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3 mai 2025
International
LA CRISE DU SYNDICALISME EN AFRIQUE DE L'OUEST
Selon Babacar Fall, "les syndicats se sont trop formalisés". Leur manque de démocratie interne mène à des "batailles de contrôle" et des scissions à répétition, rendant les structures "peu attractives" pour les travailleurs sénégalais
(SenePlus) - En ce 1er mai, les travailleurs d'Afrique de l'Ouest célèbrent leur journée dans un contexte syndical pour le moins difficile. Comme l'explique le Professeur Babacar Fall, historien spécialiste des questions du travail, "le syndicalisme ne se porte pas bien" dans cette région.
Au Sénégal, qui illustre bien la tendance générale, l'heure est au constat amer : "Si l'on compare la situation des syndicats par rapport à la période qui a conduit vers les indépendances, où les syndicats ont véritablement joué un rôle moteur très important (...) les syndicats durant cette période ont véritablement joué le rôle de contre-pouvoir." Las, ce n'est plus le cas aujourd'hui.
L'émiettement syndical y est "très remarquable" avec "une vingtaine de confédérations". Le Professeur Fall déplore "cette faible attractivité des syndicats" qui "n'est pas du tout en faveur de l'émancipation des travailleurs et de la défense de leur pouvoir d'achat".
Selon lui, "les syndicats se sont trop formalisés. Ils sont devenus trop conventionnels". Leur manque de démocratie interne mène à des "batailles de contrôle" et des scissions à répétition, rendant les structures "peu attractives" pour les travailleurs.
Face à ces syndicats défaillants, ce sont désormais "des mouvements de plus en plus spontanés qui s'organisent" pour défendre les droits des travailleurs. Le Professeur Fall cite l'exemple du "mouvement Frapp qui fait beaucoup d'agitation" pour pallier "les faiblesses des syndicats".
Cette crise syndicale touche l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest. "Le portrait du Sénégal cadre parfaitement avec ce que nous pouvons avoir au Mali, en Guinée, au Burkina Faso, au Niger ou en Côte d'Ivoire" affirme le spécialiste.
Dans les pays du Sahel, marqués par l'insécurité, s'ajoute la difficile "restriction des libertés" qui impacte logiquement la liberté syndicale. "Des partis politiques ont été interdits d'activité. Il va sans dire que dans des conditions où les libertés sont confisquées par l'État, les libertés syndicales souffrent également."
Face à ce sombre constat, l'avènement du nouveau président sénégalais apparaît comme "une porte d'espoir" pour renouer le dialogue avec les corps intermédiaires. La décision de réautoriser les défilés du 1er mai après 3 ans d'interdiction est un "signe positif" selon le Professeur. Fall.
"Le nouveau régime ouvre une porte d'espoir. Il faut souhaiter que cette porte se consolide", insiste l'universitaire, appelant à une écoute accrue des revendications sociales pour "renché[rir] le pouvoir d'achat des travailleurs".
En ces temps de crise et de vives tensions sur le pouvoir d'achat, la réhabilitation du dialogue avec les représentants légitimes des travailleurs s'impose. Le 1er mai célèbre les conquêtes sociales issues de luttes solidaires.
LE MIRAGE DES FAUX LEADERS EN AFRIQUE
Trop de dirigeants usurpent la gloire des grands noms du passé sans en avoir l'étoffe. Des imposteurs sans vision ni dévouement pour leur peuple se parent des plumes de Lumumba, Nkrumah et Sankara estime Jean-Baptiste Placca
(SenePlus) - Sur un continent qui a un "besoin vital de leaders d'envergure", comme le souligne Jean-Baptiste Placca, il y a un réel danger à croire que "plagier les discours des figures charismatiques qui ont fait la gloire de l'Afrique, suffit pour faire de certains dirigeants actuels, les nouveaux Lumumba, Nkrumah, Sankara..."
L'exemple tchadien est éloquent. Alors que s'approche la présidentielle du 6 mai, "la question d'une éventuelle entente entre Mahamat Idriss Déby, chef de l'État et Succès Masra, son Premier ministre, devient un thème de campagne pour leurs adversaires." Placca soulève la possibilité qu'"l'ex-opposant irréductible soit devenu l'allié secret du président qu'il combattait ?"
Bien que "l'heure de vérité approche", qui révélera si Masra reste fidèle à ses anciennes convictions pour lesquelles certains "ont risqué leurs vies", le cas tchadien illustre un problème plus large : "Ces héros plus ou moins artificiels, que l'on vend, à la chaîne, à certains peuples du continent."
Cette "soif d'hommes providentiels" de populations "si souvent déçues par leurs dirigeants" est compréhensible. Mais comme le note Placca, "on a du mal à croire que pour guérir des trois éprouvantes décennies d'Idriss Déby Itno, la solution soit de mettre en selle son fils, pour une nouvelle tournée."
L'auteur dénonce "l'enthousiasme de commande autour de dirigeants parvenus au pouvoir par la petite porte" comme "une gloire acquise à bon marché", d'autant plus pour "des personnes parfois totalement inconnues du grand public, dont le pedigree ne justifie nullement les colonnes d'apothéoses qu'on leur dresse dans l'imaginaire populaire."
Alors que "la pénurie de leaders charismatiques n'est pas moins chronique, à l'échelle planétaire", le "drame de l'Afrique est qu'elle est plus vulnérable, avec des héros qui n'en sont pas du tout, alors qu'elle a, justement, besoin de leaders d'envergure."
Se revendiquer des grands noms comme "Lumumba, Nkrumah, Cabral, Sankara, Rawlings, Mandela" ne suffit pas. Comme l'explique Placca, "ce serait trop facile, s'il suffisait de plagier les discours de ces figures charismatiques pour devenir ce qu'elles sont, à jamais, pour l'Afrique !"
Au-delà des discours, "c'est leur sens de l'intérêt général et leur esprit de sacrifice qui faisait la grandeur de ces héros du panafricanisme." L'enjeu majeur reste donc pour l'Afrique de "leur trouver des successeurs à peu près à la hauteur."
Le continent a cruellement besoin de véritables leaders visionnaires et intègres, prêts à servir leur peuple plutôt que leurs intérêts personnels. Jusqu'à ce qu'une nouvelle génération de dirigeants charismatiques et désintéressés émerge, l'Afrique restera aux prises avec le mirage persistant des faux leaders.
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LE DÉSIR FRANÇAIS DE RECOLONISATION
60 ans d'indépendances formelles... et toujours l'ombre de la Françafrique. Boubacar Boris Diop, Aminata Dramane Traoré et Abdou Aziz Ndao décryptent dans un riche échange, les ambitions impérialistes d'une puissance résolue à conserver ses intérêts
Dans le 10ème épisode de son émission "Où va le Sénégal ?", le chercheur Florian Bobin recevait l'écrivain Boubacar Boris Diop, l'essayiste Aminata Dramane Traoré et le militant Abdou Aziz Ndao. Un échange percutant qui remet en cause la présence militaire française jugée néo-coloniale au Sahel.
Décryptant les récentes déclarations du général Lecointre sur un possible retour en force au nom des "intérêts" français, les invités dénoncent les cibles impérialistes de l'Hexagone. Boubacar Boris Diop évoque « un désir de recolonisation » tandis qu'Aminata Traoré pointe « un agenda de prédation » niant la démocratie.
Le Sénégal est vu comme un maillon clé du dispositif français, avec ses bases stratégiques à Dakar. Malgré l'alternance, on espère que le nouveau régime résistera aux pressions pour exiger le départ des troupes étrangères.
Échaudée par son échec cuisant au Mali, chassée par la fronde populaire, la France cherchait à se refaire une santé en embarquant d'autres puissances dans une nouvelle croisade militaro-économique contre la Russie et la Chine émergentes.
Face à ce risque, les intervenants appellent à l'unité africaine pour briser le jeu néo-colonial via une véritable souveraineté économique, politique et stratégique.
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LE SÉNÉGAL DE DIOMAYE, UNE DIPLOMATIE RENOUVELÉE EN AFRIQUE DE L'OUEST
Réaffirmation de l'influence régionale, défense des intérêts économiques et énergétiques, médiation avec les juntes au pouvoir... Le président semble bien décidé à imprimer sa marque dès les premiers mois de son mandat
(SenePlus) - L'arrivée au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye au Sénégal marque un tournant dans les relations régionales. Après une visite en Mauritanie puis en Guinée-Bissau, le nouveau président semble vouloir imprimer sa marque sur les dossiers sensibles qui lient le Sénégal à ses voisins.
Les liens historiques entre Dakar et Bissau devraient se renforcer selon Mamadou Lamine Sarr, enseignant à l'Université de Dakar: "Il y a quand même des intérêts économiques et, surtout, de sécurité au niveau de la frontière. (…) Il y a des intérêts communs mutuels pour que ces deux pays consolident leurs relations."
La présence des 120 soldats sénégalais déployés dans le cadre de la force de la Cédéao devrait ainsi se poursuivre. "Avec le contingent sénégalais, le président Macky Sall a pu consolider son alliance avec le président Sissoco contre les rebelles casamançais. Et vous pensez qu'avec Diomaye Faye, c'est la même politique qui va être poursuivie ? Tout à fait", analyse M. Sarr.
Mais c'est sur le dossier des gisements pétroliers et gaziers offshore que le président Faye semble le plus déterminé à marquer sa différence. Voulant renégocier les contrats avec British Petroleum, il s'est rendu en Mauritanie, pays co-propriétaire de ces ressources.
"C'est une condition. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles le président Diomaye Faye s'est rendu en Mauritanie. Il est important de discuter de cela", estime Lamine Sarr, tout en ajoutant: "Le président Diomaye Faye a très certainement réévalué l'accord et s'est rendu compte, peut-être, que les intérêts du Sénégal n'étaient pas assez défendus."
Malgré les réticences de BP, "le Sénégal, en tant qu'État souverain, a la possibilité de revoir ces accords. Il y aura plusieurs leviers sur lesquels le président pourra jouer", affirme le professeur.
Enfin, les nouvelles autorités sénégalaises semblent vouloir jouer un rôle de médiation avec les régimes militaires du Sahel. Selon M. Sarr, "S'il y a quelqu'un qui peut essayer de rapprocher nos frères du Burkina, du Mali et du Niger, c'est bien le président Diomaye Faye."
La question du franc CFA, sur laquelle le Sénégal partage la position des juntes, "peut être un levier pour faire retourner ces pays qui avaient quitté la Cédéao", affirme l'enseignant, ajoutant: "Je pense que c'est quelque chose qui est fort probable" qu'une rencontre ait lieu.
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LE CRÉPUSCULE DU FRANC CFA
« Battre sa monnaie » pour recouvrer la pleine souveraineté : quel chemin emprunter ? Dialo Diop, Demba Moussa Dembélé et Abdoulaye Seck ont confronté leurs visions pour le nécessaire divorce d'avec le franc CFA
Invités de marque pour cet épisode consacré à la question brûlante de la souveraineté monétaire du Sénégal et de l'Afrique de l'Ouest : Dialo Diop, Demba Moussa Dembélé et Abdoulaye Seck ont livré une analyse percutante sur les voies de sortie possibles du franc CFA .
Emblème du néocolonialisme français, le franc CFA continue 60 ans après les indépendances à entraver le développement économique et politique de la région. "Une faillite multidimensionnelle" pour Dialo Diop, vice-président du Pastef, tandis que l'économiste Dembélé pointe "un goulot d'étranglement" profitant à l'ancien colonisateur.
Face à ce constat, plusieurs alternatives ont été explorées. L'ECO, future monnaie unique de la CEDEAO, peine à émerger tant les défis de convergence sont importants. Réformer l'UEMOA en revoyant les règles de sa banque centrale ? Une piste difficile selon les intervenants. Une sortie nationale non concertée du franc CFA pour le Sénégal est envisageable mais avec d'importantes préalables économiques et institutionnelles.
L'hypothèse d'un rattachement à l'alliance monétaire naissante des pays du Sahel a également été avancée. Mais l'option idéale, de l'avis de tous, reste le fédéralisme politique et monétaire panafricain, même si l'objectif semble lointain.
par l'éditorialiste de seneplus, ada pouye
L'ÉQUITÉ EN TOUTE PRIORITÉ
EXCLUSIF SENEPLUS - Comment adresser et satisfaire la demande sociale éminemment souverainiste en exécutant un budget et des programmes de financement qui ne sont pas les vôtres ?
Comment adresser et satisfaire la demande sociale éminemment souverainiste en exécutant un budget et des programmes de financement qui ne sont pas les vôtres ?
Autrement dit, comment se débarrasser de l’habitus (Bourdieu, P.)[1] mackyéen ? Le nouveau pouvoir fait face à une impatience sociale légitime dont le baromètre est donné par le début de levée de boucliers qui enfle avec une surenchère de doléances qui pleuvent de partout. Aucun segment de la vie sociale de la sphère publique et des relations internationale n’est en reste. C’est la guerre de positionnement (FMI, SFI, UE, BAD et les diplomaties du pétrole et du gaz).
Le défi d’une souveraineté intégrale, de la mise en place des manières de faire gravées dans l’éthique et de la conciliation des intérêts collectifs et individuels, est programmatique et séquentiel.
L’ideal démocratique qui est une aspiration profonde des masses repose sur le référentiel de la Constitution qui est un construit de surplomb dont le peuple ne peut s’approprier. Le peuple a toujours été l’otage des élites porteuses de valeurs d’égalité et de liberté non internalisées par les populations comme une valeur universelle.
Le dernier communiqué du Conseil des ministres est présidentialiste. La dynamique de conquête et de conservation structure encore la toute puissance publique.
Aujourd’hui tous les médias publics comme privés jouent leur partition présidentialiste dans le reportage des activités des nouvelles autorités et de leur CV. Les décrets présidentiels de nomination aux postes civil et militaire réinventent les mêmes modalités de partage et de récompense des compagnons. C’est la poursuite de l’entre soi en politique.
Est-il pertinent de tenir un Conseil des ministres, une tradition bien française (!), toutes les semaines et non une fois par mois, et partager sur les sites du gouvernement avec une adjonction d’une version audiovisuelle en langues nationales ? Le format du communiqué même pose un problème dans sa longueur et son contenu directif.
Ces artifices du pouvoir alimentent le sentiment d’un pouvoir de « buur ». Qui ne se rappelle pas les affiches géantes (Dazibao) de Macky placardées partout pour cristalliser dans les masses le culte du timonier.
Quoi de plus normal me diriez-vous, l’autoritarisme est une donnée sociologique permanente avec des cycles récurrents.
La déferlante contre le « système » et ses acteurs présomptueux et arrivistes a administré la preuve que nul ne peut pérenniser un système de concussion s’appuyant sur une majorité électorale artificielle et non sur une réalité sociologique.
Toutefois, ce dividende pour une rupture systémique a pour contrepartie la satisfaction des attentes des masses. Qu’on ne s’y trompe pas. La demande exprimée n’est pas matérialiste. Elle formule le respect des élus vis-à-vis de leurs électeurs. Elle exige la décence dans la prise de parole. Elle réclame l’humilité des gouvernants en tout temps et en tout lieu. Répondre à la demande sociale, c’est donner à chacun ce qui lui revient de droit. C’est l’équité.
[1] L'habitus est pour lui le fait de se socialiser dans un peuple traditionnel, définition qu'il résume comme un « système de dispositions réglées ».
Par Madiambal DIAGNE
DIOMAYE-TV5, UN FAUX SCANDALE
Alors que la polémique enfle autour de l'ouverture du capital de TV5 aux pays africains, le Sénégal hésite encore à saisir cette opportunité stratégique. Pourtant, nul pays n'est plus légitime pour représenter le continent au sein de la chaîne francophone
L’annonce de l’ouverture du capital de la chaîne de télévision TV5, à des pays africains, a beaucoup fait débat ces derniers jours en Afrique et en France. L’information a été présentée telle que des pays africains vont mettre la main à la poche pour financer la chaîne internationale qui serait vectrice de «la propagande de la Françafrique». Au Sénégal, les réseaux sociaux se sont enflammés pour mettre le nouveau Président, Bassirou Diomaye Faye, dans le lot des chefs d’Etat africains qui vont signer les chèques. Il convient de préciser que le tour de table des actionnaires actuels de cette chaîne, créée en 1984, montre la présence de la France, du Canada (Québec), de la Suisse, de la Belgique et de Monaco. Ces pays sont représentés dans la chaîne par le truchement de leurs télévisons publiques et autres structures dans le secteur de l’audiovisuel. Le budget annuel de la chaîne tourne autour de 145 millions d’euros. La contribution attendue des sept pays africains démarchés pour faire partie du capital sera, au total, 4, 2 millions d’euros. Le modus operandi sera une forme de tontine, à raison de 600 mille euros par pays. On peut dès lors considérer que les Africains seront bien loin de pourvoir aux besoins de la chaîne ! Les pays ciblés sont le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Congo, le Bénin, la République démocratique du Congo, le Cameroun et le Gabon. Les responsables de TV5 ont fini de rencontrer les chefs d’Etat de ces pays, à l’exception de Bassirou Diomaye Faye, qui leur ont donné leur accord au projet. TV5, qui en a fait la demande, attend encore une audience que le chef de l’Etat sénégalais voudra lui accorder.
Un projet déjà proposé à Macky Sall
C’est en décembre 2023 que l’idée, portée depuis 2022 par Yves Bigot, patron français de TV5, d’ouvrir le capital aux pays africains a été validée. La directrice de TV5 Afrique, Denise Epoté, avait eu à s’en ouvrir au Président Macky Sall. Le Sénégal était le premier pays ciblé, mais le contexte électoral faisait sans doute que les autorités de l’Etat et de la Radio-Télévision sénégalaise (Rts) avaient la tête à autre chose. TV5 fera le tour des autres pays. C’est ainsi que le Président Denis Sassou Nguesso proposera, par exemple, de souscrire la totalité des parts destinées aux pays africains et donc de payer la somme annuelle de 4, 2 millions d’euros. Cela permettrait au Congo de disposer d’un siège permanent au sein du Conseil d’administration, au lieu que ce siège ne soit annuellement tournant entre les sept pays africains actionnaires. C’est en quelque sorte le modèle de l’actionnariat commun de nombreux pays africains dans des institutions multilatérales comme le Fonds monétaire international (Fmi). Le Président Patrice Talon a aussi eu à faire, pour le compte du Bénin, une contre-proposition, toujours déclinée par TV5 qui tient à la diversité de cette représentation qu’elle voudrait symbolique. Le Bénin a d’ailleurs négocié un partenariat avec TV5 dans le domaine de la production cinématographique, comme aussi la République démocratique du Congo pour un accompagnement technique au profit de sa télévision nationale. Pour sa part, le Sénégal n’a pas encore donné son accord de prendre une quotité dans le capital de TV5, mais Racine Talla, ci-devant Directeur général de la Rts, a déjà noué un partenariat avec TV5 pour la formation de plusieurs cohortes de stagiaires. Présentement, un troisième groupe d’une dizaine de stagiaires sont présents dans les locaux parisiens de TV5. En outre, le partenariat proposé par TV5 comprendra la diffusion de programmes des télévisions nationales partenaires et un volet de co-production. En quelque sorte, les sommes données par ces pays retourneront dans ces programmes. Le schéma semble quelque peu fonctionner sur une symbiose de ceux de l’Union des radios et télévisions nationales d’Afrique (Urtna) et de Canal France international (Cfi).
Le Sénégal plus légitime que tous les autres pays pour siéger à TV5
Assurément, le Sénégal avait été la cible préférée de TV5 pour l’ouverture de son capital en direction de pays africains. Les tractations pour convaincre le Président Macky Sall avaient été engagées, mais l’initiative butait sur une certaine frilosité ou un réel manque d’intérêt de la part du Sénégal. L’offre prioritaire avait été faite au Sénégal et, je peux dire que moi-même, j’ai eu à en toucher un mot au Président Sall pour le persuader d’un tel intérêt. En effet, le Rwanda était très intéressé, mais le fait que la Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophone (Oif), Louise Mushikiwabo, qui assure en quelque sorte la tutelle de TV5, soit originaire du Rwanda, n’enthousiasmait pas trop TV5 à donner un siège à ce pays. L’intérêt du Président Kagamé n’avait pas été satisfait et même, dans la nouvelle offre en direction de plusieurs pays africains, le Rwanda et le Togo, pourtant retenus à l’origine pour être démarchés, ont fini par être rejetés. Il faut dire que le contexte géopolitique dans la zone des Grands Lacs rendait aussi difficile un partenariat commun entre le Rwanda et la République démocratique du Congo. Pour ce qui le concerne, le Togo est en conflit ouvert avec TV5 sur des contentieux liés à de mauvais traitements subis à Lomé par certains journalistes de la chaîne. Le Sénégal, avec son modèle démocratique et l’état des droits et libertés des médias, dispose de gros avantages par rapport à de nombreux pays. Il s’y ajoute l’histoire ! Le pays de Léopold Sédar Senghor et de Abdou Diouf symbolise, plus que tout autre pays, l’idéal de la Francophonie dans le monde. Mieux, le Président Abdou Diouf est à l’origine de la création de TV5 Afrique, au Sommet de la Francophonie en 1989 à Dakar. C’est ainsi que Mactar Sylla avait été le premier directeur de TV5 Afrique (1992-1998). Au moment de son départ de la chaîne, il avait été question de le faire remplacer par un autre citoyen sénégalais, mais le Président Diouf avait voulu éviter que la direction de TV5 Afrique ne soit une chasse gardée du Sénégal. Ainsi avait-il encouragé la nomination de la journaliste camerounaise Denise Epoté, adjointe de Mactar Sylla.
Le coup gagnant que pourrait jouer Diomaye Faye
On voit bien que c’est faire un mauvais procès au Président Faye que de le prendre pour un «suppôt du néocolonialisme» ou d’être un «supplétif de la France», en faisant entrer son pays dans le capital de TV5. L’entrée dans le capital de la chaîne de certains pays dont les dirigeants apparaissent comme des autocrates, provoque l’ire de nombreux journalistes et d’organisations de médias. Par contre, l’arrivée éventuelle du Sénégal est vue d’un bon œil par la rédaction de TV5. Cet apriori favorable renforcerait la position de négociation du Président Bassirou Diomaye Faye. Ainsi, il peut sembler opportun qu’il fasse une contre-proposition pour demander plus de présence du Sénégal au sein du Conseil d’administration de la chaîne. On sait que quelques autorités françaises avaient été réceptives à l’idée de laisser des parts au Sénégal, après l’arrivée de la Principauté de Monaco en 2021, via Monte Carlo Riviera. La Principauté détient 5, 25% du capital. La France, par le truchement de certaines entités publiques, détient 63, 16% des parts de TV5, réparties ainsi qu’il suit : France Télévisions (46, 42%), France-Médias Monde (11, 97%), Arte France (3, 12%) et 1, 65% à l’Institut national français de l’audiovisuel (Ina). Il reste que le régime de Macky Sall ne semblait pas percevoir les enjeux d’une entrée dans le capital de TV5. Un siège au Conseil d’administration donne aussi le droit de participer à la Conférence des ministres qui regroupe les ministres responsables de TV5 issus des gouvernements actionnaires de la chaîne, et au Conseil de coopération de TV5 MondeAfrique. Le Sénégal gagnerait bien en visibilité sur une chaîne internationale disponible et assez suivie dans 421 millions de foyers et dans 200 pays et territoires. Le nouveau Directeur général de la Rts, Pape Alé Niang, serait assez avisé de s’investir pour conclure cette opportrunité. Assurément, payer 4, 2 millions d’euros par an à l’échelle d’un pays coûterait bien moins cher que tous les frais de publicité institutionnelle sur la scène internationale. C’est dans cet esprit de chercher à rendre un pays attractif que le Rwanda, par exemple, paie 34 millions d’euros pour voir pendant 3 ans, sur le maillot du club de football londonien Arsenal, l’inscription «Visit Rwanda». Seulement, le «France bashing», en cours sur certains réseaux sociaux, peut dissuader ou rendre frileux bien des dirigeants africains à se rapprocher de tout ce qui pourrait les lier à la France. En criant au scandale et en lançant l’halali contre les dirigeants africains, certains influenceurs, qui officient au profit d’autres puissances étrangères, arrivent à faire dans la dissuasion. Pour autant, les médias russes, chinois, qataris, turcs, indiens, américains ouvrent-ils leurs capitaux à des élites politiques, culturelles ou économiques africaines ? Aussi remarque-t-on que comme par hasard, les activistes africians n’interrogent pas la présence de chaînes d’information arabes qui ont un agenda particulier sans équivoque pour l’Afrique, notamment pour le Sénégal, ainsi que la couverture par les médias russes de l’actualité africaine avec une démarche propagandiste et un agenda de sape on ne peu plus évident. La présence de capitaux d’influence provenant de l’Afrique est une nécessité absolue pour marquer la présence du continent sur la scène médiatique mondiale. Le Président Oumar Bongo du Gabon l’avait compris avec la chaîne de radio Africa numéro 1, qui avait eu beaucoup de succès mais dont le modèle économique n’était pas viable. Les mêmes tares ont eu raison de l’agence panafricaine d’informations Pana et révèlent les difficultés d’Africa 24. En Europe, le dirigeant hongrois Viktor Orban a eu le flair de mettre la main sur Euronews pour s’assurer une réelle influence médiatique.
LES OBSTACLES D’UN REMARIAGE
L'unité retrouvée masque des rivalités internes et l'impasse de la domination de Benno sur le parti. Le PS doit choisir son camp au risque de renvoyer aux calendes grecques son renouveau
Depuis plus d’un an, de bonnes volontés travaillent pour des retrouvailles socialistes afin de préserver l’héritage de Senghor. Aujourd’hui, le déroulement des évènements montre qu’un tel projet avance à grands pas. Jeudi dernier, lors de la 96e réunion du Secrétariat exécutif national (SEN), il a été question entre autres sujets de l’audience qu’Aminata Mbengue Ndiaye a accordée à une délégation conduite par leur «ancien et futur camarade» Khalifa Sall, accompagné de Barthélemy Dias et de Jean Baptiste Diouf. Les sages socialistes et autres médiateurs qui ont toujours joué la médiation ont marqué un grand coup en réunissant autour d’une table des frères socialistes que «le pouvoir Macky Sall» avait éloigné.
D’aucuns soutiennent que c’est le premier acte de la réconciliation et un nouveau départ pour les héritiers de Senghor. Mais il faut se rendre à l’évidence que ces retrouvailles risquent d’accoucher d’une souris si effectivement certains préalables ne sont pas réglés. Il en est ainsi du leadership au sein du PS qui aujourd’hui regroupe beaucoup de fortes têtes. On se demande si des leaders comme Aminata Mbengue Ndiaye, Serigne Mbaye Thiam, Abdoulaye Wilane, Cheikh Seck accepteront de se ranger derrière Khalifa Sall qui aujourd’hui présente plus de charisme et plus de leadership. Il a été maire de Dakar, candidat à la présidentielle. Son mouvement Taxawu Sénégal, avec 14 élus, détient plus de sièges à l’Assemblée nationale que le Parti Socialistes (PS) qui a été rétribué à hauteur de six députés au sein de la majorité parlementaire Benno Bokk Yaakaar (BBY).
Il est évident qu’Aminata Mbengue Ndiaye, avec l’âge et la maladie, ne devrait pas avoir beaucoup d’appétit pour se disputer le leadership de la formation verte avec Khalifa Sall qui est aujourd’hui plus représentatif et qui a plus d’énergie pour mener le bateau à bon port. Mais, force est de constater qu’il y a d’autres leaders au sein de la formation qui ont des ambitions au sein de cette formation à m’image de Serigne Mbaye Thiam, Alioune Ndoye, Abdoulaye Wilane, etc. Même si sa prestation a été piètre lors de la dernière présidentielle, le poste de Secrétaire Général devrait revenir naturellement à Khalifa Sall qui est le mieux préparé pour tenir aujourd’hui les rênes du parti.
Quoi qu’il en soit, les retrouvailles socialistes font partie des dernières volontés du Secrétaire général Ousmane Tanor Dieng (OTD), un testament politique qu’il a légué pour la postérité.
Le Ps, a-t-il intérêt à quitter Benno ?
Cependant, on se demande comment ce remariage pourrait s’opérer si le PS continue de siéger au premier rang au sein de Benno Bokk Yaakaar (BBY) dont il fait partie des membres fondateurs avec l’Alliance des Forces de Progrès (AFP) et l’Alliance pour la République (APR).Il serait difficilement concevable que Khalifa siège au niveau de la conférence des leaders de cette coalition au nom du PS. En effet, si Khalifa a quitté ce parti c’est parce que l’APR, le parti fort de Benno, lui a opposé une farouche opposition pour récupérer la ville de Dakar entre ses mains en 2014.
Refusant de se laisser faire, l’ancien maire de Dakar s’est rebellé en faisant face à Benno via son mouvement Taxawu Dakar. Il remporte de façon éclatante les élections locales de 2014 et rempile à la tête de la ville de Dakar. Sa ténacité à s’opposer au régime de Macky Sall en avait fait un élément gênant pour Ousmane Tanor Dieng et Cie qui seront obligés finalement de les exclure du Parti socialiste (PS) en 2015.
Neuf ans après, on se demande comment Khalifa Sall pourrait partager la même table avec ses ennemis d’hier qui, en plus d’essayer en vain de récupérer son pré carré, lui ont mis en prison dans l’affaire de la caisse d’avance de la ville de Dakar.
Par ailleurs, si l’état-major socialiste veut vraiment se réconcilier avec les Khalifistes, il ne devrait pas éprouver de gêne à quitter Benno qui lui a fait perdre durant leur compagnonnage des dizaines
de collectivités territoriales, des sièges de députés, sans compter le débauchage de ses responsales. Les chiffres sont assez édifiants. A l’issue des élections législatives du 31 juillet 2022, le PS n’a récolté que six (6) sièges à l’hémicycle.
Jusque-là, à chaque fois que le PS a participé à un scrutin pareil, il a eu au moins plus d’une quinzaine d’élus. En effet, de 20 députés en 2012, le PS est passé à 16 en 2017 puis 6 élus en 2022. Pour ce qui est des élections territoriales, avant l’arrivée au pouvoir de Macky Sall, le PS détenait plus d’une centaine collectivités territoriales entre ses mains (Communes, communautés rurales et conseils départementaux). Après les élections locales de 2014, il s’est retrouvé avec une cinquantaine de mairies et départements. Et à l’issue des élections locales du 23 janvier 2022, le PS a enregistré moins de 20 mairies et conseils départementaux sur l’ensemble du territoire.
En vérité, le PS ne s’est jamais remis de la scission vécue en 2015 avec le départ de certains hauts responsables comme Aissata Tall Sall, Khalifa Sall, Barthélémy Dias, Bamba Fall, … Pis, il n’a jamais été considéré à sa juste valeur par ses alliés de l’APR. Ainsi, si Khalifa et Cie reviennent à la maison verte, le PS n’aura plus besoin de Benno pour se faire une nouvelle virginité dans l’espace politique. Il aura de ce fait la possibilité de s’opposer comme il l’a fait entre 2000 et 2012 sous Abdoulaye Wade. Juste que cette fois-ci, ce sera face à un nouveau régime qui a une conception du pouvoir différente de celle des libéraux. Les Pastéfiens sont des révolutionnaires et ils abhorrent le système !
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LE PARI D'ATÉPA POUR L'EMPLOI
Pour président du Club des Investisseurs du Sénégal, priorité doit être donnée à l'agriculture, créatrice d'emplois. Il propose des "autoroutes agricoles" avec l'Armée pour relancer ce secteur vital. Objectif : un million d'emplois agricoles
Dans l'émission dominicale "Point de Vue" du 28 avril 2024 sur la RTS, Pierre Goudiaby Atepa, entrepreneur chevronné et président du Club des Investisseurs du Sénégal, a lancé un vibrant plaidoyer pour un nouvel élan économique porté par le secteur privé national.
Pour M. Atepa, la priorité est de créer de la richesse en transformant les matières premières locales plutôt que de les exporter brutes. Des projets d'envergure sont sur les rails : route de l'acier et de l'aluminium, complexe pétrochimique, raffinerie d'or, aquaculture marine, etc. L'objectif ? Faire émerger enfin une économie forte et souveraine.
L'agriculture, gement d'emplois à ne pas négliger, est également au cœur de la vision de ce bâtisseur. Atepa prône une approche novatrice avec la mise en place d'"autoroutes agricoles" sur les entreprises routières, en partenariat avec l'Armée. Un million d'emplois dans ce secteur vital serait à la clé.
Deux autres chantiers prioritaires : la bonne gouvernance, via une lutte résolue contre la corruption, et la préservation du littoral, menacé par la marchandisation effrénée du domaine public maritime.
Message fort à l'endroit des nouvelles autorités : "Nous voulons être la locomotive du développement". Un appel qui semble avoir été entendu, puisque le président et son Premier ministre montrent leur ferme volonté de s'appuyer sur le dynamisme des investisseurs privés nationaux.
AU CŒUR DE LA MÉMOIRE SÉNÉGALAISE AVEC BOUBACAR BORIS DIOP
À travers son dernier roman "Un tombeau pour Kinne Gaajo", l'écrivain nous plonge dans les profondeurs de l'histoire et de l'oubli collectif de son pays. Comme le souligne Mohamed Mbougar Sarr dans sa critique parue dans Le Nouvel Obs
(SenePlus) - À travers son dernier roman "Un tombeau pour Kinne Gaajo", l'écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop nous plonge dans les profondeurs de l'histoire et de la mémoire collective de son pays. Comme le souligne Mohamed Mbougar Sarr dans sa critique parue dans Le Nouvel Obs, l'auteur rappelle "l'un des devoirs de la littérature : combattre l'amnésie involontaire ou délibérée par laquelle une société supprime certaines de ses figures historiques."
Le roman suit le récit de Njéeme Pay, une journaliste qui retrace la vie de son amie Kinne Gaajo, une écrivaine et courtisane décédée dans le naufrage du Joola, l'une des plus grandes catastrophes maritimes de l'histoire du Sénégal. À travers ce drame, Diop fait "du naufrage du 'Joola' la métaphore de l'angoissante légèreté d'un oubli que certains peuples croient conjurer en se rattachant à un passé importé, emprunté."
En élevant un "tombeau" à la fictive Kinne Gaajo, l'auteur rend également hommage à des figures méconnues de l'histoire sénégalaise, telles que "Siidiya-Lewoŋ Jóob, Phillis Wheatley, Àllaaji Gay, Maada Caam, Alin Sitóye Jaata…" Mbougar Sarr souligne que "si leurs noms ne sont pas familiers aux lecteurs occidentaux, certaines de ces personnes sont liées à la face honteuse de l'histoire occidentale, notamment française."
Le tour de force de Diop, selon Mbougar Sarr, est d'avoir fait de son héroïne "l'objet d'une question qu'elle se pose pour d'autres dans l'espace romanesque : qu'est-ce qu'écrire une vie ?" À travers une narration éclatée et une "temporalité flottante", l'auteur remet en question les conventions biographiques traditionnelles.
Avec "Un tombeau pour Kinne Gaajo", Boubacar Boris Diop, dont l'œuvre est qualifiée par Mbougar Sarr de "la plus importante du roman sénégalais contemporain", offre une plongée profonde dans les méandres de la mémoire sénégalaise, exhumant des figures oubliées et interrogeant les façons de raconter une vie. Un hommage littéraire puissant à la richesse et à la complexité de l'histoire d'un pays.