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26 avril 2025
Diaspora
LE MANQUE DE FONDS MENACE LA BIENNALE DE DAKAR
À trois semaines de son ouverture, la prestigieuse manifestation artistique se trouve dans une situation financière critique. La faute à l'État sénégalais, principal bailleur de fonds, qui n'a versé qu'une partie des subventions attendues
(SenePlus) - La 15ème édition de la Biennale de l'art africain contemporain, grand rendez-vous artistique se tenant tous les deux ans à Dakar, risque d'être reportée en raison de problèmes de financement, selon les informations relayées ces derniers jours.
D'après des sources proches du comité d'organisation citées par RFI, "des insuffisances logistiques" et "une grande inquiétude" quant à l'arrivée des œuvres à temps pour l'ouverture prévue le 16 mai ont été exprimées. Le budget de 1,5 milliard de francs CFA (environ 2 millions d'euros) prévu par l'État sénégalais ne serait versé qu'à hauteur d'un tiers, ce qui compromettrait le bon déroulement de l'événement.
"Sans ce budget, il est impossible de payer le transport des œuvres d'artistes africains qui viennent du monde entier, d'éditer un catalogue ou encore de loger la soixantaine d'artistes", a déclaré un membre du comité d'organisation sous couvert d'anonymat à RFI. À seulement 22 jours de l'ouverture, même en cas de déblocage tardif des fonds, les délais seraient intenables pour assurer l'arrivée à temps des œuvres, notamment celles transportées par bateau.
Face à ce contexte financier incertain, certains plaident donc pour un report de la Biennale à novembre prochain. Cette option sera discutée lors d'une réunion prévue ce mardi 23 avril. La nouvelle ministre de la Culture du Sénégal, Khady Diène Gaye, devra trancher sur le maintien ou non de l'événement aux dates initialement prévues, alors qu'elle hérite des dettes laissées par le précédent gouvernement.
Créée en 1992, la Biennale de Dakar n'a été reportée qu'une seule fois jusqu'ici, en raison de la pandémie de Covid-19. Ce potentiel report constituerait donc un coup dur pour cet événement majeur de l'art africain contemporain, entièrement financé par l'État du Sénégal.
LA CONDAMNATION DU BLOGUEUR DJIBRIL AGI SYLLA FAIT DÉBAT
Condamné au Sénégal à une amende de 50.000 CFA pour un séjour jugé irrégulier, l'activiste crie au déni de justice. Réfugié politique selon sa défense, il fuirait les persécutions de la junte au pouvoir dans son pays
(SenePlus) - Au Sénégal, le tribunal de grande instance de Dakar a condamné le 16 novembre le blogueur guinéen Djibril Agi Sylla à une amende de 50.000 francs CFA pour séjour irrégulier, selon les informations rapportées par RFI. Cette décision fait l'objet de vives critiques de la part de l'avocat du condamné, Maître Amadou Aly Kane.
Selon ce dernier, joint par la journaliste Emma Larbi, "il n'existe pas un texte sénégalais qui permette de le condamner pour séjour irrégulier, parce que c'est un ressortissant de la Cédéao, il est dans l'espace communautaire, il est un réfugié politique – quelqu'un qui fuit la persécution dans son pays." En effet, Djibril Agi Sylla est connu pour ses positions critiques envers la junte militaire au pouvoir en Guinée depuis septembre 2021.
Son avocat estime donc que "Le principe, c’est qu’on ne peut pas refouler quelqu'un dans un pays où il fuit la persécution, où il court donc en danger pour sa vie. En violant des textes communautaires, en violant des textes du droit international des droits de l'Homme, le Sénégal s'expose à être poursuivi devant les cours des droits de l'Homme, notamment la cour de la Cédéao."
Maître Amadou Aly Kane dénonce une décision de justice non-conforme aux textes de la CEDEAO et appelle à "une décision de principe qui puisse affirmer avec force qu’un ressortissant de la Cédéao ne peut pas être en séjour irrégulier dans l'espace communautaire."
Cette condamnation du blogueur guinéen, réfugié politique selon la défense, soulève donc des questions sur le respect du droit communautaire et des droits de l'homme au Sénégal.
L'HORREUR DU GARSI À BIGNONA
Tortures, bastonnades, tirs à balles réelles : les témoignages accablants se multiplient sur les exactions de ces hommes en treillis vert foncé. Morts et blessés émaillent le passage de cette unité controversée, pourtant financée par l'Union européenne
(SenePlus) - En avril 2023, une marche pacifique de jeunes du parti Pastef à Bignona pour protester contre les morts lors de manifestations politiques a viré au drame. Selon une enquête du site d'information La Maison des Reporters, des éléments du GARSI (Groupe d'Action Rapide – Surveillance et Intervention au Sahel), une unité de la gendarmerie nationale sénégalaise créée en 2018 avec un financement européen de 4,7 milliards FCFA, sont intervenus avec une extrême violence.
Ibrahima Coly, coordonnateur à Bignona de la Jeunesse patriotique du Sénégal (JPS), relate avoir été violemment interpellé et torturé pendant de longues heures. "On te tuera comme un chat et rien n'arrivera", l'aurait menacé un gendarme avant qu'il ne subisse coups de crosse, coups de pied et injures. "Ils m'ont tellement frappé que je ne ressentais plus la douleur", témoigne Ibrahima, convaincu d'avoir frôlé la mort.
Parmi ses bourreaux, le jeune homme a reconnu le commandant Diop mais surtout "le supérieur des éléments du GARSI, un certain Capitaine Ba". "C'est lui qui a ouvert le bal en personne. Il a commencé à me frapper dès que je suis arrivé à la brigade, avant de passer le relais au Commandant Diop", affirme Ibrahima Coly. Selon lui, les deux hommes ont fait usage de "barres de fer". La Maison des Reporters a pu identifier formellement le Capitaine Serigne Maka Ba grâce à un publi-reportage de l'Union européenne où il explique la formation de l'unité qu'il commande, dédiée à la lutte contre la criminalité transfrontalière et soutenue par la gendarmerie française, la Guardia civil espagnole, la Carabinieri italienne et la Garde nationale portugaise.
À Bignona, qui figure parmi les localités ayant enregistré le plus de victimes de la répression ces dernières années avec six morts entre 2021 et 2024, la présence du GARSI est synonyme de violences exacerbées selon de nombreux témoins. Un journaliste local, Joseph Tendeng, affirme que ces forces ont "fait beaucoup usage de leurs armes" lors d'émeutes, faisant état de leur apparente "inexpérience en maintien de l'ordre".
Le 1er août 2023, lors de manifestations contre l'arrestation d'Ousmane Sonko, Joseph Tendeng a été blessé par balle par un élément du GARSI. "Le gendarme qui m'a tiré dessus était à moins de 50 mètres", se rappelle-t-il. Un autre témoin, P.L.D., décrit des scènes similaires, évoquant des tirs à balles réelles par des hommes en cagoule appartenant au GARSI.
Un ancien militaire a également été témoin oculaire de la mort par balle en mars 2023 de Mamadou Korka Ba, un élève de 22 ans. "Il n'y a que les éléments du GARSI qui font usage de leurs armes à feu lors des manifestations", dénonce Joseph Tendeng.
Suite à l'enquête d'Al Jazeera et de la Fondation porCausa, la Commission LIBE du Parlement européen a demandé en mars 2024 l'ouverture d'une enquête sur le possible dévoiement du financement européen de cette unité controversée.
Une demande de réaction a été adressée le 28 mars 2024 au Général Moussa Fall, haut commandant de la Gendarmerie sénégalaise, par La Maison des Reporters.
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LE SÉNÉGAL, CETTE TERRE LIVRÉE AU PILLAGE
Des villes aux campagnes, un même constat s'impose : la terre est devenue la proie convoitée des appétits spéculatifs et capitalistes. Hugues-Alexandre Castanou, Aby Sène, et Bakary Faty dressent un tableau saisissant de la spoliation foncière au pays
Dans un nouveau volet de sa série sur les défis du Sénégal contemporain, le chercheur en histoire Florian Bobin reçoit trois invités pour analyser la question brûlante de l'accompagnement des terres au Sénégal. Hugues-Alexandre Castanou, ingénieur civil spécialiste du développement urbain, Aby Sène, chercheuse en conservation de la nature, et Bakary Faty, hydrologue et militant, dressent un tableau saisissant des multiples formes de spoliation foncière qui gangrenent le pays.
Des villes aux campagnes, un même constat s'impose : la terre est devenue la proie convoitée des appétits spéculatifs et capitalistes, au détriment des populations locales. Dans les grands centres urbains comme Dakar, un « boom immobilier » profite à une véritable nouvelle bourgeoisie prédatrice, de connivence avec un État kleptocrate. À coups de décrets controversés, on dépossède allègrement les villages de leurs terres ancestrales pour y bétonner des résidences de luxe.
Dans les communes rurales, ce sont des maires véreux qui morcellent illégalement les territoires pour des lotissements contraires aux intérêts de leurs administrées. À Madina Wandifa, raconte Bakary Faty, le maire a ainsi loti 235 hectares en 10 ans, provoquant l'ire et l'emprisonnement d'opposants courageux.
Mais c'est peut-être dans les aires protégées que la rapine atteint son paroxysme. Sous couvert de conservation de la nature, on chasse brutalement les populations autochtones de leurs terroirs, comme à Djoudj en 1971. Ces terres sont ensuite livrées au pillage des industries extractives et de l'agro-industrie, au mépris de la biodiversité qu'elles étaient censées préserver.
Face à cette curée généralisée, une résistance citoyenne se structure, à laquelle participe des mouvements comme le FRAPP. Mais elle se heurte à une répression féroce de la part d'un pouvoir qui protège avant tout les intérêts de ses alliés prédateurs. Une lutte inégale, mais vitale pour l'avenir d'un Sénégal qui se dévore lui-même.
MALGRÉ LA LOI, DAKAR NOYÉE DANS LE PLASTIQUE
Malgré les efforts des autorités, c'est un véritable cauchemar auquel doit faire face la capitale au quotidien. Pire, cette crise prend désormais une ampleur sanitaire alarmante
(SenePlus) - À Dakar, la problématique des déchets plastiques persiste, malgré les efforts entrepris par les autorités, comme le rapporte un reportage de la radio RFI. Dans la capitale comme dans les zones rurales du pays, les impacts de la surconsommation de plastiques à usage unique sont omniprésents.
Lors d'une opération de nettoyage dans la commune de Fann-Point E-Amitié, les employés municipaux et les citoyens volontaires ont pu constater l'ampleur du problème. "C'est dégueulasse, ce n’est pas hygiénique", se désole une employée citée par RFI, face aux énormes quantités de déchets plastiques accumulés, parmi lesquels "des bouteilles d'huile qui viennent certainement des mécaniciens" et "des sachets en plastique d’eau".
Pour Amadou Mbengue, responsable communal de la société nationale de gestion des déchets Sonaged, "Même en boutique pour acheter pour 25 francs de sucre, c’est [distribué] dans un sachet plastique. On est en train de surproduire des déchets plastique", s'alarme-t-il. Pourtant, le Sénégal a bien adopté en 2020 une loi interdisant tous les plastiques à usage unique, mais celle-ci reste lettre morte, selon M. Mbengue, qui souligne qu'« La sanction manque dans ce pays. La sanction pécuniaire ».
Outre les impacts environnementaux, les déchets plastiques posent aussi un problème sanitaire majeur, comme l'explique le professeur Adams Tidjani, spécialiste des microplastiques à l’institut des métiers de l’environnement et de la métrologie. "Quand il se dégrade, la chaîne du polymère, du plastique donc, devient des microplastiques. Et donc ce microplastique, à ce moment, peut être ingéré par les animaux, les animaux errants, comme dans la mer par les poissons", indique-t-il. "Donc, depuis quelque temps, on s'est rendu compte que dans nos assiettes, on retrouvait du microplastique. On ne sait pas quelles seront les conséquences de ce microplastique pour notre santé.»
Bien que balbutiant, le professeur Tidjani croit en l'importance de développer le recyclage au Sénégal. "Je suis convaincu qu’on peut faire beaucoup de choses. Mais ce ne serait possible que lorsque vous avez un "back-up", un laboratoire de recherche, parce qu'il faut faire des tests", explique ce spécialiste, qui voit dans le recyclage des pistes prometteuses, comme « les clôtures de village [...] ou des bouées dans les mers ». Pourtant, selon le ministère de l’Urbanisme, à peine 30 000 tonnes sur les 250 000 tonnes de plastiques jetées chaque année au Sénégal sont actuellement recyclées, démontrant l'ampleur du défi qui attend le pays.
En définitive, comme le souligne ce reportage de RFI, le fléau des déchets plastiques perdure à Dakar et dans le reste du Sénégal, malgré les efforts et la loi adoptée, appelant à renforcer les actions pour mettre un terme à cette crise environnementale et sanitaire majeure.
PAR Tierno Monénembo
DIOMAYE, AU BÉNÉFICE DU DOUTE
Le Sénégal nous offre une occasion en or. C'est à ses institutions de faire en sorte que ces doux agneaux dont nous applaudissons aujourd'hui la victoire ne deviennent pas des bourreaux, et que, cette fois-ci, le rêve africain ne vire pas au cauchemar
La présidentielle que vient de vivre le Sénégal n'est pas une simple élection. C'est un profond bouleversement, une révolution tranquille qui abat bien de vieilles choses et ouvre des perspectives toutes nouvelles. Car l'alternance au pouvoir ne se réduit pas à un simple changement de binette. Il s'agit d'un phénomène radical qui touche le cœur même de la société : une alternance de classe doublée d'une alternance de génération.
Tout est nouveau. La jeunesse a fait irruption dans les sphères de l'État. La petite bourgeoisie coloniale n'a plus le monopole du pouvoir. Les petits Prométhée des quartiers populaires ont arraché le feu des mains des dieux. Un air de « lutte finale » flotte en ce moment dans les rues de Dakar. C'est déjà une rupture, on verra bien par la suite, celle qu'on nous promet.
Personne n'a le droit de priver les Sénégalais de l'enthousiasme qui est le leur aujourd'hui. Pour rien au monde, ils ne doivent bouder leur plaisir. Ils ont déclenché un mouvement historique, un mouvement ample qui impacte sinon l'ensemble du continent, du moins une bonne partie de la région. À juste titre, la jeunesse africaine a les yeux tournés vers Diomaye et Sonko. Nous n'irons pas jusqu'à dire que les nouveaux dirigeants sénégalais n'ont pas droit à l'erreur, mais il est clair que leur responsabilité est lourde, que leur tâche ne sera pas de tout repos. La demande est immense, aussi bien en essor économique qu'en éthique politique. Il leur faudra beaucoup de courage, beaucoup de lucidité, beaucoup de force intérieure pour ne pas faillir entre les demandes à satisfaire, les défis à relever et les pièges à éviter.
Nous disons bien piège, car l'enthousiasme qui nous gagne ne nous protège pas de toute appréhension. Les hommes arrivés au pouvoir sur le dos du peuple sont légitimes et, ne serait-ce que pour cela justement, difficiles à gérer. Si l'on n'y prend pas garde, ces héros deviennent vite des tyrans. Ils confondent facilement plébiscite et pouvoir absolu. Si la démocratie a tant de mal à avancer dans nos contrées, c'est certainement parce que nous n'avons pas encore tiré la leçon Sékou Touré et Papa Doc, les deux tyrans qui suscitent les sentiments les plus violents, les plus contradictoires dans le monde noir : légitimes, tous les deux, parce que brillamment élus, tous les deux, ils ont fini par croire qu'ils avaient droit de vie et de mort sur leurs concitoyens.
Plus que jamais, les institutions sénégalaises doivent fonctionner. Plus que jamais, l'opposition, la société civile et les forces religieuses doivent veiller au grain. C'est à elles de faire en sorte que ces doux agneaux dont nous applaudissons aujourd'hui la victoire ne deviennent pas des bourreaux, et que, cette fois-ci, le rêve africain ne vire pas au cauchemar.
Ne gâchons pas la fête, Africains ! Ce n'est pas le moment de nous taper deux nouveaux Sékou Touré pour le prix d'un. Le Sénégal nous offre une occasion en or. Si nous la ratons, c'en serait fini de l'idéal africain. Nos intellectuels ont tendance, dans les moments les plus historiques, à renoncer à leur esprit critique, à céder au jeu facile de la démagogie et de l'autosatisfaction. Ils ont besoin de héros, les pauvres : des héros au moindre coût, des héros sans se fouler la cheville. Disons-nous, enfin, la vérité, nos tyrans ne tombent pas du ciel, ce sont nos élites qui les fabriquent.
Alors, Diomaye oui, mais au bénéfice du doute !
Tierno Monénembo est Grand prix littéraire d'Afrique noire, ex aequo pour Les Écailles du ciel (1986) ; prix Renaudot pour Le Roi de Kahel (2008) ; prix Erckmann-Chatrian et grand prix du Roman métis pour Le Terroriste noir (2012) ; grand prix Palatine et prix Ahmadou-Kourouma pour Le Terroriste noir (2013) ; grand prix de la francophonie pour l'ensemble de son œuvre (2017).
LE SÉNÉGAL BIENTÔT ACTIONNAIRE DE TV5MONDE ?
Le Sénégal fait partie des sept pays africains pressentis pour entrer au capital de la chaîne publique francophone. La participation du Gabon, le Congo-Brazzaville, la RDC et du Cameroun connus pour leur répression de la liberté de la presse fait débat
(SenePlus) - TV5 Monde, la chaîne publique francophone, envisage d'ouvrir son capital à sept pays africains selon les informations de Télérama. Une démarche qui soulève de vives inquiétudes, quatre de ces pays - le Gabon, le Congo-Brazzaville, la RDC et le Cameroun - étant connus pour leur répression de la liberté de la presse.
Dans le cadre de son plan stratégique 2025-2028, le groupe audiovisuel public souhaite faire entrer sept pays africains au sein de son actionnariat selon Télérama. Parmi eux figurent la République démocratique du Congo, le Cameroun, le Gabon, le Congo-Brazzaville mais aussi la Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Bénin.
« Cette chaîne ne peut pas rester celle de la francophonie du Nord qui s'adresse au monde et notamment aux pays du Sud. Il faut que dans les années qui viennent – j'espère le plus rapidement possible –, on puisse ouvrir notre gouvernance et "Notre financement à des États africains. C'est essentiel, politiquement et stratégiquement", a justifié Yves Bigot, président de TV5 Monde, cité par Les Échos en janvier.
Selon Télérama, ce projet baptisé "convergences francophones" a reçu l'aval de l'Élysée, qui y verrait "une main tendue de la France dans une période où le ressentiment envers le pays n'a jamais été aussi exacerbé".
Yves Bigot a d'ores et déjà rencontré certains chefs d'État concernés, comme Denis Sassou-Nguesso, président autoproclamé depuis plus de 40 ans du Congo-Brazzaville, ou encore Félix Tshisekedi, "élu" en 2018 président de la RDC lors de 'un examen qualifié de "putsch électoral" par l'opposition.
Cette ouverture du capital soulève cependant de vives critiques. " Solliciter une junte militaire (le Gabon) et deux pays (le Cameroun et le Congo) dirigés par les mêmes hommes depuis des décennies et dont l'actualité est régulièrement émaillée d'assassinats et de détentions arbitraires de journalistes soulève des inquiétudes légitimes quant au futur de l'information sur cette chaîne publique", a déclaré Arnaud Froger de Reporters sans frontières (RSF) cité par Télérama.
Dans les rédactions de TV5 également, l'inquiétude règne. "L'ouverture à la francophonie au Sud est une évidence, mais pas avec n'importe quel État et avec un minimum de transparence", résume un journaliste anonyme à Télérama. Les rédacteurs en chef Afrique ont intégré la direction dans une note sur "les éventuelles conséquences éditoriales" et la "cohérence avec la ligne éditoriale et les valeurs déontologiques" de la chaîne.
"Cette charte est une diversion, et je ne vois pas comment elle va empêcher une dictature d'être une dictature", avance un autre journaliste anonyme à Télérama, faisant référence à un renforcement de la charte déontologique proposée par la direction.
Le calendrier de cette décision laisse également perplexe selon Télérama, avec une annonce prévue dès le 5 octobre 2024, en marge du Sommet de la Francophonie à Villers-Cotterêts.
Rien ne semble pouvoir l'empêcher, alors que ces nouveaux actionnaires (à hauteur de 600 000 euros par pays selon Télérama) se verront offrir un accès aux programmes, des coproductions ainsi qu'une diffusion de leurs journaux télévisés nationaux.
Les partenaires historiques de TV5 comme la Belgique, la Suisse et le Canada, qui n'ont pas été consultés sur ce virage stratégique, pourraient toutefois avoir leur mot à dire lors du conseil d'administration du 30 avril qui s'annonce agité d'après Télérama.
par Cheikh Omar Diallo
LA SUPPLÉANCE DES DÉPITÉS
EXCLUSIF SENEPLUS - Dans la doctrine Macky, le statut du député se traduit depuis 2022 par la possibilité à lui offerte de reprendre son siège après la fonction ministérielle. Amadou Ba, Mariama Sarr, Diouf Sarr, etc. peuvent redevenir députés
Les ministres de Macky Sall se recyclent en députés
Dans le corpus législatif sénégalais, le suppléant remplace le député empêché à court terme et non pas de manière définitive. En clair, les ministres de Macky Sall précédemment élus députés en 2022 peuvent librement regagner leur siège après la défaite de leur candidat à la présidentielle, Amadou Ba, le 24 mars 2024.
Telle est l’économie de la suppléance prévue dans la loi organique du 4 mai 2019 qui prévoit que tout autre parlementaire nommé ministre pourra reprendre automatiquement sa place à l’hémicycle, s’il n’exerce plus de charge ministérielle.
Ainsi donc, s’ils le veulent, Amadou Ba, Mariama Sarr, Abdoulaye Diouf Sarr, Fatou Diané, Abdoulaye Seydou Sow, Daouda Dia, Me Oumar Youm entre autres peuvent redevenir députés.
Sous le bénéfice de cette affirmation, il faut rappeler que l’incompatibilité entre la fonction ministérielle et le mandat parlementaire entraînait ipso facto le remplacement définitif du député par son suppléant, qui, à son tour, conservait le siège jusqu’au terme du mandat. Avec cette incompatibilité proclamée, le système politique sénégalais consacrait ainsi un dogme intangible de rang constitutionnel.
Mais aujourd’hui, dans la doctrine Macky Sall, le statut du député se traduit depuis 2022 par la possibilité à lui offerte de reprendre son siège après la cessation de sa fonction ministérielle, conformément à l’article 54 de la Constitution du 22 janvier 2001. Ce fait juridique vient tempérer la reconnaissance du dogme « incompatibilités entre fonction gouvernementale et mandat parlementaire ».
Dans le même ordre d’idées, en cas de vacance du siège de député pour cause d'empêchement [nomination ou maladie], le suppléant désigné exercera pleinement la fonction de député pendant la durée de l'empêchement. En clair, on ne peut suppléer un titulaire que s’il y a incompatibilité entre le poste de député et la fonction occupée. Le suppléant pourra alors siéger mais quand le titulaire cessera ses fonctions précédentes, le suppléant lui cèdera la place.
En octroyant un titre révocable et précaire au suppléant, l’intention du prédécesseur de Bassirou Diomaye Faye était de reconnaître et de consacrer la primauté élective du député élu, devenu ministre.
Possiblement des anciens ministres regagneront leur fauteuil à la place Soweto. Ministre aujourd’hui député demain ; ministre hier, député aujourd’hui.
C’est alors que le suppléant cessera d’être député suppléant ; tandis que le député suppléé redeviendra député de plein droit.
Faux suppléant : « vrai garde-place »
Passons rapidement sur la « tragédie sociale, familiale et personnelle » qu’est la déchéance politique du « simple suppléant » pour nous arrêter sur le principe de la séparation stricte des pouvoirs qui s’en trouvera fortement atténué. Ce qui incidemment consacrera, le caractère temporaire de la suppléance et par la même occasion, accentuera l’idée de suppléant « garde-place ».
Pour rappel, au lendemain de l’indépendance du Sénégal, la compatibilité entre la fonction ministérielle et le mandat parlementaire était une pratique constitutionnelle acceptée. En permettant ainsi aux parlementaires de devenir ministres, sans cesser de siéger l’Assemblée nationale, les Mamadou Dia, Valdiodio Ndiaye, Alioune Badara Mbengue, Karim Gaye, Emile Badiane et Demba Diop, entre autres ont cumulativement été des ministres-parlementaires. Une coutume législative inspirée des IIIe et IVe république en France.
Cela dit, c’est l’avènement de la Ve république voulue par le Général Charles de Gaulle qui fixe, pour la première fois, le régime des incompatibilités et des inéligibilités des députés prévu dans la Constitution du 4 octobre 1958. Par héritage constitutionnel, depuis plus de cinquante ans, le législateur sénégalais l’avait inséré dans le corpus juridico-politique.
Au passage, il faut noter qu’au Royaume-Uni, le Premier ministre et ses ministres sont tous membres du parlement (chambre des communes). De ce fait, l’élu britannique n’a pas de suppléant. En cas de décès, démission ou destitution, il est procédé à une élection partielle appelée by-election. Une pratique toujours en cours.
Docteur Cheikh Omar Diallo est enseignant-chercheur en Sciences Juridiques et Politiques, fondateur l’Ecole d’Art oratoire et de leadership.
par l'éditorialiste de seneplus, ada pouye
LA SYMBOLIQUE DE LA RUPTURE
EXCLUSIF SENEPLUS - Laisser la présidence régenter la foi, les corps de contrôle et le Bureau d’intelligence et de prospective économique, n’est-ce pas une manière de renforcer le présidentialisme avec des ramifications insoupçonnés d’un État mal nourri ?
Déconstruire - Reconstruire deux mamelles qu’il est difficile de séparer dans le contexte politique du Sénégal et deux armes redoutables pour la renaissance. Il s’agit là de l’enjeu pour satisfaire la demande sociale d’un peuple meurtri par la gouvernance la plus tortueuse de notre histoire.
Contrairement aux autres élections empreintes de “dégagisme”, celles de 2024 portent la marque du vote affectif et réactif contre un système de prédation et d'accaparement. Traduisant la radicalité autour de l’anti-système que la jeunesse a bien ingérée par son engagement sans faille. Le discours sur l’anti-système aura été le dividende de la victoire. Ce dividende a un prix pour une rupture systémique à la hauteur des attentes des masses. Ce choix « d’anti… » implique la dé-construction du modèle néo-colonial qui prévalait. Un nouvel imaginaire socio-politique décomplexé est à reconstruire par les nouvelles autorités pour mieux coller aux aspirations des populations en vue d’un progrès social véritable. Nous avons là une opportunité pour Déconstruire - Reconstruire le modèle qui a conduit à la faillite de notre gouvernance.
Diomaye et Sonko désormais au pouvoir, tous leurs actes sont scrutés sur la matérialité de leur posture médiatique anti-système et les ruptures. Ils doivent faire face aux adversités de l’ancien régime, de l’impérialisme des institutions de Bretton Wood et des lobbies multidimensionnels qui gangrènent notre société.
Tous les symboles du désenchantement politique se cristallisent pour nourrir un espoir de rupture systémique. Le projet qui est un mythe fondateur de nouvelles espérances justifie une sédimentation des signes de rupture annoncée.
Le choix d'un gouvernement au profil technocratique et politique avec 25 ministres au lieu de 10 est-il un vrai signe de rupture ? La rupture fondamentale réside plus dans le contenu des politiques publiques et non dans la cosmétique des modèles et principes technocratiques.
Le dernier communiqué du Conseil des ministres qui accorde une large place aux directives du président de la République reprend le même format « présidentialiste » et soulève beaucoup d’interrogations. L’essentiel du communiqué porte sur les instructions présidentielles dont le point fort reste la publication des rapports des corps de contrôle. Le déplacement dans les foyers religieux est interprété comme de la courtoisie sociale mais ne doit pas se traduire par des promesses comme le faisait l'ancien système. Il prend la forme d’une continuité et non d’une rupture pour la poursuite de modernisation des foyers religieux en termes d’infrastructures de base (voirie, eau, assainissement, électricité).
Les signes d’une timide hyperprésidence se manifestent par la création d’une « direction des Affaires religieuse » au sein de la présidence, composée du bureau des Affaires religieuses et de celui de l’insertion des diplômés de l’enseignement arabes. Le ministère de l’Intérieur, le ministère du Travail et de l’emploi et le ministère de l’Éducation nationale ne sont-ils pas les structures les plus habilitées pour ces taches ?
Laisser la présidence régenter la foi, les corps de contrôle et le Bureau d’intelligence et de prospective économique, n’est-ce pas une manière de renforcer le présidentialisme avec des ramifications insoupçonnés d’un État mal nourri ?
Qui trop embrasse mal étreint ! La rupture symbolique doit pénétrer tous les segments de notre corpus social et justifier une mobilisation sociale volontaire autour de l’enterrement des vieilleries de l’état néo-colonial. Il est urgent de se tourner vers la renaissance africaine si chère à Cheikh Anta Diop.
par El Hadji Mamadou Tounkara
LE SÉNÉGAL ET LA SORTIE DU FRANC CFA : EUPHORIE OU SURRÉALISME
Les problématiques de notre tissu économique ne résident pas sur la souveraineté monétaire mais sur l’économie réelle : la diversification industrielle, la restructuration du secteur informel et la revalorisation du secteur primaire
El Hadji Mamadou Tounkara |
Publication 22/04/2024
Le débat sur le franc CFA et la sortie éventuelle du Sénégal font le tour des bancs publics et catalysé par l’accession du nouveau régime souverainiste.
Force est de reconnaître que le Sénégal comme la plupart des pays de l'Afrique de l’Ouest ont des économies relativement diversifiées. Autrement dit, il s'agit des pays importateurs de produits finis majoritairement constitués des biens de consommation finale et intermédiaire.
Or des études empiriques ont montré que dans les économies très faiblement diversifiées ou mono-exportatrices, la dépréciation du taux de change a un impact limité sur l'ajustement du solde courant par les quantités.
En effet, les gains de compétitivité apportés par la dépréciation ne permettent pas de stimuler les volumes d'exportations, qui sont presque exclusivement composés de matières premières, dont les prix sont fixés en devises sur les marchés internationaux.
De plus, la substitution de produits domestiques aux importations est limitée par le manque de développement de certains secteurs hors matières premières. L'augmentation des prix d'importation provoquée par la dépréciation du taux de change entraîne une hausse de l'inflation et une contraction de la demande intérieure. En particulier, la production des secteurs qui ont besoin de biens intermédiaires importés, est affectée par la hausse des prix d'importation. Par conséquent, pour un pays producteur de matières premières très peu diversifié ou mono-exportateur, un régime de change fixe – si l'ancrage de la devise domestique est crédible présente l'avantage de permettre une plus grande stabilité dans le temps du pouvoir d'achat à l'importation.
Toutefois, la pérennité d'un régime de change fixe n'est possible que si la banque centrale conserve des réserves de change suffisantes pour faire face à d'éventuelles pressions à la dépréciation. Ces réserves doivent être accumulées en haut de cycle, lorsque les prix des matières premières sont élevés et que le pays accumule des excédents courants. Si les réserves sont insuffisantes pour maintenir l'ancrage face à des pressions à la dépréciation, les autorités recourent dans certains cas à des contrôles de capitaux plus ou moins stricts pour rationner l’offre de devises.
En cas d'épuisement des réserves, les autorités seront contraintes de dévaluer la monnaie, voire d'assouplir le régime de change, comme l'ont fait un certain nombre de pays ces dernières années.
De plus, le Sénégal sera bientôt exportateur de gaz et de pétrole, la stabilité monétaire sera un enjeu crucial dans la capitalisation des retombées économiques et financières.
Certes l’arrimage avec l’Euro peut réduire l’efficacité et le rendement des politiques de diversification industrielle car du fait de l'ancrage à l’Euro, le franc CFA est considéré comme une monnaie forte va entraver la compétitivité des pays membres voire les inciter à l’importation des produits étrangers via le commerce bilatéral avec les pays de l’Europe au détriment du commerce Sud-Sud et avec les pays émergents.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la sortie de la zone franc n’aurait pas d’impact significatif dans le court ni dans le moyen terme car les défis de l'économie réel plombent l’effet du gain de l’instrument de change sur la compétitivité et l’efficacité des politiques de change.
Il faudrait donc travailler et mettre l’accent sur la diversification industrielle et la substitution des importations en mettant en œuvre une politique économique basée sur la production et consommation locale jusqu'à atteindre un seuil cible d’autonomie de diversification industrielle.
Le modèle de la Chine basé sur un régime à taux de change affaibli est un paradigme digne d’un pays exportateur. En effet, le régime de change flexible est plus avantageux aux pays ayant un panier d’exportation riche et diversifié et non aux pays “importateurs” comme le Sénégal et qui n’ont pas atteint la diversification industrielle. Comme le disait J.B SAY “la monnaie ne peut être désirée pour elle-même, car elle n'est qu'un voile, de l'huile dans le rouage des échanges économiques”.
Bien que ce sujet de souveraineté monétaire soit une promesse électorale ; les lois et fondamentaux économiques ne nous permettent pas de tirer les épingles du jeu.
Les vrais problématiques de notre tissu économique ne résident pas sur la souveraineté monétaire mais plutôt sur l’économie réelle : la diversification industrielle, la restructuration du secteur informel (productif et improductif) et enfin la revalorisation du secteur primaire.
El Hadji Mamadou Tounkara est spécialiste en stratégie internationale économique et financière, Expert en lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du Terrorisme – diplômé de l’Institut Supérieur d’Economie et de Management de l’Université de Nice.
Sources :
Rapport du ministère français de l’économie et des finances (2017) « Quel impact de la politique de change pour les pays exportateurs de matières premières »
Augier, P., O. Cadot and M. Dovis (2009) « Imports and TFP at the Firm Level »
Auty, R. (2000), «How Natural Resources Affect Economic Development »
Cabellero, R. J., and K. Cowan (2006) «Financial integration without the volatility»