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26 avril 2025
Opinions
Par Diagne Fodé Roland
TOUS LES TIRAILLEURS NE SONT PAS DES TRAITRES
Un ministre du camp souverainiste (NDLR : Cheikh Oumar Diagne directeur des moyens généraux à la présidence de la République du Sénégal) vient de faire une sortie qui crée la polémique pour avoir déclaré que « les tirailleurs sont des traîtres ».
Un ministre du camp souverainiste (NDLR : Cheikh Oumar Diagne directeur des moyens généraux à la présidence de la République du Sénégal) vient de faire une sortie qui crée la polémique pour avoir déclaré que « les tirailleurs sont des traîtres ».
Dialectiquement, cette vérité contient un mensonge, car tous les « tirailleurs » ne le sont pas comme ils ne sont pas tous « sénégalais », mais proviennent des colonies de l’impérialisme français tout comme les "spahis et les goumiers" d'Afrique du nord.
Sont « traîtres les tirailleurs » qui ont été recrutés par la soldatesque française :
- pour conquérir les territoires de l’AOF et de l’AEF ;
- pour participer aux guerres d’Indochine, d’Algérie, aux massacres génocidaires contre l’UPC, à Madagascar, et à la première guerre impérialiste mondiale, etc.
Les « tirailleurs » de la seconde guerre massacrés à Thiaroye ont participé à l’écrasement de la marche des nazis vers l’hégémonie mondiale et à l‘éveil indépendantiste des peuples d’Afrique. Telle est la vérité incontestable.
Par Thierno Lo
À MONSIEUR OUSMANE SONKO
Ce vendredi 27 décembre 2024, vous prononcerez votre déclaration de politique générale, c'est l'occasion pour moi de vous prier de bien vouloir noter que vos prédécesseurs ont constaté que le moteur a tourné dans le vide
Ce vendredi 27 décembre 2024, vous prononcerez votre déclaration de politique générale, c'est l'occasion pour moi de vous prier de bien vouloir noter que vos prédécesseurs ont constaté que le moteur a tourné dans le vide.
Permettez-moi cette métaphore.
Crack... crack… crack, comme un vélo à la chaîne rouillée n'a pas bougé. Pourtant, ils ont fourni des efforts de pédalage, mais en vain. Le vélo refuse d’avancer, ils risquent de tomber. Ils posent un pied à terre et se penchent vers la chaîne de transmission, qui a lâché, évidemment. La roue dentée de devant (attelée aux pédales) reçoit bien la force qui pédale. Elle tourne, tourne, mais la roue arrière ne reçoit aucune force devant lui permettre de propulser le vélo en avant.
J’aurais pu aussi prendre l’exemple de la voiture, mais celui du vélo est plus parlant. Les Français disent bien "pédaler dans la choucroute” ou "pédaler dans la semoule” pour parler de quelqu’un qui n’a aucune prise sur la réalité.
C’est ce qui nous arrive, Monsieur le Premier ministre, à nous Africains et particulièrement Sénégalais.
Depuis plus de cinquante ans, depuis que nous sommes “indépendants” donc, nous n’avons aucune prise sur notre réalité, nous ne pouvons pas nous nourrir, nous ne pouvons pas nous soigner, nous ne pouvons pas nous loger, notre système éducatif bat de l’aile, etc… mais surtout nous ne parlons pas notre langue et nous ignorons notre propre histoire, nous ne nous connaissons pas et nous sommes désorientés par rapport à notre histoire.
Comment expliquer le formidable bond économique et social de la Corée du Sud qui avait le même niveau de développement que le Sénégal au lendemain de notre accession à l’Indépendance et à qui, aujourd’hui, nous allons tendre la main pour nos besoins ?
Comment expliquer le niveau appréciable de développement du Vietnam ? Ce pays, après une longue colonisation (française) a connu trois agressions extérieures auxquelles, il a victorieusement résisté : japonaise lors de la deuxième guerre mondiale, française qui entendait récupérer sa colonie de 1945 à 1954 et enfin américaine de 1954 à 1975.
Le Vietnam est aujourd’hui le deuxième producteur mondial de café (Robusta surtout) et le pays progresse rapidement.
Comment expliquer que Cuba, qui a connu le plus long embargo du monde (depuis 1960) et qui a fait face, victorieusement, à de multiples tentatives de déstabilisation fomentées par son puissant voisin, dont la plus célèbre est celle de la Baie des cochons en 1962... Comment expliquer que ce pays, non seulement rejette la marchandisation de son économie (source de tous ses déboires), mais peut donner à sa population, un niveau de vie décent, un mode de vie désaliéné, une instruction gratuite, une médecine de première qualité et gratuite, un droit au logement ?
Tous ces pays ont réussi leurs prouesses en assumant leur histoire, en travaillant avec leur culture. J'ai cité ces pays, Monsieur le Premier ministre, pour vous dire que ceux qui vous ont précédé ont, comme le pensait Axelle Cabou, refusé le développement. Ils ont détruit les industries textiles telle que Sotiba Simpafric, les industries cotonnières du Cap Vert, la SODEFITEX, la SOTEXKA de Kaolack et Louga, les textiles de Thiès, l'usine BATA à Rufisque et le concessionnaire BERLIET qui transportait les populations lors du Festival mondial des arts nègres (FESMAN). Ils ont également détruit les lignes du chemin fer et ils ont procédé à la vente de la ferraille. Ils ont pillé les banques nationales USB (Union sénégalaise de banques), BNDS (Banque nationale pour le développement du Sénégal), BSK (Banque sénégalo-koweitienne) pour créer la SNR (Société Nationale de Recouvrement). Autant de décisions et d’actes qui ont entraîné la mort de l'industrie sénégalaise comme SAPROLAIT et SENLAIT et tant d'autres ont subi le même sort.
La politique agricole du Président Mamadou Dia avec l'ONCAD, la SODÉVA et les coopératives démontrait que le pays était sur la bonne voie pour une agriculture diversifiée qui, avec une bonne maîtrise de l'eau, pouvait créer des plus values et conduire à une véritable industrialisation.
Monsieur le Premier ministre, ce désastre vous permet de savoir que rien n’est impossible. Tout était là. A présent, il vous suffit juste de restaurer, d'innover pour rattraper ces pays qui n'auraient pas dû nous dépasser et, par conséquent, d’être dans la position du quémandeur d’aides.
Vous arrivez dans une période favorable au développement, vous disposez de matières premières, de ressources humaines de qualité et d'une jeunesse qui reprend vos mots d'ordre. Aussi, vous avez un pays pétrolier et gazier. Alors, sachez utiliser de manière judicieuse ces ressources en transformant les matières premières et la maîtrise de ce potentiel local pourra créer une grande banque pour le financement du secteur privé et, par là, créer de la richesse. Cette perspective est une aubaine pour le développement du Sénégal. Sachez qu'il est impensable de laisser 40% du système bancaire national entre les mains des Marocains. Une occasion se présente par la reprise de la SGS (Société générale Sénégal, ex SGBS) actuellement en ouverture de capital. Cependant, la mission doit être confiée à des experts sénégalais du Système bancaire qui ont fait leurs preuves et qui sont prêts à servir leur pays.
Réconciliez les Sénégalais et demandez-leur de se dévouer pour ce pays. Vous ne briserez donc pas le rêve de tout un peuple et la vieille école sera fière de cette relève générationelle que le monde entier suit de près.
Par Pr Aly Tandian
PAS EN MON NOM !
Les tirailleurs sénégalais ne sont pas des acteurs secondaires de l’Histoire. Leur engagement a contribué à façonner le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui. Ce sont des figures de résilience et de dévouement, et leur mémoire mérite ....
Les tirailleurs sénégalais ne sont pas des acteurs secondaires de l’Histoire. Leur engagement a contribué à façonner le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui. Ce sont des figures de résilience et de dévouement, et leur mémoire mérite d’être préservée avec dignité et respect.
Ces hommes ont déjà souffert de l’oubli et de l’injustice dans le traitement qui leur a été réservé après les guerres. Leur héritage ne doit pas être sali par des discours polémiques, mais au contraire être célébré comme une leçon de courage et de sacrifice.
Il est vrai que toute réflexion sur notre passé colonial doit être menée avec rigueur, lucidité et sens critique. Toutefois, des déclarations calomnieuses qui minimisent la valeur de leur engagement, contribuent à une réécriture injuste de l’Histoire, et cela peut avoir des conséquences néfastes sur la perception collective de ces héros.
Dans l’espoir que cette interpellation suscitera une réflexion constructive.
Par Ibou FALL
CINQ MILLIARDS DE PRIME À LA CASSE
Que vaudront ces milliards aux yeux de nos vaillants petits soldats du Projet, qui ont su conjuguer l'art du brasier domestique chez Me El Hadj Diouf avec celui de la traque internationale d'Adji Sarr ?
La bonne nouvelle : à compter de janvier, pour un mois, je lève le pied. Je sais, je vais vous manquer… Une dernière pour la route ? On n’y croyait plus… Ce 27 décembre 2024, ce qui passe pour une arlésienne depuis un semestre, va enfin se dérouler sous nos yeux : Ousmane Sonko, soi-même, face à la représentation nationale pour exposer le fameux «Projet». Ça fait dix ans qu’on en parle, qu’il nous fait passer par toutes les émotions. Enfin… Bien sûr, avec cent-trente députés à sa dévotion, il y aura standing ovation, vote de confiance. Rien ne sera trop beau pour tous ces braves miraculés qui lui doivent immunité parlementaire, salaire à sept chiffres et bientôt des bolides tout-terrain malgré les rodomontades de Abdou Mbow qui se rend compte, après sa troisième législature, que l’argent du contribuable n’est pas fait pour être gaspillé au bénéfice des députés.
La semaine passée, la loi des finances rectificative est passée comme lettre à la poste, à une semaine de la clôture de l’exercice budgétaire, en dépit de la remarque de Maître Aïssata Tall qui trouve curieux que l’on puisse dépenser l’argent avant d’en obtenir l’autorisation. La rupture, c’est aussi cela : ne rien faire comme avant.
Il n’y a pas que des mauvaises nouvelles : cinq milliards de nos misérables francs Cfa serviront à indemniser les victimes des événements qui démarrent entre février 2021 et s’achèvent le 24 mars 2024, avec la fin de la dictature sanguinaire de Macky Sall que des hordes de patriotes en rangs disciplinés boutent hors du Palais par la magie des urnes
Bien sûr, ils préfèreraient que le Pros soit au Palais de l’avenue Senghor et sans doute Diomaye sur la petite corniche de l’Anse Bernard, mais on ne peut pas tout avoir dans la vie et puis, au fond, «Sonko môy Diomaye», n’est-ce pas ? Avant d’en arriver là, ils tenteront toutes les solutions.
Le détonateur ? L’affaire Sweet Beauté qui devient un sujet tabou, au point que son exproprio, Ndèye Khady Ndiaye, également victime collatérale du complot de la dictature sanguinaire de Macky Sall, sort de son anonymat pour exiger d’être rejugée. Elle a tout perdu dans l’affaire… Ce serait trop facile de la passer par pertes et profits ?
Si ce n’était que ça… Il y a la horde des «prisonniers politiques» qui remplissent les geôles du tyran Macky Sall pendant deux ans. Certains sont des estropiés dont le seul crime est de porter un bracelet vert et rouge, d’innocents chômeurs qui boivent du thé devant chez eux au moment de leur arrestation. Crime abominable dans un pays où la presse corrompue tourne la tête pudiquement devant tant d’exactions. Heureusement, depuis la diaspora, sur les réseaux sociaux, il y a des héros qui revigorent les troupes à grands coups de déclarations incendiaires et, disent certains, «financent» les manifestations. Sans doute d’inoffensifs sandwiches au poulet et de banales bouteilles d’eau minérale…
Cinq milliards de francs Cfa suffiront-ils vraiment à consoler les vaillants petits soldats du «projet», qui incendient le domicile de Maître El Hadj Diouf dont la télévision et les poulets crus seront emportés par les intrépides révolutionnaires, et traquent Adji Sarr pour lui faire la peau jusqu’en Suisse ? Quelques ministres et députés ont également senti passer la furia populaire mais sans grand dommage : juste des véhicules brûlés et des traumatismes psychiques. Ils n’avaient pas à se retrouver du mauvais côté de l’Histoire, dans les rangs des complotistes de la dictature sanguinaire.
Quant aux magasins Auchan et stations Total, figures emblématiques de l’impérialisme français, qui profitent mieux que nous autres des bienfaits du Cfa, ils peuvent s’estimer heureux qu’il n’y en ait pas parmi leurs employés traînés dans la rue et lynchés pour avoir collaboré avec l’ennemi…
Et dire que le pays redevient d’un calme olympien lorsque la redoutable gendarmerie de Moussa Fall intercepte le Pros sur la route de Koungheul, alors que le patriote suprême, sorti de ses barricades de Ziguinchor, après avoir donné rendez-vous à ses troupes aux portes de Dakar, vient donner l’assaut final à ce régime de corrompus, promettant de traîner Macky Sall hors du Palais.
Heureusement que Dieu est au contrôle
C’est devant la Kaaba, lors d’un des multiples pèlerinages de Macky Sall au frais du contribuable, que l’illumination survient : il est temps de rétablir la Justice en amnistiant tout, avant de rendre au Peuple son bienaimé, reporter les élections… Il n’y a pas grand monde pour s’y opposer. Quelques voix discordantes d’extrémistes, des rentiers de la tension, et des faucons qui se nourrissent de la terreur et de la zizanie
La loi d’amnistie passera comme lettre à la poste. D’ailleurs, pour les récompenser, le Président Bassirou Diomaye Faye les renvoie chez eux comme des malpropres le jour même où la loi l’y autorise, à la veille de la fameuse Dpg, le 12 septembre 2024… Ce n’est qu’une première étape : il faut punir les Fds et les magistrats qui orchestrent le complot. Moussa Fall passe à la trappe en attendant que les juristes patriotes se penchent sur son cas, le Général Kandé aussi. Des magistrats sont affectés à Tambacounda, tandis que les nervis coupables de ces assassinats sous la houlette de Jérome Bandiaki sont traqués.
Quant au tueur en chef, Macky Sall, il est poursuivi en France pour crimes contre l’humanité, excusez du peu, par Juan Branco, avocat sans peur et sans reproche. Un drôle de zigoto qui, au plus fort des manifs, vient alors de France et pénètre clandestinement sur le territoire pour sortir le Pros des griffes de Macky. Son odyssée héroïque finit par une sorte de vaudeville pitoyable en Mauritanie… Les magistrats sénégalais, pleins de sagesse, préfèrent le laisser aller se faire pendre chez lui. Il ne s’en arrête pas là : après l’arrivée du tandem Sonko-Diomaye au pouvoir, il en remet une couche devant les tribunaux français. Malheureusement, après s’être fait débouter, il doit faire face à une série de plaintes pour… viol.
Défense de ricaner ?
L’année haute en couleurs qui s’achève a failli se terminer en apothéose le 31 décembre 2024 avec le projet avant-gardiste de marche des féministes dans leur plus simple appareil… L’affaire semble compromise avec la plainte de Mame Matar Guèye et ses acolytes pour un délit qui n’est pas encore commis. On devra se contenter en lieu et place, du discours présidentiel et du tant attendu rapport de la Cour des Comptes…
Qu’a-t-on fait au Bon Dieu pour mériter ça ?
Par Serigne Saliou DIAGNE
UNE ANNEE EN DENTS DE SCIE
L’année s’achève sur un rythme assez particulier dans notre pays. Le nouveau pouvoir, après avoir obtenu sa majorité confortable au Parlement, se décide enfin à procéder à la Déclaration de politique générale.
L’année s’achève sur un rythme assez particulier dans notre pays. Le nouveau pouvoir, après avoir obtenu sa majorité confortable au Parlement, se décide enfin à procéder à la Déclaration de politique générale. Pour une première, le pays aura connu un sacré retard à l’allumage avec une Primature qui aura consulté tous les oracles et tâté tous les pouls avant de finir par se jeter à l’eau. Cela, en ayant toutes les cartes en main. Cet attentisme ou cette logique du contrôle absolu dont auront fait montre nos nouvelles autorités aura fait tache d’huile dans bien des domaines de la vie nationale et dans des secteurs porteurs de notre économie.
L’industrie du bâtiment et tout le secteur de la construction auront été mis à genoux par des mesures rigoristes pour tenter de trouver des cafards dans la gestion foncière du pays et surtout ferrer des promoteurs immobiliers. On constatera avec regret que les objectifs voulus au départ seront noyés dans la mare des réalités de toute une industrie. Les interdictions de construction sur le littoral, le gel de certains chantiers et les restrictions sur les opérations foncières auront eu comme effet majeur le dépôt de bilan de nombreuses entreprises, les limogeages de travailleurs des Btp en centaines et la perte de gains quotidiens pour des milliers des travailleurs et négociants informels qui s’agrippaient à la locomotive du bâtiment et des constructions. Face à l’impopularité des mesures et surtout leurs conséquences dramatiques, l’Etat sénégalais se ravisera en prenant la logique d’une étude au cas par cas des dossiers des particuliers, des promoteurs et entrepreneurs concernés sur les divers sites ciblés. On verra même dans les rangs du nouveau pouvoir des voix assez connues faire le plaidoyer d’une relance du secteur des constructions. Si on ajoute aux interdictions de construction et au blocage de chantiers, le refus systématique du gouvernement actuel de poursuivre certains grands chantiers et programmes publics, on peut comprendre à juste titre pourquoi toute la machine des Btp dans notre pays est grippée. Un nouvel an s’annonce avec une nouvelle aube, espérons que nos autorités sauront danser à la musique de l’économie réelle plutôt que de s’aligner sur un mauvais tempo qui dépasse rarement le stade de fantaisies d’esprits fertiles.
Les médias auront été une industrie dans laquelle il fallait toute cette année avoir le cœur bien attaché. Le pouvoir aura trouvé un punching ball bien amusant sur lequel asséner des coups pour se donner des airs rigoristes, chanter le chœur d’une rupture systémique et surtout mettre au pas tout promoteur de discours contraires. Les offensives violentes auront été nombreuses, allant de convocations à la police à des blocages de comptes d’entreprises, sans oublier une flopée de redressements fiscaux. C’est ainsi que pendant près de six mois, plusieurs médias auront fonctionné en étant grandement handicapés par des mesures économiques hostiles (ruptures unilatérales de contrats de partenariat, refus de payer les ardoises publicitaires des ministères et agences d’Etat auprès des médias, refus de verser une subvention d’aide à la presse déjà budgétisée). Le dernier clou à enfoncer dans le cercueil bien poli des médias sénégalais sera la fameuse liste du ministère de la Communication pour se faire un gendarme des médias et tracer une ligne entre médias fréquentables et ceux infréquentables, entre des organes légaux et d’autres illégaux. On peut ainsi se dire qu’au vu de tous ces coups de bélier, la dégringolade de tous nos indicateurs mesurant le fonctionnement de la démocratie et le respect des libertés de presse et d’opinion sera sérieuse. Une nouvelle aube s’en vient, une prière fervente serait d’espérer qu’un retour à une orthodoxie et une lucidité se produise. Je ne vais pas me garder de laisser germer dans mon esprit un brin d’espoir.
La scène politique aura été pour sa part une arène de gladiateurs qui ont décidé de bander les muscles, de faire de l’invective et de la violence les modes premiers de fonctionnement et d’expression. Toutes les attaques ont pu être cautionnées, toutes les pratiques viles auront eu blanc-seing. Tout ce qu’il y a de méchant et d’abject aura pu voir le jour pour faire des adversaires d’un instant des ennemis à vie et troquer la lutte des idées avec une bataille d’égos surdimensionnés au point que tout le pays en pâtisse. Tout cela se produit devant l’œil complaisant et distant de la première autorité du pays, qui semble se satisfaire face à tout dossier d’une stratégie du pourrissement.
Le cycle infernal de l’information dans ce pays, avec un passage d’une polémique à une autre, peut donner l’impression que le silence est une arme pour tout détenteur de pouvoir. On se trompe malheureusement car tout excès dans l’arbitraire, tout acte injuste et toute cabale politique affaissent les fondations du modèle démocratique sénégalais. La République qui est l’idéal vers lequel beaucoup d’entre nous convergent se trouve vidée de ses valeurs les plus essentielles. Une métropole mondiale se voit privée de son premier magistrat, car des calculs politiques et une méchanceté de primates empêcheraient à ce qu’on puisse concevoir et laisser se faire une cohabitation harmonieuse. Tout est mis en branle pour tordre le bras à la justice, mettre au pas les imprudents et faire plus que tout plour plier la loi et l’ordre aux aspirations des vainqueurs. Les arrestations et emprisonnements arbitraires ne se comptent plus. La société civile aura décidé de se taire sur la majorité des sujets. Il reviendra à chacun de se débrouiller !
De son fauteuil sur la Corniche ouest, la statue de Léopold Sédar Senghor faisant face aux «Dents de la mer» doit s’interroger très curieusement sur ce Sénégal de 2024. Cet architecte de la République du Sénégal telle qu’on la connait et telle qu’on la chérit, doit se dire qu’il n’aurait pas pensé voir son pays passer de hauts en déclins à un rythme aussi fou, bien que «l’irrégularité dans la répétition» est ce qui fait le rythme africain pour ne pas dire le rythme sénégalais. Le parallélisme asymétrique qu’aura théorisé Léopold Sédar Senghor comme «une répétition diversifiée du rythme dans le temps et dans l’espace», qui se traduira dans l’architecture de sa demeure, est ce qui caractérise le mode de vie actuel dans notre pays. Et ce, dans tous les secteurs ! A cette chronique, chaque lecteur peut joindre les tumultes, hauts et bas connus dans son domaine d’activité, avec tous un dénominateur commun. Après une année en dents de scie, une prière fervente serait que ce pays et ses maîtres reviennent à la lucidité, à une orthodoxie et se décident enfin à affronter la réalité sincère du pouvoir et de la gestion des Etats, loin des considérations d’opposants excités, en ayant les intérêts de tous en considération et en agissant pour le bien commun.
Bonne année 2025 à vous, chers lecteurs.
Par Pr Meïssa DIAKHATE
LE PREMIER MINISTRE ET L’EXPLOIT CONSTITUTIONNEL
Nous le connaissons en fin stratège politique, mais le Premier ministre Ousmane Sonko entre définitivement dans nos Facultés de droit, en décidant d’engager la responsabilité du Gouvernement sur un « projet de loi de finances »
Nous le connaissons en fin stratège politique, mais le Premier ministre Ousmane Sonko entre définitivement dans nos Facultés de droit, en décidant d’engager la responsabilité du Gouvernement sur un « projet de loi de finances », Bien entendu, c’est un exploit constitutionnel d’activer utilement une disposition, parmi tant d’autres, qui est jusque-là « inexploitées » voire « dormantes ».
Il faut bien en convenir que c’est une véritable réduction du carré des angles morts de notre Constitution. En effet, pour écrire ou enseigner le droit constitutionnel, en général, et le droit parlementaire, en particulier, il conviendrait désormais de citer son nom. Le recours à l’article 86.6 de la Constitution est un haut fait marquant, parce qu’il vient ainsi de rendre vivante une disposition de la procédure législative.
Autant dire qu’il a décidément levé un tabou constitutionnel. Monsieur le Premier ministre, Vous aurez la légitimité, le jour où l’Université décidera de Vous rendre hommage, de nous d’enseigner aux étudiants que « la Constitution, c’est un esprit » et « des institutions » aussi « une pratique ». Oui, rien n’est plus embarrassant pour un Professeur de droit que vouloir documenter ses enseignements sur « la question de confiance posée par un Premier ministre sénégalais pour engager la responsabilité du gouvernement ».
Il se noie finalement dans des vues de l’esprit et finit, par conséquent, par se mettre hors du sujet en versant dans des digressions sur la « motion de censure ». La motion de censure, à la différence de la question de confiance qui n’a jamais été osée par un Premier ministre du Sénégal, sauf preuve contraire à administrer, a été pratiquée à certaines rares occasions : 1°) En 1962, une motion contre le Gouvernement du Président du Conseil Mamadou Dia, la seule aboutie dans l’histoire parlementaire sénégalaise ; 2°)
En 1998, une motion de censure contre le gouvernement du Premier ministre Mamadou Lamine Loum par le Groupe parlementaire « Démocratie et Liberté » (Djibo Leity KA).3°)
En 2001, une motion de censure contre le Gouvernement du Premier Ministre Mame Madior Boye relativement à la situation des bons impayés aux paysans (Moussa TINE du parti JëfJël ) 4)
En 2012, une motion de censure contre le Premier ministre Abdoul Mbaye, reprochant à ce dernier d’avoir blanchi de l’argent de l’ex-Président tchadien, Hissène Habré ; 5) En 2023, une motion de censure contre le gouvernement, faute pour le Premier ministre Amadou Ba de n’avoir pas posé la question de confiance et de n’avoir pas aussi opéré une rupture et une politique économique exclusivement centrée sur les intérêts des compatriotes (Birame Soulèye Diop du Pastef-les Patriotes).
L’Assemblée nationale vient de vivre son premier exercice en matière de « question de confiance ».
Au demeurant, l’évidence force alors à croire que la question de la constitutionnalité de la décision du Premier Ministre de recourir à l’article 86 alinéa 6 ne souffre d’aucune zone d’ombre. C’est une décision du Premier ministre dont le fondement est acté dans la Constitution en vigueur. Les dispositions l’article 86 alinéa 6 sont insérées dans la Constitution lors de la révision constitutionnelle de 2016 en ces termes : « Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent ».
D’ailleurs, et c’est convaincant, ces dispositions font partie des textes constitutionnels rarement soumis à l’approbation par voie référence. Elles constituent exactement la 3e révision constitutionnelle qui a suivi la voie royale consistant à restituer au Peuple sa souveraineté, elles le sont à la suite du 1er référendum constitutionnel du 3 mars 1963 et du 2e référendum constitutionnel du 22 février 1970.
En l’espèce, les seules conditions qui encadrent la procédure sont ainsi remplies : i) Le texte délibéré en Conseil des ministres porte sur un « un projet de loi de finances » ; ii) Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi « par session » ; iii)
Pendant la durée de la suppléance, les dispositions de l’article 86 ne sont pas applicables (article 40 de la Constitution). Oui, Monsieur le Premier ministre, en traduisant en acte les dispositions contenues dans l’article 86 alinéa 6 de la Constitution, et en l’absence de conditions dirimantes, Vous avez la Constitution avec Vous. Autant dire que c’est même un exploit constitutionnel qui devient manifestement un indicateur clé du jeu démocratique consigné dans nos enseignements du droit constitutionnel.
QUAND INTERNET DEVIENT UN BESOIN ESSENTIEL
Cette caricature, empreinte d’humour, dépeint une scène familiale typique où l’importance d’Internet est mise en lumière.
Cette caricature, empreinte d’humour, dépeint une scène familiale typique où l’importance d’Internet est mise en lumière. Assis confortablement dans leur salon, le père, le fils et la mère sont tous absorbés par leurs téléphones, symbole de la digitalisation de notre quotidien. Le père annonce fièrement une nouvelle qui, autrefois, aurait suscité un vif enthousiasme : une baisse des prix des denrées alimentaires prévue pour lundi.
Cependant, la réaction inattendue du fils, qui évoque un besoin qu’on oublie souvent – l’accès à Internet – témoigne de la transformation des priorités modernes. Aujourd’hui, Internet s’impose comme un besoin essentiel, presque au même rang que la nourriture, l’eau ou l’électricité. Que ce soit pour le travail, l’éducation ou les loisirs, il est devenu omniprésent dans nos vies.
Cette caricature offre une réflexion amusante mais pertinente sur l’évolution de nos besoins fondamentaux, mettant en avant la dépendance croissante des familles modernes à la connexion numérique, parfois au détriment des préoccupations traditionnelles. Elle nous invite également à repenser nos priorités et à nous questionner sur l’équilibre entre les besoins réels et perçus dans notre société connectée.
Par Cheikh Anta BABOU
LES SOUBRESAUTS DE LA GRANDE MUETTE
Le patriotisme, le professionnalisme et la loyauté de l’Armée sénégalaise aux autorités civiles, dans une Afrique de l’Ouest qui bat le record mondial de coups d’Etat militaires, en font un modèle respecté à travers le monde
L’affectation du Général de brigade Souleymane Kandé comme attaché militaire à l’ambassade du Sénégal à New Delhi en mai 2024 et la contreverse qu’elle a soulevée nous donnent l’opportunité de revisiter une dimension de l’histoire militaire du Sénégal rarement discutée. Le patriotisme, le professionnalisme et la loyauté de l’Armée sénégalaise aux autorités civiles, dans une Afrique de l’Ouest qui bat le record mondial de coups d’Etat militaires, en font un modèle respecté à travers le monde. Cependant, il est important de reconnaître que l’Armée est un corps social vivant composé d’hommes et de femmes talentueux et ambitieux. Sous ce rapport, il est tout à fait compréhensible que le choc des ambitions crée, parfois, des soubresauts. Dans cette brève contribution, j’analyse quelques soubresauts qui ont secoué l’Armée entre l’année de sa formation en 1960 et durant la Présidence de Abdou Diouf.
Une exploration de l’histoire de l’Armée sénégalaise dans la longue durée révèle que l’affaire Général Kandé est loin d’être un cas isolé. Avant le Général Kandé, deux officiers supérieurs de l’Armée ont été affectés, contre leur gré, comme attachés militaires au niveau d’ambassades du Sénégal. Les raisons évoquées pour justifier leur affectation sont similaires à celles relevées dans le cas du Général Kandé. Elles concernent principalement des rivalités et des conflits de personnalité entre officiers supérieurs. Pour le cas du Général Kandé, plusieurs théories ou plutôt spéculations sont mises en avant. Pour certains, le Général est la victime d’une cabale d’officiers supérieurs plus anciens que lui et qui sont jaloux de son ascension fulgurante. Pour d’autres, il a payé le prix de son outrecuidance lorsque, avec le soutien du Président Macky Sall, il ignora les instructions de son supérieur hiérarchique, le Chef d’Etat major général des Armées (Cemga), Birame Diop, aujoud’hui ministre des Forces Armées, pour lancer une offensive d’envergure contre les rebelles en Casamance. D’autres encore l’accusent d’être un opposant encagoulé du nouveau régime et même insinuent qu’il préparait un coup d’Etat.
Avant le Général Kandé, deux officiers supérieurs de l’Armée du Sénégal ont été affectés, contre leur gré, comme attachés militaires au niveau d’ambassades du Sénégal. La stature de ces officiers et leur volonté de contester publiquement la décision prise contre eux, avaient, en son temps, représenté une menace réelle pour la cohésion de la jeune Armée nationale.
Le Lieutenant-colonel (Lc) Mademba Sy est le premier officier supérieur sénégalais à être nommé attaché militaire contre sa volonté. Lc Mademba Sy était, avec le Lc Jean Alfred Diallo, l’un des deux seuls officiers de ce rang dans l’Armée sénégalaise lorsque le Sénégal acquiert son indépendence en 1960. Le Lc Mademba Sy qui, comme Lc Jean Alfred Diallo, a servi dans l’Armée française, était un officier particulièrement brillant et populaire parmi les officiers et les militaires du rang. Les archives coloniales offrent de lui l’image d’un soldat très ambitieux qui ne cachait pas sa volonté de devenir un jour Cemga et peut-être même chef de l’Etat. On le soupçonnait d’être de connivence avec un groupe d’officiers qui travaillaient pour lui et qui s’activaient à saper l’autorité du Lc Jean Alfred Diallo, son rival, nommé Cemga lors de la crise de 1962. Ces officiers, dit-on, l’admiraient parce qu’il était un fantassin et un meneur d’hommes sur le champ de bataille, alors que le Lc Diallo était un officier du genie, plus préoccupé par les questions de logistique.
Le Président Senghor, conscient de cette rivalité et le danger qu’elle représentait pour la jeune Armée nationale, avait éloigné Lc Sy en le faisant nommer Chef de l’Etat Major de l’Union Africaine et Malgache de Défense (Uam/D) dont le quartier général était à Ouagadougou. Lorsque le Lc Diallo fut promu Cemga, le Lc Sy demanda son affectation à Dakar pour, dit-il, aider son camarade dans l’effort de construction de la nouvelle Armée nationale, mais il n’a pas reçu l’approbation du Cemga. Ses relations avec ce dernier n’ont cessé de se détériorer. Il acceptait mal sa tutelle, se considérant comme l’officier le plus qualifié pour diriger l’Armée sénégalaise. Il manifesta ouvertement sa colère lorsque le Cemga omit d’inscrire son nom sur le tableau d’avancement dans l’Armée pour1965, arguant qu’il n’avait pas accompli un temps de commandement dans son grade. Après avoir démissionné de son poste à l’Uam/D, Lc Sy, qui souhaitait retourner au Sénégal, fut affecté à Paris comme attaché militaire à l’ambassade du Sénégal. Il sera plus tard muté a Kinshasa. En 1963, son nom a été associé à des rumeurs de coup d’Etat implicant vingt officiers et sous-officiers dont le présumé leader, un des officiers les plus populaires de l’Armée et un de ses plus grands admirateurs, mourut dans un mystérieux accident de voiture.
La même année (1963) que le Lc Mademba Sy a été affecté à l’ambassade du Sénégal à Paris, le Président Senghor prit la même décision concernant un autre cadre de l’armée, le Commandant (cmdt) Faustin Pereira. Le Cmdt Pereira, qui avait des états de service impeccables dans l’Armée française, a joué un rôle crucial pendant la crise de 1962. Il commandait alors le Bataillon de Parachutistes basé a Rufisque. En ce jour fatidique du 17 décembre 1962, qui a marqué le point culminant de la crise au sommet de l’Etat opposant le président de la République Léopold Sédar Senghor et le président du Conseil Mamadou Dia, la gendarmerie, la garde nationale et l’Armée, répondant aux ordres des deux protagonistes de la crise, se faisaient face au niveau du Palais présidentiel, du bâtiment de l’Assemblée nationale et de la Radio nationale. Le soutien de l’Armée en général et surtout des parachutistes commandés par le Commandant Pereira au Président Senghor a été décisif pour éviter une guerre fratricide au sein des Forces de sécurité et pour la victoire finale du président de la République sur le président du Conseil.
Le Cmdt Pereira, comme son camarade Lc Mademba Sy, acceptait mal la tutelle du Cemga Diallo. Lorsque, après sa nomination, ce dernier lui envoya un soldat pour servir de liaison entre son unité et l’Etat-Major, il refusa de le recevoir. Cet acte d’insubordination lui coûtera son commandement et 45 jours d’arrêt de rigueur. Après avoir purgé sa peine, le Président Senghor le nomma attaché militaire à l’ambassade du Sénégal à Washington.
Mais au contraire du Lc Mademba Sy, qui semble avoir rejoint son poste à contre-cœur mais sans résistance apparente, le Commandant Pereira remua ciel et terre pour ne pas quitter le Sénégal. Il aurait demandé à plusieurs personnalités d’intercéder en sa faveur, y compris le Khalife général des Mourides, Serigne Falilou Mbacké, un proche du Président Senghor. Il a tenté également de mobiliser certains sous-officiers pour sa cause et même aurait donné au président de la République, qui avait en charge le ministère des Forces Armées, un ultimatum de trois jours pour le réintégrer dans son commandement du Groupement des Parachutistes. Cet activisme aurait irrité le Président Senghor qui lui intima l’ordre de rejoindre son poste le 18 octobre 1963 à3h 30 et il obtempéra. Il sera mis à la retraite en 1969 après son retour de Washington.
Cependant, même dans la vie civile, le Commandant Pereira restera sous le radar des autorités. En décembre 1969, il a été arrêté à la suite d’une dénonciation par le Général Amadou Fall, ancien Cemga qu’il aurait contacté pour lui demander de prendre la tête d’un complot contre le président Senghor. Une liste de personnalités devant former un nouveau gouvernement en cas de réussite du complot dit de Noël aurait été retrouvée chez lui. Le Commandant Pereira et son complice, le lieutenant Coly, seront jugés le 19 décembre et condamnés respectivement à 5 ans et 8 ans de prison malgré l’absence de preuves tangibles. Il semble que les autorités voulaient réduire au silence un ancien militaire connu pour ses critiques acerbes contre la politique gouvernementale et le chef de l’Armée.
La tentative de coup d’Etat qui aurait été conçue par le Cemga Joseph-Louis Tavarez de Souza en 1988 et que le Président Abdou Diouf évoque dans ses mémoires aurait sans doute constitué la plus grande crise de l’histoire politique du Sénégal indépendant si elle s’était materialisée. Cette affaire, étouffée dans l’œuf, n’a pas encore fini de révéler tous ses secrets. Le Président décrit, en détail, comment la magistrate Andresia Vaz lui a révélé une conversation qu’elle avait eue avec une de ses amies, femme du Colonel Gomis, chef des parachutistes, qui a été contacté par le Cemga de Souza pour participer au coup. Le Général de Souza avait été promu Cemga par le Président Abdou Diouf en 1984 en remplacement du général Idrissa Fall qui a éte nommé par le Président Senghor.
Président Diouf décrit les relations entre le Général de Souza et un mystérieux français qui l’encourageait à prendre le pouvoir. Tout ceci se passait en 1988, l’année où le Sénégal vivait l’une des crises politiques les plus sérieuses de son histoire. Abdoulaye Wade, le chef de l’opposition, était en prison. Et pour la première fois, des voitures piègées avaient explosé à Dakar. Le Français aurait convaincu le Cemga que la situation était quasi insurrectionnelle et le coup d’Etat était le seul moyen pour faire revenir l’ordre. Président Diouf réussit à déjouer la tentative de coup d’Etat, mais s’abstint d’amener devant la justice les présumés coupables. Plus étonnant, le Cemga reçut le même traitement que ses prédécesseurs. Il a été nommé ambassadeur du Sénégal à Bonn. Mais, l’année suivante, le Président démit De Souza de ses fonctions et mit à la retraite le Colonel Oumar Ndiaye, ancien Intendant général de l’Armée et le Lieutenant-colonel Joseph Bampassy, ancien chef des troupes commandos. Ils ont été sanctionnés pour «fautes graves dans le service et contre la discipline». D’autres sources indiquent, cependant, qu’ ils auraient été punis pour avoir émis des réserves sur l’utilisation de la troupe pour des tâches de maintien de l’ordre lors des émeutes post-électorales de 1988.
Il faut souligner que De Souza a toujours nié son implication dans une tentative de coup d’Etat. Dans une interview avec le journal Sud Quotidien datant du 29 novembre 2014, il réaffirmait son innocence et insistait sur son opposition de principe aux coups d’Etat. Il mourut le 3 juillet 2017. Dans l’article annonçant sa mort, le journaliste écrit : «Apprécié par ses pairs et détesté par ses supérieurs, autorités civiles…» Cette observation s’accorde avec les temoignages que j’ai reçus d’un officier supérieur à la retraite. Ce dernier considère Cemga De Souza comme le meilleur chef ayant dirigé l’Armée sénégalaise. Il était proche de la troupe dont il a amélioré de façon considérable les conditions de vie et de travail. Il a créé la Coopérative militaire de construction (Comico) qui a permis à beaucoup de soldats de se doter d’un toit. Il est donc bien possible que le Général De Souza aurait été victime de sa popularité et de la crainte et jalousie de ses pairs et chefs.
Ces événements que je viens de décrire n’altèrent en rien l’identité fondamentale de l’Armée sénégalaise qui se definit comme une Armée-Nation. Elle n’est certes pas un long fleuve tranquille, mais durant plus de soixante ans d’éxistence elle a démontré qu’elle a des resources pour gérer ses contradictions internes sans nuire la stabilité de la République.
Cheikh Anta BABOU Professeur d’histoire University of Pennsylvania
par El Hadj Ibrahima Thiam
MASSACRE D’OUTRE-TOMBE
Quel bouleversement intérieur a embrouillé Cheikh Omar Diagne au point de l’amener à charger si violemment les Tirailleurs sénégalais ? Voudrait-il gêner aux entournures le chef de l’État qu’il ne s’y prendrait pas autrement
Il est des gens comme ça. Du haut de leur morgue, ils pensent être plus sachants et savants que l’ensemble de leurs compatriotes réunis. Face au micro ou devant la foule, leur hubris se manifeste de la plus insoutenable des manières. Incapables de tenue, de retenue et de discernement. Ils sont la vérité, en détiennent l’exclusivité.
Ils remettent tout en question, même les vérités que la décence et la morale commandent d’étouffer au nom de la cohésion sociale, du vivre ensemble. Hélas, mille fois hélas ! Torse bombé, allure fière et dignité en bandoulière, les Tirailleurs sénégalais sont tombés sous les balles du colon à Thiaroye. Pour cela, on les a célébrés, sanctifiés, portés au pinacle parce que la cause qu’ils défendaient était des plus nobles : le respect de leur dignité. Aujourd’hui, on les traite de traîtres, de prébendiers, de gens cupides uniquement préoccupés par le grisbi. Sacrilège ! Ils viennent de subir un deuxième massacre, encore plus pernicieux et plus violent que celui du 1er décembre 1944.
Parce qu’il est d’outre-tombe, relève de la lâcheté, souille la mémoire de ces braves gens et écorche le récit collectif de toute une nation. Ignorance ? Besoin de se démarquer pour flatter un ego personnel ? Quel bouleversement intérieur a embrouillé Cheikh Omar Diagne au point de l’amener à charger si violemment les Tirailleurs sénégalais ? Cette balle perdue partie d’une langue fourchue a fini d’installer un gros malaise.
Malaise à la hauteur de tout le travail de devoir de mémoire que des générations d’historiens sénégalais et étrangers ont abattu depuis toutes ces années, couronné par la cérémonie d’hommage d’une grande solennité voulue par le président de la République le 1er décembre passé, à l’occasion du 80e anniversaire de ce triste événement. Que cherche l’auteur de cette inacceptable sortie en jetant un pavé… dans la mémoire, éclaboussant ainsi tout un narratif mémoriel par des raccourcis désinvoltes, des confusions malheureuses et des amalgames regrettables ?
Aurait-il fait cette déclaration en d’autres temps, comme il en a fait par le passé avec son lot de polémiques, que personne ne trouverait à redire. Mais là, c’est drapé du manteau de ministre-conseiller, qu’il a fait cette sortie.
Voudrait-il gêner aux entournures le chef de l’État qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Lorsqu’on occupe certains postes de responsabilité au plus haut sommet de l’État, la logique voudrait qu’on ne fasse rien qui puisse mettre mal à l’aise celui par la volonté de qui on occupe ce poste. Et si on tient tant à exprimer des opinions allant à rebours des positions du chef, la sagesse recommande de rendre le tablier. Mais c’est peut-être trop demander à quelqu’un qui croit en ses propres billevesées. Aujourd’hui, la seule question que l’on peut se poser est celle-ci : à quand la prochaine sortie de piste ?
Qui sait, peut-être que la glissade nous mènera jusqu’à l’endroit où sont cachées les têtes d’ogives nucléaires après qu’il nous a appris que Yaya Jammeh en détenait trois valises.
par Aoua Bocar Ly-Tall
LA HAUTE TRAHISON DE CHEIKH OUMAR DIAGNE
EXCLUSIF SENEPLUS - C'est à un travail de sape de tous les efforts, de toutes les énergies intellectuelles et matérielles que vient de se livrer M. Diagne. C'est à se demander d'ailleurs qui de lui et des "Tirailleurs sénégalais" est traitre
Très souvent, quand Monsieur Cheikh Oumar Diagne ouvre la bouche, il en sort des propos intempestifs, peu réfléchis et infondés qui soulèvent indignation, tristesse et colère des gens. « Parlez de moi en bien ou parler de moi en mal, mais PARLEZ DE MOI », semble être la devise de Monsieur Diagne. Il vient encore d'atteindre cet objectif en ce 24 décembre 2024 en affirmant que : "Les tirailleurs sénégalais sont des Traites." Voilà une affirmation basée sur une complète ignorance du contexte historique de la participation de ces combattants Africains à la libération de la France du Nazisme dénommés "Tirailleurs sénégalais" même s'ils ne venaient pas uniquement du Sénégal mais de dix et sept (17) pays d'Afrique subsaharienne. Ce, sans compter ceux qui venaient des pays frères de l'Afrique du Nord. Notons en passant que ce massacre d'anciens combattants Africains contre l’Allemagne Nazie a également eu lieu en Algérie, dans la ville de Séti, le 8 mai 1945.
Monsieur Oumar Diagne semble ignorer que le recrutement de ces Africains s’opérait dans un contexte de domination coloniale où le colonisé n'avait pas son mot à dire sur les décisions du colonisateur. Comme vient de le rappeler l'historien Maodo Ba, lui-même petit-fils d'un "Tirailleurs sénégalais": «...les non-conscrits sont des indigènes recrutés de force dans les colonies de l’AOF et de l’AEF durant la Première Guerre comme la Seconde Guerre mondiale.» Pire encore : « Des villages entiers ont été rayés surtout dans l’AOF pour obliger les indigènes réfractaires à se mobiliser dans l’armée française », dit-il. (Cf.: DakarMatin / Matar Cissé, 24/12/24). Donc, le recruté n'avait pas le choix d’aller combattre ou pas.
C'est face à l'enlisement et les immenses pertes de l’armée française surtout à la bataille de la Marne en 1914 que la France s'est tournée vers son empire colonial. Ce faisant, elle se lança quelque fois avec violence dans des opérations de recrutement de combattants en Afrique tant de l'Ouest que du Nord. C'est donc fondamentalement faux, quand monsieur Oumar Diagne soutient que les "Tirailleurs sénégalais" se battaient pour de l'argent. Dans son ignorance, il les assimile à des mercenaires. Or, ceux-ci négocient dès le départ les services qu'ils vont fournir et leurs rémunérations.
Alors que les soldats Africains ne savaient ni ce qui les attendait en France, ni s'ils allaient être payés au terme de leur participation à cette guerre des blancs. C'est en voyant au moment de la démobilisation leurs collègues français percevoir des primes de guerre, qu'ils ont réclamé leur part vu qu'ils avaient combattu avec eux sur les mêmes champs de bataille, vécu les mêmes souffrances, opéré la même résistance et gagné ensemble la guerre de libération de la France. D'ailleurs, beaucoup de soldats français et de citoyen-e-s des villes libérées par l'armée africaine ont soutenu et soutiennent encore les revendications de ces vaillants soldats Africains. Notons qu’ils n'étaient pas non plus intellectuellement des abrutis. Ils avaient beaucoup appris des us et coutumes des Occidentaux et y faisaient face avec intelligence.
En outre, les affirmations de Monsieur Diagne constituent une offense non seulement à la mémoire des "Tirailleurs sénégalais" et à leurs descendant-e-s, mais aussi à toutes les générations d'Africain-e-s qui se sont engagés dans la lutte contre l'oubli du massacre de Thiaroye 44, et, pour que justice leur soit rendue. De même, Monsieur Diagne insulte l'intelligence de générations de poètes, de cinéastes, de documentalistes, d'écrivains, d'artistes, d'historiens, d'experts dans divers domaines et celle des autorités politiques qui se sont engagés avec force et détermination pour la cause de ces "Tirailleurs sénégalais" qui dit-il, sont des traites. Il est l'unique être intelligent à comprendre que c'était pour des traîtres que tout ce beau monde exigeait durant des décennies la reconnaissance de leur massacre et sa réparation.
Quand ces propos offensants viennent au lendemain de la brillante commémoration du 80ème anniversaire du massacre de Thiaroye organisée par l'État du Sénégal en présence d'invités de marque, de la Diaspora africaine en Europe et en Amérique et la participation du peuple sénégalais, cet acte est gravissime, c'est une haute trahison.
C'est à un travail de sape de tous les efforts, de toutes les énergies intellectuelles et matérielles que vient de se livrer M. Diagne. C'est une haute trahison avant tout vis-à-vis de son employeur notamment, le chef de l'État du Sénégal. C'est à se demander d'ailleurs entre les "Tirailleurs sénégalais" et Monsieur Oumar Diagne, qui est traitre.
C'est d'autant plus dommage que cette trahison vient d'un homme haut perché à la présidence de la République du Sénégal dirigée par un leader de l'âge du massacre c'est-à-dire 44 ans qui avait su de concert avec son Premier ministre qui avait tapé son poing sur la table en disant au président de la France : «Ce n'est pas à vous de déterminer unilatéralement le nombre de tirailleurs morts pour la France » et qui, ensemble, avaient organisé admirablement en cette année 2024, la commémoration du massacre de Thiaroye 44.
Il est vraiment temps de mettre fin aux multiples bévues de Monsieur Diagne, surtout en tant que membre de l'État sénégalais. Car, il vient d'arroser le Sénégal de honte et d'enlever à ses dirigeants et à son peuple toute la joie et toute la fierté qu'ils/elles avaient tiré de cette magnifique commémoration de Thiaroye 44 au point que le président de la France reconnaisse enfin : "QUE OUI, À THIAROYE 1944, C'ÉTAIT UN MASSACRE."
Que les descendant-e-s des "Tirailleurs sénégalais" blessé-e-s par les propos offensants du ministre conseiller à la République du Sénégal, reçoivent ici toute ma solidarité.
Dre Ly-Tall Aoua Boca rest sociologue/analyste politique, chercheure & socio-historiographe.