LES RIVERAINS SE DRESSENT CONTRE UN MARABOUT, LA PROPRIETAIRE INITIALE BRANDIT UN TITRE DE PROPRIETE
Trois parties se disputent un site de 1 600 m² à Thiès

La tension qui est en train de couver au quartier Mbour 3 extension de Thiès est la preuve de la complexité des litiges fonciers au Sénégal. En effet, un site de 1 600 m2 oppose trois parties. Les riverains se sont opposés aux travaux qu’un marabout est sur le point d’entamer et pendant ce temps, la propriétaire initiale a brandi son titre de propriété.
« Un homme d’affaire, un marabout et une enseignante, trois attributaires pour un même site de 1 600 m2 », tel pourrait être le titre de l’épisode qui se déroule au quartier Mbour 3 Extension de Thiès. Et la quatrième partie dans cette affaire, ce sont les populations riveraines qui estiment que le site est destiné à un espace vert dans le plan cadastral et qu’il est hors de question d’en faire un autre usage. Il s’agit précisément d’une réserve foncière localisée dans le plan de morcellement du titre foncier n° 4220 de la ville de Thiès, entouré des lots 119, 125, 127, 129, 121 et 122.
Selon Yankhoba Diémé, membre du collectif des citoyens intègres issus des quartiers Mbour 3, Mbour 4, FAHU, Sud-Stade, c’est un espace vert situé sur la route nationale, après le Stade Lat-Dior, en allant vers l’autoroute à péage, juste en face de l’antenne émetteur de Thiès et centre gériatrique en cours de construction. Il y a un an et demi, le site avait été attribué à deux personnes différentes, chacune revendiquant ses droits de propriété. Il s’agit d’Abdou Coumba Diop qui nourrissait l’ambition d’y ériger une station d’essence. D’ailleurs il était prêt à construire sur une moitié et aménager un espace vert sur l’autre et le dédier aux riverains. Cette offre a été rejetée mais curieusement, une autre personne, en l’occurrence un marabout, s’est présentée pour revendiquer la propriété avec la ferme intention d’y construire un institut islamique.
Selon lui, les populations lui ont également opposé un niet catégorique, d’autant plus que depuis le lycée Malick Sy jusqu’à la sortie vers l’autorité à péage, il n’existe aucun espace vert, un aménagement pourtant important dans le cadre de vie des populations. Tous les espaces qui existaient ont été morcelés, mais les populations de Mbour 3 extension sont déterminées à sauvegarder le leur.
A l’en croire, les populations sont dans ce combat depuis plus de deux ans mais le samedi, le marabout en question a débarqué, accompagné de forces de l’ordre. Il a fait détruire le banc public que les riverains avaient construit, avant de procéder à l’abattage des arbres situés dans l’espace. Il renseigne que toutes les autorités ont été informées de cette nouvelle donne, mais il n’y a eu aucune réaction de leur part. Yankhoba Diémé affirme que le marabout en question a clairement exprimé son intention de ne jamais reculer dans l’exploitation de ce site. Et de poursuivre : « Les populations restent également mobilisées et déterminées à défendre leur espace vert ».
Pour l’ex-juge Ibrahima Hamidou Dème, porte-parole des habitants de Mbour 3 et Mbour 4, depuis quelques années, cet espace vert est la proie des prédateurs fonciers qui ne lâchent pas, et qui sont en train de vouloir le récupérer coûte que coûte. Evidemment, dit-il, les populations se sont dressées pour défendre leur espace de vie. Il ajoute : « Ce qui se passe à Thiès est inacceptable ; ces nouveaux quartiers n’ont plus d’espaces verts, c’estle seul qui reste dans cette zone. Il faudrait que l’urbanisme explique si les espaces verts ne sont plus pris en compte dans les plans. Nous sommes dans un désespoir total, dans la mesure où il n’y a plus aucun recours. Nous avons saisi les autorités administratives, les autorités locales et elles savent bien ce qui se passe ici car le combat dure depuis plusieurs années. Les autorités judiciaires ont également été saisies en l’occurrence la Direction de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation des Sols (DESCOS), la gendarmerie, le Procureur de la République, mais qui n’ont également fait aucune réaction. Il y a des arbres cinquantenaires qui ont été abattus, pour la simple raison que ce bien public a été donné à un seul individu, au détriment de toute la collectivité. Notre seul recours, c’est de nous adresser à l’opinion publique, pour dire que les droits des citoyens sont violés, leur droit à un espace de vie, leur droit à un espace vert, le droit à leur bien commun et aucune autorité n’a réagi, si elles ne se sont pas liguées pour soutenir le personne qui est venue arracher ce bien commun. » D’ailleurs pour asseoir leur revendication, les populations ont toujours fait état de la circulaire du ministre de l’Intérieur, en date du 24 octobre 2008, stipulant « de multiples cas de détournement d’objectif, portant sur des terrains destinés à des lotissements, à des espaces verts ou des équipements collectifs et qui seraient en réalité utilisés à des fins autres que leur destination initiale ».
En tout cas, les populations riveraines ont dit à qui veut les entendre, qu’il n’est pas question de laisser poursuivre les travaux car au-delà d’être une aire de jeu pour les enfants, l’espace constitue un poumon vert pour les maisons environnantes.
MME SAMB FATIM GUEYE DITE MERE TERESA «LE TERRAIN M’APPARTIENT, IL M’A ETE ATTRIBUE GRACE AU PRESIDENT ABDOU DIOUF»
Au moment où les populations riveraines se dressent contre le marabout en question, Mme SAMB Fatim Guèye dite Mère Teresa, surveillante au Lycée Malick Sy, à la retraite, a aussi brandi des papiers administratifs pour revendiquer la propriété du site en question. « Le terrain m’appartient, il m’a été attribué grâce au Président Abdou Diouf » soutient-elle, avant de poursuivre : « J’ai connu le Président Abdou Diouf à Saint-Louis en 1981, alors que mon mari était l’Inspecteur Régional de l’enseignement. C’est ainsi que je lui ai fait part de mon vœu par voie épistolaire, d’avoir un terrain à Thiès pour la construction d’un complexe scolaire. Il a répondu par lettre en date du 2 juin 1993 pour m’annoncer que la demande a été répercutée au Gouverneur de la Région de Thiès. Il m’a également mise en rapport avec Ousmane Tanor Dieng Ministre d’Etat, Ministre des Services et Affaires Présidentielles, qui m’a saisi par courrier le 26 mars 1998, pour me dire que le dossier est répercuté au Gouverneur de la région de l’époque, aux fins d’un examen en relation avec les collectivités à la base, pour voir ce qui est possible de faire pour en donner une suite favorable.
Après que tous les services ont mis leur visa, le Préfet d’alors du département de Thiès m’a délivré une autorisation d’occupation dudit site le 9 août 1999, pour les besoins de l’édification d’un groupe scolaire. Sur la base de ces papiers administratifs, une demande de bail a été introduite et déposée auprès du Receveur des Domaines de Thiès le 24 juillet 2012, sous le numéro 4220, portant sur le site de 1 600 m².Quand j’ai voulu commencer mes travaux, des riverains s’y sont opposés avec des jets de pierres. Un jour, alors que j’étais en route vers Dakar, quelqu’un m’a appelée au téléphone pour me dire que le terrain a été attribué à deux gros bonnets. Que ceux à qui il est attribué se le tiennent pour dit, ce terrain m’appartient, je suis la propriétaire légitime.