque c’est eux qui délivrent les autorisations d’occupation sur la voie publique moyennant des taxes. Nous travaillons avec les mairies dans les 19 communes de Dakar. Nous sommes leurs conseillers techniques. Quand on nous signale ou on constate des gravats sur la place publique, on fait le nécessaire en informant le procureur et on fait des sommations de 24 ou 48h pour qu’ils puissent enlever ces déchets. Maintenant, si les immobiliers veulent acheminer leurs gravats, ils peuvent le faire. Mais la majeure partie a un problème de véhicule pour évacuer cela en temps réel. Les gens doivent savoir qu’il n’y a qu’un seul lieu de dépôt autorisé : Mbeubeuss.
Pour freiner l’avancée de la mer, des tas de gravats sont aussi déposés sur le littoral. Est-ce que cet argument est solide ?
Pas du tout. On intervient assez souvent sur le littoral pour arrêter des charretiers qui cherchent de l’argent en déposant ces gravats dans cet espace. Ils savent que s’ils les mettent dans les rues, ils risquent d’être dénoncés, donc ils choisissent le littoral. C’est une pratique à dénoncer et nous appelons les populations à la collaboration pour dissuader les charretiers.
LE PROJET D'AMNISTIE EXAMINÉ MARDI PAR LA COMMISSION DES LOIS
Le projet de loi intervient pour amnistier les infractions commises tant au Sénégal qu’à l’étranger et couvrant une période de 2021 à 2024. (…) Il permettra à des personnes privées de leurs droits civiques et politiques d’être rétablies dans leurs droits
Les membres de la Commission des lois, de la décentralisation, du travail et des droits humains de l’Assemblée nationale examinent mardi à partir de 9 heures le projet de loi portant adoption d’une amnistie générale des faits en lien avec la politique entre février 2021 et février 2024, a appris l’APS de source officielle.
Le président Macky Sall a, dans un décret en date du 1 er mars, ordonné au Garde des Sceaux de présenter l’Assemblée nationale le projet de loi portant amnistie dont l’objectif porte entre autres sur l’apaisement du climat politique et social, le renforcement de la cohésion nationale, la consolidation du dialogue national, tout en permettant à certaines personnes qui ont eu maille à partir avec la justice de participer pleinement à la vie démocratique.
‘’Le projet de loi intervient pour amnistier les infractions commises tant au Sénégal qu’à l’étranger et couvrant une période allant de 2021 à 2024. (…) Il permettra à des personnes privées de leurs droits civiques et politiques d’être rétablies dans leurs droits’’, lit-on dans l’exposé des motifs du projet qui sera soumis aux députés.
Il y est mentionné que sont amnistiés, de plein droit, tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques y compris celles faites par tous les supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non.
‘’L’amnistie entraine, sans qu’elle ne puisse jamais donner lieu à restitution, la remise totale de toutes les peines principales, accessoires et complémentaires, ainsi que la disparition de toutes les déchéances, exclusions, incapacités et privations de droits attachés à la peine’’, lit-on dans le document.
De nombreuses voix s’élèvent au sein de l’opposition et de la société civile pour dénoncer le texte.
UNE INSULTE AUX FAMILLES ENDEUILLÉES
Alors que plus de 60 personnes ont perdu la vie lors de manifestations politiques depuis 2021, le projet de loi d'amnistie générale annoncé risque de nier le droit à la justice des proches de victimes. Amnesty International s'élève contre l'initiative
L’ONG Amnesty international s’est élevée, lundi, contre l’annonce de l’examen prochain d’une loi d’amnistie générale des faits de violences en lien avec la politique, perpétrés entre février 2021 et février 2025 au Sénégal, estimant que son adoption constituerait un affront aux familles des victimes et une prime troublante à l’impunité.
L’adoption de cette loi d’amnistie par le parlement constituerait un manquement de l’Etat sénégalais à son obligation de justice, de vérité et de réparation qui lui incombe en vertu droit international pour les familles de plus de 60 personnes tuées lors des manifestations, dont quinzaine ont porté plainte et attendent toujours que justice leur soit rendue, a indiqué l’ONG spécialisée dans la promotion d’actions visant à prévenir et faire cesser les atteintes graves à l’ensemble des droits humains.
Les membres de la Commissions des lois, de la décentralisation, du travail et des droits humains de l’Assemblée nationale du Sénégal se réunissent mardi pour examiner le projet de loi qui sera ensuite soumis à l’approbation des députés en séance plénière.
Le projet de loi portant amnistie générale, une initiative du président Macky Sall, a été adopté le 28 février en Conseil des ministres. L’idée avait au préalable été agitée par le chef de l’Etat lors du dialogue national organisé les 26 et 27 au Centre international de conférences Abdou Diouf de Diamniadio.
Dans l’exposé des motifs, le chef de l’Etat rappelle son intention d’apaiser le ”climat politique et social” de renforcer ”la cohésion nationale” et de consolider ”le dialogue national” et permettre à ”certaines personnes qui ont eu maille à partir avec la justice de participer pleinement à la vie démocratique”.
‘’Le projet de loi intervient pour amnistier les infractions commises tant au Sénégal qu’à l’étranger et couvrant une période allant de 2021 à 2024. (…) Il permettra à des personnes privées de leurs droits civiques et politiques d’être rétablies dans leurs droits’’, lit-on dans l’exposé des motifs du projet qui sera soumis aux députés.
Il y est mentionné que sont amnistiés, de plein droit, tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques y compris celles faites par tous les supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non.
‘’L’amnistie entraine, sans qu’elle ne puisse jamais donner lieu à restitution, la remise totale de toutes les peines principales, accessoires et complémentaires, ainsi que la disparition de toutes les déchéances, exclusions, incapacités et privations de droits attachés à la peine’’, lit-on dans le document.
Ce projet de loi constitue un déni de justice pour les victimes, ainsi que pour leurs familles, qui attendent justice, vérités et réparations, a ainsi déclaré Samira Daoud, la directrice régionale International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
Dans des propos rapportés par le communiqué, elle soutient qu’en adoptant une telle loi, ‘’l’Etat sénégalais manquerait à ses obligations nationales et internationales, et favoriserait également l’impunité par les crimes de sang’’
Amnesty international réclame que des enquêtes judiciaires rapides, approfondies et impartiales soient menées sur l’usage de la force par les forces de défense et de sécurité lors des manifestations, et que les personnes soupçonnées d’homicides illégaux soient traduites en justice dans le cadre de procès équitables devant des juridictions civiles ordinaires’’.
De nombreuses personnes ont perdu la vie ou ont été blessées depuis 2021 dans des violences en lien avec la politique.
par l'éditorialiste de seneplus, pierre sané
SANOU MBAYE, UN AMI S’EN EST ALLÉ
EXCLUSIF SENEPLUS - Sanou a été bon. C’était un juste. Il y a des amis pour une page seulement, d'autres pour un chapitre entier, et puis il y a les vrais présents pour toute l'histoire. Le livre s’est refermé. A mon grand regret
Sanou Mbaye demeure un inconnu pour beaucoup de Sénégalais, surtout parmi les jeunes et même les quadragénaires. Il n’était pas un héros public dans notre petit Sénégal, ni un dirigeant politique médiatisé, ni un footballeur de la Ligue 1. Il était banquier africain de la Banque Africaine de développement et il a tôt fait de parcourir l’Afrique au point d’en tomber amoureux. C’est d’ailleurs en Afrique qu’il a rencontré Danielle son épouse de 43 ans maintenant. Sanou avait un attachement charnel avec son continent avant que l’allégeance intellectuelle ne se cristallise. Il nous laisse son livre : ”L’Afrique au secours de l’Afrique”en témoignage de cet amour qu’il portait à l’Afrique.
Sanou et moi nous nous sommes connus en 1981 à Nairobi et depuis nous avons maintenu avec bonheur notre compagnonnage jusqu’à son départ prématuré comme tous les départs. Il a été victime d’un arrêt cardiaque sévère auquel il n’a pas survécu .Il est parti dans la sérénité entouré de sa famille qui s’était retrouvé à Marrakech où il rendait visite à sa fille, son mari et ses petits enfants. Je les ai rejoint dès son hospitalisation. Il a succombé après 8 jours de coma.
Sanou était un vrai gentil, ouvert et confiant. Il était à l’aise dans tous les contextes sociaux, de la mosquée aux restaurants, des réunions de famille aux amphithéâtres de salles de conférences, des conclaves intellectuels à ses compagnons de pèlerinage. Tout en restant lui-même. Entier, parfois candide, toujours malicieux. Sanou a été bon. C’était un juste.
Sanou et moi étions de vrais amis. L'amitié vraie est très rare, c'est une chance si elle nous accompagne toute la vie. J’ai eu cette chance. D’autres amis communs sont partis trop tôt bien sûr, nous nous sommes consolés mutuellement. Cela a été plus éprouvant quand il a perdu deux enfants (un adolescent Babou et un adulte Mohamed) l’un après l’autre. Malgré le soutien de sa famille et de ses amis, ces tragédies l’ont toujours habité. Mais jamais, malgré cela, son optimisme et son sourire sincère ne l’ont quitté. Soutenu par une foi profondément ancrée.
Nos nombreuses discussions étaient toujours enflammées, surtout quand mes arguments n’arrivaient pas à le faire changer d’avis. Ce que je mettais toujours sur le compte de son refus d’écouter, de la mauvaise foi plutôt que de reconnaître mon incapacité à le convaincre, pour se terminer dans de grands éclats de rire, avant d’aborder d’autres sujets, politiques de préférence. « L'amitié véritable pense tout haut, parle toujours vrai, et ne garde jamais rancune. » A part quelques petites fâcheries bien sûr.
Nos enfants ont grandi ensemble et se sont liés d’amitié. Nos deux épouses Danielle et Ndeye sont très proches. Après Nairobi, à Londres nous habitions pas loin les uns des autres. Puis Dakar et la Somone nous ont accueillis ainsi que la politique au Sénégal. La politique, la gouvernance, les relations africaines du Sénégal ont toujours suscité chez nous frustrations au quotidien, emois et indignations lorsqu’on espère tant pour notre pays.
Quand j’étais membre du Secrétariat national du PS, il a fréquenté distraitement le parti étant lui-même rétif à tout ce qui est organisation, structure, procédures réunions. C’était son côté anarchiste non reconstruit. Quand j’ai rejoint le Pastef, il s’est exclamé « Voilà, maintenant tu as rejoint ta bande de militants comme à Amnesty, mais on est vieux maintenant » ! Je lui répondais que la vieillesse est un état d’esprit. Non, répondait-il : c’est un état du corps. N’empêche le plus bel âge de l'amitié c’est la vieillesse, le temps où on accueille et savoure le calme et l’ordinaire.
On dit aussi que l'amitié est un peu comme un livre, il y a des amis pour une page seulement, d'autres pour un chapitre entier, et puis il y a les vrais qui sont présents pour toute l'histoire. Le livre s’est refermé. A mon grand regret.
Sa dépouille sera confiée à la terre de la Somone, village qu’il
aimait tant, mercredi 6 mars à 14h.