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3 mai 2025
Développement
par Raïssa Girondin
CORONAVIRUS, QUID DES AFRICAINS CONFINÉS EN CHINE ? OU LE CASSE-TÊTE CHINOIS DU CONTINENT AFRICAIN…
EXCLUSIF SENEPLUS - Rester cantonné à la maison sur une période non déterminée, c’est beaucoup d’anxiété - Faut-il laisser ses ressortissants à l’épicentre d’une épidémie mondiale au vu des tensions sur les ressources sur place ?
Plusieurs pays, dont la France, les Etats-Unis, l’Allemagne, le Japon, la Corée du Sud, le Bangladesh et le Sri Lanka, s’efforcent d’évacuer leurs ressortissants de Wuhan, la ville chinoise à l’origine de l’épidémie du nouveau coronavirus, qui a déjà tué 360 personnes et contaminée plus de 17.000 personnes. Mais qu’en est-il des Africains sur place ?
D’après mes informations, un étudiant camerounais de la ville de Jingzhou dans la province du Hubei a été diagnostiqué positif au coronavirus. Selon le communiqué de son université datant du 2 févier 2020, il serait pris en charge et répondrait bien au traitement de l’hôpital.
J’aimerais attirer l’attention sur les difficultés que rencontre la communauté africaine en Chine et sur le silence assourdissant de son non-rapatriement.
Hormis le Maroc et l’Algérie, qui ont envoyé des avions pour rapatrier leurs concitoyens - 167 marocains, 36 algériens, 10 tunisiens et quelques Libyens soumis à une quinzaine de jours d’observation -, les autres pays africains ont donné comme mot d’ordre à leurs ressortissants le confinement…
Des étudiants africains, de Wuhan à Beijing, décrivent une atmosphère assez morbide, et ont peur de sortir car c’est un virus qui se transmet par l’air. Et pourtant, pour se nourrir, il faut sortir ! Mais là encore il faut être doté d’un masque, de gants et selon un africain qui vit dans la capitale chinoise depuis plusieurs décennies « se désinfecter à l’alcool à 90° ou même à l’eau de Javel en rentrant ». Ces derniers articles de protection sont en ruptures de stocks dans les magasins, et la nourriture se fait rare si on ne se lève pas de bonheur.
Avec le temps qui passe, ils rencontreront des difficultés réelles et ils appellent donc à l’aide pour les sortir des zones touchées et mise en quarantaine. La pression psychologique est grande, rester cantonné à la maison sur une période non déterminée, c’est beaucoup d’anxiété voire de la psychose.
Certaines ambassades africaines ont déjà demandé de l’assistance financière auprès de leurs gouvernements respectifs en faveur de leurs communautés. « Nos besoins sont plus que d'ordre financier », s’insurge un étudiant africain. « Que faire avec de l'argent sur mon compte dans une ville déserte ? La ville de Wuhan est mise en quarantaine parce qu'elle est l'épicentre du virus donc ultra infectée. Peu importe les millions que j’aurais, cette somme ne me servira pas à grande chose (…) si je ne peux pas trouver un endroit assez saint et rassurant pour m'approvisionner », ajoute-t-il dans une lettre adressée à son ambassade.
Mutisme des médias face à la situation africaine
En regardant le JT de la chaîne France 24, j’ai eu les larmes aux yeux en voyant ces parents français rassurés de retrouver leurs enfants fraichement rapatriés. Quid des parents de ces jeunes africains restés confinés en Chine sans aucune porte de sortie ? A t-on pensé à les interroger ?
Il faut savoir que la Chine est la deuxième destination choisie par les jeunes Africains après la France pour leurs études universitaires. Le nombre d'étudiants africains résidant en Chine était de 80 000 en 2018 selon des chiffres fournis par le ministère de l’éducation chinois, un chiffre destiné à augmenter, car le gouvernement chinois a décidé d'accorder 50 000 bourses universitaires au continent africain jusqu'en 2021.
Le 30 janvier, l’OMS a décrété l’urgence internationale face à l’épidémie. Les autorités chinoises n'envisagent pas la fin de cette situation avant juin 2020.
Plusieurs questions me taraudent…qu’est-ce qui empêche les pays africains de se réunir et voir dans ces circonstances un plan d’urgence avec leurs partenaires chinois pour des solutions pratiques, adéquates, et immédiates ?
En discutant au téléphone avec un diplomate africain basé à Beijing, j’ai pu comprendre que plusieurs facteurs constituaient un frein au rapatriement : d’abord, le manque de moyens médicaux et de structures d’accueil pour accueillir les ressortissants africains dans leur pays respectifs. En effet, sur place, ils devraient être mis à l’isolement pendant deux semaines, avec un risque inhérent de propagation sur le continent africain…
Faut-il pour cela laisser ses ressortissants à l’épicentre d’une épidémie mondiale au vu des tensions sur les ressources sur place, n’est-ce pas plus dangereux ?
D’autre part, le casse-tête diplomatique : rapatrier systématiquement les ressortissants africains pourrait jeter un doute sur la capacité des Chinois à maitriser et gérer la crise. L'inquiétude est d'autant plus grande que la Chine est le premier partenaire commercial de l’Afrique.
Une diplomatie bouche-bée même sur des questions de vie ou de mort ?
Ne condamne-t-on pas de facto tous ceux qui ne sont pas – encore - infectés en les laissant sur place à Wuhan ?
Est-ce qu’en laissant ces africains, c’est la seule façon d’empêcher le virus d’arriver sur le continent ?
Pour l'instant, aucun cas de coronavirus n'a été signalé en Afrique.
Pour limiter les risques de contamination par des voyageurs en provenance de Chine, les aéroports des capitales africaines renforcent leurs dispositifs sanitaires. Plusieurs pays tels que le Ghana, le Sénégal, le Kenya, l'Éthiopie, l'Afrique du Sud ou encore le Nigeria et la Côte d’Ivoire ont mis en place des mesures de prévention dans les aéroports pour les vols venant de Chine afin de diagnostiquer d'éventuels cas de coronavirus.
Cependant, des voyageurs chinois en provenance de Wuhan ou d’autres villes chinoises ont été ou sont autorisés à voyager dans de grandes villes africaines. La question du contrôle et de la mise en observation dans ce cas se pose. En Mauritanie par exemple, c’est l’ambassade de Chine qui a demandé à ses ressortissants récemment arrivés de rester confinés pendant 14 jours au moins pour empêcher la propagation éventuelle du nouveau coronavirus. Quelles sont les dispositions que les états africains eux même prennent sur leur territoire ?
Pourquoi les africains sont laissés pour compte dans l’épicentre du virus ?
J’en appelle à une vraie prise de conscience panafricaniste. En effet, les 9 et 10 février seront réunis en Ethiopie les chefs d’États africains pour le sommet annuel de l’Union africaine. C’est donc l’occasion pour qu’une solution soit trouvée pour cette communauté en Chine…avant qu’il soit trop tard.
Raïssa Girondin est une journaliste indépendante, spécialiste des questions africaines. Elle a travaillé auparavant pour la Voix de l’Amérique, basée aux États-Unis, à la présentation du débat télévisé Washington Forum, et du journal radio. Juste avant, elle a présenté le journal télévisé en langue française pour le media d’Etat chinois CGTN, depuis Beijing. Elle a fait ses premiers pas journalistiques dans la presse écrite à Paris avec Amina, le magazine de la femme africaine et a débuté sa carrière avec le groupe français Lagardère en tant que professionnelle de la communication.
VIDEO
QUEL AVENIR POUR LES FOOTBALLEURS AFRICAINS ?
Tandis que l'Afrique fournit un grand nombre de joueurs au talent incontestable, les équipes nationales, elles, sont à la traîne... Comment y remédier ? Quand le continent cessera-t-elle d’être uniquement un fournisseur de muscles ?
Les footballeurs du continent africain sont présents dans tous les grands championnats du monde, les grands clubs se les rachètent à prix d’or, et ils remportent les trophées les plus prestigieux.
Et pourtant, leurs équipes nationales ne remportent aucune coupe internationale. Quand l’Afrique cessera-t-elle d’être uniquement un fournisseur de muscles ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Aucune mesure ne parviendra à endiguer l’activité criminelle. Si elle méconnaît l’essence même de la délinquance : la sélection culturelle et sociale inchangée - Le discours sécuritaire dominant se trompe de thérapie - NOTES DE TERRAIN
Mercredi 29 janvier 2020. 6h25. Le réveil est brutal. Un voleur s'est infiltré dans l'appartement durant la nuit. Sans effraction. Il a dérobé deux ordinateurs et un sac, qui étaient posés sur la table à manger dans le salon. Un HP et un Macbook pro. Il est entré par la fenêtre en verre coulissante du couloir. Il ne s’est pas introduit dans les autres pièces de l’appartement. Dans sa précipitation, il a oublié les chargeurs des ordinateurs. C’est un petit choc. L’appartement semblait bien sécurisé et le quartier est réputé sûr. Au moins, cinq gardiens veillent la nuit. Ils n’ont rien vu.
Les traces de mains et de pieds ont permis de reconstituer le parcours du voleur. Il a escaladé la maison en construction, qui jouxte l’immeuble où j’habite, en passant par un terrain sur lequel sont construits des cabanes insalubres. Peut-être qu’il habite dans ce baraquement. Ce qui est évident, c’est qu’il le fréquente. Et qu’il a bien préparé son coup, pour savoir qu’une fenêtre de l’appartement reste toujours entrouverte. Un dispositif antivol, constitué de herses, est installé sur la maison en construction. S’il s’en est protégé, c’est qu’il l’a bien pris en compte. Et puis, il n’aurait pu contourner la vigilance des gardiens sans mesurer leurs habitudes. Peut-être même qu’il les connaît.
Plusieurs familles habitent dans ces taudis, ceinturés par des habitations neuves, d'où le cambrioleur est venu. Une vie pittoresque s’y déroule, riche en diversité. On peut entendre parler plusieurs langues. Des enfants s’y amusent jusque tard dans la nuit. On perçoit souvent l’écho des pleurs de bébés. Les gravats des chantiers alentour sont déversés dans ce campement d’infortune. Des poules et leurs poussins défilent à longueur de journée, cherchant çà et là des miettes d’aliments à picorer. Un vieux fauteuil noir, délabré, est installé au milieu des habitations. Comme un pied de nez à la misère, on observe, en face de ce ghetto, la richesse la plus affriolante. Des voitures de luxe stationnent dans les deux rangées du parking de la rue. Je m’interroge souvent devant le décor de ce quartier, réceptacle d’un croisement de conditions sociales et de cultures différentes. Le village y rencontre quotidiennement la ville. La pauvreté primaire se dresse fièrement devant l'exubérance.
L’insécurité occupe la Une de l’actualité dans notre pays. Les cas d’homicides, de viols, d’agressions et de vols, épinglés par les médias, attisent les peurs. Citoyens ordinaires, religieux, politiciens. Chacun s’émeut face à la montée de la violence. Devant la flambée de la criminalité, deux réponses reviennent : la sanction ferme et le retour à l’orthodoxie religieuse. Il s’agit, pour beaucoup de concitoyens, de punir sévèrement dans le dessein de neutraliser les transgresseurs. Ainsi, le châtiment serait la panacée pour résoudre le problème. Cette proposition est, à mon sens, une réponse superficielle. Démagogique. Qui ne sera, en aucun cas, efficace. Couper des mains ou mener à la potence ne résoudra absolument pas l’insécurité. C’est le remède des esprits paresseux et sensationnels. Cette solution témoigne d’ailleurs d’un affaiblissement de la conscience humaniste au Sénégal.
Ruines et chaos. Ce n'est plus un étonnement. Nous constatons que la vie de tous les jours connaît des bouleversements. Les atteintes à l’intégrité des personnes ne sont pas des inventions. Elles sont réelles. Mais ceux qui agressent et volent ne sont pas dépourvus de valeurs morales et religieuses. Ils sont même, pour la majorité, pleinement dotés des principes ontologiques qui gouvernent la société sénégalaise. Surtout, aucune mesure, aussi sévère soit-elle, ne parviendra à endiguer l’activité délictuelle et criminelle. Si elle méconnaît l’essence même de la délinquance : la sélection culturelle et sociale inchangée. D’où sont issus le plus grand nombre de ceux qui peuplent les prisons du Sénégal ? Des milieux défavorisés pour la plupart. Qui sont-ils ? Des jeunes accablés par le chômage, écrasés dans des “situations de subalternes”. C’est là qu'il faut situer le curseur. Voulons-nous rester une société immobile ou allons-nous inventer les moyens pour vivre dans une modernité humaine et généreuse ? A mon avis, nous sommes irrésolus. Nous ne désirons pas encore mener les révolutions nécessaires aux grandes avancées sociales et techniques.
Le discours sécuritaire dominant se trompe de thérapie. A chaque fois que nous voyons un agresseur ou un voleur, nous pouvons être sûrs que c’est un échec de plus de la société. Pour mener des actions aussi nocives et nuisibles, il faut avoir subi une grande déshumanisation et être brisé par son environnement de vie. Que peuvent faire ceux qui n’ont rien et qui voient tous les jours les manifestations d’opulence, parfois insolentes ? La majorité survit grâce à l’économie de partage, qui fait que l’on peut toujours compter sur un membre de la communauté pour survivre. D'autres se tuent à la tâche, dans des efforts de dignité admirables. Certains sont tenaillés par la pauvreté et s’embourbent dans la déchéance ; ils se débrouillent comme ils peuvent dans la mendicité permanente. Lorsque l’on est jeune et que l’on grandit dans ce milieu social, on est constamment assailli par les mauvaises tentations. Et comment ne pas être envieux, résister aux fantasmes sur les biens d’autrui, dans une société dont le crédo est qu'il faut à tout prix montrer des signes extérieurs de richesses ?
La montée de l’insécurité ne doit pas nous surprendre. Il ne pouvait en être autrement. En réalité, nous devons nous attendre à une criminalité galopante. Les restrictions morales et les appels à la répression n’y feront rien. Les populations, évadées du monde rural, s’entassent en ville dans une grande précarité. Pour l’instant, ils sont nombreux à s’abriter dans des maisons en construction ou des gourbis. Et y éduquent tant bien que mal leurs enfants. Mais bientôt, lorsqu’il n’y aura pas assez de place pour les accueillir à Dakar, ils seront repoussés dans des bidonvilles. Mis en quarantaine. Assignés formellement à des fonctions sociales de survie. Sans développement technologique et économique, sans système efficace de redistribution des richesses, sans modernisation de l’éducation et des mentalités, la misère continuera de jouer un rôle structurel. Ce qui favorisera la délinquance. En temps moderne, il n’y a qu’une seule solution pour nous prémunir de l’obscurcissement de la vie communautaire. Elle consiste en l’impulsion d’un mouvement dynamique de l’esprit, dirigé vers le progrès civilisationnel et l’humanisation. C’est-à-dire la construction d’une culture scientifique et démocratique. Ce n'est que comme cela que les nations se muent en empires prospères, offrant le minimum d'avantages à leurs populations.
Nous avons le droit de nous offusquer lorsque notre intégrité est violée. Un voleur porte atteinte au savoir-vivre, à la tranquillité morale, à la vie sociale. Le comportement d’une personne, qui s'introduit tard dans la nuit dans un appartement privé, reste condamnable. Personnellement, j’en veux un peu à ce cambrioleur. Peut-être qu’il était armé, prêt à faire mal, lors de son opération. Seulement, je ne peux pas l’accabler plus que ne le fait déjà la société sénégalaise. Il est aussi victime de la destruction des solidarités. De l’impasse de l’école républicaine, qui ne sait pas développer le potentiel des individus, pour en faire des agents porteurs du génie de l’innovation. Je veux dire qu’il est impossible d’assurer la paix sociale, sans investissement massif dans les compétences techniques et intellectuelles. Sans une croissance de l’autonomie individuelle. Ce voleur est victime. Parce qu’il est le produit des facteurs d’anomie qui empêchent les populations d'aspirer, en toute confiance, à l’épanouissement, à la responsabilité et au développement spirituel.
Retrouvez sur SenePlus, "Notes de terrain", la chronique de notre éditorialiste Paap Seen tous les dimanches.
Le cinéaste Moussa Sène Absa, fait le procès d'une société sénégalaise qui refuse de se voir à travers le miroir que constitue l'art dans cette interview accordée à Jotna TV.
QUAND CHEIKH OUMAR HANN SE FAIT PLAISIR
Pour son confort, il ne lésine pas sur les moyens. Les travaux de rénovation des bureaux de l'ancien directeur du COUD et de celui de l’ACP ont coûté plus de 38,353 millions FCFA en 2015, selon le rapport de la Cour des comptes
Pour son confort, Cheikh Oumar Hann ne lésine pas sur les moyens. Les travaux de rénovation des bureaux du directeur du COUD et de celui de l’ACP ont coûté plus de 38,353 millions FCFA (soit 22,383 millions FCFA pour celui du directeur et 15,969 millions FCFA pour celui de l’ACP) en 2015 alors que ces mêmes bureaux étaient occupés respectivement par M. Abdoulaye Diouf Sarr et M. Bara Fall.
«Mission du directeur Cheikh Oumar Hann au Sommet de la Qualité à New York»
Un fait avait attiré l’attention des vérificateurs de l’OFNAC. M. Iba Oumar Sall, agent du COUD et chauffeur du directeur du COUD a bénéficié le 7 mai 2015 d’une subvention du COUD de 3 millions FCFA pour l’achat de cadeaux et autres préparatifs pour le déplacement du directeur Cheikh Oumar Hann à New York. Interpellé à ce sujet, aucune pièce justificative n’a été fournie à l’OFNAC par M. Iba Oumar Sall.
Les enquêteurs vont révéler que d’autres décaissements au bénéfice du directeur Cheikh Oumar Hann ont été effectués. Tout d’abord, il s’est octroyé une avancée de fonds de 7 millions FCFA. A cela s’ajoute un billet d’avion de 2,628 800 millions FCFA et une contribution financière de 2,809 800 millions FCFA représentant la quote-part contributive du COUD à l’événement «International Quality Summit Convention» du 31 mai 2015 à New York.
Et parmi les pièces justificatives présentées par le directeur Cheikh Oumar Hann, les enquêteurs étaient surpris de trouver :
1). Une facture de 500 euros, soit 327 500 FCFA, pour l’enregistrement d’une interview de 7 minutes sur les aspects les plus importants du COUD payée à la «Business Initiatives Directions» à Madrid le 24 mai 2015.
2). Une facture de 200 euros, soit 130 000 FCFA, pour la clé USB contenant les photos de la participation du COUD à l’événement.
En fait, l’opération de remise de prix décerné au COUD par le cabinet espagnol organisateur s’apparente à une véritable escroquerie. C’est le COUD qui a tout financé :
a). En assurant les frais préparatifs (3 millions FCFA), son déplacement (2.628.800 FCFA) et sa prise en charge à New York ;
b). En apportant une contribution financière de 4200 euros, soit 2 809 800 FCFA ;
c). En supportant l’achat de tous les produits dérivés et accessoires relatifs à l’événement (500 euros + 400 euros + 200 euros) soit 720 mille FCFA.
En somme, l’événement «Sommet international sur la qualité» a dû coûter au COUD la somme de 15 millions 438 mille 600 FCFA pour une cérémonie dont on a du mal à trouver le lien avec l’objet social du COUD et encore moins à mesurer son impact en terme d’image, estiment les enquêteurs du COUD.»
Un sac pour femme Michael Kors
«Dans les pièces comptables présentées par M. Cheikh Oumar Hann, les enquêteurs de l’OFNAC ont décelé une facture de Michael Kors pour l’acquisition d’un sac pour femme de 380 dollars, soit 235 mille FCFA, imputé entièrement au COUD. Cet achat a été effectué le 29 mai 2015 à l’aéroport JFK international Airport Terminal 1.
AUDIO
OBJECTION AVEC YOUSSOU MBARGANE GUISSE
Série de meutres, contestations populaires contre la cherté du coût de la vie... Comment en est-on arrivé là ? Le chercheur et sociologue analyse les mutations sociales, politiques et économiques du pays
Le chercheur Youssoupha Mbargane Guissé est au micro de Baye Omar Gueye de (Sud Fm) dans l'émission Objection.
INFANTINO PROPOSE UNE CAN TOUS LES QUATRE ANS
Le président de la Fifa estime que la périodicité actuelle – édition tous les deux ans – n’est pas adaptée, et qu’une édition tous les quatre ans permettrait à la compétition phare de la CAF d’être plus visible et plus attractive commercialement
Le président de la FIFA a proposé, à l’occasion d’un séminaire avec la CAF à Salé (Maroc) consacré au développement des compétitions et des infrastructures en Afrique, de faire jouer la Coupe d'Afrique des nations tous les quatre ans. Gianni Infantino estime en effet que la périodicité actuelle – édition tous les deux ans – n’est pas adaptée, et qu’une édition tous les quatre ans permettrait à la compétition phare de la CAF d’être plus visible et plus attractive commercialement.
Les Africains, très attachés à une CAN tous les deux ans, peuvent donc désormais s’inquiéter. Avec la réforme de la Coupe du monde des clubs, la FIFA a obligé la CAF à modifier le calendrier de la CAN 2021 au Cameroun qui se jouera en janvier et février plutôt qu’en juin-juillet comme l’année dernière en Égypte. Et la CAF est depuis le mois d’août dernier l’objet d’un audit, mené par la Sénégalaise Fatma Samoura, secrétaire générale de la CAF. « C’est plus une mise sous tutelle qu’un audit » , se marre un membre d’une Fédération africaine, sous couvert d’anonymat. Si Infantino demande à la CAF de réviser son calendrier, ça va être difficile de lui dire non. » Au cas où les souhaits d’Infantino seraient exaucés, cette réforme pourrait intervenir à partir de 2027 : les éditions 2021, 2023 et 2025 ont en effet déjà été attribuées (respectivement au Cameroun, à la Côte d’Ivoire et à la Guinée).
Au moins, les clubs européens seraient contents.
par Momar Dieng
UN LIVRE CONTRE L'OUBLI D'UNE ENTREPRISE DE PRÉDATION
Les investigations sur le Coud, puis leur sabordage au niveau politique et judiciaire sont malheureusement devenues l’emblème du mal sénégalais depuis 2012
L'ouvrage du journaliste Pape Alé Niang consacré aux enquêtes menées par l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) au Coud (Centre des œuvres universitaires de Dakar), étouffées par la détermination d’un président de la République soutenu les yeux fermés par des magistrats corrompus, apparait comme un formidable rappel contre l’oubli qui est en train de frapper l’un des plus graves scandales financiers survenus au Sénégal.
Le livre de notre confrère, globalement de nature factuelle, n’est pas seulement un plaidoyer contre la corruption et le détournement de deniers publics déguisés sous des formes diverses en militantisme politicien. Il interpelle la responsabilité collective des citoyens sénégalais et des organisations de la société civile sur l’impératif de maintenir une pression toujours plus forte sur des décideurs politiques trop souvent mus par la sauvegarde de leurs intérêts politiciens et partisans, au détriment de tout le reste. Ce livre est également et surtout un rappel à l’ordre républicain à cette partie de la magistrature qui a décidé de lier son sort à celui du pouvoir exécutif dominant, comme il l’a fait sans état d’âme avec ce même pouvoir sur d’autres sujets.
Les investigations sur le Coud, pourtant rendues possible par la volonté très tôt affichée du président Sall de faire faire un pas au Sénégal dans le secteur névralgique de la lutte contre la corruption – puis leur sabordage au niveau politique et judiciaire sont malheureusement devenues l’emblème du mal sénégalais depuis 2012. Elles résument de manière pratique la vision que Macky Sall se fait de la bonne gouvernance: le rabâchage systématique de paroles et d’actes contradictoires dans un cynisme dévastateur qui décrédibilise son auteur et enfonce le pays dans un trou de risques non mesurés.
Qui peut croire aujourd’hui que la montée en flèche de la criminalité et des actes d’agressions qui prospèrent au nez et à la barbe des services de sécurité pussent être étrangers à la promotion des actes de corruption et de brigandage protégés par l’autorité politique au sommet ? En lieu et place d’une prise en charge de la résorption des dangereuses inégalités qui foisonnent, le pouvoir a choisi depuis une dizaine d’années de favoriser l’émergence et la consolidation d’une caste de nouveaux riches reliés aux entreprises et marchés publics libérateurs de prébendes.
Une telle orientation est absolument contraire à l’esprit de sacrifice auquel un leader respectable et patriote est tenu de se conformer. In fine, c’est de l’aveuglement pur et simple.
MACKY 2012, LES RAISONS D'UNE CRISE
Au-delà du bras de fer entre Moussa Diop et Adji Mergane Kanouté, la crise qui sévit à la coalition cache bien des calculs politiques, jusqu’ici inavoués
La coalition Macky2012 traverse une crise de leadership. Et le courant ne passe plus entre le coordonnateur démocratiquement désigné, Me Moussa Diop, et la vice-coordonnatrice Adji Mergane Kanouté, par ailleurs initiatrice de l’Initiative pour la refondation de Macky2012. Cette dernière, récemment exclue de ladite coalition pour activité fractionniste, a, à son tour, prononcé hier l’exclusion de Me Moussa Diop.
Dans une déclaration rendue publique et parvenue à EnQuête, l’ex-dissidente de l’Union pour le développement du Sénégal/Innovation de Zahra Iyane Thiam solde ses comptes avec le leader d’Alternative générationnelle/Jotna. ‘’Les leaders de Macky2012 ont déploré les agissements de Maitre Moussa Diop et informent l’opinion nationale et internationale qu’ils ne sont liés ni de prés ni de loin à l’exclusion d’éminents membres de ladite coalition, en l’occurrence l’honorable députée Adji Diarra Mergane Kanouté, vice coordinatrice de Macky2012, et Moustapha Diagne, président de Synergie Républicaine’’, embraye-t-elle d’emblée.
Avant d’enfoncer le clou : ‘’les leaders de Macky2012 ont prononcé la suspension de Moussa Diop du poste de Coordinateur de Macky2012. Mohamed Moustapha Diagne a été désigné à l’unanimité par les leaders pour occuper le poste de coordinateur de ladite coalition jusqu’à l’élection d’un nouveau bureau’’, déclare-t-elle dans un communiqué assez laconique, sans aucune autre précision sur les autres membres de la coalition qui ont adhéré à cette décision. Contactée hier par EnQuête, elle n’a pas jugé opportune de s’étendre sur la question ou de mettre à notre disposition, le procès-verbal de la réunion qui a prononcé l’exclusion de Me Moussa Diop, pour en connaitre ne serait-ce que les membres. ‘’On n’a pas l’habitude de donner nos Pv de réunion aux journalistes. On vous a transmis un communiqué que j’ai moi-même signé en tant que vice-coordonnatrice de la coalition Macky2012. Si le coordonnateur est exclu, c’est la vice-coordonnatrice qui signe les déclarations. Moussa Diop veut faire du saupoudrage à Macky2012, comme il le fait avec Dakar demm dikk’’, lance-t-elle au bout du fil.
Joint à son tour pour recueillir sa version des faits, Me Moussa Diop a quant à lui, dégagé en touche. ‘’Où s'est tenue cette soi-disant réunion ? Qui était présent ? Comment une exclue du 28 janvier peut-elle signer le 30 janvier l'exclusion d'un autre leader ? Elle devient ridicule. Elle est même démentie par Eva Marie coll Seck qu'elle a déclarée signataire de son torchon de mouvement parallèle. Elle est en mission commandée’’, a rétorqué d’emblée le leader de Ag/Jotna. Me Moussa Diop a par la même occasion, exhibé le Procès-verbal de la réunion qui a prononcé l’exclusion de Adji Mergane Kanouté et de Moustapha Diagne pour activité fractionniste. Dans le document dont EnQuête détient copie, il est indiqué la date, les noms et prénoms des différents membres de Macky2012 présents à la réunion du 28 janvier 2020.
Au total, ils étaient 20 chefs de partis à participer à cette réunion. Sur ces 20 leaders, confie Moussa Diop, la majorité a voté pour l’exclusion des dissidents pour activité fractionniste. Parmi les présents, il y a le responsable du parti Kissal Saliou Badji. Selon ce dernier, effectivement la conférence des leaders de Macky2012 a prononcé, à l’issue d’un vote, l’exclusion de Adji Mergane Kanouté et de Moustapha Diagne. ‘’J’étais présent à cette réunion. Je n’étais pas d’accord sur la décision d’exclusion et j’ai voté non. Mais la majorité l’a emporté. Moi, ma position n’a jamais varié. Je suis à équidistance des deux courants. Mais, je pense que nous gagnons plus à être unis, si on veut servir le président de la République qui est le président de la coalition’’, a-t-il déclaré.
Pour sa part, l’ex-coordonnateur de ladite coalition Moustapha Fall Che se désole de cette situation de crise. ‘’Je regrette beaucoup cette situation. Mon devoir c’est de régler cette crise, en tant que président d’honneur, je vais m’y mettre. On va profiter du week-end pour essayer de trouver une solution, parce que Macky Sall, qui est le président de cette coalition, ne mérite pas ça et ce n’est pas le moment’’, déclare-t-il.
Moustapha Fall Che : ‘’Adji et les autres reprochent à Moussa de…’’
A l’origine de cette bataille de positionnement, Moustapha Fall Che confie : ‘’Adji et les autres reprochent à Moussa de vouloir faire porter à Macky2012 des combats qui ne sont pas les siens. Il a sorti deux communiqués qui ont fait déborder le vase. Dans le premier communiqué, Moussa a voulu que Macky2012 prenne en charge son combat avec ses travailleurs de DDD, ce qu’on a refusé. A la Sn Hlm, j’avais des problèmes avec les syndicalistes, mais j’ai porté seul, tout seul le combat et je n’ai jamais voulu que Macky2012 s’en mêle. Dans le deuxième communiqué, Moussa dit qu’il faut faire l’évaluation du compagnonnage avec le président à travers une conférence publique. Là, c’est la catastrophe, parce que cela ne peut pas se faire sur la place publique. C’est en interne que ça doit se faire’’, déclare-t-il.
Avant d’ajouter : ‘’je suis devenu le président d’honneur de Macky2012, après l’avoir piloté 5 ans et quatre mois. J’ai demandé volontairement à quitter et j’ai organisé les renouvellements à l’issue desquels Moussa Diop a été choisi comme coordonnateur et Adji Mergane comme vice-coordonnatrice. Mais, je dois avouer que, depuis mon départ, la mayonnaise n’a pas pris’’.
Me Moussa Diop : ‘’Ils veulent nous mettre en mal avec le Président’’
Revenant à la charge, Me Moussa Diop balaie d’un revers de main les allégations de Moustapha Fall Che. Sur le premier communiqué, il soutient avoir appelé à une solidarité que les membres lui ont d’ailleurs refusé pour des raisons purement politiques. ‘’On a identifié un Mahmouth Saleh qui arme les syndicalistes pour descendre Moussa Diop pour donner le poste à un Apr. Si on le fait à un autre membre de Macky2012, je le soutiendrai. Mais eux, ils ont refusé de me soutenir. On destitue Ibrahima Sall et Assane Diagne, personne ne dit rien. On s’acharne sur Moussa Diop, personne ne veut rien dire, pas sur la base d’une décision du Président, mais sur des manœuvres politiciennes. Ils sont d’accord pour qu’on me liquide, car qui ne dit mot consent’’, fulmine-t-il.
Pour ce qui est du deuxième communiqué, le leader de Ag/Jotna rétorque qu’il n’a jamais été question pour lui de s’attaquer au Président, mais de le rencontrer dans le cadre de la coalition. ‘’Ils ont appelé à un dialogue, Macky2012 n’est même pas invité. Or, c’est la première coalition du Président. Nous devons discuter avec le Président pour lui dire que ses alliés de BBY ne sont pas plus méritants que nous. Nous ne sommes associés à rien. On ne voit pas même pas le Président. On a fait une demande d’audience pour le voir en privé. Mais rien. Nous n’attaquons pas le Président. Nous voulons le rencontrer’’, renchérit-t-il.
Sur la médiation annoncée par Moustapha Fall Che, il répond : ‘’On ne peut pas arbitrer, après avoir choisi son camp. Che a pris son camp. On ne peut pas arbitrer une finale de la coupe du monde opposant le Brésil à une autre équipe, tout en étant Brésilien. Ce qu’ils font c’est de la rébellion. Ils veulent nous mettre en mal avec le Président. Nous voulons rencontrer le président de la coalition. Nous voulons être reçus, comme il reçoit les gens de BBY’’.
KALIFA, UN "MAUDIT", CES MIGRANTS FORCÉS DE RENTRER SANS AVOIR ATTEINTS L'EUROPE
De retour chez lui après avoir échoué à gagner l’Europe, il vit tenaillé par la honte. Un poids que partagent beaucoup d’Africains dont le projet migratoire s’est brisé
Le Monde Afrique |
Yassin Ciyow |
Publication 01/02/2020
Clé à molette, burette d’huile et tournevis… Après avoir rangé un à un ses outils, Kalifa ferme le conteneur réaménagé en garage, où il ausculte la journée le bruit des moteurs, change un cardan ou répare un radiateur qui fuit. La nuit est tombée et c’est tant mieux car le jeune mécanicien prie pour ne croiser personne. Pas de détour, ni de copain à saluer. Kalifa file directement chez lui, la tête basse, pour refermer la porte sur sa honte. S’il pouvait, il fermerait ses oreilles aussi, car ce qui l’angoisse le plus c’est d’entendre le surnom qu’on lui a donné : « Le maudit ».
Un an tout juste qu’il est rentré de Libye. Douze mois qu’il vit dans la honte et se cache pour pleurer. Il était parti pour l’Europe avec des rêves plein la tête. Mais ça ne s’est pas passé comme prévu et, en février 2018, après un périple de dix mois sans avoir réussi à franchir la Méditerranée, il est rentré avec sa malédiction. Celle d’être revenu sans argent dans sa ville natale de Daloa, au centre-ouest de la Côte d’Ivoire. Raillé et moqué par une partie de sa famille et ses amis du quartier, il doit aussi supporter les regards des voisins, réconforter ses enfants qui rentrent en pleurant après avoir été traités de « fils de maudit ».
« Je suis devenu un étranger dans ma propre ville. C’est comme si je n’y avais jamais vécu », témoigne-t-il. Ce retour est « pire que les dangers de la route de la mort et de la Libye ». Rongé par la honte et l’exclusion, il envisage aujourd’hui de repartir pour « briser la malédiction ».
Pour expliquer son premier départ, Kalifa évoque un ami d’enfance : « Avant qu’il ne migre vers l’Espagne, en 2011, je le dépannais tout le temps, il n’avait rien. Cinq ans plus tard, fin 2016, il est rentré avec quatre belles voitures et a fait construire une grande maison pour sa mère. Moi, ma situation n’avait pas du tout évolué. »
Emprisonné et torturé en Libye
Dans la région de Daloa, connue pour sa production de cacao, Kalifa s’était d’abord essayé à la récolte de la petite fève brune. Découragé par les revenus irréguliers et la difficulté du travail, il a ouvert un modeste garage de réparation. Mais, très vite, son activité a suscité les convoitises, notamment des agents de l’Etat qui « à force de prélever des taxes fantaisistes, m’ont tout pris et m’ont fait réaliser que je ne pourrais pas m’en sortir ».
Au retour de son ami d’enfance devenu espagnol, Kalifa reçoit cinq sur cinq les signaux envoyés par ses proches, et notamment par sa femme : « Elle me disait :“Tu as vu ton ami, il est courageux, lui, il a migré et maintenant il aide les siens. Il est béni.” » Voyant ses activités professionnelles stagner et de nombreux amis partir, Kalifa, comme des milliers d’autres jeunes de la troisième ville de Côte d’Ivoire, se laisse convaincre par des passeurs et décide de prendre la route. Il informe ceux qui vont l’aider à financer son périple. A cette époque d’ailleurs, tous lui donnent de l’argent et leurs bénédictions, persuadés qu’il s’agit d’un investissement.
Mais de retour sur investissement, il n’y aura pas. Au contraire. Emprisonné et torturé en Libye à deux reprises, Kalifa est contraint de rappeler ses amis financiers afin qu’ils envoient de l’argent de sa libération. Las et fauché, il finit par accepter, sans prévenir ses proches, de rentrer en Côte d’Ivoire dans le cadre d’une initiative conjointe de l’Union européenne et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
On les appelle les « retournés »
Selon l’OIM, depuis 2017, ils seraient près de 6 300 comme Kalifa à être rentrés en Côte d’Ivoire. On les appelle les « retournés ». Impossible en revanche d’avoir des chiffres officiels de migrants partis vers l’Afrique du Nord et l’Europe. L’OIM précise que son travail n’est pas de « contrôler les frontières » et le gouvernement ivoirien rappelle que la Côte d’Ivoire fait partie de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), « une zone de libre circulation ».
Dès son retour, Kalifa sent les sentiments d’échec, de honte et de culpabilité l’envahir : « Je suis resté deux semaines à Daloa enfermé chez moi, je n’osais pas recroiser les gens que je connaissais. Je parlais seul, ma femme avait peur. J’ai préféré fuir à Abidjan. » Parti dans la capitale économique du pays pour se fondre dans la masse, Kalifa se noie aussi dans les médicaments. « La journée, je songeais à mes proches qui me traitaient de “maudit”. La nuit, je repensais à ce qui s’était passé en Libye. J’avais besoin de prendre des cachets et de rester seul », précise-t-il.
Pour Gaia Quaranta, psychologue du bureau régional de l’OIM pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, qui a eu en consultation des centaines de migrants rentrés volontairement, « le retour est plus stressant que le voyage lui-même. Beaucoup n’avaient pas prévu cette phase et se sentent dépossédés. Du coup, dans un premier temps, ils s’isolent ». Avant son départ vers l’Europe, Kalifa avait promis à ses amis qu’il leur enverrait une photo de lui devant un stade de foot. Une fois rentré de Libye, il a rapidement changé de numéro de téléphone et a soigneusement évité les réseaux sociaux pendant plus de trois mois.
Détresse psychologique
Pour ceux qui rentrent chez eux après avoir échoué à atteindre l’Europe, il n’est pas question d’évoquer ce qui s’est passé dans le désert et en Libye. Ni d’ailleurs de s’épancher sur les problèmes qu’ils rencontrent une fois rentrés : troubles du sommeil, anxiété aiguë et dépression. Selon l’OIM, ils sont pourtant plus de 1 000 (sur les 6 300 retournés volontaires) à avoir reçu une assistance psychologique depuis 2017.
« C’est le phénomène de la double absence du retourné. Il est absent quand il prend la route, ne donne pas de nouvelles parfois pendant des mois puis, à son retour, il est tout autant absent, noyé dans ses traumatismes et ses regrets », explique Gaia Quaranta. Pour la psychologue, le mutisme qu’ils s’imposent est aussi une manière de protéger les proches, de ne pas peser davantage sur la famille alors même que « le poids de la honte est lourd à supporter ».
La détresse psychologique de ceux qui rentrent sans rien est d’autant plus dévastatrice qu’elle confirme, pour l’entourage, la malédiction dont ils sont atteints. « Pour les familles, il y a quelque chose qui relève du sacré dans la migration. Donc, quand le proche rentre, son échec et sa nouvelle personnalité, plus taiseuse, sont perçus comme la preuve de sa damnation. Il est vu comme une personne qui ne réussira jamais », explique Rodrigue Koné, sociologue et chercheur au African Social Security Network, qui a travaillé sur la question des retournés en Côte d’Ivoire.
Si les familles vouent aux gémonies le proche rentré sans le sou, c’est qu’elles s’estiment partie prenante du projet migratoire. Aïcha, la femme de Kalifa, l’explique sans détour : « Il est parti avec l’argent du foyer, me laissant sans ressources et sans nouvelles. Puis, quand il était sur la route, je priais pour lui et je lui ai envoyé mes bénédictions. On a fait ça ensemble. » La démarche est collective, la réussite aurait dû l’être, mais la responsabilité de l’échec, elle, est individuelle.
« Pression communautaire »
On considère que le retourné a failli à ses obligations, à son statut, ce qui justifie son exclusion. « On va éviter de l’inviter aux réunions de famille. De même, lorsqu’il y aura un problème familial, on va donner plus d’importance à la parole de son petit frère. Dans les grins [groupe informel qui rassemble souvent des personnes d’une même génération, très populaire au Mali et en Côte d’Ivoire], sa parole comptera moins. C’est une mise à la marge sournoise, une sorte de mort sociale », analyse le sociologue Rodrigue Koné.
C’est précisément pour éviter cette marginalisation intra-familiale que Stéphane Gbéli, le maire de Daloa, a récemment décidé de lancer une campagne de sensibilisation à ce phénomène, à destination des parents dans les quartiers. « Il existe certes un effet de mode, de mimétisme entre les jeunes, qui pousse au départ. Mais la pression communautaire, notamment de la part des parents, tant en amont qu’en aval du projet migratoire, est très forte », déclare l’édile de la ville, avant d’ajouter : « Aujourd’hui, c’est ancré dans l’esprit des familles : la réussite est à chercher du côté de l’Europe. »
Grâce à son activité de garagiste mécanicien, Kalifa parvient aujourd’hui, bon an mal an, à subvenir aux besoins de sa famille. Mais il a récemment appris que la mairie envisageait, dans le cadre d’un réaménagement de quartier, de le « déguerpir avec une faible compensation », l’obligeant à recommencer à zéro. Pour lui, c’en est trop. Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, il affirme : « Je connais les risques sur la route et je ne souhaite à personne de connaître la Libye. Mais si je dois encore tout perdre ici, je vais repartir et je ne reviendrai pas. Soit j’arrive en Europe, soit je finis dans la mer.C’est mieux d’aller se tuer dans l’eau que d’avoir honte ici. »